DE LA RECLAMATION A LA CYBERCRIMINALITE  : Quand des enseignants se transforment en bourreaux pour leurs propres collègues.

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GREVE DES ENSEIGNANTS

« Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »

Article 1382 du Code Civil Camerounais.

Nul n’est censé ignorer la loi. Pourtant, depuis le début du mouvement de protestation des enseignants, nombreux sont-ils à ignorer la loi et pire encore, à l’enfreindre allègrement. Pour certains d’entre eux, le sacrifice d’une frange de la corporation vaut bien les fins escomptées. Le paradoxe le plus total dans cette situation c’est qu’ils réclament leurs droits professionnels en foulant au pied la dignité humaine et au passage tous les droits fondamentaux. Le procédé est simple : utiliser les données nominatives de tous les collègues qui ont des convictions ou des opinions divergentes pour les jeter à une sorte de « vindicte collective ». Ce procédé tendancieux et malicieux a fini par devenir le mode opératoire de ces enseignants qui se revendiquent chevaliers de la justice mais qui dans les faits, ont fini par se muer en véritables défenseurs de la pensée unique.

Dans tout le pays, la divulgation des données nominatives des enseignants qui refusent de s’aligner à la cause ou à la procédure édictée par certaines tendances de la revendication est monnaie courante. Les exemples sont légions : un enseignant du côté du Lycée de Nkoabang qui faisait cours en plein mouvement de craie morte est pris en photo puis ses coordonnées annexées à son image ont été diffusées dans le but de porter atteinte à sa considération ; plus récemment encore, ce sont les enseignants d’Education Physiques et Sportives qui en ont fait les frais un peu partout dans le pays. Il faut noter que si parmi ces bourreaux certains le font en connaissance de cause, il est à déplorer que d’autres le font juste pour s’aligner au dictat conformiste. Il est bon de nous rappeler ce que dit la loi dans ce cas, car malgré tout, même si nous ne pensons plus être dans un pays de droit, nous devons nous rappeler que le motif du mouvement de protestation des enseignants s’inscrit dans le sillage d’un appel au respect des lois et règlements du Cameroun.

DURA LEX, SET LEX

Pour avoir un ordre d’idée, selon l’article 74 alinéa 8 de la loi n°2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la cyber sécurité et la cybercriminalité au Cameroun : “Est puni d’un emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et d’une amende de 5.000.000 (cinq millions) à 50.000.000 (cinquante millions) F CFA, ou de l’une de ces deux peines seulement, le fait de divulguer des données nominatives portant atteinte à la considération de la victime”. Ou encore selon l’alinéa 5 du même article : « Est puni d’un emprisonnement d’un (01) ans à quatre (04) ans et d’une amende de 2.000.000 (deux millions) à 10.000.000 (dix millions) F CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui met, fait mettre en ligne, conserve ou fait conserver en mémoire informatisée, sans l’accord exprès de l’intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître ses origines tribales, ses opinions politiques, religieuses, ses appartenances syndicales ou ses mœurs. » ceci vaut bien pour les enseignants dits de champ, pour les responsables de l’administration scolaire que pour tous les autres citoyens.

Mais qu’est-ce qu’une donnée nominative ?

Pour mieux comprendre ces extraits de loi, il est utile de revenir sur la notion de données nominatives qui indique selon la loi française où elle a été empruntée : toute information relative à une personne physique identifiée ou pouvant être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres.

En tout état de cause, bafouer le droit d’image et les données à caractère personnel d’un collègue pour le priver de “son droit à la liberté de pensée, de conscience, de son droit à la liberté de changer de conviction ainsi que de la manifester seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement1, est une infraction criminelle lourde de conséquence.

Le prétexte de revendiquer l’application de termes contractuels salariaux vaut-il celui de bafouer les droits fondamentaux humains ? Le droit à un travail décent nous dispense-t-il de respecter le “droit d’autrui de ne pas être inquiété pour ses opinions”1 ?

1 extrait de la déclaration universelle des droits de l’homme

Roland ASSOAH 

Rédacteur/SNAES