Une grande partie de la dette constituée et à constituer par l’Etat auprès des enseignants provient des goulots d’étranglement qui jalonnent la procédure de traitement des avancements. Ces goulots d’étranglement ne génèrent pas seulement des retards donc de la dette, ils génèrent aussi de la corruption et subséquemment des frustrations, et celles-ci à leur tour génèrent de l’instabilité sociale. Mais que signifie « automatiser » les avancements ?
Automatiser les avancements, c’est faire au moins deux choses : automatiser la signature des actes de passage d’une situation indiciaire X à une situation indiciaire Y, d’une part, et automatiser la transformation de ce changement en argent comptant et trébuchant. Ces deux processus se passent pour l’un au MINESEC (pour le secondaire) à travers SIGIPES, et pour l’autre au MINFI à travers Antilope.
Au niveau du MINESEC, l’automatisation est dans une situation paradoxale : elle est à moitié effective depuis des années. En effet, pour les avancements d’échelons, il n’est guère plus nécessaire de déposer un dossier au MINESEC depuis pas mal de temps. Et cela concerne la masse la plus importante des avancements. Il reste tout de même les avancements de classes et de grades. Pour ces deux catégories, l’automatisation est jusqu’ici freinée – sans que cela puisse en fait se justifier – par la nécessité du visa de la primature, et donc de l’exigence de la soumission d’un dossier (deux pièces pour les changements de classes, 3 ou 4 pièces pour les changements de grades). Pour les changements de grades, la procédure est surcompliquée par l’existence d’une commission de changements de grades qui siège 4 fois par an au MINFOPRA (deux fois seulement il y a peu). De l’avis des spécialistes du personnel et des ressources humaines, tout ce tralala n’ajoute strictement rien au dossier. « Pourquoi faire des commissions pour traiter les changements de grades alors que les conditions de ceux-ci sont parfaitement connues depuis des années ? » s’interrogent-ils. Perte de temps inutile donc. De même, quelle plus-value apporte le visa du PM aux changements de classes ? Aucune. Ils contribuent surtout à allonger pour la faire durer la procédure, une procédure qui devrait être raccourcie et réduite aux vérifications internes des services du personnel pour les personnels en délicatesse avec la discipline (absentéistes, démissionnaires, avertis, blâmés…), les autres finissant toujours par avancer .
Mais une fois l’avancement (d’échelon, de classe, de grade) en main, SIGIPES doit passer la main à ANTILOPE et, première curiosité, la base de données SIGIPES n’est pas la même que celle d’ANTILOPE : pourquoi ? Mystère et boule de gomme. Ainsi, certains personnels présents dans la base SIGIPES sont absents de celle d’ANTILOPE. Certains ont déjà saturé leurs avancements dans ANTILOPE mais continuent d’avancer dans SIGIPES. Toute cette incohérence coûte du temps pour corriger. Ensuite, les dossiers traités dans SIGIPES ne passent pas automatiquement dans ANTILOPE : leur passage dépend du montant de l’allocation mensuelle autorisée par le MINFI. Plus cette autorisation est modique (cela a souvent été le cas ces dernières années), et plus grande est la proportion des actes traités qui ne sont pas pris en charge financièrement, et donc qui font de la dette, une dette qui s’accule de mois en mois, d’année en année et finit par faire des montagnes. Il y a donc deux grandes causes d’accumulation de la dette : par la procédure, et par le rationnement des allocations budgétaires. Contre ces deux procédés, l’enseignant ne peut rien, l’Etat seul peut tout. La balle est entièrement dans son camp. A lui donc de jouer.
Roger Kaffo Fokou