Camarades, collègues,
Depuis l’entrée indiscrète et même ostentatoire de la pandémie du Covid-19
au Cameroun, notre plus grande préoccupation à nous les enseignants a été d’abord, comme citoyens, de « sauver des vies », ensuite et comme enseignants, de « sauver des esprits ». Nous étions pour cela en parfait accord avec les mesures gouvernementales. Peu ou mal accompagnés dans cette tâche, nous nous sommes attelés à l’accomplir de notre mieux. Aussi avons-nous fait la promotion de toutes les mesures gouvernementales, urbi et orbi. Avec celles édictées récemment, il apparaît qu’une page vient d’être tournée, et que va, malgré nous, s’ouvrir une époque de divergence responsable.
Derrière la crise sanitaire qui s’est édifiée ces derniers mois sur les traces du Covid-19, chacun a pu voir, avec un minimum d’attention, se profiler une crise économique et sociale. Il était clair que le confinement et la distanciation sociale allaient avoir un coût économique et un impact social. Une stratégie monopode ne pouvait donc être efficace contre la pandémie. Les mesures d’accompagnement sont finalement arrivées, au bout de deux longs mois. Nous étions déjà en pleine phase 2 de la pandémie, celle de la propagation communautaire du virus. Désormais, le virus circule dans toutes les régions, incognito et dangereux, comme un assassin masqué. Ce qu’il lui faut pour asseoir son emprise sur le pays, c’est le contact, la promiscuité. Et certaines des dernières mesures du Gouvernement lui offrent justement, comme sur un plateau d’argent, cette opportunité.
En effet, dans le transport urbain et interurbain, l’annulation de la
distanciation sociale – seule la surcharge est encore interdite – ouvre désormais un premier boulevard à la propagation accélérée du virus. La levée des mesures restrictives sur les débits de boissons en ouvre un second. L’effet conjugué de ces deux mesures, – elles montrent indirectement aux Camerounais que la crise est maîtrisée, sinon pourquoi les allègerait-on ? – en ouvre un plus grand encore. Pour de nombreux Camerounais, la
pandémie est désormais derrière nous. Voilà donc où nous en sommes !
Sommé par le principe de réalité – je veux bien – de choisir entre la santé des Camerounais et la santé de l’économie, le Gouvernement a choisi celle de l’économie. Une proportion de citoyens camerounais sera donc sacrifiée pour que l’économie tienne debout. Combien seront-ils ? Peu importe ? Je n’en sais rien. Ainsi, au lieu de renforcer le bateau, le capitaine a choisi de jeter des matelots à la mer pour alléger l’embarcation. Pouvait-on, peut-on, à la place du Gouvernement, faire autrement ? Je pense que oui. On aurait pu fermer les frontières à temps. Ne l’ayant pas fait, on pouvait mettre en quarantaine stricte les passagers des flottes qui ont transporté le corona virus au Cameroun. Ne l’ayant pas fait,
on pouvait faire appliquer plus sérieusement les 13 premières mesures du Gouvernement. Ne l’ayant pas fait, on pouvait faire mieux appliquer les 13+7 mesures suivantes. Et on ne l’a pas fait. Entre ces ratés successifs, nous avons franchi officiellement la barre des 2000 testés positifs, et contaminé toutes nos régions. Est-ce donc le moment de changer complètement de stratégie pour passer à celle de l’immunité collective ? Pas du tout raisonnable, puisque nos infrastructures et équipements sanitaires ne sont nullement préparés à ce défi. Alors, pourquoi l’a-t-on quand même fait ?
Les Camerounais se sont-ils jusqu’ici montrés suffisamment disciplinés pour convaincre le Gouvernement qu’ils peuvent se prendre en main en dehors de toute contrainte ? Il me semble que non. Y a-t-il la moindre chance pour que, n’ayant pas jusqu’ici brillé par le respect des mesures barrières édictées, ils changent subitement à la faveur de la levée de celles-ci ? C’est peu probable. Plutôt que de mettre en action la responsabilité collective, à
contribution les ressources collectives, le Gouvernement a choisi d’en appeler à la responsabilité individuelle,aux ressources individuelles. Nous, nous devons le mettre devant ses responsabilités présentes et futures.
Quant à vous, camarades, collègues,
Ne vous y trompez pas :l a pandémie à corona virus n’est pas encore derrière nous. Il va être de plus en plus difficile, pour chacun de nous, de se protéger du Covid-19. Dans les transports en commun urbains, interurbains, il faudra une vigilance de tous les instants, sans garantie de succès. Dans les activités quotidiennes, il faudra compter avec les sceptiques, les asymptomatiques. Ce n’est pas parce que notre voisin-e de banc ne présente pas de symptômes qu’il/elle n’a pas le corona virus. Notre priorité à nous n’a toujours pas changé. Entre sauver l’économie et sauver des vies, notre choix est clair : s’il n’est pas possible de sauver les deux à la fois, il faut donner priorité à la vie. Alors, continuez à travailler pour sauver des vies. Voici ce que le SNAES avait à vous dire cette semaine.
Un pour tous, tous pour un !
Le Secrétaire Général