JOURNEE MONDIALE DES ENSEIGNANTS 24ème EDITION 05 OCTOBRE 2017
Discours prononcé par FOKOU KODJO/SECRETAIRE DEPARTEMENTAL
DU SNAES-NOUN
Monsieur le Préfet du Département du Noun ;
Monsieur le Sous-Préfet de l’Arrondissement de Foumban ;
Monsieur le Maire de la Commune de Foumban ;
Sa Majesté le Sultan-Sénateur, Roi des Bamoun ;
Mesdames et Messieurs les Autorités Politiques, Religieuses et Traditionnelles ;
Messieurs les Délégués Départementaux chargés de l’encadrement des jeunes ;
Camarades Secrétaires Généraux des syndicats ici représentés ;
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etablissements ;
Chers enseignant(e)s ;
Camarades syndicalistes ;
Chers invités ;
C’est au nom des syndicats d’enseignants représentés dans le Noun qu’il m’échoit l’honneur de prendre la parole devant vous en ce jour de célébration de la Journée Mondiale des Enseignants. Permettez-moi, au nom de ces différentes organisations, de vous souhaiter une chaleureuse bienvenue sur cette place des fêtes de Foumban.
Cette année, la Journée Mondiale des Enseignant(e)s marque le 51ème anniversaire de l’adoption de la recommandation OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant. En effet, c’est au cours de la conférence intergouvernementale spéciale sur la condition du personnel enseignant tenue à Paris le 5 octobre 1966, que fut adoptée cette recommandation qui reconnait ainsi « le rôle essentiel des enseignants dans le progrès de l’éducation, l’importance de leur contribution au développement de la personnalité humaine et de la société moderne », tout comme la nécessité « d’assurer aux enseignants une condition qui soit à la mesure de ce rôle ». Elle rappelle aussi l’adoption en 1997 de la recommandation sur la condition des enseignants du supérieur. L’UNESCO et les institutions coorganisatrices de la Journée Mondiale des Enseignants (OIT, UNICEF, PNUD et IE) dédient également cette journée à la célébration d’un engagement moral intergouvernemental unique, seul instrument normatif international concernant les enseignants, tout comme, elle réaffirme sa volonté d’être au plus près des enseignants dans leurs luttes pour la valorisation de leur profession. Les enseignants sont donc appelés ce jour à rappeler à leurs gouvernements respectifs les engagements de ces derniers et à exiger d’eux l’aménagement des conditions nécessaires à leur plein épanouissement dans l’accomplissement de leur lourde mission. Ainsi, avec ou sans pagne, mais surtout avec beaucoup de dignité, la réflexion, la mobilisation et, partout où cela s’avère nécessaire, la revendication doit être de mise.IMG-20171006-WA0036
Le thème de la journée mondiale des enseignant(e)s 2017 est « Enseigner en liberté, Autonomiser les enseignants ». Ainsi, Dans une société en pleine déliquescence et faisant face à divers types d’extrémismes, notamment religieux, politique ou communautariste ; Une société où les hordes de voyous peuvent régulièrement s’introduire impunément dans les sanctuaires du savoir et s’attaquer sauvagement à leurs dépositaires ; dans un contexte où nos campus d’écoles, des collèges et lycées souffrent de nombreuses immixtions politiques, religieuses,
sectaires ou tribales, ce thème sonne comme un appel à sauver les derniers remparts contre la déchéance que sont l’enseignant en particulier et l’éducation en général, afin que l’école aux dires de Henri Roland Villarceaux
« demeure le creuset où fermentent toutes les imaginations que la science éclaire de sa flamme de vie » .
Car, comme un démiurge, l’enseignant façonne la société à son image. Ainsi, en lui rendant sa liberté et son autonomie, il devient digne ; digne à s’élever spirituellement, intellectuellement et matériellement. C’est donc cette dignité qui lui permet de s’affirmer humainement ; de se faire respecter socialement et surtout d’accomplir avec dévouement et fermeté la mission républicaine à lui confiée, c’est-à-dire, soustraire les générations présentes et à venir du fléau de l’ignorance en les moulant aux grandes vertus de la science, de l’intérêt commun, au respect des lois
républicaines, de l’unité nationale, du patriotisme et de l’autorité établie. Ceci éloignera de fait les générations d’hommes et de femmes du Noun, de l’Ouest et du Cameroun des sirènes de l’extrémisme, de la division, du tribalisme et de bien d’autres maux.
La situation étant présentée, quel diagnostic pouvons-nous faire de la liberté et de l’autonomisation de l’enseignant dans le Cameroun en général et le Noun en particulier? La réponse se trouve malheureusement dans ces nouvelles
interrogations dont nous ne saurons à nous seuls résoudre. Ainsi, Mr le Préfet, Mr le Sous-Préfet, Mr le Maire, sa Majesté le Sultan-sénateur, autorités politiques, religieuses et traditionnelles, messieurs les délégués :
Peut-on parler de liberté ou d’autonomie pour ces enseignants lorsqu’ils peuvent être régulièrement attaqués et surtout mortellement dans leurs lieux de service sans que l’indignation de l’opinion ne soit à la hauteur de l’ignominie ? Le cas du Proviseur Charles Etoundi est assez illustratif. Sauvagement atteint par un poignard d’obscurantistes dans la nuit du 23 au 24 septembre, il s’en est allé au petit matin de ce 24 septembre.
‘’Va cher valeureux Chevalier de la craie ; tu as combattu le bon combat ; Que ton âme repose en paix’’.
C’est ici l’occasion de saluer le courage du censeur Amougou et de Fokou Hervé du Lycée Bilingue Sultan Njoya de Foumban, Nango Esaie du Lycée de Koupa,tous, victimes cette année de divers types de violence dans l’accomplissement de leurs devoirs.IMG-20171006-WA0039
Peut-on parler de liberté ou de l’autonomie des enseignants aujourd’hui dans notre pays lorsque sur une bonne partie de notre territoire, l’école est prise en otage pour des raisons qui lui sont étrangères ? L’école disait Villarceaux est le creuset où s’élabore l’avenir d’une génération, ainsi, que deviendra cette génération que l’on empêche aujourd’hui de fréquenter ? c’est le lieu d’attirer l’attention des parents sur fait que la meilleure arme contre les injustices dont ils se disent victimes, est l’école. C’est elle qui produira des avocats, des médecins, des enseignants, des économistes dont eux-mêmes et le pays ont tant besoin. Brûler une école, empêcher aux enfants de fréquenter, c’est briser des rêves et des vies, c’est enfoncer le pays sur plusieurs générations.
L’enseignant peut-il être libre d’enseigner lorsque lui « jardinier des intelligences » comme l’affirmait Victor Hugo, est systématiquement écarté de l’élaboration des curricula d’enseignement ?
Est-il libre et autonome lorsqu’au détour d’une rentrée scolaire, il peut découvrir pantois que l’œuvre qu’il doit étudier avec ses élèves glorifie l’infidélité, célèbre la malhonnêteté, magnifie la paresse ou acclame la médiocrité ?
Comment l’enseignant peut-il être libre lorsque plus d’un mois après la rentrée scolaire, il n’a point reçu le fameux paquet minimum ?
Comment ces enseignants dits « maîtres des parents », chefs de famille et formés à coûts de centaines de milliers de fcfa des sacrifices des parents et de l’Etat peuvent-ils être libres et autonomes lorsqu’ils sont contraints d’enseigner bénévolement espérant un éventuel recrutement à la fonction publique et qui n’arrive que très rarement pour les plus chanceux?
Comment peuvent-ils être libres et autonomes, ces enseignants vacataires de nos lycées et collèges faisant parfois plus de 100 heures de cours par mois mais qui doivent toucher une pitance mensuelle de 20 à 35 000 frs pour les plus chanceux c’est-à-dire en dessous du Smig et parfois avec des arriérés?
Comment peuvent-ils être libres et autonomes ces enseignants?
Lorsqu’à l’entrée de leur carrière, ils doivent encore faire 3 à 5 années pour toucher leur premier maigre salaire?
Lorsque la proportion des contractuels, contractualisés, maitres des parents et autres vacataires au statut précaire ne cesse d’augmenter dans l’éducation ? Certes quelques efforts sont faits depuis trois ans
avec le recrutement de 9000 enseignants mais sont encore très insuffisants au regard de la demande.
Lorsque la prime de recherche et de documentation d’un agent d’entretien de certains ministères au Cameroun dépasse celle d’un professeur des lycées qui, lui, fait vraiment de la recherche et a réellement besoin de la documentation ?
Lorsque les enseignants voient leurs primes de sujétion supprimées (notamment pour les animateurs pédagogiques et les maîtres d’application) ?
Lorsqu’ils demeurent les seuls agents de l’Etat à toucher des taux forfaitaires pour des rares missions ?
Lorsque les enseignants du secteur privé de l’éducation sont abandonnés à la merci des fondateurs ?
Lorsque les textes (rééchelonnement indiciaire, intégration des enseignants d’EPS dans le statut particulier des fonctionnaires du corps de l’éducation nationale) issus des négociations entre les syndicats et le
Gouvernement, dorment à la Présidence de la République ?
Lorsque la majorité des autorités scolaires et administratives y compris ceux bénéficiant des retombées des combats syndicaux n’ont pas toujours l’honnêteté de prononcer le mot syndicat dans leurs allocutions comme si ces organisations d’enseignants n’étaient pas consacrées par la Constitution et les lois de la République?
Lorsque la valeur de son rendement n’atteint pas 5000 FCFA par trimestre ?
Lorsqu’il est l’un des rares chefs de service départemental à parcourir les zones enclavées à moto parce que l’on a jugé inutile de lui accorder comme aux autres responsables du même niveau un véhicule tout terrain à cet effet ?
Etc…
C’est pourquoi chers collègues, cet appel s’adresse d’abord à nous, enseignants. A nous tous quels que soient nos grades et fonctions dans l’enseignement. Nous devons être des modèles de moins en moins irréprochables. Ceci passe par le sens du devoir qui doit nous animer c’est-à-dire l’amour du travail bien fait, la ponctualité, le sens de l’écoute et bien d’autres vertus cardinales qui gouvernent notre métier. Pour cela, dénonçons avec force la tricherie, le harcèlement sexuel des jeunes élèves, les notes sexuellement transmissibles et toutes les autres formes de corruption.
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Chers collègues, les différentes interrogations sont aussi un appel à la prise de conscience, à l’engagement, à l’union. Prise de conscience de nos responsabilités mais également de nos droits oubliés. Engagement à exceller mais aussi à nous battre debout pour que cette excellence soit reconnue à sa juste valeur. C’est pourquoi nous saluons tous les valeureux récipiendaires des Palmes académiques de ce jour. Nous demandons en même temps que celles-ci soient dorénavant prises en compte pour leur promotion. Nous voulons cependant préciser que c’est à l’aune
de la valeur que nous, enseignants, accorderons aux enseignants que nous sommes, que la société fixera la liberté qu’elle nous accorde. Mettons la barre très haute, consentons les sacrifices qu’il faut pour l’y maintenir. Ayons le courage de rejoindre les syndicats. Tout autre choix, quoi qu’on dise pour le justifier, ne peut être que fuite en avant et lâcheté. Donc, rejoignons en masse les syndicats et exigeons :
Que les textes transmis au Président de la République dans le cadre des dernières négociations soient signés ;
Que le processus de mise en œuvre de la convention collective de l’enseignement privé soit mené à son terme ;
Que des négociations franches soient engagées avec les syndicats sur les innombrables maux qui continuent de miner la profession d’enseignant ;
Que le forum sur l’éducation promis à la communauté éducative soit organisé pour remettre de l’ordre dans notre système éducatif.
Chers collègues, l’enjeu de notre nécessaire engagement n’est pas seulement de sauver notre profession, il s’agit de sauver l’éducation, c’est un devoir car comme le dit Jean Marc Ela, nous devons oser
« aller contre les idées reçues qui dépossèdent l’homme de sa propre responsabilité devant son existence ».
Sauver l’éducation, c’est sauver la paix véritable, celle qui repose sur la justice et fonde le socle du développement durable et de l’intégration nationale. Syndiquons-nous !IMG-20171006-WA0037IMG-20171006-WA0038IMG-20171004-WA0023
Vive la Journée Mondiale des enseignants !
Vive le Cameroun uni et indivisible !
Je vous remercie.
SNIEB SNAES