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LES COTISATIONS SYNDICALES : RATIONALITE ET MODE D’EMPLOI

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De quoi vivent les syndicats ? Idéalement des cotisations de leurs membres. Celui qui paie commande. Pour avoir une mainmise sur leurs syndicats, les travailleurs doivent eux-mêmes en assurer le financement. Si le syndicat vit des subventions de l’Etat ou d’une quelconque entité, il dépendra de l’Etat ou de cette entité pour son fonctionnement et ses prises de position seront jusqu’à un certain point influencées par les représentants de l’Etat ou de cette dernière. Et l’Etat s’arrangera pour lui donner des moyens médiocres afin de s’assurer de sa dépendance et le maintenir sous tutelle. S’il vit des poches – peu profondes – de ses dirigeants, il sera libre vis-à-vis de l’Etat, mais aussi de ses membres, tendra à être la propriété de ses dirigeants qui, s’ils sont mal intentionnés, peuvent en faire un fonds de commerce personnel. Dans cette hypothèse, il est aussi clair qu’il ne sera pas non plus puissant et, face à l’Etat, souffrira d’un déficit de respect et d’efficacité.
Pour rendre le syndicat indépendant – des autres mais dépendants d’eux – et puissant à la fois, ses membres doivent contribuer chacun à son financement. Pour cela, ils n’ont pas besoin de cotiser des sommes énormes individuellement. 0,5% du salaire de chaque membre, une fraction qui, ajoutée au ou soustraite du salaire mensuel de celui-ci, est strictement insensible, suffit ainsi à bâtir une puissance étonnante à son syndicat, dans le principe d’une économie d’échelle. Et quand votre syndicat est puissant, vous êtes puissant, mais cela ne vous a pas coûté grand-chose. Imaginez que vous puissiez dire à votre chef qui menace d’écrire contre vous sans raison valable à la hiérarchie : « Essayez, et j’avertis le syndicat ! », et que votre syndicat soit suffisamment puissant pour être craint non seulement de votre chef mais également du chef de votre chef, du ministre et même du chef de l’Etat. Croyez-moi, votre menace suffira à persuader votre chef de vous laisser la paix. Oui, la paix sera avec vous, professionnellement je veux dire. Certains types d’organisations exigent jusqu’à la dîme, vous le savez, pour des résultats plus lointains et plus incertains.
On dit qu’on ne prête qu’aux riches. Le syndicat est la seule vraie voix du travailleur. Et elle ne doit pas être la voix d’un pauvre. Le chef hiérarchique au service est la voix de l’employeur. Il est souvent la voix d’un riche. Quand les deux sont face à face, le représentant de l’employeur n’écoute celui du travailleur que s’il le respecte. Les riches respectent rarement les pauvres, vous le savez autant que moi. Et le chef hiérarchique ne respecte le représentant du travailleur que si celui-ci ne dépend pas de l’employeur c’est-à-dire ultimement de son supérieur direct. Il ne le respecte que s’il dépend uniquement des membres du syndicat qu’il représente. C’est pour cela que le syndicat doit se donner les moyens de détacher ses responsables, de supporter leurs salaires pour qu’ils ne dépendent plus que de lui donc de ses membres. Mais les membres sont-ils prêts à assumer cette responsabilité, ce sacrifice modique ? Très souvent, non. Ce refus dans une proportion respectable justifie même le refus de se syndiquer. D’autres raisons ne se justifieraient pas non plus si le syndicat était puissant. Alors, pourquoi les membres des syndicats ne cotisent-ils pas ou pourquoi peu sont ceux qui cotisent ?
On peut se dire : « pourquoi je donnerai mes 1000 F par mois à un syndicat alors que même sans cela ce qu’il obtient, je l’obtiens aussi ? » Calcul rationnel simple donc. On a quand même fait ses maths, n’est-ce pas ? Et sa logique également.
En fait, sans vos 1000 F, souvent, le syndicat n’obtient rien : et ce qu’il n’obtient pas est perdu pour vous comme pour les autres. Les enseignants d’EPS camerounais ont formé leur syndicat en 1996, avec 5 ans de retard sur les autres enseignants du pays. Conséquence directe et immédiate, ils n’ont eu les primes des autres enseignants – 5000+10000+15000 – que plus de 10 ans plus tard, sans rattrapage : calculez le manque à gagner cumulé ! Ils n’ont toujours pas la retraite à 60 ans, plus de 16 ans plus tard !
Sans vos 1000 F, le syndicat peut arriver à obtenir quelque chose, mais ce sera le minimum : et vous aurez perdu le maximum qui vous tendait les bras. En 2009, les syndicats étaient sur le point d’obtenir jusqu’à 25000 F et 40000 F de primes de documentation et de recherche : il leur a manqué, au moment décisif, la puissance nécessaire : ces 1000-1000 F que les enseignants fuyaient les syndicats pour n’avoir pas à cotiser. Les enseignants n’avaient finalement obtenu que 10000 et 15000 F, soit une perte sèche de 15000 et 25000 F par mois, tout cela pour une histoire de 1000F !
Imaginez un marché où vous avez la possibilité d’acheter par anticipation… 25000 F à 1000 F. On vous dit : « donnez 1000 F aujourd’hui, et vous recevrez 25000 F demain, au plus tard après-demain ». Et vous vous dites : « Il me vend 25000 F à 1000 F mais est-il sûr de les avoir au moment de livrer ? Je n’en suis pas certain ». Au lieu de vous dire : « puisque 1000 F ne représente que 0,5% de mon salaire et qu’en m’en séparant cela ne fera pas au présent une différence sensible, je vais prendre le pari ; si je perds, je ne perds qu’une chose assez insensible ; si je gagne, je gagne gros : d’abord en espèce, 25000 F ; puis en sécurité : mon syndicat sera puissant et mon employeur hésitera à m’attaquer parce que j’aurai un défenseur puissant. » Au lieu de cela, vous vous dites : « si je donne 1000 F, mon responsable syndical aura de l’argent à gérer et pas moi ; pourquoi je lui ferai une telle faveur ? » Et là, il perd, et vous aussi. Mais souvent, vous, vous perdez plus que lui : parce que malgré tout, votre employeur commun le respecte pour son courage et le traite différemment.
Dans un lycée de Yaoundé, un chef d’établissement décide que ses collègues enseignants doivent demander audience à son secrétariat avant qu’il ne les reçoive. Et il les fait attendre souvent des heures, voire des jours avant de les recevoir. Ils s’en plaignent entre eux mais à voix basse. Un syndicaliste du lieu décide d’une action : il rédige une pétition dénonçant le comportement du proviseur : sur 180 enseignants, seuls 02 signent ; les autres se défilent. Le syndicaliste déchire la pétition et rédige une lettre syndicale de dénonciation qu’il signe seul et adresse au DDES. Ce dernier débarque et le proviseur met fin à la brimade. Là où 180 enseignants ont échoué comme individus, le syndicat comme structure a réussi, sans exposer qui que ce soit à part le responsable syndical. Mais ce responsable syndical sera encore plus puissant quand le proviseur saura que son syndicat a les moyens de ses actions y compris des actions judiciaires.
Mais ceci n’est qu’une petite esquisse, quelques idées jetées sur du papier. Nous allons approfondir cette réflexion sur l’impact des contributions syndicales. Grâce aux contributions intellectuelles et aux questions des uns et des autres. Alors, à vos plumes et méninges !

Le Secrétaire Général

REVENDICATIONS DES SYNDICATS ANGLOPHONES : qu’en penser ? Jusqu’où peuvent-ils aller ?

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Cette interview, demandée par un journal de la place le 28 novembre 2016 et finalement non publiée pour des raisons souveraines permettait déjà d’apporter un éclairage sur le problème posé par le mot d’ordre de grève des syndicats dits « anglophones », et sur la manière de les gérer par le Gouvernement, avec les conséquences prévisibles. Elle reste d’actualité. Aussi la proposons-nous à nos lecteurs.

Quelles sont les principales revendications des enseignants anglophones ?

Roger Kaffo Fokou : Naturellement les enseignants anglophones responsables des mots d’ordre seraient les mieux placés pour les formuler de façon précise. Néanmoins, ayant l’obligation pour des raisons évidentes de me tenir au courant, j’en sais évidemment quelque chose. Il est limpide que les enseignants anglophones dans le cadre des actions en cours n’articulent pas du tout les revendications des enseignants, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’y adhèrent pas. Leur priorité est, je l’espère momentanément, accaparée par la défense des intérêts bien compris de la minorité linguistico-ethnique qu’ils représentent. La constitution de 1996 fait, comme chacun le sait ou devrait le savoir, de la protection des minorités un droit fondamental de notre pays. Les revendications des enseignants anglophones sont donc constitutionnelles dans la forme et sont par conséquent recevables pour un examen au fond. Dans ce grand cadre, les enseignants anglophones peuvent ainsi disposer des griefs plus spécifiques concernant d’une part la situation déplorable du sous-système éducatif anglophone, d’autre part de la répartition clientéliste des richesses du pays à travers la politique fortement discriminatoire et opaque de la formation et de l’emploi… A titre d’exemple, le problème du déficit d’enseignants anglophones dans l’enseignement technique anglophone est à la fois réel et tragique : il justifie en bonne partie les accusations de francophonisation de l’éducation anglophone. S’y ajoute l’absence d’imagination et de bonne volonté, qui peut s’apparenter à un véritable sabotage : comme expliquer autrement le fait que des dénominations purement francophones – CAP, probatoire, baccalauréat – soient maintenues, sans tentative de traduction, pour des examens anglophones ? Faire un examen anglophone et recevoir un diplôme francophone ressemble à une opération frauduleuse. C’est comme si l’Etat donnait lui-même la longueur de corde suffisante pour le pendre…

Fallait-il nécessairement aux enseignants anglophones descendre dans la rue pour exprimer leur colère ?
Roger Kaffo Fokou : Ils n’ont probablement pas mesuré le caractère véritablement explosif de la rue camerounaise aujourd’hui, ou alors ils ont compté sur celui-ci. La colère comme l’on sait est mauvaise conseillère, mais l’Etat chez nous ou plus précisément ceux qui l’incarnent ont cultivé au plus haut point l’art de souffler sur les braises de la colère. On parle alors « du temps du président », là où d’ailleurs ce dernier parle plus à propos d’inertie. Le 13 décembre 2014, dans un communiqué conjoint, le CATTU et le TAC avaient déjà menacé de lancer une grève de l’enseignement anglophone dès janvier 2015. Plus intéressant encore, une délégation du CATTU et de 9 parlementaires anglophones avait déjà rencontré M. FAME DONGO en 2009 pour lui poser les problèmes de la formation des enseignants pour le sous-système anglophone. Plusieurs leçons se dégagent ainsi :
1. la patience des enseignants anglophones a été longuement abusée. On peut en dire autant de celle d’autres composantes de notre tissu national ;
2. Un comité inter-ministériel avait alors été promis pour se pencher sur ces questions, il n’a jamais été créé. On voit pourquoi le tissu de la confiance entre les Camerounais et les institutions de leur pays n’a cessé de s’effilocher ;
3. La politisation de la question de l’éducation anglophone était évidente déjà en 2009, et cela n’a ému personne au gouvernement ;
4. Les sorties de M. FAME DONGO, qui ont constamment péché par un manque incroyable de modestie, ont consisté à attiser la colère des Anglophones en répétant à satiété que ces derniers ne comprenaient rien.
On peut ainsi voir que les Anglophones ont été poussés à la faute, ils ne s’en sont pas particulièrement bien défendus mais toute proportion gardée, il me semble qu’il faut éviter sur ce sujet les vues simplificatrices.

Comment justifiez-vous la réaction de l’Etat qui a réprimé dans le sang les manifestations de ces enseignants ?
Roger Kaffo Fokou : Celle-ci ne se justifie pas lorsqu’on prend en compte l’ensemble du panorama. L’Etat a eu largement le temps d’engager le dialogue et d’apporter les premières solutions avant que les revendications ne basculent dans le bruit et la fureur. Ses représentants ont péché comme d’habitude par attentisme et par arrogance. Ils ont fait le pari absurde que le mouvement lancé par les enseignants anglophones ne serait pas suivi, et ils ont perdu ce pari. La suite, on le sait, a coûté [et coûte] cher, mais de leur point de vue, ce n’aura été que des dégâts collatéraux. Il me semble profondément immoral de pousser à chaque coup le peuple à bout parce qu’on a sous la main, prêtes, des troupes entraînées pour le mater. Ces situations-là se retournent un jour ou l’autre parce que ces troupes-là, à plus de 80%, sont issues du peuple et en font encore, pour de nombreuses raisons, partie. Bien sûr les manifestations à Bamenda ont été [sont encore] très violentes et l’Etat ne pouvait les laisser aller sur cette pente-là [mais ne devait pas les aggraver]. Cela pose toutefois un problème fondamental : comment apprendre à manifester conformément à la loi dans un pays où l’administration inféodée au pouvoir interdit toute manifestation qui ne soutient pas le système en place ? Voilà une école dont les Camerounais sont exclus et l’on attend d’eux qu’ils mettent convenablement en œuvre ce qu’on y apprend. Ces dernières années, nous avons vu que chacune des sorties des masses camerounaises s’est opérée sur le même schéma. Il faut s’attendre à ce que cela se poursuive, avec le risque d’escalade.

Quel est l’état de cette grève et comment va-t-elle évoluer ?
Roger Kaffo Fokou : Cette grève est loin d’être finie, il y a encore du chemin. Elle peut évidemment s’éteindre si ceux qui incarnent l’Etat, par miracle, trouvent la voie d’un dialogue sincère suivi d’actions concrètes et efficaces. Mais ce serait sans doute trop attendre d’eux. Je doute, sur la foi des propos ressortis de la conférence de presse ayant sanctionné les premiers tête-à-tête, sur la foi des déclarations tonitruantes relayées par la presse, que le pouvoir ait pris la vraie mesure du risque. Beaucoup de langue de bois, des menaces à peine voilées, une campagne de manipulation. Cette fausse victoire de la puissance publique n’augure pas forcément de bonnes choses [on en a la preuve aujourd’hui]. Il y a cette douce mais dangereuse illusion que la force de l’Etat a prévalu. Celle-ci cache un test réussi pour les Anglophones qui aura d’autres conséquences, quoi qu’on fasse. Et la surenchère devrait, je ne le souhaite pas, bientôt s’étendre à d’autres régions qui ont observé attentivement la gestion des événements de Bamenda. Comment réagira l’Etat le cas échéant ? Il ne me semble pas prudent, de la part de l’Etat, de vouloir tester la colère de la rue aujourd’hui. A Bamenda, celle-ci n’a pas eu besoin de savoir pourquoi les enseignants étaient en colère pour se joindre à eux et finalement prendre la manifestation à leur propre compte. Encore un schéma qu’il faut avoir à l’esprit parce qu’il pourrait se faire récurrent à l’occasion. Les raisins – ou raisons – de la colère produisent généreusement dans notre pays aujourd’hui et des vendangeurs peuvent se recruter pratiquement dans tous les secteurs et toutes les branches de métiers. Le taux de chômage et de sous-emploi pourrait fournir des légions entières. L’Etat ferait donc mieux de résoudre ces problèmes posés pour réduire quelques poches et se donner un peu d’air.

Parallèlement il y a un mot d’ordre des syndicats francophones… Pourquoi et pourquoi cette fragmentation ?
Roger Kaffo Fokou : Disons les choses autrement : il y a un mot d’ordre qui a posé les problèmes d’une minorité et parmi ces problèmes, celui de l’éducation anglophone. Il y a à côté un autre mot d’ordre qui pose, sans aucune distinction, les problèmes des enseignants et de l’école camerounaise dans sa globalité. Les enseignants, anglophones comme francophones, souffrent des mêmes problèmes et sur ce sujet, aucun clivage n’est possible. L’école camerounaise souffre d’une grave crise de vision, d’organisation, de gestion, de financement, et cette crise aiguë se manifeste d’une façon particulière dans chacun des deux sous-systèmes. Que les francophones se taisent devant l’irréparable n’invalide pas la démarche des anglophones qui ont choisi de se montrer plus combattifs. Ils ont l’avantage de ne pas s’émietter en Nord, Sud, Est, Ouest et Littoral : ils ne sont que Nord et Sud-Ouest et cela s’est vu pendant ce mouvement, mais ces clivages n’expliquent pas toutes les différences. Les deux mots d’ordre ne pouvaient donc se mélanger sans faire perdre l’un à l’autre ses assises fondamentales : la réclamation du droit dont ils bénéficient, en tant que minorité ethnico-linguistique et en vertu de la Constitution, à être défendus semblait fondamentale pour les Anglophones ; pour les autres syndicats, articuler l’expression des revendications des enseignants du Cameroun dans la défense des intérêts minoritaires relevait de la quadrature du cercle. La séparation des deux mots d’ordre s’imposait d’elle-même. Le volet éducation aurait pu, s’il avait été traité comme convenu dans le cahier des charges de la négociation de 2012 entre le Gouvernement et les syndicats, priver les revendications minoritaires anglophones du carburant dont elles ont eu besoin. Le ministre FAME DONGO n’a jamais organisé le Forum national de l’éducation dont on l’avait chargé. Il y a là une responsabilité éminemment historique, cela ne saurait s’oublier.

Pensez-vous que le Gouvernement aura le temps de s’occuper de cette seconde revendication maintenant qu’il est accaparé par celles des Anglophones ?
Roger Kaffo Fokou : Il est toujours accaparé par autre chose que les intérêts bien compris du peuple camerounais. Soyons clairs : à mon avis, il devrait trouver le temps de le faire. Pas que le ciel est sur le point de lui tomber sur la tête, mais le sablier se vide, inexorablement, pour le peuple camerounais. L’Etat saura-t-il se départir de ses mauvaises habitudes ? La tentation de la répression est là et nous l’avons vue à l’œuvre dans le cas de la grève des enseignants anglophones. On peut aussi parier sur la passivité des enseignants camerounais, surtout ceux dits francophones. C’est un pari qui peut se perdre. Et le perdre ouvrirait la voie à un risque d’une nature tout aussi dangereuse que ce qu’on a cru voir dans le soulèvement de Bamenda. Nous ne sommes plus en 1994 mais deux décennies sont passées et les jeunes d’aujourd’hui sont une autre génération que nous connaissons à peine. Eux-mêmes ne se connaissent pas bien et pourraient se découvrir face à l’obstacle. Que verront-ils et que feront-ils quand ils auront vu ? Nul ne peut le prédire. Ils observent le monde autour d’eux et apprennent, souvent très vite. Vont-ils accepter de laisser sacrifier leurs carrières comme l’ont fait leurs parents et leurs aînés ? On peut en douter. On ne leur a pas inculqué les valeurs de patriotisme et ils ont grandi et fait leurs armes dans une société dépourvue de tout sens moral. Mais quand on dispose encore du pouvoir d’Etat, on croit qu’on peut tout. L’histoire enseigne pourtant à se méfier de cette illusion-là, encore une autre. J’espère que l’Etat saura se montrer, pour une fois, équitable, et qu’il prendra à sa juste valeur le problème des enseignants que posent depuis une éternité leurs syndicats.

Dans sa livraison du jeudi 24 novembre 2016, Le Messager, dans un article intitulé « Les petites promesses de Philémon YANG », parle des promesses du Premier Ministre. Ce dernier promet en effet aux Camerounais le meilleur en 2017. Entre autres annonces figurent, sur le plan éducatif : construction de 100 nouvelles écoles, 800 salles de classe, 45 blocs latrines, 50 kits scolaires, 5000 kits en micro-sciences, 650000 manuels gratuits de français, d’anglais et de mathématiques… Qu’en pensez-vous ?
Roger Kaffo Fokou : D’emblée, que cette orgie de détails sent fortement le maquignon. Remarquez que ce luxe de détails n’est réservé qu’à l’éducation : pourquoi ? Un cas de conscience ? Tout cet étalage de petits jouets, en quoi cela va-t-il impacter le quotidien de l’enseignant ? 45 blocs latrines, dans un département, je ne dis pas une région, c’est une goutte d’eau dans le désert des infrastructures et équipements actuel. Non, le Premier Ministre devrait laisser ce détail d’épicier aux ministres de l’éducation. Le Cameroun fait partie des pays qui sous-financent notoirement leur système éducatif : les établissements scolaires n’ont plus de budget de fonctionnement à la base : on l’a remplacé par un paquet minimum ridicule, qui est donné sous forme de craies et bics de mauvaises qualités, de fournitures dont la seule utilité est qu’elles débarrassent les magasins de fournisseurs de stocks invendables ; le secondaire en est au même point et certains établissements en zones rurale exigent qu’à 70000 F de contributions aux élèves. Si le Premier Ministre ne perçoit pas de lui-même le ridicule d’une telle énumération de micro-détails, aidons-le à en prendre conscience. Les enseignants ne sont pas les plus faibles en calcul, quoi qu’on en pense. Et notre éducation, celle de notre jeunesse, mérite mieux que quelques bricoles et colifichets. Une éducation de base véritablement gratuite serait une mesure plus salutaire pour l’éducation des jeunes Camerounais que ces petites libéralités qui font penser à une opération de charité destinée à des réfugiés.

LEVEE DU MOT D’ORDRE DE GREVE

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Le mot d’ordre de lundi est levé après discussion positive avec le PM. Merci infiniment pour la mobilisation qui a permis ce résultat rapide et positif. C’est le signe que le désespoir n’est jamais une stratégie. Félicitez toutes et tous les camarades qui se sont mobilisés en cette occasion au nom du SNAES et en mon nom nom personnel. Ils ont contribué à donner un début de dignité aux enseignants. Mais le meilleur est encore à venir, et le combat va continuer.

Un pour tous, tous pour un!
Le SG

Nos campus scolaires aujourd’hui : éducation Violente ou éducation à la violence ?

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La violence semble de plus en plus coller à notre époque. Quand on ne l’exerce pas soi-même, il est rare qu’on ne la subisse pas. Elle n’a pas seulement investi notre quotidien, elle s’est installée dans notre imaginaire et colonise sans état d’âme l’espace médiatique qui façonne jusqu’à nos pensées. Comment non seulement échapper à la violence mais surtout la contrer, lutter contre sa banalisation dès lors qu’elle s’est aussi invitée dans l’espace scolaire et menace d’y devenir incontrôlable ? Comment faire pour que l’éducation des tout-petits ne devienne pas une éducation violente ou à la violence ? Un travail de sensibilisation soigneusement planifié, qui donne au maximum des acteurs de l’espace scolaire la compétence d’identification de ce phénomène y compris dans ses manifestations les plus subtiles, leur permet de mieux en connaitre les conséquences éventuelles, pourrait aider à une meilleure gestion de la violence en milieu scolaire.
Au fait qu’est-ce que c’est que la violence et comment se manifeste-t-elle ? La violence est le résultat d’une action qui « viole », c’est-à-dire agit contre, porte atteinte à, manque de respect à… La violence est donc clairement le résultat d’une infraction ou d’une effraction, d’une transgression ou d’une agression. Dans son sens profond, la violence consiste déjà simplement à fouler aux pieds les lois et règlements, et donc par conséquent les droits reconnus ou naturels. Et lorsque l’exercice de la violence rencontre une volonté opposée (une personne qui connaît ses droits et est préparée à les défendre), un système de défense organisée (une serrure de sûreté à la porte, des forces de maintien de l’ordre veillant au respect de la loi), il n’a plus d’autre choix que de recourir à la force, à la brutalité. Aussi confond-on souvent violence et usage de la force ou de la brutalité physique ou matérielle, et ce faisant, on laisse glisser inaperçues de nombreuses formes de violence plus subtiles qui s’appuient sur d’autres formes de puissance. Ce sont prioritairement celles-là qu’il importe avant tout d’identifier dans l’espace scolaire, parce qu’elles préparent le terrain à des violences de types plus classiques et que l’on voit surgir et faire des ravages mais trop tard, comme si l’on avait affaire à des générations spontanées.
Commençons par le champ très riche des violences verbales dont les enseignants sont fort coutumiers aux dépens de leurs élèves. Naturellement, dans ce détestable exercice, ils bénéficient et abusent du contrat institutionnel qui met la force de leur côté, théoriquement, et la faiblesse en face d’eux. Imaginons toute la gamme des appréciations subjectives dont les enseignants usent au quotidien comme autant de balles réelles : élève nul, qui n’aboutira jamais à rien, espèce d’avorton, moins que rien, microbe… Ce n’est plus le travail de l’élève qui est apprécié mais l’élève lui-même, son physique (regarde-moi sa grosse tête, avec tes yeux de fumeur de chanvre…), ses parents, son ethnie, sa race, rien ne lui est épargné dès lors que l’enseignant se met en colère. N’oublions pas de mentionner dans cette rubrique les notes injustes, non méritées, attribuées intentionnellement, quelquefois pour des faits survenus hors du campus scolaire.
Nous ne disons pas qu’il faut supprimer la punition, cette forme codifiée de violence qu’on peut ranger dans la panoplie de la violence légale ou légalisée. Sans elle, il n’y aurait même plus d’éducation du tout. Mais la sanction ne peut éduquer que dans la mesure où elle est proportionnée ou tout au moins perçue comme telle. Lorsque l’on demande à un élève de recopier tout un livre, il faut un sacré charisme pour l’amener à percevoir une telle sanction comme étant proportionnelle. Ainsi, la bonne punition évite tous les excès et veut que l’on soit sévère avec modération.
La punition la plus proportionnelle ou perçue comme telle peut cependant choquer, violenter, de par sa nature. Elle peut présenter un caractère humiliant, dégradant évident. Demander à un élève de s’asseoir à même la poussière, de se rouler au sol, d’enlever une tenue non conforme et de rentrer torse nu à domicile… c’est pratiquement l’inciter, le pousser à la rébellion, et en porter directement la responsabilité.
Ne parlons même pas de la violence physique : gifles, pincements d’oreilles, coups divers, bastonnades… Celles-là sont expressément interdites par la législation scolaire. Et cette interdiction ne repose pas sur une notion quelconque de seuil de supportabilité ni de degré d’intensité. On ne peut se justifier en arguant qu’il ne s’agissait que de « quelques malheureux petits coups de bâtons », ou d’une « petite gifle de rien du tout ». Cela peut paraître surréaliste et peu susceptible d’efficacité pour des éducateurs à poigne mais c’est la loi, et dura lex, sed lex. Encore que très souvent, sur le terrain des conséquences, c’est l’exercice de ce type de violence qui allume la mèche et fait parler la poudre en milieu scolaire.
Les conséquences de la violence sont de ce fait aussi diverses que les formes de violence mais généralement, la violence appelle la violence, comme le sang appelle le sang. Les effets les moins visibles, spectaculaires de la violence ne sont pas les moins dévastatrices.
Prenons la violence verbale et ses effets psychologiques. Elle génère des frustrations d’une profondeur souvent insoupçonnée. Et la frustration, quand elle ne peut être défoulée en raison du déséquilibre défavorable à la victime du champ de force, développe découragement, apathie, repli sur soi, introversion. Voilà un élève qui voit ses chances de réussite brusquement tomber drastiquement. Et la colère qui bouillonne sourdement au fond de lui comme un mauvais magma débouchera peut-être un jour sur une explosion dévastatrice. Mais si l’élève se sent un peu plus sûr de lui, de sa propre force, il va tout doucement basculer dans la délinquance : refus d’obtempérer, absences aux cours de son bourreau présumé, et puis, un jour, il va basculer en rupture de ban et répliquer à la violence par la violence. Mais la violence peut aussi produire des effets immédiats, hic et nunc.
Un malheureux acte non maîtrisé peut déboucher sur un accident : un enseignant d’EPS qui force un élève à exécuter un exercice physique et ce dernier en meure, un coup de bâton mal placé et l’élève s’effondre… Bien sûr le résultat n’est pas celui que l’on anticipait mais il est déjà là et il est difficile à gérer. De plus en plus aujourd’hui, ce type de situation allume des émeutes et incendie des établissements scolaires. Et ensuite, les dégâts, il faut bien que quelqu’un les paie.
De nombreux enseignants se sont déjà retrouvés face aux conséquences des actes qu’ils n’avaient pas suffisamment maîtrisés et dont ils n’avaient pas anticipé les conséquences. Un surveillant général, dans le département du Noun, a vu son crâne presque fendu en deux, d’un violent coup de machette ; un autre, dans la région du Nord-ouest, s’est vu lardé de coups de couteau et n’y a survécu que par miracle. Parce que la violence appelle la violence. De nombreux enseignants ont eu à s’expliquer devant la barre, et y ont eu le plus grand mal à se faire comprendre. Les montants des dommages auxquels ils sont la plupart du temps condamnés n’ont pas grand-chose à voir avec leur niveau réel de revenus : la loi est dure, mais c’est la loi ! On peut pourtant éviter d’en arriver à de telles extrémités.
La plupart des enseignants ne sont pas loin de penser qu’une fois privés de l’arsenal de violence dont ils peuvent user pour réprimer l’indiscipline de leurs élèves, il ne leur reste plus rien, et c’est comme si on les avait complètement dénudés. C’est que la violence est un raccourci bien commode, qui évite l’effort de pensée et d’imagination. Beaucoup d’enseignants ne se considèrent d’ailleurs pas responsables de la discipline et donc de l’indiscipline de leurs élèves. C’est d’autant paradoxal que ce qu’ils enseignent, de manière fondamentale, n’est rien d’autre qu’une discipline. Si leur enseignement n’aboutit pas à discipliner leurs élèves, à en faire des disciples, c’est qu’il est passé à côté de son objectif. Les surveillants généraux dans ce cas ont avant tout pour rôle d’enregistrer fidèlement le degré de réussite ou d’échec dans l’accomplissement de cette mission. Ils ne sont que les thermomètres de la discipline en milieu scolaire. Mais comment l’enseignant peut-il gérer la violence à laquelle il est inévitablement confronté au quotidien dans une société devenue de plus en plus violente ?
Premièrement, en évitant de la déclencher lui-même. De nombreuses formes de violence dépendent de lui, de sa capacité, en tant que maître, à maîtriser sa colère, son dépit, devant les maladresses et les fautes de ses élèves. Si les élèves étaient déjà sages et disciplinés au départ, ils n’auraient probablement pas besoin d’un enseignant. Certains sont même mal intentionnés, et ils vont tout faire pour provoquer l’enseignant. Si ce dernier est un maître, et donc sait se maîtriser, ces provocations feront long feu, et à la longue, il n’en restera rien. Mais si l’enseignant se laisse déborder, cède à la violence, alors il devient le vecteur de la violence, le modèle de l’absence de maîtrise de soi. On sait que l’enseignant n’enseigne avant tout que ce qu’il est.
Deuxièmement, il reste toujours une gamme d’outils de répression autorisés : ils font le contenu du règlement intérieur de chaque établissement. Il faut cependant veiller à les conformer à la loi. Un règlement intérieur ne sera jamais au-dessus de la loi et il devrait être pris la précaution de faire expertiser ces textes par des spécialistes du droit afin de s’assurer de cette conformité. En cas de nécessité, il faut donc appliquer le règlement intérieur, rien que le règlement intérieur, mais avec discernement et humanité, en bon père de famille comme dit la formule classique. Parce que appliquer le règlement intérieur c’est user aussi de la violence, même s’il s’agit d’une violence convenue, légale, il faut se rappeler que son application répétée indique l’ampleur de l’échec de la mission d’éducation.
En somme, pour manager efficacement la violence en milieu scolaire, il faut bien la connaître jusque dans ses formes les plus effacées, pouvoir bien en mesurer les conséquences éventuelles, et choisir avec soin les armes pour la contrer. La peur du gendarme, dit-on, est le début de la sagesse. On peut donc choisir de s’appuyer sur l’arsenal de la violence légale que nous offre le règlement intérieur pour commander la discipline par la peur de la sanction. Cela, n’importe qui peut y arriver et il n’est pas besoin d’un enseignant pour une telle tâche. On peut aussi choisir de prêcher pas l’exemple, et de se servir de la maîtrise de soi pour enseigner à son élève à se maîtriser lui-même face à la tentation de la violence. Et là, l’on gagne un disciple et son respect par-dessus le marché.

Par Roger KAFFO FOKOU

Halte à la soumission pédagogique : C’est elle qui tue notre école!

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Pourquoi ai-je l’impression que cela est chaque jour un peu plus vrai que le précédent ? Les enseignants camerounais non seulement n’organisent plus de débats – on pense à l’époque désormais bénie des années 1990, quelle insupportable nostalgie ! – mais quand bien même une bonne âme a l’idée d’en organiser un et de les y inviter, ils se gardent bien d’y paraître. Sont-ce les débats ou est-ce plus simplement le débat qu’ils fuient ? Alternative tragique pour des pédagogues, des gens qui se voient volontiers avant tout comme des pédagogues. Car si l’ont veut bien admettre que l’enseignant n’enseigne véritablement que ce qu’il est, on n’a plus qu’à conclure que l’enseignant camerounais enseigne le mépris/la détestation du débat. Il est donc au service de tous les césarismes qui pourraient éventuellement infecter notre société. Grave responsabilité.
Peut-être n’est-il pas inutile de se rappeler et rappeler ce que la démocratie en France, si imparfaite y soit-elle, doit aux salons du XVIIIe siècle. Comment libérer une société opprimée quand on ne parle pas et n’encourage pas à parler ? Quand dire devient le meilleur moyen de se taire ? Le silence a beau être considéré comme de l’or, chez nous cet or brille de plus en plus d’un éclat d’une violence fracassante : « cette foule étrangement bavarde et muette », disait avec le radical à-propos qui le caractérisait Césaire. Silence pour silence, celui des pédagogues, parce qu’il est aux fondements de la construction du futur homme chez l’enfant, ne peut que préoccuper profondément. Et il préoccupe d’autant qu’il est aujourd’hui soigneusement institué.
Qui sait chez nous ce que l’on appelle sous d’autres cieux – des cieux dont nous prenons d’ordinaire volontiers les errements pour modèles – qui sait chez nous ce que l’on appelle « liberté pédagogique » ? Vincent Peillon, alors ministre français de l’éducation nationale a déclaré : « Enseigner n’est pas un métier d’exécution. La liberté pédagogique est absolument essentielle pour les enseignants. » Celle-ci inclut pour l’enseignant l’organisation de ses enseignements, de ses évaluations, de ses méthodes d’enseignement et d’évaluation, dans le souci d’une plus grande efficacité, cela va de soi. Il n’y a pas de liberté pédagogique sans responsabilité pédagogique. Aussi la condition sine qua non pour être pédagogue et donc jouir de la liberté pédagogique doit-elle être une indiscutable expertise pédagogique et scientifique, autant dire une formation au-dessus de tout soupçon. Les salles de classes ne sauraient se transformer en abattoirs déguisés !
Ces derniers temps, l’institution pédagogique chez nous s’illustre comme une officine de transmission des instructions sur le mode injonctif le plus pur. On a dit « méthode globale » ? Appliquez ! Tant pis si au bout de l’année vos apprenants ont surtout appris à chanter les textes. Vous voulez en discuter ? C’est de la rébellion simple. Et si vous insistez, cela devient de la rébellion aggravée. Un vocabulaire d’un autre contexte à une autre époque ! En tous les cas, ce n’est pas avec Monsieur l’Inspecteur que vous l’aurez, cette discussion, son parti étant déjà pris. On nous expliquait l’autre jour combien il était important en vertu de l’APC d’intégrer l’apprenant dans son contexte. Qui pourrait en disconvenir ? Le tout, c’est de s’entendre sur le comment. Un exemple nous permettra certainement d’y voir un peu plus clair.
En orthographe, désormais, on va l’évaluer à l’aide d’un outil génial : la correction orthographique. Seuls quelques mots – à peu près une quinzaine – seront pris en compte dans le texte qui lui sera proposé. S’il les trouve tous, et même s’il rate tous les autres – hypothèse excessive mais pas surréaliste – il a 20/20 et est considéré comme parfait en orthographe. Est-ce que son futur potentiel employeur l’évaluera de la même manière lorsqu’il lui adressera une demande d’emploi truffée de fautes ? Certainement pas. Voilà donc une belle intégration en perspective !
Le français, paraît-il, est devenu une cause nationale : il serait le plus grand responsable des échecs des candidats aux divers types d’évaluation. Comme en sortir ? On a décidé de sanctionner cette insupportable discipline par l’asphyxie pure et simple : au lieu des six heures hebdomadaires d’hier, on n’en fait plus que quatre aujourd’hui. Et gare si le carnage continue, on pourrait alors descendre à deux, et finalement peut-être à zéro ? Qui sait ? Cela donnera encore plus d’espace aux sciences, dans la perspective d’une vision matérialiste du développement. Sans blague !
La vérité, c’est sans doute que nos enfants sont devenus des cobayes pour des savants fous, des fonctionnaires – que dis-je ? – des rouages de la machine pédagogique. Comment un rouage pourrait-il désobéir à la machine sans qu’il s’agisse d’une panne ? Comment une machine pourrait-elle désobéir à son programmeur sans qu’il s’agisse d’une panne ? Un pédagogue-rouage d’une machine pédagogique… Un rouage interchangeable… On ne serait pas dans l’univers décrit naguère par Robert Musil ? Vous me direz que la liberté pédagogique, laissée en roue libre, pourrait aussi déboucher sur des expérimentations hasardeuses, tout aussi dangereuses. Mais comment contrôler chacun des deux excès sans le débat, sans une culture du débat ? Il est temps que l’on se persuade d’une vérité élémentaire : la pédagogie, si on veut l’épanouir, ne devrait pas se cultiver en terrain dogmatique, et le pédagogue ne saurait se muer en gardien de vaches sacrées. L’espace pédagogique idéal ne peut être qu’un forum au sens étymologique du terme, ou mieux un carrefour de rencontres diverses. La seule dictature que l’on devrait y souffrir, à laquelle l’on y devrait se soumettre, est celle du débat.

Par Roger KAFFO FOKOU

LUTTE CONTRE LA MARCHANDISATION DE L’EDUCATION : une première bataille gagné contre le géant américain Bridge Academies au Kenya.

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Voici un combat auquel participe le SNAES depuis près de 2 ans au niveau international. Cette première victoire contre le géant américain Bridge Académies montre qu’ensemble les OSC peuvent obtenir des résultats y compris contre les plus puissants. Une leçon à méditer.

 

Les organisations de défense des droits de l’Homme se félicitent de la décision du Bureau du conseiller-médiateur pour l’application des directives (CAO) de la Banque Mondiale d’accepter une plainte concernant l’investissement de la Société Financière Internationale (SFI) dans Bridge International Academies (Bridge) au Kenya. L’entreprise gère plus de 400 écoles primaires dites à bas coûts au Kenya, qui ont fait l’objet d’une plainte de citoyens kenyans, ce qui soulève des inquiétudes quant aux violations des normes d’investissement de la Banque Mondiale ainsi qu’aux lois nationales et internationales.

La SFI, la branche secteur privé de la Banque Mondiale, a annoncé le 21 janvier 2014 un investissement en actions de $10 millions dans Bridge pour soutenir l’expansion de ses opérations dans plus de pays d’Afrique. La SFI a l’obligation de veiller à ce que ses investissements ne violent pas ses propres Standards de Performance, tels que ceux relatifs aux droits du travail, à la santé et la sécurité, et qu’ils soient conformes aux législations nationales.

Linda Oduor-Noah, de l’organisation kenyane East African Centre for Human Rights (EACHRights), qui a soutenu la plainte, a déclaré:

« Nous nous félicitons de la décision du CAO de prendre au sérieux nos préoccupations concernant les opérations de Bridge et d’accepter notre plainte concernant l’investissement de la SFI dans l’entreprise. Les pratiques en cours que nous avons documentées doivent être adressées de toute urgence afin de garantir que les enfants ne soient pas privés d’accès à une éducation correcte et de qualité. Nous attendons avec impatience l’examen rigoureux du CAO et espérons que ce processus sera sérieusement considéré par la SFI. »

La grande majorité des écoles Bridge au Kenya ne sont pas légalement enregistrées et l’entreprise a fait l’objet de nombreuses plaintes concernant des pratiques de travail abusives, de la discrimination, un manque de transparence et le non-respect des normes nationales d’éducation, de santé et de sécurité. A la suite de nombreuses rencontres de la société civile avec le personnel de la Banque Mondiale depuis 2015, et trois déclarations conjointes s’adressant à la Banque Mondiale et d’autres investisseurs de Bridge, EACHRights et huit citoyens kenyans ont déposé une plainte le 16 avril 2018 démontrant de graves violations des normes de la SFI et des droits de l’Homme. Les plaignants exigent que la SFI agisse pour mettre fin aux dommages causés par la chaîne multinationale.

Les organisations signataires saluent le processus du CAO, qui donne l’occasion de s’assurer que la SFI soit tenue responsable des problèmes liés à son investissement dans Bridge et de faire la lumière sur les pratiques de l’entreprise. L’évaluation devrait être effectuée dans les 120 jours ouvrables. Ceci est une étape importante dans les efforts visant à tenir responsable les investisseurs publics dans des entreprises scolaires multinationales, telles que Bridge, lorsque les entreprises dans lesquelles ils investissent commettent des violations des droits de l’Homme. Les organisations signataires s’engagent à continuer de demander justice pour de tels cas.

 

Oceane Blavot , oceane@globalinitiative-escr.org

CETIC de Foumbot : le directeur fait main basse sur la caisse et échappe de peu à la prison

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Le département du Noun coutumier des faits divers des plus rocambolesques aux plus sordides en passant par les plus tragiques dans le secteur de l’éducation, n’a pas dérogé à l’histoire en cette année scolaire. L’histoire qui tient en haleine les enseignements secondaires dans ce département cette fin d’année a comme acteur principal le directeur du tout nouveau CETIC de Kouoptamo, un des 9 arrondissements du département du Noun. On a dû sortir ce dernier de façon expresse des cellules du Commissariat de Sécurité publique de la ville de Foumbot pour aller organiser dans son établissement une cérémonie de remise des carnets de notes aux élèves ce vendredi 8 Juin 2018.

Ce long métrage commence à s’écrire en début d’année scolaire 2017-2018 lorsque le tout premier directeur nommé de ce CETIC créé par le feu ministre Bapès Bapès en 2014 prend effectivement service dans cet établissement dont il doit poser les jalons. C’est ainsi qu’il va prendre effectivement les choses en main et lors de la première assemblée générale, il va rassurer son personnel exclusivement vacataire dans un angélisme qui caractérise pratiquement tous les nouveaux chefs d’établissements en ces occasions, certifiant que ce dernier serait satisfait jusqu’au dernier centime convenu et ceci pendant dix mois. Il faut noter que cette ambition, loin d’être démagogique, était réalisable au regard de l’effectif de 211 élèves X 30 000 frs de frais d’APEE correspondant à une cagnotte totale de 6.330.000 frs (Six millions trois cents trente milles), pour une masse salariale mensuelle de 4.510.000Frs (quatre millions cents cinq dix milles francs) soit 451.000 frs X 10 mois (quatre cent cinquante et un mille X dix mois). Il serait même resté un reliquat de 1.820.000 frs (Un million huit cent vingt milles).

C’est dans ce contexte que les troupes, dopées de motivation, vont se mettre en rangs serrés derrière leur chef, question de relever le défi qui est celui de faire décoller cet établissement. Seulement, la désillusion sera très précoce lorsque à la fin du mois de décembre et sans explications aucunes, les salaires ne sont pas versés aux enseignants. Ceux-ci, qui ont continué de faire leur boulot tout en réclamant à qui de droit leur pécule, recevront l’équivalent d’un salaire à la fin du mois de janvier. C’est désormais dans un contexte de suspicions, de débrayages ponctuels, de promesses fallacieuses et de démotivation que les enseignants vont dans le désarroi total conduire le deuxième trimestre jusqu’à son terme.

CETIC3 2018-06-11 at 08.34.14A la rentrée du troisième trimestre, les enseignants qui ne reçoivent de la part du directeur qu’arrogance et mépris décident unanimement d’arrêter le travail. Cette situation attire l’attention des parents et surtout de l’autorité administrative qui décide de sauver l’année scolaire des enfants. C’est ainsi que de rencontre en rencontre et dans le but est de faire entendre raison au directeur à qui le Sous-Préfet demande de trouver de l’argent pour éponger les arriérés de salaire, celui-ci va trouver le moyen à chaque fois de se dérober en usant de nombreux rendez-vous manqués. Bien plus, le directeur va se permettre le luxe de disparaitre de la circulation pendant de nombreux jours tout en se rendant injoignable, confortant ainsi la thèse de la filouterie et de sa mauvaise foi.

C’est cette situation qui irrite l’autorité administrative et décide celle-ci de confier le dossier au procureur de la République auprès des tribunaux de Foumbot. La Magistrat aussitôt va lancer un mandat d’arrêt contre le fugitif. Au bout de quelques jours de recherches, le mis en cause est appréhendé et conduit dans les cellules du commissariat de sécurité publique de Foumbot. Après quelques jours de garde à vue, sa famille aurait réuni l’argent nécessaire pour satisfaire tous les arriérés de salaire chez tous les enseignants.

C’est ainsi qu’au cours de cette matinée du 8 juin 2018 à l’occasion de la remise des bulletins, le Sous-préfet en compagnie du directeur fraîchement sorti des cellules, va inviter tous les enseignants à se rendre auprès du procureur afin de recouvrer la totalité de leurs dus. Seulement une fois sur place, chacun en l’absence du procureur ne va recevoir du cabinet de l’héliaste que l’équivalant d’un seul salaire mensuel sans autres explications.

Signalons pour terminer que les enseignants-vacataires du Noun sont pratiquement tous habitués à ce genre de brigandage de la part des chefs d’établissement. Nombre de ces « chefs » poussent quelquefois le ridicule un peu plus loin en faisant main basse non seulement sur les salaires, mais aussi sur les fonds de secours, les tontines et les épargnes des amicales.

Par Fokou Kodjo/SNAES/NOUN

Semaine 24 – 2018

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L’argent est bien, mais l’homme est meilleur, parce qu’il répond quand on l’appelle.

Semaine 23 – 2018

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La mort est un vêtement que tout le monde portera.

Semaine 22 – 2018

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Le mensonge donne des fleurs mais pas de fruits.

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