INVESTIR DANS L’ÉDUCATION PAR UN FINANCEMENT PLUS EFFICACE : LES SYNDICALISTES SE MOBILISENT DANS LE CADRE DE LA CAMPAGNE “LA FORCE DU PUBLIC” AU CAMEROUN.

0
438

Le mercredi 7 février 2024, les experts financiers des cabinets ADIN et du groupe Afroleadership, représentés par Martin Tsounkeu et Joseph Nke, ont animé un atelier sur les stratégies de financement efficace de l’éducation. Cet événement a été organisé par les syndicats des organisations FESER, FECASE et SYNTESPRIC dans le cadre de la campagne internationale “La force du public : ensemble on fait école”, lancée par l’Internationale de l’éducation. L’objectif de cette campagne est de promouvoir un enseignement public inclusif et de qualité pour tous, tout en luttant contre les coupes budgétaires, l’austérité et la privatisation.

L’importance de financer intégralement l’enseignement public et de reconnaitre le rôle crucial des enseignants

Il est urgent de financer intégralement les systèmes d’enseignement public et de s’opposer à la marchandisation de l’instruction et de la formation. L’éducation est un droit fondamental de l’homme et un bien public essentiel. Il est donc impératif que les gouvernements investissent massivement dans ce domaine.Il est également crucial de reconnaître le rôle central des enseignants dans la garantie d’une éducation de qualité. Cela suppose de respecter et d’appliquer leurs droits en tant que travailleurs, de leur fournir des conditions de travail optimales, une charge de travail raisonnable et des salaires compétitifs. Les enseignants doivent être placés au cœur des décisions et leur expertise pédagogique doit être valorisée.

Des outils stratégiques de planification financière à maîtriser

Au cours de cet atelier, les experts ont partagé une réflexion autour de quelques outils de planification financière utilisés par les gouvernements, afin de renforcer les capacités des syndicalistes en leur permettant de mieux comprendre les mécanismes de priorisation des dépenses publiques et d’accréditation budgétaire.

Le Cadre des dépenses à moyen terme (CDMT) est le premier outil stratégique abordé lors de cet atelier. Il permet une planification efficace des dépenses publiques sur plusieurs années. En prenant en compte les objectifs globaux de l’éducation et les besoins réels du système éducatif, le CDMT assure une allocation plus adéquate des ressources financières. Il offre une vision à long terme et contribue à garantir la stabilité des financements alloués à l’éducation.

Dans le contexte camerounais, l’application du CDMT nécessite une analyse minutieuse des dépenses publiques passées et une projection réaliste des besoins futurs. Il est primordial d’établir des références, d’évaluer l’efficacité des programmes actuels et de prévoir les coûts supplémentaires associés à la mise en œuvre de politiques ambitieuses en matière d’éducation. Les syndicats de l’éducation peuvent jouer un rôle actif dans ce processus en apportant leur expertise et en exerçant une pression constructive pour garantir une allocation équitable et adéquate des ressources dans le secteur de l’éducation.

Le deuxième outil, le Cadre du budget à moyen terme (CBMT), il complète cette première approche en intégrant les politiques budgétaires à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques éducatives. Une coordination étroite entre les ministères des Finances et de l’Éducation est essentielle afin de prendre en compte les objectifs éducatifs dès la conception des budgets publics. Le CBMT permet également de mesurer l’impact des dépenses éducatives et d’ajuster les politiques budgétaires en conséquence.

Au Cameroun, il est crucial de renforcer la transparence et la participation dans le processus budgétaire. Les syndicats de l’éducation peuvent jouer un rôle de catalyseurs pour promouvoir ces principes. Ils peuvent exercer une surveillance accrue sur les mécanismes d’allocation budgétaire, s’assurer de la bonne utilisation des montants prévus pour l’éducation, et encourager la participation des citoyens et des acteurs de l’éducation dans la prise de décision budgétaire.

Assainissement de la gouvernance publique :

La question de la gouvernance publique a été rigoureusement abordée lors de cet atelier. À une époque où la corruption et les détournements de fonds publics sont perçus comme des obstacles majeurs à l’efficacité des dépenses publiques, il devient impératif de renforcer les mécanismes de transparence et de redevabilité. Les syndicats, reconnus comme des acteurs clés dans cette lutte contre la corruption, ont un rôle crucial à jouer en exigeant une gestion rigoureuse et transparente des ressources financières allouées à l’éducation.

En vue d’assainir les pratiques, il est essentiel de renforcer les dispositifs de contrôle et d’audit, afin de détecter et d’éliminer tout flux financier illicite. Une collaboration étroite entre les autorités compétentes, la société civile et les syndicats de l’éducation s’avère primordiale pour garantir une gouvernance publique saine et transparente. L’objectif ultime est de créer un environnement dans lequel les ressources allouées à l’éducation sont utilisées de manière optimale, sans déviation ou mauvaise utilisation.

Des Mécanismes innovants de financement de l’éducation :

1. Création d’un fonds spécial dédié au soutien de l’éducation publique : Il s’agit de mettre en place un mécanisme financier spécifique assurant un financement stable et adéquat pour l’éducation publique. Ce fonds pourrait être alimenté par des contributions publiques, des dons philanthropiques ou des partenariats public-privé. L’objectif serait de garantir l’accès universel à une éducation de qualité et de lutter contre les inégalités d’accès à l’éducation.

2. Mise en place d’une taxe spécifique à l’éducation : Cette mesure consiste à introduire une taxe dédiée exclusivement au financement de l’éducation. De nombreux pays dans le monde ont déjà adopté cette approche, tel que le Brésil avec la “taxe sur les transactions financières” ou l’Argentine avec la “taxe sur les boissons sucrées”. Ces exemples concrets peuvent inspirer les syndicalistes à promouvoir l’instauration d’une telle taxe au Cameroun, afin de générer des ressources supplémentaires pour financer l’éducation publique.

3. Exploitation du contenu local des contrats miniers pour le financement de l’éducation : Dans un pays comme le Cameroun, qui dispose de ressources minières importantes, il est essentiel de considérer des mécanismes permettant de tirer profit de l’exploitation de ces ressources au bénéfice de l’éducation. Les syndicalistes peuvent prendre part activement aux débats sur la législation minière, en veillant à ce que les contrats miniers incluent des dispositions spécifiques visant à allouer une part des revenus miniers à l’éducation publique.

Il est important de souligner que ces propositions ne constituent qu’un aperçu des solutions potentielles prodiguées par les experts pour assurer un financement adéquat de l’éducation. Leur mise en œuvre requerra la mobilisation des syndicats, des pouvoirs publics et de la société civile.

L’atelier sur les stratégies de financement efficace de l’éducation a permis de mettre en lumière des pistes concrètes pour améliorer la gouvernance publique et trouver des mécanismes innovants de financement de l’éducation au Cameroun. Le Cadre des dépenses à moyen terme et le cadre du budget à moyen terme offrent des outils précieux pour planifier et allouer efficacement les ressources financières. Cependant, l’assainissement de la gouvernance publique reste un défi majeur qui requiert l’engagement de toutes les parties prenantes. Les syndicats de l’éducation peuvent jouer un rôle central dans ce processus en utilisant leur voix collective pour promouvoir l’équité, la transparence et l’efficacité des dépenses publiques en matière d’éducation. De plus, en explorant des mécanismes de financement novateurs et en encourageant la participation de tous les acteurs de la société, nous pourrons progresser vers un système éducatif inclusif et de qualité pour tous les citoyens du Cameroun.

Roland ASSOAH / SNAES