MESSAGE DES SYNDICATS D’ENSEIGNANTS

Mmes et MM. les autorités administratives ;
Mmes et MM. les autorités politiques, traditionnelles et religieuses ;
Mmes et MM. les autorités scolaires ;
Chers membres de la communauté éducative (Enseignants, Parents, Opérateurs
économiques, Elèves, etc) ;
Mmes et MM.

Le Cameroun se joint au reste du monde pour célébrer la 26è édition de la
Journée Mondiale des Enseignants sur le thème : « les jeunes enseignants, l’avenir de la profession ». Permettez-nous tout d’abord d’aller aux origines de cette Journée.

On ne rappellera jamais assez que cette célébration trouve toute son essence
dans les actions de l’UNESCO. En effet, L’Organisation des Nations Unies pour
l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) a inauguré la Journée Mondiale des Enseignants en 1994 pour attirer l’attention sur les contributions et les réalisations des enseignants et pour mettre en lumière les préoccupations et les priorités des enseignants. Le jour choisi pour cette inauguration n’a pas été un hasard du calendrier ; le 5 octobre 1966, une conférence intergouvernementale spéciale tenue à Paris, en France, a adopté la recommandation conjointe OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une recommandation d’une organisation internationale spécialisée de l’Organisation des Nations Unies (ONU) a donné aux enseignants du monde entier un instrument qui définit leurs responsabilités et affirme leurs droits professionnels. La section V de cette recommandation parle effectivement de la préparation à la fonction enseignante et a fortement orienté le choix du thème de cette année. Cette section décrit les contours de la sélection, des programmes de formation des enseignant(e)s, et même des établissements de formation des enseignant(e)s. Or le constat est alarmant au regard de l’implémentation de cette recommandation dans notre pays.

Il est de plus en plus difficile de recruter et de former en nombre suffisant des
enseignants – avec le nombre de places qui se voit de plus en plus réduit au fil des ans lors les concours de recrutement pour les écoles de formation d’enseignants -.Il est tout aussi difficile de garder longtemps en fonction ceux qui exercent déjà, car ils sont nombreux, qui sont devenus de simples « matriculas ». Les chiffres de démissions augmentent partout dans le monde, surtout chez les jeunes enseignants. Comme nous le savons tous, de nombreux enseignants, particulièrement chez nous, continuent d’exercer leur métier dans des conditions de vie et de travail précaires et inacceptables. On peut citer entre autres :

– Les contrats inadéquats ;
– Les formations initiales et continues lacunaires ;
– L’absence de considération sociale ;
– L’environnement de travail stressant ;
– Les salaires très faibles, irréguliers et qui ne couvrent pas souvent l’année
dans le secteur privé ;
– Les salaires peu motivants dans le secteur public ;
– Les montants peu incitatifs des primes et autres indemnités dans le public ;
– L’absence ou l’insuffisance des primes pour les enseignants du secteur privé
– L’absence d’une convention collective, absence qui crée une situation très
favorable aux promoteurs des établissements scolaires privés et crée les
conditions d’un travail non décent.

S’y ajoutent aujourd’hui d’autres formes de calamités telles :

– les discriminations de toutes sortes,
Savez-vous que dans les dernières contractualisations des instituteurs, les listes parallèles ont circulé ? En termes simples, un enseignant formé, qui a exercé dans une zone rurale pendant 7ans au moins comme maître de parents, et détenant la liste officielle de sélection sur laquelle figure son nom, se voit opposer, au moment de la signature du contrat, une autre liste où il n’y a pas son nom. – Quelle frustration !
– les menaces grossières des autorités et des agressions physiques violentes.

Les exemples qui nous parlent datent de la veille de cette célébration avec des menaces non voilées aux enseignants à Manjo par l’autorité administrative et la mise aux arrêts d’un enseignant à Sangmelima sous prétexte d’un « discours pédagogique non conforme ». Ajoutons à cette triste liste, le fait qu’un surveillant général dans un établissement public a été violenté au nord, une institutrice a été à son tour violentée et molestée à son poste de service, en mondovision, devant ses élèves à Bafoussam, sous le regard impuissant de ceux-ci. Quelle mauvaise publicité pour la fonction
enseignante et pour l’ensemble de notre pays ! Ces enseignants menacés, seulement violentés, brutalisés, ont d’une certaine façon eu plus de chance que d’autres qui ont tout simplement perdu la vie.
C’est en effet le cas de ceux qui, comme le regretté Olivier WOUNTAI, ont
laissé leur vie sur le champ d’honneur du métier. Dans la zone en crise du Nord-ouest, il a été décapité et sa tête exposée pour faire exemple par des assassins jusqu’ici non identifiés.

Mmes et MM,
C’est dans cette atmosphère de psychose généralisée que les enseignants du
Cameroun exercent. Cela favorise depuis des années les « décrochages professionnels ». Oui, les enseignants et surtout les jeunes enseignants fuient
l’enseignement pour aller ailleurs, vers l’étranger ou dans d’autres professions. Plus de la moitié des enseignants formés au Cameroun exercent aujourd’hui dans des ministères autres que ceux en charge de l’éducation nationale. En clair, l’avenir de la profession est entrain de sombrer. Même les palmes académiques que nous avons obtenues nous laissent sur notre faim. Car les enseignants voudraient que ces distinctions soient suivies d’impact, de même qu’ils attendent les diplômes qui devaient suivre ces médailles.

Il est grand temps que nos décideurs se souviennent que si l’avenir de l’enseignement est compromis, ce n’est pas seulement l’ODD4 (Objectif de
Développement Durable N° 4 qui recommande une éducation de qualité pour tous) qui le sera à son tour, mais tous nos projets de développement. On peut encore redresser le tir en donnant à l’enseignant la place qui est la sienne pour que la démotivation qui est devenue monnaie courante chez les jeunes enseignants cesse et que renaisse le feu sacré du plus beau métier du monde. Nous en appelons donc à la tenue du Grand Forum National de l’éducation promis par le Président de la République pour qu’une réflexion profonde soit faite pour résoudre les grands problèmes qui minent l’éducation dans notre pays.

A vous les enseignants et surtout les jeunes enseignants, qu’attendez- vous
pour rejoindre le syndicat ? Le syndicalisme libère et épanouit. Les palmes
académiques quoique peu satisfaisantes jusqu’ici pour les raisons sus évoquées, et qui font notre fierté et notre joie aujourd’hui, sont les fruits d’un combat de haute facture. Un enseignant syndiqué est un pas vers une éducation de qualité. Dès lors brisons nos chaines, dépassons notre peur et nos calculs, rassurons-nous car le syndicat n’est pas l’ennemi mais le partenaire de l’Etat. Au regard des abus de toutes sortes et des grands défis qui nous interpellent, nous devons faire bloc et évoluer en rangs serrés pour défendre nos droits et notre profession. A ce titre ; seul le syndicat
est le cadre adéquat et approprié pour porter la voix de l’enseignant. Seul, il est impossible pour chaque enseignant de le faire ; mais ensemble nous le pouvons efficacement.

Un grand bravo à tous les jeunes qui ont choisi l’enseignement et qui veulent y rester. Le syndicalisme leur permettra de faire de cette profession un cadre plus agréable pour leur carrière.

Vive tous ceux qui œuvrent pour l’éducation des jeunes
Vive la liberté syndicale
Vive le dialogue social
Vive le Cameroun.

le Syndicat National Automne des Enseignements secondaires (SNAES)
le Syndicat National Indépendant des Enseignants de Base (SNIEB)
le Syndicat des Enseignants du Cameroun pour l’Afrique (SECA)
le Syndicat des Travailleurs des Etablissement Scolaires Privés du
Cameroun (SYNTESPRIC)