La rencontre initiée mercredi dernier le 24 août 2022 par la ministre des enseignements secondaires Pauline Nalova Lyonga, entre certains membres du gouvernement notamment le ministre du travail et de la sécurité sociale, le ministre de la fonction publique et de la réforme administrative, le ministre de l’éducation de base et le ministre des finances (y représenté) d’une part et les représentants des syndicats d’enseignants d’autre part, a servi de prétexte pour poser une fois de plus, l’épineuse question de l’organisation du forum national de l’éducation (FNE) dans notre pays le Cameroun. De l’avis général des observateurs, il se dégage que le gouvernement n’en fait pas une priorité, comme en témoignent la chape de plomb et l’omerta qui répriment toute évocation de ce sujet. Mais commençons par le début.
L’objet de la séance de travail susmentionnée portait « concertation a/s préavis de grève des enseignants », en référence à un préavis de grève introduit par des collectifs d’enseignants (OTS et OTA) et un syndicat d’enseignants (SECA).Le gouvernement projetait alors de focaliser l’attention de tous les protagonistes sur les revendications inscrites sur ce préavis. Et pourtant, les mouvements de grève dans le secteur de l’éducation qui ont débuté en février dernier et dont les mots d’ordre sont jusqu’à date suspendus, notamment celui de l’intersyndicale, mettaient un point d’honneur sur l’organisation des assises nationales pour la réforme de notre système éducatif. Il était de ce fait incompréhensible que cette rencontre bipartite passe sous silence la cause de tous les maux qui paralysent le plein essor de l’éducation véritable pour orienter ses projecteurs sur les conséquences d’un dysfonctionnement criard. C’est au forceps que le mandataire de l’intersyndicale, Roger Kaffo Fokou, obtiendra que ce point figure à l’ordre du jour, malgré la désapprobation des initiateurs de ce préavis (OTS, OTA et SECA).
Tenir le serpent par le milieu ou encore procéder à des injections d’antalgiques par doses homéopathiques, voilà bien une curieuse façon de régler des problèmes qui se posent avec acuité dans notre société actuelle. Non pas que les revendications conjoncturelles qui touchent à la bourse des enseignants soient à ranger au placard ! C’est l’argent qui fait tourner le monde et nous en avons tous besoin et encore plus par ces temps qui entretiennent les vents de la poussée inflationniste. Les enseignants ont droit à leurs dus et ils doivent le réclamer par tous les moyens légaux. Le préavis de grève de l’intersyndicale en avait d’ailleurs fait un point d’honneur en exigeant comme préalable, la publication par le gouvernement, d’un échéancier précis, pour l’apurement de la dette afin d’accroitre le pouvoir d’achat des enseignants. Cet échéancier a été obtenu et sa mise en œuvre, à ce jour, mérite qu’on salue cette avancée tout en restant vigilants pour la suite du processus. Cependant, il ne s’agit là que de l’arbre qui cache la forêt. Le malaise est plus profond. Les causes responsables de la situation actuelle résident dans les politiques publiques mises en œuvre dans le secteur de l’éducation. Le véritable problème est donc structurel. Les grimaces du gouvernement à toute évocation du forum national de l’éducation indiquent à suffire la direction vers laquelle doivent s’orienter toutes les boussoles. Les questions relatives à la place de l’éducation, à la place de l’enseignant, à la gouvernance de l’éducation et au le financement de l’éducation pour ne citer que celles-là, ne peuvent trouver des réponses satisfaisantes que dans un tel forum qui malheureusement s’apparente à un serpent de mer.
La question du forum national de l’éducation doit cristalliser toutes les attentions. C’est l’enjeu majeur. Le ministre de l’éducation de base, au cours des travaux, a d’ailleurs déclaré : « nous voulons le FNE ». Force est de constater que ce forum sommeille encore dans des nuages inconnus. Les travaux préalables à l’organisation d’un tel forum ont été bouclés par le MINESUP (avec la participation des syndicats) depuis 2019 et prennent la poussière dans les tiroirs du gouvernement depuis ce temps-là. Le budget prévisionnel pour son organisation tutoie à peine le milliard de nos francs. « Tout est prêt et pourtant le FNE ne se tient pas », lance Roger Kaffo. Il faut dire que de nombreux goulots d’étranglement empêchent la délivrance du précieux sésame. D’abord le déni de la réalité et des faits. Le ministre du travail et de la sécurité sociale, Grégoire Owona, a laissé entendre dans sa prise de parole que « les travaux n’étaient pas tout à fait achevés pour une tenue sereine du FNE ». Une assertion en total déphasage avec la position du MINESUP et des syndicats qui eux sont formels, pour avoir été les principaux acteurs sur le terrain. Ensuite le dilatoire. La ministre des enseignements secondaires a déclaré que les fonds destinés à l’organisation du forum national de l’éducation auraient été utilisés pour soutenir les dépenses liées à l’organisation du grand dialogue national, tenu du 30 septembre au 4 octobre 2019. Enfin la manipulation. Le gouvernement fait tout son possible pour orienter l’attention des observateurs vers les solutions mises en œuvre pour résoudre les problèmes physiologiques des enseignants. En d’autres termes, payer la dette pour divertir de toute revendication qui s’intéresserait aux questions de fond semble être l’option choisie par les décideurs.
Quoiqu’il en soit, chacun peut se rendre compte que le gouvernement joue à un jeu trouble dans lequel il essaie d’embarquer tous les acteurs. Entre temps, le système éducatif s’enfonce, l’école se noie dans la violence, la société se pervertit davantage et l’avenir déjà terne arbore les oripeaux qui augurent d’un grand deuil national. Les syndicats d’enseignants ont fait leur part du boulot, il reste au gouvernement à faire le sien. Pour emprunter au jargon sportif, nous dirons que la balle est dans son camp et c’est à lui de jouer.
Au sortir de la séance de travail du mercredi 24 août 2022, une réunion a été annoncée ce même jour à la présidence de la république, pour étudier les questions liées aux crises à répétition qui secouent le secteur de l’éducation et le cortège de désagréments qu’elles charrient. Il nous reste à espérer que ces assises en haut lieu libèreront enfin la fumée blanche que nous appelons de tous nos vœux.
YONGUI HEUBO Patrick William, Rédacteur SNAES