Le Messager : Qu’est-ce qui aurait amené les responsables du secteur éducatif à mettre ce livre au programme de la classe de 5ème ?
Kaffo : Un fait s’impose de lui-même, il faut un manuel de SVT au programme de 5è. Et c’est la tâche du Conseil national d’agrément du manuel scolaire et du matériel didactique de s’assurer que le dit manuel couvre au moins 75 à 80% du programme officiel, qu’il est d’une indiscutable qualité scientifique et pédagogique, que sa qualité matérielle (lisibilité, attrait, manipulabilité…) lui permet de durer, que son contenu est sociologiquement et éthiquement correct… Quand un manuel inscrit au programme manque à un ou plusieurs de ces critères dont certains sont fondamentaux, le premier fautif est le Conseil d’agrément du manuel scolaire qui a bâclé son travail au moins dans le cas d’espèce ; le second, c’est l’autorité ministérielle qui a fait confiance sans vérification à ce conseil. Il faut donc revoir les procédures et les hommes… Et si ce Conseil ou les auteurs estiment, malgré les faits avérés, avoir eu raison, alors il ne reste plus qu’à s’interroger sur leurs compétences scientifique et pédagogique, et leur positionnement sociologique et éthique.
Le Messager : Quel est votre sentiment par rapport à ce livre querellé ?
Kaffo : Je ne suis pas compétent pour évaluer scientifiquement le livre même, étant enseignant de Français. Mais le module à problème porte sur une question pédagogique et non scientifique : le choix des mots et des images. Cela me rend par contre plutôt très compétent pour apprécier la pomme de discorde : les images utilisées pour passer le message sur les pratiques sexuelles déviantes. L’image est un média incontrôlable parce qu’il s’adresse à l’hémisphère cérébral droit, lequel fonctionne sur un mode analogique, intuitif, empirique, contrairement à l’hémisphère cérébral droit qui est rationnel et logique. Et nous avons affaire en 5è à des enfants très jeunes n’ayant aucune expérience pour amortir la violence de ces images chocs. L’intention pédagogique ne constitue pas ici une circonstance atténuante. Comme on le dit souvent, dessinez le diable sur le mur et il apparaît. Les enfants de la classe de 5è ne me semblent pas encore outillés d’un appareillage critique suffisant pour réceptionner sans dommage les images et les messages dont il est question, surtout lorsqu’on laisse croire que lesdites pratiques sont acceptées comme bonnes dans certaines cultures.
Le Messager : La pudeur qui marque l’univers communicationnel de l’Afrique est-elle contraire à la mondialisation de la connaissance?
Kaffo : Vous voulez sans doute opposer la pudeur, qui est l’attachement à la décence, à une certaine mondialisation permissive et outrancière. La connaissance n’est pas le contraire de la morale et, lorsque papa et maman ferment la porte de leur chambre la nuit, il ne s’agit pas de leur part d’un complot ourdi contre la connaissance. Quand la mondialisation décidera qu’il est bon d’installer les pots de WC sur la place publique pour que chacun puisse faire ses besoins au vu et au su de tous, cela n’ajoutera rien de positif à la connaissance. Au contraire, cela pourrait discréditer la connaissance et donner des arguments à tous les extrémistes qui luttent contre l’acquisition des savoirs. On retrouve sans doute là François Rabelais qui disait que la science (la connaissance, le savoir) sans la conscience (celle-ci est inséparable d’un certain degré de censure morale) n’est que ruine de l’âme.
Le Messager : Au regard des thèmes querellés (homosexualité, pédophile, zoophilie, sodomie) dans ce livre, est-il opportun de l’enlever du programme scolaire quand l’on sait qu’ils comportent des messages subliminaux qui, en filigrane, sont un hymne à la perversion sexuelle ?
Kaffo : Premièrement, il faut mieux sélectionner le niveau d’entrée de ces savoirs en fonction des compétences de réception critique des apprenants. Les programmes gagneraient donc à être plus précis et plus critiques sur ce point, et apparemment ils ne sont pas assez. Secondement, il faut s’entendre sur l’approche pédagogique la plus appropriée. Le manuel scolaire ne saurait devenir une annexe de Facebook ou d’autres plates formes similaires. Il doit discriminer ce qui est fréquentable et non normaliser la fréquentation de tout ce qu’une poubelle mondiale mal gérée déverse sur les boulevards de la communication. Il ne faut pas se leurrer ou se cacher derrière l’APC comme les auteurs du manuel SVT de 5e : on ne peut pas en situation de classe lutter contre la zoophilie, la sodomie… sans l’enseigner au préalable (dire exactement en quoi ces pratiques consistent !). Imaginez l’enseignant de 5e à l’œuvre muni de l’APC… Il me semble que le sens critique dans le cas d’espèce a fait défaut à plus d’un maillon de la chaîne et que la meilleure chose à faire consiste à extraire cet ouvrage des programmes et d’en assumer les conséquences légales et judiciaires.
Le Messager : Quel message à l’intention des hommes liges des réseaux ésotériques occidentaux tapis dans les administrations scolaires qui veulent pervertir la jeunesse par ces thèmes qui sont exécrés en Afrique ?
Kaffo : Vous savez, même en Occident, ils encore très nombreux, ceux qui se battent contre ces pratiques. Je rappelle que la loi contre l’homosexualité dont le verrou vient de sauter en Inde fut établie sous la colonisation britannique. Il y a une élite mondiale qui recrute dans tous les hémisphères pour imposer une contre-culture en rupture avec la morale dans tous les domaines : l’art, les mœurs et j’en passe. La société occidentale a résisté des siècles mais on l’a usée à bout. Si la nôtre cède, il n’y aura plus nulle part de digue sur la planète. Et l’on cède le plus souvent par conformisme, par paresse, par mimétisme, par intérêts mal compris, parce qu’on n’est plus maître de soi… Vous savez, on a beau tout avoir sur les réseaux sociaux, l’école reste le meilleur moyen de toucher 100% de chaque tranche d’âge avec une information contrôlée, normalisée, calibrée. Si l’école cède, rien ne peut plus sauver la société.
Le Messager : Quel est votre appréciation par rapport à la politique du livre unique initiée par le premier ministre et mis en application par les responsables des secteurs éducatifs ?
Kaffo : Je veux distinguer le livre unique du manuel unique. Le livre unique, c’est indiscutablement une bonne chose quand les tests de qualité sont en place et non corrompus. Il allège le cartable de l’élève et ménage le portefeuille du parent. Le manuel unique par contre, c’est une absence de stratégie de rechange, c’est un plan A sans plan B. C’est donc un déficit tactique et même stratégique. Il faut dit-on avoir au moins deux cordes à son arc. Un manuel de 5e nous trahit et tout est dépeuplé, parce qu’il n’a jamais été envisagé qu’un tel incident/accident puisse se produire. C’était bien de quitter l’extrême des 6 à 8 manuels d’hier. Mais entrer le ghetto d’un seul manuel n’est nullement la preuve d’un meilleur bon sens.
Propos recueillis par AZAP Dongo, Le Messager.