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Qu’il/elle devienne titulaire d’un poste administratif scolaire ou pas, l’enseignant-e peut être amené-e à tout moment à faire de la rédaction administrative : rapport de conseil d’enseignement, demande de permission d’absence, réponse à une demande d’explication… Les spécialistes vous diront qu’il existe plusieurs écoles en la matière et cela est vrai. Mais ne vous laissez pas intimider par ces spéculations de spécialistes. Des principes existent en matière de fond et de forme qui traversent toutes les écoles. Ce que l’on attend d’une lettre administrative, c’est qu’elle soit efficace, c’est-à-dire qu’elle permette de résoudre le problème qui a suscité sa rédaction.
Sur le plan de la forme, la courtoisie et la sobriété doivent être de rigueur ; la correction aussi. Sachez qu’en principe la forme prime sur le fond, ce qui veut dire que si votre lettre n’est pas recevable au plan de la forme, le fond peut ne même pas être examiné. Ce principe ne s’applique pas toujours à la lettre mais sachez, quand vous ratez les règles de forme, que cela installe chez votre destinataire un préjugé défavorable à votre égard et pour la cause que vous défendez.
Commençons par la courtoisie. Celle-ci commence par le respect du protocole : donner au destinataire le titre qui est le sien, ce n’est pas lui faire une faveur ; c’est donner à César ce qui appartient à César, c’est être juste. La courtoisie, c’est aussi la justesse du ton : n’imbibez pas votre texte de vos émotions. Votre lettre n’est pas personnelle : elle émane d’une entité administrative, un agent, matricule X ou Y, et s’adresse à une autre entité administrative, occupant un poste ou une fonction administrative. Ne dites pas : J’ai été ulcéré-e… choqué-e…étonné-e… Non, vous avez constaté, fait, dit… On n’a pas médit de vous, on a déclaré en telle circonstance telle chose qui est plus ou moins inexact et vous pouvez le prouver.
Comme on le dit souvent dans le langage judiciaire, et ne l’oubliez jamais lorsque vous prenez votre plume, « Tout ce que vous direz sera retenu contre vous ». Autant y réfléchir pendant que vous écrivez : tâchez d’être votre meilleur témoins, présentez-vous à votre avantage. Dans les demandes d’explication, il est courant qu’on indexe votre « manière de servir » comme « déplorable ». En manquant de courtoisie et de sobriété dans votre réponse, vous ne faites que confirmer cela. Vous devenez pour vous-même un témoin à charge.
La sobriété consiste aussi à être économe voire avare de mots. Parlez peu : la parole est d’argent mais le silence est d’or. Ne dites que ce que vous êtes obligé-e de dire. Ne vous lancez pas dans des développements, ceux-ci contredisent toujours peu ou prou vos affirmations précédentes.
Il y a enfin la correction. Un enseignant, qu’il soit de sciences, de sciences humaines, de lettres ou d’éducation physique et sportive doit pouvoir s’exprimer correctement. Le niveau de langue de sa lettre administrative doit être soutenu : pas de fautes de vocabulaire, de grammaire, ni de syntaxe… pas de familiarité, pas d’argot. Il faut ici de la hauteur, mais sans ostentation. C’est même dans ce cas une règle centrale de courtoisie. Si la ponctualité est la politesse des rois, on peut dire que la correction est la politesse des enseignants.
Et maintenant le fond…
Savez-vous à quel point il est facile d’être hors-sujet ? Pour un enseignant, ce n’est pas la situation la plus confortable. Vous demandez une permission d’absence, et personne ne tient à savoir le détail de ce que vous allez en faire si celle-ci vous est accordée. C’est un droit et il s’agit seulement de ne pas en abuser. Et cette raison pour laquelle vous allez être absent-e est souvent très personnelle, parfois, vous ne pouvez pas la dévoiler ; alors vous mentez en voulant en donner le détail. Puis vous l’oubliez et redonnez la même excuse plus tard à une autre occasion, tout cela parce que voulez en faire trop. Non, tâchez d’être sobre, c’est même souvent un impératif de pudeur. Autre chose, dans une demande d’explication, on vous demande de justifier un manquement à une obligation professionnelle. Celui-ci est-il dûment constaté ? Voilà votre premier souci. Si ce n’est pas le cas, alors il n’y a pas de sujet à traiter et il ne vous reste plus qu’à le démontrer. Si c’est constaté, il vous faut une force majeure, ou une circonstance atténuante. Ne dites pas, par exemple, que vous n’étiez pas seul-e dans le cas, ou que tel-le l’a aussi fait et pourquoi ne lui demande-t-on pas aussi de s’expliquer ? Le fait par exemple que votre chef-fe ne vous aime pas ne justifie pas un manquement professionnel de votre part quand celui-ci est dûment constaté.
Une fois dans votre sujet, tenez-vous-en aux faits, rien qu’aux faits. Ne les commentez pas en les énonçant. Laissez ce soin à votre destinataire. Tous les faits ne plaident pas forcément pour vous, alors sachez être sélectif-ve, puisque c’est vous qui rédigez. Vous allez me dire : n’est-ce pas là faire l’apologie du mensonge ? Je me mets dans le cas d’une réponse à une demande d’explication : le droit de se défendre justifie non pas qu’on invente des faits, ni qu’on les déforme, mais qu’on s’en tienne à ceux qui parlent pour nous.
Voilà ! Avons-nous fait le tour ? Certainement pas. Nous avons jeté quelques balises, rien de plus. Essayez de vous en servir pour faire toujours mieux. L’administration n’est pas personnelle : elle ne doit donc être ni amicale, ni inamicale. Votre cœur est votre grande affaire privée : gardez-le pour vous, loin de vos épitres administratives, et ce sera mieux pour tout le monde, en commençant par vous.
Roger Kaffo Fokou