Mot de Roger KAFFO FOKOU, SG SNAES, à l’occasion du Congrès 2017 du SNIEB

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– Madame le Ministre de l’Education de Base ou son représentant,
– Camarade SG du SNIEB,
– Autorités locales diverses en vos rangs et prérogatives,
– Représentants des médias,
– Camarade Secrétaire Général de la Fédération des Syndicats de l’Enseignement
et de la Recherche,
– Camarades responsables des syndicats de l’éducation,
– Camarades syndicalistes,
– Distingués invités,
– Mesdames et Messieurs,

C’est un privilège que le Syndicat National Indépendant de l’Education de Base m’a
offert en m’invitant à son congrès ordinaire. Au nom du Syndicat National Autonome de
l’Enseignement Secondaire, je l’en remercie infiniment. Permettez ensuite que j’en profite
pour vous adresser le salut syndical et la considération du SNAES, pour tout ce que chacun
de vous, dans son rôle, fait ou projette de faire pour redonner à l’éducation dans notre pays
ses lettres de noblesse, pour redorer le blason depuis longtemps terni des professionnels de
la craie, pour sortir notre école de l’indigence infrastructurelle, matérielle, intellectuelle,
pédagogique, didactique et j’en passe. C’est un combat noble entre tous, qui devrait exalter
toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, mais le contexte national est à
l’obscurantisme, un obscurantisme qui surprend en plein XXIe siècle, et qui exige par
conséquent un engagement hors norme, radical, et ce type d’engagement ne court
malheureusement pas nos rues aujourd’hui.

Ce congrès, tout ordinaire qu’il est, ne se tient pas à un moment ordinaire pour notre pays. En ce moment et depuis quelques années, le Cameroun est en guerre. Il est en guerre parce qu’il est attaqué sur plusieurs fronts : au Nord par l’obscurantisme religieux des fanatiques de la secte Boko haram, à l’Est par les factions errantes des milices centrafricaines, dans la zone anglophone par un sécessionisme nostalgique de l’héritage colonial, en mer par des forces obscures que l’on peine encore à identifier. Il est également en guerre parce que ceux qui le dirigent ont décidé de combattre tous ceux qui luttent pour plus de liberté, pour défendre les droits fondamentaux de l’Homme, et notamment le droit sacré à l’éducation, à une éducation de qualité pour tous. Nous faisons donc face aujourd’hui à des circonstances extraordinaires, et celles-ci nous imposent de nous exprimer et d’agir avec la plus grande lucidité mais le plus grand engagement. Des soldats camerounais meurent chaque jour aux différents fronts, très souvent dans le silence médiatique. Il y a de cela quelques semaines, 34 soldats sont morts ou portés disparus dans le naufrage de leur navire au large de la zone de Bakassi. Nous voulons ici dire toute l’émotion de la grande famille du SNAES et notre soutien aux familles de ces soldats qui tombent sur tous nos fronts pour la défense de la patrie. Eux ne confisquent pas, ne pillent pas nos caisses et nos richesses ; au contraire ils donnent jusqu’à leurs vies, pour nous, pour le pays. Ils sont des exemples d’engagement et de détermination, de courage et d’esprit de sacrifice, que nous voulons donner aux enseignants en général et aux syndicalistes en particulier, à imiter.

C’est d’ailleurs au nom de cet engagement, de cette détermination et de ce courage, que nous voulons aujourd’hui dire à nos compatriotes sécessionnistes anglophones que nous ne soutiendrons pas leur projet ; que non seulement nous ne le soutiendrons pas, mais qu’au besoin nous prendrons les armes pour le combattre. Cela est clair et entendu, une fois pour toute. Les forces impérialistes ont divisé et dépecé notre pays en 1916 et après, et ne nous en ont remis que quelques morceaux à partir de 1960 ; des morceaux que nous n’avons pas fini de recoller, pour des raisons qu’il n’est pas opportun de développer à cette tribune. Nous ne pouvons accepter que des forces, fussent-elles de l’intérieur et quelles que puissent être leurs raisons, nous le redivisent à nouveau. Par contre, nous soutiendrons tous ceux qui, sans attenter à l’intégrité territoriale de notre pays, se battent pour de meilleures formes de gouvernance et de gestion. Nous avons soutenu, avec l’ensemble des syndicats dits francophones, toutes les revendications visant à lutter contre la marginalisation du soussystème éducatif anglophone, qui est d’ailleurs ouvert aujourd’hui aux enfants du Cameroun toutes régions confondues. Allant dans le sens de ce combat, nous refusons notre caution à toute forme de gouvernance qui ne prend pas en compte les intérêts du grand nombre. Face au désastre de plus de cinq décennies de centralisation, nous soutenons tous ceux qui se battent pour la décentralisation véritable ou pour un fédéralisme qui ne soit pas une régression nostalgique. Et nous saisissons l’opportunité de cette tribune pour dire à l’Etat du Cameroun, à ceux qui incarnent son pouvoir, qu’il est temps depuis longtemps, sur la question anglophone, d’ouvrir le débat politique sur la forme de l’Etat. Notre pays a grand besoin de consensus aujourd’hui, et sur cette question-là plus que sur toute autre. Nous avons dit que notre pays est aussi en guerre parce ceux qui le dirigent combattent tous ceux qui luttent pour la liberté et les droits fondamentaux de l’Homme. Depuis 26 ans le SNAES a déposé 4 déclarations ou demandes de reconnaissance légale auprès des autorités compétentes de notre pays, et pas une seule fois ces dernières n’ont daigné lui répondre. En 27 ans de ce qu’on a appelé la démocratisation, 95% des syndicats d’enseignants, malgré leurs efforts individuels et collectifs, se sont vus refuser par l’Etat du Cameroun la reconnaissance légale à laquelle ils ont droit en vertu des conventions internationales pourtant ratifiées par notre pays. Il s’agit d’un état de guerre permanent instauré par les autorités de l’Etat pour gérer dans l’urgence ou dans l’exception les affaires du pays. Regardez ce qui est fait depuis des années de l’éducation de ce pays, des enseignants de ce pays. Regardez, comme dans tous les Etats en guerre, on a privé l’éducation de ses moyens, d’infrastructures, d’équipements, de personnels qualifiés. Les Japonais sont venus se pencher à son chevet, comme sur le théâtre des grandes catastrophes. L’Etat a réduit notre éducation de base au paquet minimum, dont les trois quarts engraissent les rouages de la gigantesque, pléthorique et vorace machine bureaucratique, et nous savons tous que seules les dernières miettes de ce fameux paquet atteignent les écoles. Les quelques contingents d’enseignants que l’Etat recrute encore doivent faire des sit-in pour être pris en solde, après de longues années de galère, et les écoles, les collèges et lycées sont de plus en plus abandonnés aux maîtres des parents et aux vacataires honteusement exploités, comme une main-d’œuvre servile, dans leur propre pays par leur propre Etat ! Depuis 5 ans le Premier Ministre promet un Forum national pour que l’on se penche enfin, après 22 ans de quasi abandon, sur ce grand malade qu’est l’éducation nationale aujourd’hui. Mais peut-être attend-on qu’il finisse d’agoniser pour que l’on organise une bonne foi pour toutes ses obsèques. Pendant ce temps, on peut bien dépenser des centaines de milliards pour organiser deux coupes d’Afrique afin de nous distraire de nos problèmes et de nos malheurs.

Dans le contexte exceptionnel de ce congrès ordinaire, je voudrais dire aux militants du SNIEB, aux camarades syndicalistes ici présents, à tous les enseignants, que le destin de notre pays, qui se joue ces temps-ci plus qu’à une autre époque, exige de chacun et de tous le plus grand engagement et la plus grande détermination. Dans de telles circonstances, si l’on n’est pas prêt au plus grand sacrifice, il est inutile d’espérer que l’on puisse faire vivre et prospérer une cause. Et cela est encore plus vrai pour les bonnes causes que pour les mauvaises. En ce moment, l’une de ces causes qui nous préoccupe au plus haut point est celle de la rentrée scolaire 2017-2018 dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Nous en appelons à toutes les parties pour que les conditions d’une véritable reprise des classes dans ces zones soient négociées. Quant à notre engagement syndical, camarades, ne nous soucions pas d’abord de savoir si notre voisin est avec nous : le bien est d’abord une qualité avant d’être une quantité. Que ce congrès nourrisse votre engagement, trempe votre courage, et fasse de vous des exemples pour l’ensemble du corps enseignant, afin que demain, ensemble, nous puissions gagner la bataille contre tous les obscurantismes, pour la liberté, l’unité et le développement de notre pays.

Un pour tous, tous pour un !