L’école au Cameroun a mal dans ses infrastructures et équipements. En ville parfois, souvent en zone rurale, les établissements scolaires manquent de tout lorsque les parents sont trop pauvres pour contribuer et les élites trop rares pour se substituer. Dans certains cas, des infrastructures durement acquises se détériorent faute d’entretien et sont abandonnées à la ruine. Et les écoles concernées deviennent progressivement des écoles fantômes. C’est le cas à Danfili, dans le Djerem.
Danfili : un petit hameau rural du Djerem, entre Ngaoundal et Tibati. Plutôt habité si l’on prend en compte les réalités démographiques de la région. Lorsque le train vous laisse dans la petite gare de Ngaoundal au petit matin, les chauffeurs de « clandos », seuls moyens de transport en commun sur la ligne de Tibati, ne vous donnent nullement le temps de photographier l’environnement déjà exotique pour qui s’y aventure pour la première fois. Comme un peu partout sur nos routes de campagne, vous vous retrouvez bientôt comprimés à vous étouffer dans un véhicule de cinq place qui n’a pas peur d’en prendre huit. Et le dur voyage commence. Ici, le bitume, mince croute noire crevassée de mille trous, ne vaut guère mieux que la route de terre ravinée par les torrents. Le trajet est tout en cahots et embardées.
Au bout d’une quarantaine de minutes d’une véritable chevauchée sauvage, nous tombons sur Danfili. A l’entrée du hameau, une plaque crasseuse, rouillée, mille fois écorchée, saute aux yeux, sur le rebord droit de la piste : « Ecoles publiques de Danfili, groupe I et II ». Derrière cette plaque, un spectacle hallucinant de quatre ou cinq bâtiments, que l’on devine jadis fort beaux, aujourd’hui en majorité détériorés, tôles arrachées, bois de charpente noirci et probablement pourri. Deux des bâtiments sont encore relativement utilisables et semblent encore utilisés. Nous sommes là en face d’un véritable gâchis de ressources. Cette école n’a certainement pas été déconstruite en un jour. Mais on a laissé que ceci se produise.
Plus loin, sur la route de Ngaoundéré, nous tombons sur une autre école remarquable : l’école publique de Massiwol. Le patrimoine infrastructurel de celle-ci se réduit à une toute modeste maisonnette aux dimensions de toilette externe d’une demeure normale. Il est évident que, dans ce bâtis, on ne pourrait pas faire entrer plus de quatre bancs. Combien de niveaux et d’élèves comprend cette école ? Difficile à imaginer.
Quelques kilomètres plus loin, notre tacot immobilisé au milieu de nulle part par une crevaison, je tombe sur deux adolescents. J’arrive avec beaucoup de peine à leur faire dire quelques mots en français. « Vous allez à l’école ? » Ils secouent négativement la tête. Une zone de sous-scolarisation ou d’éducation prioritaire. Il doit y en avoir beaucoup dans cette région.
Les réalités scolaires dans l’Adamaoua sont souvent choquantes. D’entières écoles y sont tenues par un seul enseignant qui est généralement le directeur de la structure. Les enfants qui arrivent au secondaire ne savent pour la plupart ni lire ni écrire. Un enseignant avec qui nous avons discuté s’insurge : « A quoi bon faire croire aux gens que l’école primaire existe ici ? Autant attendre l’âge approprié et envoyer directement les enfants en sixième, on ne constaterait aucune différence. »
Roger Kaffo Fokou.