Covid-19 : les règles pour fabriquer des masques “maison”

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Changement de doctrine. Sans être encore obligatoire en France, le port du masque “alternatif” pour tous est désormais recommandé. D’où la déferlante de “tutos” pour expliquer comment les fabriquer chez soi avec les moyens du bord. Passage en revue des règles indispensables à respecter pour les confectionner.

En papier ou en tissu, en forme canard ou accordéon, les patrons de couture pour se fabriquer son propre masque grand public “alternatif” pour éviter la propagation du Covid-19 ont envahi le net. Face à la nouvelle recommandation de l’Académie nationale de médecine le 3 avril de s’en équiper pour sortir, bon nombre de Français ont ressorti leur machine à coudre du placard ou pris du fil et une aiguille pour s’en confectionner. Une précaution d’autant plus opportune que plusieurs pays ont décrété l’obligation d’en porter, comme Taïwan, l’Italie ou encore la Slovaquie. Les réseaux sociaux publient donc en masse des “tutos”. Une généralisation qui ” pourrait avoir un impact sur la courbe de contamination, estime Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l’Inserm. Mais il ne faudrait pas que leurs porteurs, se croyant protégés, relâchent les indispensables gestes barrière, ce qui aurait l’effet inverse de celui recherché.” D’autant que leur efficacité n’est pas totalement démontrée contre le Covid. Aucune étude en population générale n’a encore été menée et les masques en tissu n’ont été testés que sur la grippe saisonnière. Une étude  publiée en 2015 dans la revue médicale BMJ Open a même conclu que les masques en tissu “pouvaient entraîner un risque accru d’infection à cause de leur mauvaise filtration” mais l’essai avait été mené dans un établissement de soins.

Pour aider chacun dans la confection de son masque artisanal, l’Association de normalisation (Afnor) a publié un guide s’appuyant sur 150 experts, et notamment la Direction générale de l’armement (DGA), la Société  française d’hygiène hospitalière et la société française des sciences de la stérilisation. Ces dispositifs ne sont cependant pas homologués. Et s’ils sont surtout  efficaces pour empêcher les projections – et donc protéger les personnes dans l’entourage du porteur du masque – leur port “permet de constituer une barrière de protection contre une éventuelle pénétration virale dans la zone bouche et nez de son utilisateur ou d’une personne se trouvant à proximité“, estime l’Afnor. A condition de suivre quelques règles.

Quel tissu choisir ?

Il faut utiliser des étoffes “serrées” telles que de la viscose ou du polyester, et en superposer deux ou trois couches afin d’empêcher 70% de la projection de particules d’au moins 3 microns. A titre de comparaison, les masques FFP2 recommandés pour les soignants filtrent 94% des particules jusqu’à 0,6 micron. Rappelons que le virus a une taille par lui-même de 0,1 micron, mais que c’est la taille des gouttelettes qui assurent son transport qui importe. Les tissus doivent être non irritants et souples pour s’appliquer autour du visage et assurer l’étanchéité. “Les tissus non tissés sont ceux qui protègent le mieux, précise Patrice François, professeur au service d’évaluation médicale au CHU de Grenoble. Les serviettes de bain fines en microfibre sont par exemple efficaces.”

Faut-il les renforcer avec des filtres ?

Certains tutos préconisent de renforcer les masques à l’intérieur avec du papier filtrant tels les sacs à aspirateurs ou les filtres à café. Une pratique que l’Afnor ne recommande pas. Sur son site, l’agence indique : “malgré leur bonne capacité filtrante, ces types de filtres ne répondent pas à l’exigence en terme d’ innocuité de l’air inhalé. En effet, ces matériaux sont susceptibles de libérer dans l’air des substances irritantes pouvant causer un risque d’allergie (en particulier de crises d’asthme grave) et/ou de toxicité. De plus, ces types de filtres ne présentent pas de bons résultats en termes de respirabilité. Cette configuration ne permet peut-être pas d’avoir un masque lavable en fonction des matériaux envisagés.”

Peut-on utiliser des serviettes en papier ?

Oui car elles présentent l’avantage de ne pas être tissées. Elles sont plus efficaces que certains tissus avec trame. Mieux vaut mettre plusieurs serviettes l’une sur l’autre ou opter pour la forme pliée, comme le montre dans son tuto le Pr Daniel Garin, médecin du travail et professeur agrégé à l’Hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce. De plus, une étude publiée le 2 avril dans le Lancet montre que c’est sur le papier imprimé et le papier de soie que le virus résiste le moins longtemps (3h contre 2 jours sur du coton).

Quelle forme donner au masque ?

La forme a peu d’importance à condition que le tissu recouvre bien le bas du visage, du nez jusqu’au menton pour protéger les muqueuses. L’Afnor fournit d’ailleurs deux types de patron : masques “bec de canard” et à plis. Quant aux attaches, il est possible de recourir à des élastiques ou à des liens qui se nouent. Faute de pouvoir mettre une réglette métallique au niveau du nez comme sur les masques chirurgicaux, des lunettes peuvent faciliter le maintien du masque et peuvent également protéger en partie la muqueuse des yeux.

Comment le laver ?

Si le masque est en tissu, il convient de le laver après chaque usage à 60° pendant 30 minutes, avec un cycle complet de machine. L’Afnor précise que la lessive habituelle convient parfaitement mais que “l’utilisation d’adoucissant n’est pas préconisée“. Si le masque est en papier, il faut le jeter après chaque utilisation dans la poubelle grise, et non le bac jaune pour éviter tout risque d’infection pour les personnes en charge du tri sélectif.

Peut-on utiliser une visière en plexiglas ?

Un intercalaire transparent ajusté sur des lunettes, une bouteille en plastique découpée… certains tutos préconisent ce genre de protection. D’après l’Institut national de recherche et de de sécurité (INRS), “les visières ou écrans faciaux ne sont pas des équipements de protection respiratoire mais des équipements de protection des yeux et du visage”. S’ils peuvent épargner aux porteurs les grosses gouttelettes émises immédiatement après une toux par une personne située à proximité et face à l’écran, ils ne permettent pas d’éviter les particules restant en suspension. Ils n’ont donc pas l’efficacité des masques de protection respiratoire.

Quelles précautions d’usage ?

Le maniement doit se faire avec vigilance. “Le masque n’exonère à aucun moment des gestes barrière”, résume Rim Chaouy, responsable de pôle santé et sécurité au travail d’Afnor et pilote du projet. Autrement dit, il est indispensable de se laver les mains avant de le mettre et après l’avoir enlevé. Une fois ajusté, il ne faut plus le toucher, ni le rabattre sur son front ou son menton pour fumer une cigarette ou grignoter quelque chose… Enfin, il sera plus efficace sur une peau nue.