Ouvrage sur le Manuel Scolaire au Cameroun : les enjeux d’une dédicace relevée à Djeuga Palace  Yaoundé

0
895

Pourquoi travailler sur le Manuel scolaire au Cameroun ? Pourquoi choisir pour cela la recherche-action et en quoi était-ce utile d’investir dans une cérémonie de dédicace publique ? Pour le SNAES, son Secrétaire Général, Roger Kaffo Fokou, a essayé de répondre à toutes ces questions dans une allocution d’accueil des invités le 10 décembre 2020 dans la salle « Menoua » de l’hôtel Djeuga Palace de Yaoundé.

Le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire (SNAES) est honoré de vos présences dans cette salle à l’occasion de la cérémonie de dédicace de cet ouvrage conçu et réalisé avec l’appui de la Fondation Friedrich Ebert et intitulé Le Manuel scolaire au Cameroun : enjeux, diagnostic, et esquisses de solutions pour une politique sectorielle.

Mais pourquoi précisément cet ouvrage-ci et, conséquemment, cette cérémonie de dédicace ? Une bonne grève contre le processus actuel d’agrément des manuels scolaires aux différents programmes de l’enseignement élémentaire et de l’enseignement secondaire ne serait-elle pas plus efficace qu’un plaidoyer qui s’annonce long et à l’issue incertaine si l’on prend en compte de nombreux précédents dans notre pays ?

Au Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire, nous avons retourné la question dans tous les sens. Il est demeuré constant à nos yeux que le manuel scolaire ne peut être l’objet d’une revendication comme les autres, ni d’une simple revendication de plus. Sa place dans le dispositif de planification et de mise en œuvre de la politique éducationnelle plaide pour cette approche fondée sur un plaidoyer argumenté que pourraient considérer comme atypique ceux qui accordent leur préférence aux méthodes syndicales classiques.

Pour un groupe d’inspecteurs généraux de l’éducation, on peut considérer comme « manuel scolaire manuel scolaire tout support pédagogique (livres ou fiches) qui doit être acquis par l’élève ou qui est mis à sa disposition par l’établissement. » Mais le manuel scolaire, on s’en aperçoit très vite, ne sert pas seulement à l’élève, il est également important, à des degrés divers, pour l’enseignant.

Pour préparer sa classe en effet, l’enseignant « interagit avec des ensembles de ressources » (Gueudet & Trouche, 2010, p. 58) qu’il sélectionne, trie, transforme, réorganise en vue de les mettre en œuvre en situation d’enseignement. On parle alors de la relation au support, en d’autres termes du type d’usage par le professeur de ces ressources diverses à la fois pour concevoir et mettre en œuvre son enseignement. Cette relation au support peut-elle être la même selon que l’enseignant est non formé, peu ou mal formé, bien ou très bien formé ? Selon que l’enseignant est en début de carrière ou déjà solidement expérimenté ? Selon que la classe de l’enseignant est uniforme ou multigrade ?

A la relation de l’enseignant au support décrite et interrogée ci-dessus, il faut accoler celle de l’élève au même support. On peut caricaturer celle-ci en disant que pour l’élève, le manuel est à la fois un outil de référence et de consultation, une source d’exercices et un outil de lecture donc de culture. Mais quel type de culture l’apprenant est-il censé puiser dans le manuel scolaire ? Une culture de socialisation ordinaire, de cohésion politique (on dirait aujourd’hui chez nous de citoyenneté, patriotisme et vivre-ensemble) ou d’adaptabilité à la mondialisation libérale ?

On voit en quoi, transcendant les objectifs pédagogiques et didactiques, le manuel scolaire embrasse des objectifs politiques stratégiques, et justifie sans doute par là le type d’intérêt et de traitement que nous avons voulu accorder au problème que posent sa sélection et son agrément dans notre société aujourd’hui.

Pour autant, ce choix est-il allé de soi pour le SNAES ? Dès 2007, notre organisation avait décidé de revisiter le paradigme de son action syndicale pour adopter une nouvelle approche, le syndicalisme de développement. Faire le syndicalisme autrement en le mettant résolument au service du développement, pour nous c’est :

  • Travailler au développement de l’individu par la lutte pour l’accès universel à une éducation de qualité qui, pour le SNAES, ne peut se mettre en oeuvre que par le biais d’une école de développement, une école dont les infrastructures, équipements, méthodes, ressources et objectifs sont clairement tournés vers le développement intégral du citoyen et du pays.
  • Travailler au respect du droit fondamental non seulement à un travail mais surtout à un travail décent, et dans ce cadre, nous entendons faire dans les temps à venir un véritable plaidoyer pour la ratification par le Cameroun de la Convention 190 de l’OIT et de sa recommandation 206 en y mettant quelques réserves substantielles, parce que cette convention, au-delà de ces réserves, est probablement l’une plus révolutionnaires que l’OIT ait adoptée depuis sa création ;

Ce syndicalisme « smart » nécessite la mobilisation d’importantes ressources intellectuelles, à côté des ressources humaines et financières classiques. Nos syndicats aujourd’hui, s’ils veulent apporter une meilleure contribution aux défis de la lutte pour le développement, doivent plus qu’avant se constituer en laboratoires de diagnostics et de propositions de solutions pour pouvoir jouer plus efficacement leurs rôles de vigies, de lanceurs d’alerte, d’acteurs de développement. Ce n’est qu’ensuite, et seulement si ceux qui décident ne font pas preuve d’une bonne volonté raisonnable, que l’on peut recourir aux stratégies classiques qui intègrent bien sûr en cas d’impasse le recours, en dernier ressort, à la cessation de travail.

Pour la mise en œuvre de cette approche « smart », le SNAES est infiniment reconnaissant de pouvoir compter sur l’accompagnement de nos intellectuels et notamment de ceux qui en constituent la crème, je veux dire les enseignants de nos universités. Je tiens ici à remercier très sincèrement au nom du SNAES et de la communauté éducative, l’équipe des enseignants d’université qui a permis, par son travail volontaire, la réalisation des contributions qui meublent cet ouvrage de diagnostic et de propositions sur le Manuel scolaire, que nous mettons à la disposition des décideurs en ce jour.

Nous n’aurions peut-être pas pu réunir la logistique de cet important chantier par nos propres moyens et c’est ici l’occasion de dire à quel point nous savons gré à la Fondation Friedrich Ebert pour son appui multiforme. Madame Nina Netzer, Représentante résidente, nous a encouragés et motivés, et Madame Susan Bamuh, Chef de programme à la fondation, nous a permis de bénéficier de sa longue et riche expérience organisationnelle. Cette combinaison heureuse nous a permis de conduire cette tâche à l’étape d’aujourd’hui, dont l’issue, Mesdames et Messieurs, dépend maintenant de vous. C’est maintenant à vous de vous emparer de ce sujet, du débat qu’il suscite depuis des années, en faisant l’usage qu’il vous plaira des nouvelles armes que mettent à votre disposition  quelques-uns de nos meilleurs spécialistes.

Je vous remercie de votre bienveillante attention.