La Lettre hebdomadaire du SNAES 9 sur la Covid-19: Attention, zone rouge en vue !

0
753

Camarades, collègues,

A deux semaines de la reprise des classes au Cameroun, les signaux que renvoie la signalétique de la gestion de la Covid-19 ne sont guère rassurants. La communication gouvernementale sur la cartographie et la cinétique de la pandémie reste minimale. « Moins on en dit, et mieux ça va » semble être la politique du jour. Les foyers de contagion ne sont pas précisément indiqués, les statistiques de contamination sont peu conformes à ce que chacun vit au quotidien dans nos grandes métropoles. Une semi-transparence opaque entoure la prise en charge des malades alors même que le système de santé dédié semble complètement débordé déjà. Toute toux, autant que tout décès, sont désormais suspects et si, sur dénonciation de vos voisins, l’une peut vous conduire en quarantaine forcée, l’autre mènera ce qui restera de vous tout droit au bois des singes, au grand dam de vos proches. L’absence de communication autour de la gestion des corps des décédés est ainsi en train de développer psychose et traumatisme. On ne peut pas dire que le gouvernement ait fait preuve dans ce domaine d’une immense expertise pédagogique.

Pour le retour à l’école ce 1er juin, le cafouillage semble le disputer au manque de bon sens. Les chefs d’établissements ont d’abord été instruits d’organiser des classes de 24 élèves. Cela pouvait déjà permettre de ne pas trop violenter une mesure phare comme le respect de la distanciation sociale. Mais comme les grands lycées des grandes métropoles ne peuvent faire des classes de 24 faute de salles – certains auraient besoin d’un supplément de 40 à 50 salles – on a remonté le curseur à 50 élèves par classe. On peut voir par là que le choix de l’indicateur ne répond pas ici à un principe scientifique mais managérial. Comme dit l’adage, à défaut de science, il faut se contenter de management.

Il y a 40 ans, les effectifs canoniques étaient de 45 élèves par classe. Robert Mbella Mbappe les a portés à 60 dans les années 90 ; Louis Bapès Bapès à 80 dans les années 2000. Pour soigner la fièvre, il suffit parfois de modifier le thermomètre. Entre temps, les dimensions des salles n’ont point évolué. Aujourd’hui, dans le cadre de la distanciation sociale pour gérer une crise sanitaire, on ramène les effectifs à 50 par classe, comme si les salles de classes étaient devenues des amphithéâtres ou des espaces ouverts. Comment contenir la propagation du virus dans ces lieux exigus et clos avec de tels effectifs ? Le virus risque d’y circuler comme une trainée de poudre. Le cas échéant, il se retrouvera dans les domiciles et opèrera à grande échelle. Comme en terrain conquis ! Deux à trois semaines après la reprise des classes, on commencera à regretter les mauvaises mesures prises. Comme au début de la pandémie lorsque tout avait été raté. Et ce sera déjà trop tard. Quand le canon des effectifs nous échappe à ce point, il ne nous reste plus qu’à canoniser les décideurs !

En attendant, c’est maintenant qu’il faut agir : 50 élèves par classe, c’est un effectif déjà pléthorique, c’est-à-dire excessif, en temps normal et dans des circonstances ordinaires. En temps de crise sanitaire et quand la distanciation sociale est une condition pour contenir une pandémie, c’est un effectif ingérable, irresponsable. Il faut donc revenir à 24-25 par classe. Et si ce n’est pas possible, on peut toujours échelonner le retour à l’école en fonction de la programmation des examens : les terminales/U6 d’abord, les troisièmes/Form 5/4e année ensuite, les premières enfin. Il ne s’agit pas pour nous uniquement de réussir notre rapport de fin d’année scolaire, il s’agit aussi et avant tout de sauver des vies !

La question des masques et des gels hydro alcooliques mérite également qu’on s’y arrête. Une organisation de parents d’élèves ne peut avoir un objet commercial, de par la loi. Il lui faudrait un registre de commerce, et elle devrait payer des impôts. Nos PME/PMI n’auraient plus qu’à changer de statut, ou à mettre la clef sous le paillasson. Naturellement une APEE peut acquérir et distribuer sans frais des masques et des solutions hydro alcooliques. Il faut le rappeler officiellement à tous ceux qui veulent transformer le temple en halles.

Il est tout aussi important que l’égalité de tous les enfants soit assurée pour ce qui est de la protection face à la maladie. Pour cela et compte tenu des inégalités bien connues de revenus, l’Etat doit s’assurer que, le 1er juin, chaque enfant qui franchit le portail d’une école, d’un collège, d’un lycée, porte un masque et trouve sur place de l’eau et du savon, une solution hydro alcoolique ou tout autre formule désinfectante agréée. Comme aurait dit le Nègre du Surinam de Voltaire, « C’est à ce prix nous bâtirons, ici au Cameroun, le patriotisme de ces générations montantes ».

Camarades, collègues,

Nous disons « l’Etat », mais nous savons que  l’Etat, c’est aussi nous, c’est tout une chaîne. Sur la chaîne, nous n’avons pas tous les mêmes responsabilités. Si les moyens sont gérés à un autre niveau, nous pouvons au moins nous assurer, au stade où nous opérons, que la sécurité de nos élèves est préservée dès le 1er juin. La relation de maître à disciple est avant tout une relation de confiance. Et comment voulez-vous que ces enfants nous fassent confiance si nous ne nous soucions pas de leurs vies ? Si nous acceptons qu’on les expose à une maladie dont personne ne sait encore vraiment comment elle se comporte et quelles peuvent être ses conséquences à terme ? L’incident de la crise du Kawasaki, qui sévit en ce moment en France et aux Etats-Unis et fait des morts, devrait nous interpeller déjà. Voilà ce que le SNAES avait à vous dire cette semaine.

Un pour tous, tous pour un !

Yaoundé le 18 Mai 2020

                                                                            Le Secrétaire Général