Cinq ans déjà que la pratique dure. Il faut dire que les habitudes ont développé des racines moulées à l’immobilisme qui parfois briment les voix de l’innovation dont l’objectif est pourtant de faciliter la vie. Les candidats aux examens officiels organisés par l’office du baccalauréat du Cameroun (OBC) sont depuis 2017, orientés vers un numéro court, le 8070, pour avoir leurs résultats. Ils peuvent procéder soit par un appel à 150f la minute, soit par SMS au même prix. Les messages divulgués par l’opérateur de téléphonie en charge de ces opérations sont assez explicites à ce sujet.
Les requêtes adressées à ce numéro court connaissent cependant des fortunes diverses : pendant que certains sont déclarés « REFUSÉ » pourtant en réalité ils sont admis, d’autres doivent multiplier les tentatives pour obtenir une réponse qui n’est pas définitive puisqu’il faut encore la vérifier. C’est pourtant prévisible ! Ouvrir un couloir unique et étroit à un nombre important d’utilisateurs concourt inéluctablement à la saturation du serveur avec la multiplication des désagréments qui en découlent. Dès lors, plusieurs questions émergent dans l’esprit de tout observateur qui s’intéresse à cet état des choses : primo, pourquoi l’OBC s’obstine-t-il à poursuivre ce partenariat dont la contrepartie est questionnable à plus d’un titre ? Deuxio, quel est l’intérêt de cette politique qui consiste à toujours greffer des frais supplémentaires, en dehors de toute réglementation, politique qui sollicite toujours les bourses des plus démunis ? Tertio, quelles destinations emprunte cette manne colossale qui semble aiguiser beaucoup d’appétit ?
Le 8070 est désormais un démembrement de l’OBC pourrait-on dire, avec la compétence tacite de publier de façon individuelle, les résultats en lieu et place de ce dernier qui pourtant est l’instance financée par l’État pour remplir cette mission. Pour un même service, le citoyen paie au moins deux fois, peut-on constater. Comble du cynisme, une réponse de ce numéro à un utilisateur présente, en plus des informations sur le candidat et de la mention « ADMIS » ou « REFUSÉ », la phrase suivante : « liste disponible dans votre centre d’examen ». Ce qui est éminemment faux, les listes n’étant pas disponibles en temps réel. Le 8070, logé chez un opérateur privé, a de ce fait l’exclusivité des résultats des examens officiels organisés par l’OBC. Sous d’autres cieux, ce serait un scandale, avec des démissions à la clé et l’ouverture des procédures judiciaires pour faire la lumière sur cette escroquerie. Sous les tropiques, c’est un fait banalisé par l’habitude et qui semble bien graisser les rouages d’une machine bien organisée.
La prédilection pour le 8070 semble ne pas être un choix anodin. Le calcul aurait été fait avec une certaine précision. Il est connu que de nombreux candidats, après les évaluations certificatives, vont en vacances et parfois très loin des centres d’examens. D’autres s’adonnent à des activités génératrices de revenus dont ils ne peuvent se détacher une seconde. D’autres encore composent dans des centres différents de leurs établissements. Ces trois facteurs connus étant réunis, il suffit alors d’injecter dans l’air le parfum de la disponibilité des résultats et en même temps d’organiser la rareté de ces derniers sur le terrain pour que, la pression du moment aidant, on observe un flux important d’usagers vers le seul corridor laissé ouvert, en quête du précieux sésame. Certains diront que personne n’est obligé de composer ce numéro et que chacun peut tranquillement attendre l’affichage des listes pour connaitre son résultat. Ils n’auront pas tord sur toute la ligne. Seulement un fait semble leur échapper : celui de profiter de la faiblesse des gens dont on sait d’emblée qu’ils s’engouffreront dans l’unique soupape ouverte pour évacuer la pression qui enfle dans leurs viscères.
Un petit calcul nous semble important pour comprendre le recourt quasi atavique au 8070. D’après les « statistiques brutes des résultats » des examens baccalauréat et probatoire de l’enseignement secondaire général session de 2022 publiés respectivement les 28 juillet et 5 août derniers, l’OBC déclare 338876 candidats présents dont 135082 pour le baccalauréat et 203794 pour le probatoire. Supposons que seulement la moitié d’entre eux, soit 169438 candidats, envoient un SMS 8070 pour obtenir leurs résultats et s’y prennent en une seule tentative. Le produit de cet effectif et du coût du SMS donne la somme de 25415700 F CFA (vingt-cinq millions quatre cent quinze mille sept cents francs CFA). Si on considère qu’un parent de chacun de ces derniers envoie lui aussi un SMS à ce même numéro et pour la même raison, le montant précédent double, soit 50831400 F CFA (cinquante millions huit cent trente un mille quatre cents francs CFA). Et là encore le compte n’y est pas. Pour avoir une idée minimale des sommes en jeu, il faut ajouter les candidats de l’enseignement technique et leurs parentés éventuelles qui ont recours à la messagerie électronique pour les résultats. Nul doute que l’inertie ambiante est pour beaucoup, liée à cette activité mercantile et illicite, dont les profits sont à coup sûr, répartis entre les protagonistes qui entretiennent l’atonie.
Et pourtant les solutions ne manquent pas ! Il y a peu un lien (https :\\epimexam.cm/inscriptions/candidate/home) sensé offrir l’accès aux résultats des examens via la plateforme epimexam a circulé dans les forums d’examens de l’office du baccalauréat du Cameroun en particulier et sur internet en général. Cette option permettait d’entrevoir la fin de la commercialisation des résultats. « Cette année, on ne paie pas pour avoir les résultats. Tu te connectes, tu tapes ton matricule et tu consultes le résultat », pouvait-on lire dans un commentaire accompagnant le lien. Cette annonce accueillie dans l’allégresse par tous les protagonistes de la chaine des examens n’a pas tenu jusqu’ici, les promesses qu’ont répandues les fleurs de son encensement.
En effet, dès la publication de ce lien, les plus curieux ont testé son opérationnalité et se sont rendu compte que le chantier était en cours de finalisation. Sa livraison n’était qu’une question de jours. Depuis l’annonce de la publication des résultats du baccalauréat aussi bien technique que général, c’est le blackout total. La donne n’a pas changé avec les résultats du probatoire, tous ordres d’enseignement confondus. Un clic sur le lien qui avait fait rêver ouvre une page terne. La sentence exhale un parfum de déception et d’amertume : tout en haut de la page et en gros caractère, on peut lire « page d’erreur ! ». Pour en finir avec l’enthousiasme de l’internaute qui croit que sa connexion lui joue des tours, une bande orange juste en-dessous du texte précédent porte un message qui douche tout espoir : « la page n’existe pas ». Pour avoir les résultats objets de toutes les attentions et convoitises, il faut recourir à contrecœur aux méthodes des années précédentes, à l’ancienne technologie comme dirait un contemporain. C’est dommage !
YONGUI HEUBO Patrick William, Rédacteur SNAES.