GROSSESSES EN MILIEU SCOLAIRE : Les dispositions de la nouvelle circulaire de la Ministre seraient-elles un passe-droit pour les grossesses en milieu scolaire ?

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La Ministre des enseignements secondaires vient de signer la circulaire N° 02/22/C/MINESEC / CAB du 22 Avril 2022 portant modalités de gestion des cas de grossesse des élèves dans les établissements scolaires publics et privés d’enseignement secondaire.  On peut y lire qu’elle instruit à toute la chaine administrative et pédagogique de « permettre, le cas échéant l’élève dûment reconnue enceinte de poursuivre les activités scolaires jusqu’à la 26ème semaine de grossesse, période à laquelle elle peut demander à être mise en congé de maternité ». Elle prescrit d’appliquer les mêmes mesures à l’encontre de l’élève auteur de la grossesse.

 Quand on sait l’effet des groupes paires, du conformisme et du laisser-aller sur les adolescents et les préadolescents, cette mesure n’est pas très bien accueillie parmi les enseignants sur le terrain. Certains en arrivent même à se demander pourquoi devrait-on continuer à exclure les fumeurs de stupéfiant et autres délinquants et criminels juvéniles puisque disent-ils, ils ont autant besoin d’être protégé contre « la déperdition scolaire qui porte en faux aux orientations du gouvernement en matière du maintien scolaire de tous les élèves sans discrimination et la lutte contre l’exclusion des couches sociales vulnérables ». Raison avancée dans la circulaire pour justifier la nouvelle orientation éducative prise par le MINESEC.

Pour comprendre la difficulté des enseignants à avaler cette pilule qu’ils assimilent à du cyanure pour l’école et l’éducation, plusieurs raisons peuvent être revisitées :

  1. L’effet de l’exposition simple : Il est bien connu depuis 1968 grâce à Robert  Zajonc que l’effet de simple exposition est un type de biais cognitif qui se caractérise par une augmentation de la probabilité d’avoir un sentiment positif envers quelqu’un ou quelque chose par la simple exposition répétée à cette personne ou cet objet. En d’autres termes plus on est exposé à un stimulus comme des relations coupables qui produisent des grossesses en toute impunité, et plus il est probable qu’on les  adopte comme norme ou idéaux à suivre et même qu’on s’y adonne.
  2. Le principe réglementaire d’interdiction des relations coupables en milieu scolaire : il est de coutume dans la praxis éducative d’établir une règlementation scolaire qui sanctionne les relations coupables qui souvent sont mises en évidence avec les grossesses. Le décret présidentiel N°2001/041 portant organisation des établissements scolaires en son article 15 confère d’ailleurs au conseil d’établissement la charge d’adopter un règlement intérieur pour l’école, et pour beaucoup actuellement, ils sanctionnent effectivement les relations coupables. La communauté éducative devrait-elle changer ses aspirations sur la base d’une circulaire ?
  3. L’éducation à la sexualité et à son corps : À quoi servirait-il encore d’inculquer aux élèves les notions comme l’abstinence, la contraception et la planification sexuelle et familiale ?  Si à l’école les élèves porteuses de grossesses et leurs partenaires sexuels sont acceptés quel que soit l’âge, et même dès l’apparition des premières menstruations. Ne dit-on pas souvent que la meilleure leçon est celle des exemples ?
  4. La nécessité d’adapter pour les adolescentes encore immatures des programmes scolaires arrimés aux contraintes psychosociales et sanitaires de la grossesse

Plusieurs études ont montré que la maternité précoce a des conséquences sanitaires et psychologiques et même sociales négatives (Lawlor et Shaw; 2002, et OMS). Pour pallier à ces conséquences, un aménagement spécial s’impose pour arrimer les besoins de la grossesse au développement de l’adolescente-mère. Pour l’instant, l’école camerounaise selon beaucoup d’enseignants n’est pas taillée pour une telle différentiation pédagogique ou didactique.  Pour réussir à s’en sortir, les jeunes mères ont donc besoin comme le corrobore l’étude de Camil Bouchard en 1989, de s’inscrire à des programmes scolaires sur mesure et où elles peuvent garder une forte motivation.

Dans un pays qui vise l’émergence en 2035, l’éducation doit être comme le pense le SNAES, un levier pour accéder au développement durable avec une jeunesse bien formée et en bonne santé pour offrir le meilleur d’elle-même. La lutte contre les grossesses précoces en milieu scolaire présenterait donc sans doute une meilleure orientation dans la politique éducative par rapport au choix actuellement fait.  Au nom de la remédiation de la déperdition de la jeune fille, la circulaire de la Ministre semble bien ouvrir une boite de pandore contenant des difficultés auxquelles le système éducatif ne semble pas tout à fait prêt de digérer et les enseignants encore moins.

                                               Roland ASSOAH

Rédacteur / SNAES

1 COMMENT

  1. Nous devons militer pour un retrait pur et simple de cette circulaire qui ouvre une ère sombre pour les bonnes pratiques et les valeurs qu’est sensee véhiculer l’école.

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