Camarades, collègues,
Officiellement, le Cameroun est à 2800 cas positifs au Covid-19, 1545 guéris, 136 décédés. Sur l’échantillon ci-après de quelques pays du continent, du Maghreb au Cap, le pays ne semble pas, a priori, s’en tirer trop mal. Mais il faut faire très attention aux chiffres : s’ils permettent généralement de « déchiffrer », ils servent souvent aussi à crypter.
Pays | Positifs | décédés | guéris |
Cameroun | 2800 | 136 | 1545 |
Nigeria | 4787 | 158 | 959 |
Sénégal | 2105 | 21 | 782 |
Côte-d’Ivoire | 1857 | 21 | 820 |
RDC | 1102 | 44 | 146 |
Madagascar | 186 | 0 | 101 |
Zimbabwe | 36 | 4 | 9 |
Afrique du Sud | 11350 | 206 | 4357 |
Que nous dit ce tableau sur le continent ? D’abord, que ceux qui ont confiné à temps et strictement ont eu jusqu’ici très peu de cas. L’exemple-type, c’est le Zimbabwe. Ensuite, que ceux qui ont un protocole de soin efficace, ou un système de santé robuste, font moins de morts. Exemples : Madagascar dans un cas, Afrique du Sud dans l’autre. Troisièmement, que ceux qui font un dépistage d’envergure, et donc disposent de tests en quantité, ont le plus de cas confirmés. On a ainsi l’impression que la pandémie est moins contenue chez eux qu’ailleurs où l’on économise sur les tests. Exemple : l’Afrique du Sud. Enfin, que ceux qui testent approximativement affichent moins de cas confirmés, et souvent se vantent de mieux contenir la pandémie. Mais cela peut être une illusion, et quand celle-ci fonctionne, rassure indûment le citoyen, le déconnecte des mesures barrières, on n’est jamais loin de la désillusion et les lendemains peuvent déchanter à pleine voix.
Le décompte officiel au Cameroun ne concorde pas avec celui des autres acteurs sur le terrain : ce n’est probablement qu’un glissement de nombres mais les écarts donnent parfois des chiffres à plusieurs zéros. Tant que le dépistage sera minimal, les chiffres de contaminés seront bas et sujets à caution. Tant que la prise en charge ne sera pas systématique, les chiffres de décédés et de guéris seront aléatoires, et fantaisistes. Le Covid-19 n’est pas un sujet politique, alors ne votons pas pour lui. Ce n’est pas comme s’il avait obtenu un mandat que nous avons peur d’abréger. Les Camerounais ont le droit de savoir quel est le niveau réel du risque auquel ils sont exposés au quotidien. Ils doivent savoir que leur plus grande chance consiste à ne pas contracter le Covid-19, parce que leur système de santé n’a pas pour le moment les moyens de les prendre en charge en grands nombres. Si des médecins en meurent faute de prise en charge, ils peuvent être sûrs que le système de santé ne se fera pas prier pour se décharger d’eux.
Camarades, collègues, membres de la communauté éducative,
Pour revenir aux examens officiels de la session 2020, ils seront un véritable défi pour les acteurs impliqués. Les centres d’examens devront être extrêmement bien organisés, soigneusement désinfectés. Les acteurs devront également être protégés. La répétition, dit-on, a une valeur pédagogique intrinsèque. Nous avons tous dit la même chose pour les hôpitaux et le personnel de santé il y a deux mois mais nous savons à quel point ceux-ci ont jusqu’ici été négligés dans la gestion de cette crise, et le prix que les blouses blanches sont en train de payer, sans la moindre compensation, ni symbolique, ni matérielle, ni financière. C’est vraiment l’occasion de dire qu’ils sont en train de se faire blouser ! Quand les soldats sont au front, dans toutes les guerres, ils ont toujours droit, en plus de leur traitement normal, à une prime spéciale. Les soldats du Covid-19 au Cameroun sont jusqu’ici laissés pour compte, et généralement on les retrouve sur le carreau.
D’ici peu, les enseignants seront eux aussi au front. On proposera sans doute à chaque chef d’établissement de faire avec les moyens dont il dispose. Ces ressources sont médiocres, inégales, et vont surtout indisposer ces pauvres chefs d’établissements. Déjà une association de parents d’élèves veut en profiter pour installer son comptoir à masques et gels sur le préau. Ce pourrait n’être que le bout visible d’un hideux iceberg tropical ! L’Etat doit trouver et mettre à disposition des moyens pour un retour à l’école et une organisation des examens officiels sans risques inutiles et inconsidérés. Les parents ont l’obligation de s’assurer qu’on ne jette pas leurs rejetons dans la gueule du Covid-19, pour que ces derniers, en retour de bâton, reviennent ensuite les frapper au coronavirus. Les enseignants, cela va sans dire, devront prendre garde à ce qu’on ne les largue pas sur la ligne de front les mains nues. S’ils baissent la garde, gare à eux !
Camarades, collègues,
Après les peines consenties depuis septembre pour nos élèves, nous avons tous intérêt à ce que l’année scolaire s’achève bien. Cela ne saurait être une raison suffisante pour que nous soyons pénalisés. Chacun de nous doit, veut et peut donner le maximum pour que cet objectif soit atteint. Il est possible de bien organiser les examens et ce n’est qu’une question de ressources humaines, matérielles et financières. L’appui international reçu dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 peut mettre à disposition ces ressources nécessaires. Chaque enseignant doit s’engager pour une fin d’année scolaire et académique réussie, mais chaque enseignant doit également être très regardant sur la qualité des mesures qui seront prises pour garantir sa sécurité et celle de ses élèves. Voici ce que le SNAES avait à vous dire cette semaine.
Un pour tous, tous pour un !
Yaoundé, le 14 mai 2020
Le Secrétaire Général