La 2è semaine de l’année scolaire 2019-2020 s’est achevée vendredi sur des fortunes diverses. L’actualité nationale a surtout retenu ces images de parents d’élèves du Lycée de Fombap dans l’arrondissement de Santchou, département Menoua, qui ont bruyamment manifesté dans l’établissement, dénonçant la gestion opaque et maffieuse des fonds d’APE par le proviseur Jules Nouba, et aussi le fait que celui-ci contre toute attente s’est décidé de mettre à la porte ceux des élèves qui ne s’étaient pas encore inscrits et parmi eux, les déplacés de la crise anglophone.
Ce dernier point concernant les déplacés de la crise anglophone nous intéresse particulièrement car, au Lycée de Bachua, arrondissement de Babadjou dans les Bamboutos, le proviseur a créé aussi une grogne dans la mesure où il exigeait, aux mêmes déplacés, la somme de 25000 frs représentant selon lui les frais de fabrication d’un banc. Si cette dernière raison peut sembler logique, le contexte de précarité créé par la crise, les conditions de déplacements de ces populations devrait inciter les chefs d’établissements à plus de compassion vis-à-vis de ces victimes qui subissent malgré elles les effets de turbulences politiques que leur imposent les grands acteurs de l’histoire. Les parents, il faut le dire, ne sont nullement dupes devant ces stratégies, car les 25000frs termineront sans doute tranquillement leur course au fond de la poche de monsieur le Proviseur.
Les victimes de la crise anglophone sur le terrain font donc face à de multiples obstacles, et tous ces obstacles et bien d’autres sont complètement en contradiction avec le discours du Ministre de l’administration Territoriale qui, au cours de sa tournée à l’Ouest une semaine avant la rentrée scolaire, avait clairement indiqué que les élèves déplacés de la crise anglophone devaient constituer une priorité pour les chefs d’établissements scolaires. À ce titre, aucun obstacle ne devrait leur être opposé au cas où ils sollicitaient l’inscription dans un établissement scolaire, même pas celui des frais d’inscription. D’ailleurs Madame le Ministre des Enseignements Secondaires dans un communiqué signé le 10 septembre 2019 réitère la même volonté qu’elle indique clairement émaner du Chef de l’État.
Cette mesure est louable à plus d’un titre car elle facilite dans notre contexte où toutes les nouvelles inscriptions sont systématiquement monnayées l’accès dans nos écoles, lycées et collèges à nos compatriotes en difficultés. Seulement, l’actualité laisse entrevoir que l’Etat, au-delà du discours, ne semble nullement accompagner cette mesure par un soutien matériel, financier et en nouveaux personnels pour les établissements qui accueillent les élèves déplacés. Et pourtant cette situation impose la nécessairement de nouvelles infrastructures (salles de classes, tables-bancs, matériels didactiques…). Ces responsabilités additionnelles, nos écoles dont les budgets se sont sans cesse amenuisés depuis plus d’une décennie, auront bien du mal à les assumer. Il est donc nécessaire et même urgent que l’Etat du Cameroun pense affecter une partie des ressources du Plan d’urgence humanitaire aux établissements scolaires, particulièrement ceux des grandes villes du Cameroun et ceux de la ligne de front.
Il faut également signaler que cette mesure mal encadrée administrativement fait déjà l’objet des premiers abus ou de tricherie. Car il nous est revenu que de nombreux Camerounais s’étant rendu compte de la gratuité déclarée des frais d’inscription pour déplacés anglophones dans les établissements publics, s’autoproclament désormais déplacés anglophones afin de bénéficier de celle-ci. Cette malhonnêteté est un problème de plus pour les ressources déjà très faibles de nos établissements scolaires. Un autre problème à craindre est celui de certains chefs d’établissements qui choisiront d’affecter eux-mêmes dans cette rubrique certains élèves qui n’ont aucun rapport avec cette crise, ce qui leur ouvrira une porte de détournement des frais d’inscription et d’APE.
Par Fokou Kodjo