Digitalisation des paiements au MINESEC : voici pourquoi mettre les frais financiers à la charge des élèves et parents est un vice rédhibitoire.

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La décision de Madame Nalova Lyonga, Ministre des Enseignements Secondaires, rendue publique par communiqué de presse n° 71/18/MINEDUC/Cabinet du 28 août 2018, de digitaliser les paiements des frais exigibles et contributions aux examens officiels via des plateformes gérées par Campost, Express Union, MTN et Orange Cameroun a été accueillie diversement dès son annonce. Les syndicats, n’ayant point été associés à la réflexion autour de cette importante mesure ni même consultés au moment de la prendre ont tout de même opté de n’en voir que les bons côtés, et ont prudemment plaidé pour la modernité de celle-ci (Il ne faut jamais parier contre le progrès, soutiennent-ils. Sur la question, lire l’article « Enseignements Secondaires : du cash au digital », www.snaes.org, 2 juin 2018.), mettant l’accent sur son potentiel de facilitation des paiements dus. Ce n’était qu’une vue globale. Mais, comme l’on dit souvent, le diable se cache dans les détails.
En effet, s’étaient interrogés les syndicats, qui va payer le prix des services ainsi concédés à ces opérateurs du paiement mobile ? En scrutant les rubriques de gestion des frais exigibles, frais déjà plutôt maigres au regard de la pléthore des problèmes qu’ils servent à résoudre dans des établissements scolaires privés depuis belle lurette d’un budget digne de ce nom, on en était à se demander laquelle allait être sacrifiée. Il faut signaler au public non averti que « 200 FCFA », montant plancher des frais financiers fixés par les opérateurs de Mobile, correspondent à la totalité du prélèvement pour certaines rubriques. Finalement, le MINESEC a trouvé la parade simple : sanctuariser les rubriques (Ouf ! et tant mieux), mais pour faire payer les mêmes : les parents et leurs enfants. Sauf que là, il y a un problème de taille, et la modicité du prélèvement au budget de ces derniers n’y change rien.
Il faut en effet se poser la question simple et de bon sens : qui est effectivement demandeur du service que représente la digitalisation des paiements des frais concernés par cette opération ? Si ce sont les élèves et leurs parents, il est donc normal que les frais financiers de l’opération soient à leur charge. Mais nous savons que ce ne sont pas eux, parce que, pas plus que les syndicats, ces derniers n’ont été consultés. Et nous savons qui c’est à coup sûr, par contre. Il suffit d’entrer dans l’exposé des motifs ayant accompagné le lancement de l’opération (1er juin au Hilton de Yaoundé) et la publication de cette décision. Le MINESEC veut traquer les proviseurs véreux (dixit un responsable des services centraux du MINESEC), améliorer la transparence de la gestion des effectifs des élèves et des ressources générées autour desdits effectifs. C’est donc le MINESEC qui est demandeur du service. Du coup, il ne s’agit plus, comme annoncé, de la digitalisation des paiements, mais plus exactement de la digitalisation des recouvrements. Les économes et intendants commis à cette charge par le décret 2001/041 (article 39) vont pour le coup se tourner les pouces.
Par quel tour de passe-passe le MINESEC a-t-il dès lors pu justifier à ses propres yeux le transfert de ces frais financiers à la charge de ceux qui ne demandaient pas le service ? Il existait pourtant une possibilité acceptable dans cette opération : au lieu d’imposer ce service, le proposer aux parents et aux élèves. Ainsi, celui qui aurait choisi de s’en servir, en vue de faciliter ainsi ses transactions avec l’établissement scolaire fréquenté, n’aurait naturellement vu aucun inconvénient à en payer le prix. En la rendant obligatoire, le MINESEC fait des frais financiers générés et mis unilatéralement à la charge des élèves et parents une augmentation des frais exigibles de ces derniers, et entache d’office la procédure d’un vice, un vice indiscutablement rédhibitoire dans n’importe quel Etat de droit.

Roger Kaffo Fokou