20.5 C
Yaounde
jeudi, décembre 26, 2024
Home Blog Page 11

Education et mondialisation : une histoire d’innovations controversées au tournant des années 1960-1970

0

Examinons quelques faits saillants : les innovations les plus hardies comme les plus controversées en pédagogie de ces dernières décennies portent quelques dates clés. Mai 68, les années 70… La date de mai 68 s’inscrit comme un point de rupture, d’une certaine manière. La fin des années 60 marque l’apogée de ce qu’on a appelé les « trente glorieuses » (1945-1975), période au cours de laquelle le capitalisme triomphant pense pouvoir s’autoriser tous les excès à la périphérie mais également au centre. Le fordisme a développé la société de consommation et l’establishment pense que la satisfaction des besoins matériels à travers une consommation effrénée peut non seulement entretenir indéfiniment la production et la croissance, mais acheter la paix sociale au centre et donner les moyens de contenir la périphérie. Mai 68 ne fut pas seulement un mouvement français mais un large mouvement de contestation des « valeurs » d’une certaine mondialisation dans la plupart des pays industrialisés : printemps de Prague en Tchécoslovaquie, manifestation contre la guerre du Vietnam aux Etats-Unis, soulèvement de mai en Italie… Au centre de ces soulèvements, les jeunes et l’éducation,- les ouvriers suivirent le mouvement par la suite – et cela permet de comprendre les évolutions qui seront celles de l’éducation post mai 68.

La grande industrie qui produit les trente glorieuses applique le fordisme et le taylorisme, et formate donc durablement une importante fraction de la société des pays industrialisés à la consommation mais aussi à la soumission. Cette époque de prospérité toute relative quoi qu’on en ait dit – En France en 1966, les salaires des travailleurs étaient très bas, les semaines de travail très longues (jusqu’à 52 heures dans certaines branches !) – aura plusieurs conséquences dont deux significatives : le baby boom, d’une part, et la généralisation de la scolarisation d’autre part. Ainsi, contrairement aux années 30 où l’éducation était l’affaire d’une classe de privilégiés, les années 40 à 60 voient la mise en œuvre de l’éducation de masse. Une nouvelle génération, plus nombreuse, ayant reçu une meilleure éducation, va émerger comme une force politique. Le sociologue Marc Jacquemain la présente comme : « Une importante génération, beaucoup mieux éduquée, socialisée au cours d’une très longue période de paix mondiale (aux Etats-Unis et en Europe), élevée dans une période de progrès continue et de croissance économique soutenue et jouissant d’un confortable niveau de vie »[1]. Cette nouvelle force politique, ayant potentiellement une assise mondiale[2], qui conteste l’autorité mais surtout le modèle social établi a de quoi inquiéter. Parmi les causes de mai 68, l’éducation aura sans doute été identifiée comme la plus importante.

Au lendemain de ces événements, une volonté de reprise en main se fait jour et se met à l’œuvre. Preuve que les événements de 68 n’avaient pas été analysés comme une révolution franco-française mais comme une attaque contre le capitalisme mondialisé, la riposte sera mondialisée.

Benoît Verhaegen recense un impressionnant nombre de prises de position au niveau mondial qui remettent en question à partir de 1972 la relation positive entre développement de l’Education et développement en particulier, croissance en général. Comme il le remarque judicieusement, « La concentration de leur parution en une seule année, 1972, paraît indiquer un tournant dans les politiques d’Education dans le monde. »[3] Un an avant, en 1971, Ivan Illich a fait paraître son livre Une société sans école, dans lequel il prône la déscolarisation de la société, l’école étant coupable à ses yeux de polluer la société industrielle et de nuire à l’éducation. Revenons aux prises de position mentionnées ci-dessus.

Benoît Verhaegen retient de celles-ci cinq, trois au niveau mondial et deux au niveau africain : le colloque de villa Serbelloni de mai 1972 organisé à l’initiative des Fondations Ford et Rockefeller, l’enquête de l’Unesco dont les résultats furent publiés dans l’ouvrage collectif édité en 1972 par Edgar Faure : Apprendre à être, le numéro spécial de la revue Tiers Monde, Education et Développement (janvier-mars 1972), l’ouvrage de D. Najman, l’Education en Afrique : que faire ? édité également en 1972, et la conférence de Lomé des pays africains francophones en mai 1972. Un véritable tir groupé.

Au cours du colloque de villa serbelloni, trois importantes communications sont données par F. H. Cardoso, « Industrialisation, dépendance et pouvoir en Amérique latine », R. M. Miller, « La signification du développement et ses conséquences sur l’Education », et J. Ki-Zerbo, « Education et développement ». Pour le premier, l’éducation tend à renforcer les inégalités sociales parce qu’elle est un facteur de promotion sociale étroitement contrôlé par l’élite. Pour le second, elle est responsable de la prolifération des emplois improductifs qui risquent de paralyser la poursuite du progrès technique et la modernisation du procès de production. Quant à Ki-Zerbo, il affirme que dans les pays sous-développés, l’école est « un facteur actif de sous-développement ». Il n’est pas anodin que les bailleurs de fonds du colloque de

villa Serbelloni aient été les Fondations Ford et Rockefeller.

Quant au rapport de la commission internationale de l’UNESCO pour le développement publié sous le titre : « Apprendre à être », il donne une caution internationale au projet de globalisation des politiques éducatives, se conformant de ce fait à son objet qui était de produire « une réflexion sur les stratégies de l’Education à l’échelon international ». Dans un monde où l’économie est globalisée et le politique cloisonné, globaliser l’éducation revient à la faire échapper aux Etats pour tomber sous le contrôle du marché. Les autres prises de position anticipent ou confortent ces deux premières. A titre d’exemple, une bonne partie des mesures et propositions de Najman seront reprises dans le rapport « Apprendre à être » susmentionné. La conférence de Lomé se distingue par une franchise brutale : « Il importe tout d’abord d’arrêter le développement scolaire… Ne plus créer d’écoles où il n’en existe pas ! » Objectif, remettre tous les jeunes au travail et leur assurer des formations sur le tas.

Mai 68 aura donc produit des conséquences contradictoires dans le domaine de l’éducation : d’un côté il aura ouvert l’école à nombre de réformes jusque-là impensables, de l’autre, il aura permis à l’hégémonie marchande mondiale de prendre conscience d’un certain risque et d’organiser à long terme sa riposte.

Eduquer pour une mondialisation humaniste, L’Harmattan, 2015, pp.64-68

 

[1] Marc Jacquemain, “May ‘68: how a sociologist sees it now”, in reflexions.ulg.ac.b, 2007, traduit par nous-même.

[2] Les contestataires de mai 68 rejetaient en bloc la société de consommation, l’impérialisme (notamment celui des Américains au Vietnam), la politique nucléaire (d’où la naissance subséquente des mouvements écologistes), la rigidité des pouvoirs en général.

[3] Benoît Verhaegen, « L’enseignement contre le développement », Ethiopiques numéro 10, avril 1977.

Education et mondialisation 5 : de l’APO à l’APC, qu’est-ce qui a changé pour quel objectif ?

0

Au plan des réformes, il faut dire que jusque-là, le modèle pédagogique en vigueur est la pédagogie par les objectifs (APO). Historiquement, cette pédagogie a pour fondateur Ralph Tyler (1935). Elle est née à une époque où le taylorisme s’accompagnait du behaviorisme, et visait une organisation scientifique des tâches pour atteindre des objectifs quantifiables et observables. Son but était d’adapter l’homme aux besoins et valeurs du marché et non élever son niveau de conscience. En effet, elle coupe la formation du contexte social de l’apprenant, élimine les valeurs humaines au profit d’un cadre dit rationnel, morcelle les apprentissages et les cloisonne, ce qui leur enlève toute signification. Ce lien entre l’APO et le taylorisme d’une part exprime le lien entre le modèle d’éducation en vigueur (et qui, bien que remis en question par les événements de mai 68, sera généralisé en Europe surtout dans les années 70, ce qui fera douter de la positivité des retombées de mai 68) avec le capitalisme industriel, et d’autre part permet de remonter aux sources de la contestation de ces années-là.

Avec l’APO, l’école devient une entreprise, une école usine (entreprise de formation et d’éducation comme l’appelle Gérald Boutin) chargée de formater les élèves pour en faire des produits aisément absorbables par la société mondialisée de consommation. Qu’en est-il de l’APC ?

Le courant de l’approche par compétences est, comme l’approche par les objectifs, issu du taylorisme et de l’organisation du travail[1]. A la différence de l’APO, elle tient compte des critiques et propositions formulées par le courant de l’école nouvelle contre l’école dite traditionnelle, et qui englobent l’APO. C’est en cela que l’APC apparaît comme un coup de génie. L’histoire retient que dans les années 1920, Dewey insistait sur la part de l’initiative de l’élève dans son apprentissage et ne ménageait pas ses critiques contre l’enseignement magistral et l’autoritarisme de l’école traditionnelle. Le mot d’ordre était alors à la centration de l’éducation sur l’élève plutôt que sur la matière ou l’enseignant. Au contraire, l’APO avait au moins un double défaut : elle prêtait le flan à la critique par ses méthodes peu participatives et, enseignant des savoirs, pouvait être tenue pour responsable de la culture de contestation que développait la jeunesse. Deux défauts que l’APC va tenter de corriger.

La coïncidence qui veut que l’approche par compétences envahit le système éducatif américain justement à la fin des années 60 (à peu près au moment des événements de mai 68) parle d’elle-même. Mais la concomitance ou la successivité ne suffisent pas à établir une relation de cause à effet, comme l’a si bien démontré David Hume. Le modèle éducatif en vigueur à cette époque-là était la cible à la fois des pédagogues et des intellectuels. Ce propos d’Ivan Illich résume assez bien ces critiques : « L’école obligatoire, la scolarité prolongée, la course aux diplômes sont autant de faux progrès. Dévotions rituelles où la société de consommation se rend à elle-même son propre culte, où elle produit des élèves dociles prêts à obéir aux institutions, à consommer des programmes tous faits préparés par des autorités supposées compétentes. À tout cela il faut substituer une véritable éducation qui prépare à la vie dans la vie, qui donne le goût d’inventer et d’expérimenter. Il faut libérer la jeunesse de cette longue gestation scolaire qui la conforme au modèle officiel. »

La mise en œuvre de l’APC permettait ainsi de faire d’une pierre deux coups. Elle calmait la contestation des pédagogues en leur cédant sur un point qu’ils étaient susceptibles de considérer comme fondamental – l’APC centre le processus d’éducation sur l’apprenant – mais vidait l’éducation de son potentiel de contestation en évacuant des programmes les contenus au profit des compétences. Selon le sociologue suisse Perrenoud (1998), le langage faussement familier de l’approche par compétences conduit à sous-estimer l’ampleur du changement de perspective qui en découle et qui appelle à une reconstruction complète des dispositifs et des démarches de formation. Il s’agit là d’une invite à interroger profondément les fondements philosophiques et idéologiques de cette approche avant de l’adopter, contrairement à ce que font nos pouvoirs politiques.

L’APC cumule deux courants de pensée : le constructivisme (ou le socioconstructivisme) et le behaviorisme. Le constructivisme descend en droite ligne du rationalisme socratique en passant par le cartésianisme et le structuralisme. Le behaviorisme quant à lui est héritière de l’empirisme aristotélicien enrichi des apports de l’empirisme anglais des XVIIe et XVIIIe siècles (Locke et Hume) ainsi du positivisme français du XIXe siècle (Auguste Comte et Claude Bernard). Les deux approches s’opposent et comme l’on sait, le constructivisme s’est élaboré par opposition au behaviorisme. Tandis que ce dernier croit en l’objectivité de la connaissance, le premier ne la conçoit pas autrement que subjective, construite par le sujet connaissant. Du behaviorisme, l’APC retiendra surtout l’aspect « comportements observables et mesurables ». Puisque la connaissance est subjective, et que c’est chaque sujet qui construit la sienne, il devient logique de centrer l’éducation non plus sur l’enseignement (il n’y a théoriquement plus grand-chose à enseigner) mais sur l’apprentissage, et puisque l’efficacité du processus se mesure en terme de comportements observables et mesurables, il faut passer des savoirs (immatériels donc non quantifiables et non observables) aux savoir-faire. Rationalisme et empirisme sont toutefois les deux mamelles qui ont nourri la mondialisation bourgeoise et industrielle dès la fin du XVIIIe siècle. Le parti pris de cette mondialisation contre la culture ou pour une culture marchandisable lui est reproché depuis longtemps déjà. Il est vrai, aucune réforme de l’éducation ne sera jamais une panacée. Il faut cependant, comme le fait Gerald Boutin, attirer l’attention sur les dangers qu’il y aurait à adopter de façon inconditionnelle l’approche par compétences. Dans un ouvrage intitulé L’Enseignement de l’ignorance et ses conséquences modernes[2], Jean-Claude Michéa développe la théorie selon laquelle l’on est passé d’un enseignement tournée vers la culture générale et l’émancipation intellectuelle du citoyen à une formation préparant l’individu à la compétition économique du XXIe siècle. D’autres critiques pensent, comme l’écrit Gérald Boutin, que l’usage abusif de l’APC conduit inévitablement à une société fermée, dominée par un groupuscule de « spécialistes ès compétences » dont l’ambition véritable est de modifier les comportements observables de leurs semblables. Ces critiques sont-elles extrêmes ? Certains le pensent. La globalisation des systèmes éducatifs, conjuguée à l’uniformisation des contenus et des méthodes d’enseignement, représente une réelle menace pour la richesse et la diversité de nos sociétés. Le programme PISA (Program for International Student Assessment) conçu par l’OCDE et qui a fait le choix des compétences/capacités parce que, prétend-on, c’est la seule solution pour comparer les acquis des élèves de différents pays qui ne suivent pas les mêmes programmes, est en train d’organiser indirectement une course à l’uniformisation entre les Etats. Et désormais, c’est à qui pourra figurer dans les meilleures places d’un classement d’ores et déjà mondialisé.

Eduquer pour une mondialisation humaniste, L’Harmattan, 2015, pp.68-72

 

[1] Il est intéressant de noter que, comme dans l’industrie du début du XXe siècle, l’APC combine constructivisme (théorie rationaliste) et le behaviorisme (théorie du comportement).

[2] Jean-Claude Michéa, L’Enseignement de l’ignorance et ses conséquences modernes, Climat, 2006

Education et mondialisation : une école des savoirs ou seulement des savoir-faire ?

0

Examinons la seconde question : école des savoirs ou seulement des savoir-faire ? Des savoirs pour quoi faire ? Se demande-t-on de plus en plus. Car voyez-vous, le plus important aujourd’hui, c’est d’être pratique. Rien à voir avec le fameux honnête homme classique. A l’heure du chômage de masse, il n’y a pas de préoccupation plus légitime. Et d’ailleurs, c’est quoi, les savoirs ? La question peut sembler saugrenue. Les savoirs ne sont rien de plus que des avoirs immatériels. Pour le Grand Robert de la langue française, un savoir est un « Avoir présent à l’esprit (un objet de pensée qu’on identifie et qu’on tient pour réel) ». Une opposition entre savoir et connaître permet de faire du chemin supplémentaire : « Le verbe savoir admet peu de compléments substantifs, par rapport à connaître; ces compléments désignent en général des caractères abstraits (savoir les circonstances, les particularités de…) ou des signes (savoir une nouvelle). Cependant, même dans ces emplois, savoir est marqué par rapport à connaître, et l’usage courant construit ce verbe avec des compléments indéterminés (savoir quelque chose, savoir une chose), démonstratifs, indéfinis » dit le Grand Robert de la langue française. Remontons ci-dessus pour retrouver ce « tenir pour réel ». Cette expression oppose d’emblée savoir et avoir, au détriment du savoir. Le savoir ne serait qu’un avoir imaginaire, de substitution.

Ce que nous avons de plus précieux, de plus cher, peut-on légitimement se demander, est-il matériel ? Il y aurait beaucoup à discuter sur le sujet. Nos sentiments ne sont point des idées, ils sont liés à nos sens par la sensation. On peut douter de la réalité de l’amour, mais on doute rarement de celle de la joie ou de la colère. Mais la représentation que l’on se fait de ces sentiments devient idée et par conséquent objet de savoir. A l’idée de l’amour, on peut préférer l’amour même, et vice versa.

Certains savoirs sont connectés au réel par le biais del’action. Ils sont de ce fait récupérés et mis au service de l’action, et deviennent des savoir-faire. D’autres se cantonnent dans le domaine de la jouissance intellectuelle et, à la limite, éloignent de l’action, divertissent. Ils ne sont alors intéressants que lorsque leurs retombées sont commercialisables, marchandisables. Ces savoirs-là sont au service d’autres savoirs, donc coupés du concret. On ne peut pas ne pas penser à Proust, qui parlait de « la culture désintéressée, qui leur paraît comique passe-temps d’oisifs ». D. Roustan cependant met, comme l’on dit, les points sur les i : « Le savoir, dit-il, est la condition nécessaire de la culture, il n’en est pas la condition suffisante […] C’est surtout à la qualité de l’esprit que l’on songe quand on prononce le mot culture, à la qualité du jugement, du sentiment. »[1]. Mais de quoi cette qualité résulte-t-elle ? Et si les savoirs sont sans intérêt, la culture l’est aussi. Parce que sans la culture, tous les savoirs disparaitraient dans les abîmes de l’oubli.

Certains ont pensé et pensent encore que la culture n’est qu’une préoccupation bourgeoise. Antonin Artaud nous le rappelle lorsqu’il écrit : « Avant d’en revenir à la culture je considère que le monde a faim, et qu’il ne se soucie pas de la culture; et que c’est artificiellement que l’on veut ramener vers la culture des pensées qui ne sont tournées que vers la faim. »[2] Il faudrait rappeler à tous ceux qui pensent comme A. Artaud que le monde produit plus que ce qu’il faudrait pour nourrir toutes les bouches de la planète, mais que la gestion marchande de cette production fait que des centaines de millions d’individus continuent à mourir de faim ou à souffrir de malnutrition. On retrouve là en tout cas des théories marquées aux extrêmes, comme celle de la pyramide des besoins de Maslow. La qualité est-elle à ce point dépendante de la quantité ? Je ne le pense pas. Tuer l’école des savoirs, au nom d’une quête effrénée de l’efficacité pratique, c’est de ce fait tuer l’école de la culture, donc de la qualité. Comme le martèle Jean-Paul Brighelli, « Le remplacement de la transmission de connaissances par l’évaluation de compétences revient à mettre à mort la culture classique – à commencer par la maîtrise de la langue. À qui s’étonnerait que les enfants et les adolescents maîtrisent désormais de façon fort aléatoire les codes du français, à commencer par l’orthographe, si discriminatoire, les pédagos rétorqueront qu’il ne faut pas s’arcbouter sur des codes bourgeois désormais dépassés.»[3]Y aurait-il un complot contre la culture ? Et pourquoi ?

Eduquer pour une mondialisation humaniste, L’Harmattan, 2015, pp.48-50

 

[1] D. Roustan, la Culture au cours de la vie, p. 15, in Lalande, cité par Le Grand Robert de la langue française.

[2] A. Artaud, Le Théâtre et son double, Idées/Gallimard, 1938, p. 9.

[3] Jean-Paul Brighelli, « Comment les pédagogistes ont tué l’école. », in Le Point du 28 novembre 2014.

Quelle école aujourd’hui pour la société de demain : une école des valeurs ou une école de la solidarité nationale ?

0

La mondialisation est peut-être une fatalité, mais sa forme ne l’est pas, ne l’a jamais été. C’est en cela que, plus qu’un contenu, la mondialisation est une forme, un mode d’organisation et de gestion des contenus. La seule façon de choisir le monde dans lequel nous vivrons demain, c’est de choisir l’école à laquelle nous et nos enfants voulons aller aujourd’hui. Devra-t-elle être une école des valeurs, des savoirs, des savoir-faire ?

Commençons par le concept le plus ambigu : la valeur. Les valeurs sont-elles d’abord matérielles (le prix) avant d’être morales, spirituelles (mérite, distinction), ou vice versa ? Apparentée à la notion économique de prix, la valeur comme concept a animé un débat sur le thème du « juste prix » qui remonte à l’antiquité, notamment à Aristote. Prix fait penser à appréciation, estimation, sur la base de l’utilité, du travail incorporé, ou simplement de la rareté. La valorisation est-elle une affaire individuelle ou collective ? Pour Louis Lavelle, « La valeur est toujours une préférence objectivée et rectifiée. Cependant la préférence ne se change en valeur qu’à la condition de fonder le préféré sur le préférable. »28 Gabriel de Tarde pense que la valeur est l’accord d’un jugement subjectif avec d’autres jugements subjectifs, donc un consensus subjectif : « Elle (la valeur) est une qualité que nous attribuons aux choses, comme la couleur, mais qui, en réalité, comme la couleur n’existe qu’en nous, d’une vie toute subjective. Elle consiste dans l’accord des jugements collectifs que nous portons sur l’aptitude des objets à être plus ou moins, et par un plus ou moins grand nombre de personnes, crus, désirés ou goûtés. »[1]

On comprend pourquoi la question du juste prix a été un casse-tête de l’antiquité jusqu’à l’âge classique. Pour le coup, les économistes classiques ont opté pour la valeur du marché, c’est-à-dire quelque chose de fondamentalement instable et extrinsèque, dépendant des circonstances, notamment du rapport de l’offre à la demande. La valeur comme concept marchand est donc essentiellement relative et insaisissable. Le propos de Turgot nous éclaire bien sur cette perspective : « La valeur n’a d’autre mesure que la valeur : il n’y a point d’unité fondamentale donnée par la nature, il n’y a qu’une unité arbitraire et de convention.»[2]

Du point de vue philosophique et moral, la valeur est un jugement, une subjectivité mais qui veut se poser comme objective. Cette objectivation repose sur le principe selon lequel la valeur est reconnaissable comme telle par l’intelligence. D’un point de vue économique, la valeur échappe à l’individu et, au contraire, s’impose à lui depuis la place du marché. Philosophiquement et moralement, la valeur, même si elle peut exister objectivement, a besoin d’être reconnue subjectivement et pour cela sollicite l’intelligence de l’individu, c’est-à-dire sa liberté, son esprit critique. La valeur marchande contraint et abrutit donc, alors que la valeur morale libère et humanise. Est-ce pour autant qu’il faut rejeter l’une et ne retenir que l’autre ? On se retrouverait en face de la loi des équilibres rompus, avec le risque de voir le chaos déferler sur la société.

Eduquer pour une mondialisation humaniste, L’Harmattan, 2015, pp.46-47

[1] Louis Lavelle, Traité des valeurs, I, 523, in Foulquié. Louis Lavelle est philosophe français (1883-1951), métaphysicien, représentant de la philosophie de l’esprit.

[2] Gabriel de Tarde, Psychologie économique, t. I, p. 63.

La mondialisation marchande ultralibérale et l’éducation : les racines d’un projet

0

Cet agenda n’est pas nouveau. Il se trouve au coeur de la stratégie de l’ordre marchand depuis toujours. Il suffit de lire The Principle of Scientific Management (1911) de Frederick Winslow Taylor: analyse détaillée et rigoureuse des modes et techniques de production (gestes, rythmes, cadences…), établissement de la « meilleure façon » de produire (définition, délimitation et séquençage des tâches)… On dirait le programme d’une école d’ingénierie en robotique. Avec le déclin de la grande industrie en Occident et le boom du secteur tertiaire, ces principes ont été transcrits mutatis mutandis dans le néo-management. La mondialisation marchande est productiviste et pour réaliser toujours plus de gains de productivité, elle doit robotiser le travail, à moyen terme en robotisant le travailleur, à long terme en remplaçant ce dernier par des robots de plus en plus intelligents donc autonomes. D’où la nécessité de remplacer tout de suite l’éducation par le formatage.

A la fin du XIXe siècle, le cadre spatial de l’entreprise et temporel du travail limite la portée du formatage du travailleur. On se souvient du grand choc que cela fut pour le grand public lorsqu’il découvrit le phénomène en 1936 dans Les Temps modernes de Charlie Chaplin. Mais insatiable, la mondialisation néolibérale en veut toujours plus. Ses maîtres-mots sont vision, mission, valeurs, engagement, mobilisation, prospective, réseau, coopération, actions, résultats… Mais cette volonté de marchandisation-subordination du travail se heurte encore et toujours à une part irréductible d’autonomie que le travailleur conserve malgré la dictature de la rationalité sous laquelle il opère, malgré le contrôle des horaires, le principe de rentabilisation mis en avant même dans le secteur public, le quadrillage des services par une armada de petits chefs et sous-chefs… Comment vaincre cette part d’homme, d’autonomie qui persiste au fond du travailleur, et en faire enfin l’homme-robot idéal pour la production marchande ? D’une part en installant en douceur le robot dans l’imaginaire collectif (par le biais du cinéma) pour mieux préparer le terrain de son atterrissage social. Ainsi, le robot domestique, serviable, humanoïde bonhomme de compagnie (il est souvent la réplique de personnages de dessins animés), contribue progressivement à évacuer ces peurs tapies dans le subconscient et prépare à l’indispensabilité, d’abord domestique puis générale des robots. D’autre part et transitoirement, l’idée est née de s’en prendre à l’école.

« Les évolutions des systèmes éducatifs en Europe (Souto Lopez, à paraître ; Maroy, 2010) montrent que ceux-ci sont caractérisés par une intégration progressive du modèle managérial et par une soumission croissante aux impératifs du marché de l’emploi », écrivent Philippe Hambye, Vincent Mariscal et Jean-Louis Siroux.26 La mondialisation néolibérale s’est emparée de l’espace économique et détient les clés du coffre-fort ; elle contrôle désormais l’espace politique et s’assure que les lois sont à sa convenance ; elle tente de refaçonner l’homme par le biais des techniques du Taylorisme puis du néomanagement, dans l’espace dilaté de travail. Mais comme cela ne suffit pas et que l’ère des robots véritablement intelligents se fait attendre, elle est en train de prendre le contrôle de l’éducation.

 

Roger Kaffo Fokou, Eduquer pour une mondialisation humaniste, L’Harmattan, 2015, p.44

 

 

JOURNEE MONDIALE DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DOMESTIQUES: l’ASDAM et la Fondation Friedrich Ebert de Yaoundé à Djeuga Palace

0

Ce samedi 19 juin 2021 a été marqué au Cameroun par la célébration en grande pompe de la Journée Mondiale des travailleurs et travailleuses domestiques. Pour l’occasion, l’Association pour le développement des Assistantes de Maison (ASDAM), dirigée de main de maîtresse par Mme Claudine Mboudou, a convié un large public à l’hôtel Djeuga Palace de Yaoundé, avec l’assistance de la Fondation Friedrich Ebert de Yaoundé,.

Au menu, discours de sensibilisation, présentations suivies de débats, sketches, témoignages poignants, un véritable cocktail qui a édifié, amusé, ému, plu. On y a appris entre autres que les travailleurs et travailleuses domestiques représentent un effectif de plus de 120 000 personnes aujourd’hui, dont 78,7% de femmes. C’est sans doute pourquoi l’ASDAM tarde à corriger son sigle qui en est encore aux « Assistantes » de maison. On ne peut cependant s’empêcher de saluer l’énorme travail abattu jusqu’ici, dans l’encadrement, l’accompagnement, et surtout la formation certifiante mise en place en partenariat avec le MINEFOP. Grâce à tout cela, les travailleurs et travailleuses domestiques voient leur métier peu à peu gagner son droit de cité, se structurer, et partir à la conquête de sa respectabilité.

Il ressort des présentations du jour que les textes internes pour organiser cette profession sont toujours attendus, et qu’elle ne s’appuie pour l’instant que sur le droit conventionnel notamment la convention 189 de l’OIT et sa recommandation 201. Ces instruments ont été adoptés à la CIT de Genève en 2011 sous la présidence de Cameroun. On n’est donc pas peu surpris que notre pays n’ait pas toujours pensé à la ratifier. D’ailleurs pour faire bonne mesure, le ministre du travail et de la sécurité sociale, M. Grégoire Owona, attendu à la cérémonie, n’est pas venu et n’a pas daigné se faire représenter. Cela n’empêche évidemment pas qu’un pas a été fait ce 19 juin 2021 dans le sens de la défense et de la promotion des droits des travailleurs et travailleuses domestiques au Cameroun. Un exemple qui devrait inspirer le personnel de soutien à l’éducation (PSE) qui a célébré sa journée le 16 mai dans un silence total au Cameroun.

 

Journée mondiale des personnels de soutien à l’éducation 2021

0

L’Internationale de l’Éducation a établi la date du 16 mai comme une journée de reconnaissance des personnels de soutien à l’éducation (PSE). Cette journée, consacrée aux droits et au statut de ces travailleur∙euse∙s de l’éducation, a permis d’attirer l’attention de la communauté internationale sur le rôle essentiel joué par les PSE.

La crise du coronavirus a suscité la reconnaissance et le respect envers les travailleur∙euse∙s en première ligne qui ont pris des risques et travaillé sans relâche pour protéger la santé et assurer des services vitaux au milieu d’une pandémie mortelle. Parmi les travailleur∙euse∙s qui ont vu leur rôle et leur contribution placé∙e∙s sous les feux de la rampe et valorisé∙e∙s comme jamais auparavant, on trouve, notamment, les personnels de soutien à l’éducation (PSE). Il n’est, toutefois, pas certain que ce soutien se poursuive après la fin de la crise sanitaire.

Les PSE et la pandémie

Les PSE avaient peu de visibilité aux yeux du grand public avant la pandémie. Pourtant, les enseignant∙e∙s, les élèves et leurs familles ont toujours fait appel à leurs services. Quiconque est en contact avec les PSE dans les salles de classe, l’administration, les cantines, les bibliothèques scolaires, le nettoyage et la sécurité, l’entretien, le transport ou d’autres services scolaires, sait à quel point il∙elle∙s sont essentiel∙le∙s au bon fonctionnement des écoles et à une éducation de qualité.

Si les PSE ont toujours été essentiels à la création d’environnements d’apprentissage positifs et sûrs, ainsi qu’au bon fonctionnement des institutions éducatives, leurs contributions n’ont pas toujours été appréciées à leur juste valeur, y compris au sein des systèmes éducatifs. De fait, il arrive trop souvent qu’ils n’aient pas accès à une formation et à un développement de carrière de qualité, et qu’ils ne soient pas, non plus, consultés sur les enjeux qui ont une incidence sur leur profession.

Quand les écoles ont dû fermer leurs portes un peu partout dans le monde, ce sont les PSE qui ont distribué des repas aux élèves et aux familles, qui ont assuré la propreté et la sécurité des installations scolaires et qui ont travaillé inlassablement pour préserver la santé mentale des élèves. Ce sont aussi eux qui ont distribué les livres, installé les bornes WiFi et apporté leur soutien aux élèves dans le besoin.

Malheureusement, la vague de reconnaissance publique à l’égard des travailleur∙euse∙s en première ligne s’est rarement traduite par une amélioration de leur rémunération ou de leurs conditions de travail. Dans certains pays, des primes ont été instaurées à titre provisoire.

Cependant, un grand nombre de PSE ont continué à être surmenés et sous-payés. Certains avaient peu ou pas de sécurité d’emploi et travaillaient sous contrats précaires. Et dans certains pays, ils ont été mis à pied sans indemnisation lorsque les écoles et les universités ont dû fermer leurs portes.

Les PSE et la reprise

Dans une période postpandémique, la reprise dépendra des dépenses publiques supplémentaires affectées à la relance de l’économie et aux services publics qui ont été mis à rude épreuve par les crises sanitaire, économique et autres. Lorsque ces dépenses dépassent les budgets nationaux, il convient de faire preuve de solidarité pour faire avancer le monde ensemble.

De même que la disponibilité universelle des vaccins est indispensable à une reprise sanitaire mondiale, la solidarité internationale est la clé d’une reprise sociale et économique durable.

À mesure que les écoles reprennent les cours en présentiel, la disponibilité des PSE en nombre suffisant et dotés des outils nécessaires pour maintenir des niveaux d’assainissement appropriés est la clé d’une réouverture réussie.

Malheureusement, de nombreux gouvernements prévoient déjà des budgets stables ou réduits pour les services publics. Si d’aucuns reconnaissent la nécessité de stimuler les industries qui ont été touchées par la pandémie, ils semblent ignorer les contributions cruciales que l’éducation et les autres services publics apportent à la reprise, notamment sur le plan social et économique.

La privatisation et les partenariats public-privé (PPP) ont souvent été adoptés par les gouvernements en période d’austérité, bien qu’ils ne réduisent pas les coûts et n’améliorent pas la qualité. Dans le secteur de l’éducation, la privatisation, la commercialisation et les PPP ont pris de nombreuses formes : écoles privées et à but lucratif ; dépendance accrue à l’égard des entreprises privées en matière de politique ou de programmes d’études ; ou encore en ce qui concerne la conception et le fonctionnement des systèmes standardisés de test et d’évaluation. Les entreprises privées ont assumé certaines responsabilités en matière d’éducation, notamment par le biais de partenariats avec des entreprises EdTech, qui visent à la numérisation de l’enseignement. S’agissant des services d’éducation assurés par les PSE, cela s’est souvent traduit par la sous-traitance des prestations.

Les PSE et la privatisation

Durant la période d’austérité qui a suivi la crise économique et financière de 2008-2009, certains systèmes éducatifs ont sous-traité des services tels que restauration, transport, nettoyage et sécurité. Cette privatisation a souvent été encouragée par les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale.

Les entreprises privées qui fournissent ces services peuvent être locales, nationales ou multinationales. À titre d’exemple, la société française Sodexo gère des cantines et d’autres services alimentaires dans les secteurs privé et public. Selon son rapport annuel 2020, 19 % de ses revenus provenaient des écoles et des universités (pourcentage réduit cette année-là en raison des fermetures liées à la COVID).

Même lorsqu’ils travaillent pour des prestataires privés, les PSE continuent de faire partie intégrante de la communauté scolaire. Cette relation peut toutefois devenir plus ténue du fait de la sous-traitance.

En fonction des lois et pratiques nationales, les PSE peuvent ou non être en mesure de transférer leur emploi dans des entreprises privées. Les travailleur∙euse∙s des PSE peuvent ou non être couvert∙e∙s par les conventions collectives. Les conventions intégrant les PSE se concentrent surtout dans les secteurs de la restauration, des transports, du nettoyage et autres, plutôt que dans celui de l’éducation. Dans de nombreux cas, leurs liens avec les écoles peuvent être rompus s’il∙elle∙s sont réaffecté∙e∙s à un autre établissement.

Selon le secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, David Edwards, « pour les PSE, tout comme pour les travailleurs et travailleuses des autres secteurs de l’éducation, la reprise après la pandémie présente des opportunités mais aussi des dangers. Stimuler l’investissement dans les PSE peut contribuer à améliorer la portée et la qualité de l’éducation.

Les gouvernements doivent comprendre qu’une éducation de qualité nécessite des investissements. La sous-traitance de leurs responsabilités en matière d’enseignement public peut sembler être une solution économique, mais il ne s’agit pas d’un bon investissement. »

Pour favoriser des environnements d’apprentissage positifs et sûrs et garantir le bon fonctionnement des établissements éducatifs pour tou∙te∙s les élèves, il faut que les PSE soient soutenus, adéquatement rémunérés et indemnisés et habilités à défendre leur profession et leurs élèves.

 

EXAMENS TRUFFES DE FAUTES GRAVES : ne serait-ce pas le petit bout d’un immense iceberg totalement immergé ?

0

Après de nouvelles bavures insolites, une nième chasse aux sorcières est lancée. Plus les années passent, plus les frasques autour de l’organisation des examens s’accumulent. Après des erreurs récurrentes sur le fond, sur la forme et les fraudes à répétition dues aux fuites des épreuves ces dernières années, voici maintenant des « fautes » sur la structure même de l’épreuve et sur l’approche pédagogique qui sous-tend l’évaluation certificative. Ce qui est dénoncé ici, c’est qu’après 7 ans de scolarisation au secondaire sous le modèle de l’APC, les candidats au baccalauréat de la session 2021 ont été soumis à des épreuves conçues pour une pédagogie par objectif « dite » désormais obsolète. Cette fois encore, au lieu de se poser les bonnes questions, la communauté éducative se limite à se demander : « à qui la faute ? »

Sur ce point spécifique, rien de plus simple ! Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour établir les responsabilités. Devant ce mirage, il suffit juste de regarder soit du côté technique, soit du côté opérationnel de l’organisation des examens. En effet, les responsabilités techniques relatives aux épreuves d’examens sont à mettre à l’actif des Inspections de pédagogie conformément à l’article 8 du décret N°2012/267 du 11 Juin 2012 portant organisation du MINESEC, et les responsabilités opérationnelles au conseil des examens de l’Office du Baccalauréat du Cameroun, conformément à l’article 28 du décret N°2018/606 du 18 octobre 2018 portant réorganisation de l’OBC (pour cette fois, les Animateurs Pédagogiques sont hors de cause, ils ne sont plus nommés dans les établissements scolaires du Cameroun depuis quelques années). La réponse à la question de savoir si la banque des épreuves a été mise à jour conformément au changement de paradigme devrait rendre un verdict clair et sans appel à cette recherche de responsables. Si la réponse est oui, alors les responsabilités sont techniques, sinon, elles sont opérationnelles. Mais, de toutes les façons, la redevabilité (descendante et ascendante) face à cette situation incombe au MINESEC, Pr NALOVA. Que ce soit un acte de sabotage ou pas, les « faits » sont là ! Mais au lieu de se limiter à cela, il serait peut-être plus important de remarquer que l’Education dans notre pays est en train d’achever le processus de pourrissement de notre société qui désormais touche même le “Saint graal”.

« Une épreuve calquée sur le modèle de la PPO, devrait être du pain bénit pour les candidats ! »

Revenons au problème en question, lequel est-il ? Essayons d’analyser objectivement la question en expliquant la situation qui fait problème. Les motifs qui ont justifié le changement de paradigme qui a pris effet dans les enseignements secondaires dès 2014, qui se traduit par la migration de la Pédagogie Par Objectif (PPO), anciennement pratiquée avec une Approche Par Objectif (APO), pour la Pédagogie de l’Intégration (PI) pratiquée avec une Approche Par les Compétences (APC), étaient entre autres que :  les savoirs étaient fragmentés et donc non mobilisables par les apprenants, ils étaient principalement réduits au bas niveau dans la classification cognitiviste (déclaratifs et procéduraux), ils étaient décontextualisés et n’étaient pas enregistrés dans la mémoire à long terme de façon structurée (en schème ou en schémas mentaux), le taux d’échec était élevé et enfin et sans être exhaustif, l’éducation était incapable de former des citoyens compétents, capables de soutenir le développement du pays soit en créant de l’emploi, soit en répondant aux exigences du marché de l’emploi. Au niveau macro, disons que le motif était de répondre par cette réorientation pédagogique, aux manquements du système éducatif tant sur son efficacité interne qu’externe.

Alors, la pédagogie a décidé de s’employer à couvrir à la fois le champ des savoirs, des savoir-faire et des savoirs-être, en s’employant à construire à l’école des reflexes d’experts, des schémas mentaux, et des schèmes d’actions plus connues sous le nom de compétences. Il s’agissait d’ajouter une dimension à ce qui existait déjà : l’utilisation des ressources internes et externes (conceptions : savoirs, connaissances, méthodes, informations, façon de réfléchir, reflexes, culture…) pour résoudre un problème donné avec succès.  Durant toute la durée de la mise en place de cette pédagogie, les parents et la communauté éducative sont restés sourds aux multiples alertes qui insistaient sur la difficulté de sa mise en œuvre. La communauté éducative n’a pas su que plusieurs enseignants n’évaluaient pas suivant cette méthode, et que cette méthode jusqu’à présent n’est toujours pas en vigueur dans les Ecoles normales Supérieures, instance en charge de la formation des enseignants. Il faut même dire que les enseignants qui s’essayaient dans la nouvelle approche voyaient les élèves se soustraire à la partie dite intégration, partie qui traduisait pourtant l’innovation pédagogique, à tel point que les élèves s’adonnaient systématiquement à l’autre partie de l’épreuve, ressemblant aux épreuves du modèle PPO. Comme pour dire que la mayonnaise n’avait pas encore pris. Ceci traduit donc deux choses : la première c’est que l’innovation pédagogique requiert des candidats, la maitrise des ressources (PPO) et d’aller au-delà de ces ressources en les intégrants dans la résolution des problèmes ; la deuxième, c’est qu’une épreuve calquée sur le modèle de la PPO, devrait être du pain bénit pour les candidats ! C’est comme si les standards d’examen prévoyaient de décrire comment utiliser un véhicule dans une situation avec la consigne de se servir des mécanismes utiles à cet effet, mais à la place, il est seulement demandé de décrire ces mécanismes ! Le problème n’est donc pas que les élèves ont été piégés, le problème est qu’ils ont tout perdu en terme de niveau, le problème est que la réforme ne fonctionne pas. S’il y a deux leçons à en tirer, celle-ci est bien la première.

La deuxième leçon à tirer de cette cacophonie, c’est qu’il faut cesser de résumer le système éducatif à quatre jours, ceux de l’examen certificatif. Dans aucun pays sérieux, on n’étalonne les compétences d’un élève à partir d’une prestation ponctuelle. C’est à cause de cela que la communauté éducative pense que les classes d’examens ont plus d‘importance que les classes intermédiaires, et que les efforts des enseignants ne se résument qu’à la prestation des élèves à ces examens dont les paramètres sont indépendants de tout leur travail. Tout repose donc sur une poignée de personnes : les Inspecteurs et les membres de la commission d’examen (OBC). La formation des élèves ne concoure plus qu’à un diplôme obtenu après mémorisation (bachotage) et restitution. Quels que soient la qualité ou la validité des évaluations en classe, les recommandations des professeurs, les exercices d’application, les nécessités d’accompagnement psychopédagogique, ce sont les quatre jours des examens et le diplôme qui comptent. Comme je le disais plus haut, dans aucun pays sérieux, on n’étalonne les compétences d’un élève à partir d’une prestation ponctuelle. A titre d’exemple, pour l’Albi, l’équivalent du Baccalauréat en Allemagne, les 67% de la note finale proviennent des deux dernières années de scolarité et 33% proviennent d’un examen terminal passé en fin d’année. Pour la Maturita italienne, les lycéens présentent chacun un mémoire qui compte pour 30%, le contrôle continue compte pour 25% et une composition finale qui compte pour 45%. Au canada et aux États-Unis, c’est la « graduation » qui prévaut respectivement pour le Diplôme d’Etude collégial et le Hight School Diploma, durant tout leur cursus, les élèves valident des crédits comme pour la licence au Cameroun.

Nos examens du CEP au Bac, sont malheureusement encore établis sur un système qui dépend de beaucoup trop de variables aléatoires, indépendantes de l’apprentissage des élèves et du travail des enseignants, mais, qui dépendent des voeux des politiques de résultats et des personnes en charge de leur organisation. D’après les enquêtes menées par le Programme International d’Echange : « évaluer en tenant compte des performances obtenues tout au long d’un cycle est plus juste, plus gratifiant, plus intelligent que le bachotage, moins stressant et moins aléatoire en ce qui concerne les notes et l’environnement de composition ». Même la France créatrice du baccalauréat, depuis la réforme de 2018, le compose à 40% en contrôle continue, de premières et terminale, et le reste sur cinq matières dont l’oral. Il faut rappeler que le brevet quant à lui est organisé sur 800 points dont 400 en contrôle continue et 400 sur cinq épreuves finales, dont l’oral occupe 25%. La formation scolaire devrait donc avoir à tous ses niveaux, au moins la même valeur que celle qu’on attribue aux évaluations certificatives. Une épreuve donnée à un élève pendant le trimestre lors d’une évaluation sommative vaut bien une épreuve d’examen ! Pourquoi donc la différence dans son accompagnement et son traitement ?

Finalement, ce problème apparent sur les épreuves s’avère être révélateur d’une mauvaise mise en œuvre de la réforme des APC et d’une organisation obsolète des examens, qui dénuent l’école de toute sa dynamique formatrice. Peut-être que c’est l’heure pour les enseignants de se réveiller et de prendre en main leur action sur la société, car par cet imbroglio, notre travail est saboté, et nous sommes les premiers à en souffrir, parce que malheureusement dans notre pays, c’est par les examens que le pouls de l’efficacité de l’éducation est pris. Ce référencement est certes faussé, mais les élèves, la communauté éducative et toute la société y sont conditionnés, c’est pour cela que depuis cette maladresse sur les épreuves, la presse et tous les médias comme pour exprimer la sanction de la société, ont allumé un grand bûcher pour le corps enseignant.  C’est justement parce que les examens ont cette forme que tous les détracteurs de l’éducation savent bien où frapper pour faire mal. Mais où cherchons-nous les responsabilités ? Alors même qu’un manager (Ministre, Directeur…) ne peut pas constituer une équipe compétente grâce à son pouvoir discrétionnaire, car à la place, c’est la politique et les réseaux sulfureux qui décident. Il est de notoriété publique dans notre pays que le profil de carrière et la compétence ne sont pas des critères qui déterminent l’accès à l’aptitude à des responsabilités. Comment alors croire qu’un manager puisse être garant du travail que son équipe rend ?  Comment croire que le travail sera correctement effectué selon son leadership ? Comment attendre alors de la compétence et de la loyauté dans le service ? Les fuites et les fautes dans les examens !  Pour des intérêts personnels, des individus sont prêts à couler tout un pays. En effet, l’éducation est le dernier rempart de la société face à la déchéance complète. Malheureusement, voici l’organisation des examens, qui était pour beaucoup une fierté nationale, qui lui aussi est en train de sonner le glas pour notre société. Rappelons-nous au passage que les syndicats ont attirés l’attention de l’Etat depuis 2016 sur la nécessité de réorganiser notre système éducatif, et que depuis lors l’organisation d’un Forum National de l’Education préparée par les syndicats et le MINESUP, est suspendue par faute de moyen, moins de 1 milliard, tandis que 250 milliards sont engloutis dans la construction d’un stade inachevé en mi 2021, pour une compétition qui devait avoir lieu en 2019, et que 180 milliards pour la pandémie COVID 19 ont été mal gérés. C’est certainement aux enseignants de donner un coup de défibrillateur à cette société qui s’aliène.

Allons-nous continuer d’essayer de soigner la tumeur cancéreuse dont est victime notre société avec du spray pour fourmis ? Allons-nous une fois de plus essayez d’agir sur les effets d’un problème sérieux au lieu de le faire sur ses origines ? Faire de la politique de l’autruche ? Ces couacs sur les épreuves d’examens ne sont que l’arbre qui cache la forêt ! Pourquoi insister avec ce système de certification vulnérable, vétuste et inopérant ? Seuls les idiots ne changent pas ! Le sommes-nous tous ?

 

 

MANUEL SCOLAIRE AU CAMEROUN : rencontre d’experts à la FES Yaoundé pour envisager un cahier des charges pour les producteurs

0

Le 19 avril 2021 s’est retrouvée à la Fondation Friedrich Ebert de Yaoundé l’équipe des experts sélectionnés par le SNAES dans le cadre du deuxième volet du projet sur la crise du manuel scolaire au Cameroun.

Ce projet, élaboré et mis en exécution par le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert et Stiftung du Cameroun et d’Afrique centrale, a démarré en 2019 par un travail de recherche sur les causes de la crise du manuel scolaire au Cameroun. Avaient alors pris part à cette première étape du projet les enseignants-chercheurs des universités de Dschang, Yaoundé 1, Douala, Maroua et Bamenda. Les travaux de recherche évalués scientifiquement avaient fait l’objet d’une publication dédicacée à l’hôtel Djeuga Palace de Yaoundé en décembre 2020. Cet ouvrage, intitulé Le manuel scolaire au Cameroun : enjeux, diagnostic et esquisses de solutions pour une politique sectorielle, connaît un remarquable succès auprès du public.

Le 19 avril dernier a donc été l’occasion du lancement de la deuxième phase de cet important chantier. Le manuel scolaire met en effet en œuvre dans le cadre de sa production jusqu’à sa mise à disposition dans les salles de classes une chaine de spécialistes. Chaque segment de ce processus doit être managé qualitativement pour que le résultat final escompté puisse être atteint. Qui produit le manuel scolaire camerounais aujourd’hui et sur la base de quel cahier de charges ? Le SNAES et la Fondation Friedrich Ebert de Yaoundé veulent creuser cette importante question, parce que de sa réponse dépend la possibilité ou non de mettre en œuvre un processus qui accouche d’un manuel scolaire de qualité.

Pour ce nouveau volet, des experts, enseignants-chercheurs des universités de Yaoundé 1, Douala et Bamenda, des ENS de Yaoundé et de Maroua, se sont donc retrouvés à la FES le 19 avril 2021. Cette rencontre a permis de présenter le contexte et la justification du projet, ses objectifs, les résultats qui en seront attendus. Les experts en ont également profité pour identifier les déterminants de la qualité d’un manuel scolaire, et après un passage en revue des thèmes de recherche et des profils correspondants, les tâches ont été réparties, un agenda pour les prochaines étapes adopté.

Image 2 : vue du panel de la dédicace du précédent ouvrage sur le Manuel scolaire au Cameroun

GAROUA: franc succès d’étape pour la caravane de formation du leadership intermédiaire du SNAES

2

Lancé le vendredi 21 mai 2021, l’atelier de développement des capacités du leadership intermédiaire du SNAES dans la région du Nord s’est achevé le dimanche 23 mai 2021 au New Town Palace hôtel de Garoua sur un franc succès. Y ont participé les responsables des sections d’arrondissements et de départements de la Bénoué, du Mayo Louti, du Mayo Rey et du Faro. Soit quelques 23 cadres du SNAES.

A l’ouverture de l’atelier, le partenaire du SNAES dans cette importante opération, la Fondation Friedrich Ebert de Yaoundé, par la voix d’un de ses responsables de programme, M. Norman Taku, a souligné le fait que la Fondation allemande est une institution sociale libérale qui appuie les acteurs politiques et de la société civile dans le combat pour la défense des droits civils, politiques et syndicaux. Au Cameroun depuis des années, elle appuie la société politique et la société civile, notamment les syndicats. Il a rappelé le rôle central qui est celui de l’école et d’une éducation de qualité pour la transformation positive des sociétés, et encouragé les enseignants à prendre au sérieux leur rôle auprès des jeunes. Le SG du SNAES a rappelé la qualité et la diversité du partenariat qui lie son organisation et la Fondation Friedrich Ebert, et invité les participants à saisir l’opportunité ainsi offerte pour s’outiller en vue d’une future autonomie d’action. Il a insisté sur l’importance de l’idéologie dans l’action et rappelé que le SNAES est déterminé à implémenter sur le terrain le syndicalisme de développement adopté lors de son congrès de 2007.

Structuré en 3 grandes parties, l’atelier s’est attelé à mettre à la disposition des participants pour appropriation des outils idéologiques (analyse de l’histoire du syndicalisme au niveau global et local, le pouvoir syndical et sa construction, l’éducation et son avenir, le syndicalisme au service du développement), des outils juridiques et syndicaux d’action syndicale, et des outils techniques (organisation d’un syndicat, financement syndical, le suivi-évaluation et ses instruments…).

L’atelier a aussi été l’occasion d’installer officiellement le Bureau régional du SNAES dans la région du Nord, ainsi que le point focal du Comité des femmes syndicalistes du SNAES dans la région. L’événement a fermé ses portes le dimanche 23 mai 2021 par la remise des certificats de participation.

 

Nous suivre

671FansLike
0FollowersFollow
0SubscribersSubscribe