Semaine 30
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RETRO ACTU DES SYNDICATS : Mois de mars
En Centrafrique : Des jours noirs mais aussi de l’espoir
Le mercredi 18 mars 2018 dans la Préfecture de la Ouaka à 65 km de Bambari, des forces incontrôlées ont attaqué les populations où ils ont tué le Directeur de l’école Goubali et sa femme. En raison de cela, les écoles environnantes allant jusqu’à la ville d’Ippy ont fermé leurs portes pour manifester leur mécontentement. A la même occasion, ils ont tué le curé de la paroisse de Seko située à 2 km de cette école et 19 chrétiens.
Les instituteurs en instance d’intégration sont entrain de signer des contrats maintenant. Cependant un avis d’intégration est lancé et le quota donné à l’éducation est de 300 enseignants dont 150 au primaire et 150 au secondaire. L’enseignement Supérieur en a 40.
Les maîtres qui étaient pris pour enseigner sur le budget de l’UNICEF travaillent depuis la rentrée scolaire 2017-2018 mais ne sont pas encore rémunérés. Aussi la majorité a cessé de travailler. On attend voir s’ils seront régularisés. Jusqu’aujourd’hui le FMI et la Banque Mondiale n’ont pas encore démarré le paiement des arriérés de salaire qu’ils avaient promis aux enseignants.
Au Cameroun : un horizon glorieux
Au Cameroun, le Comité technique chargé de la préparation des dossiers du Forum National de l’éducation a bouclé son travail au cours de la rencontre du 28 mars 2018 dernier. Siègent dans ce comité les représentants des ministères de l’Enseignement supérieur, des enseignements secondaires, de l’éducation de base, et des sport et de l’éducation physique. Les cahiers et les fiches de collecte de données ont été validés au cours de ladite rencontre, le plan du travail de collecte aussi, lequel prévoit de commencer dans les arrondissements, puis de consolider progressivement les données aux niveaux des départements, puis des régions, avant le Forum national.
Une proposition de calendrier est sur la table du gouvernement et si elle est validée, le point de départ du marathon de collecte des données est prévue pour fin avril 2018. Il faut préciser que les syndicats d’enseignants courent derrière ce forum depuis 2012, les derniers états généraux de l’éducation ayant eu lieu en 1995. Si tout se passe bien, les syndicats pourront obtenir du gouvernement bientôt la mise en place négociée de la vision de l’éducation pour les 50 années à venir.
ENSEIGNEMENTS SECONDAIRES : Du cash au digital
Dès septembre 2018, élèves et parents passent au paiement digital.
Ce vendredi 01 juin 2018, le Hilton de Yaoundé a été le cadre luxueux de la signature d’une convention de partenariat entre le MINESEC et les opérateurs camerounais de Mobile Money que sont la Campost, Express Union, MTN et Orange Cameroun. L’effet de cette convention sera dès septembre 2018 la digitalisation du paiement donc du recouvrement des frais exigibles et des frais de participation aux examens officiels pour l’ensemble des élèves des enseignements secondaires. Les contributions d’APEE ne sont donc pas concernées par cette opération.
En exigeant des démembrements déconcentrés des Enseignements secondaires de se connecter sur le réseau Internet, Mme Nalova Lyonga dès son arrivée avait déjà annoncé la couleur. Le lancement de la digitalisation des paiements des différents frais exigibles traduit ainsi sa volonté de continuer à tracer en l’élargissant ce sillon.
En première analyse, on peut dire que si parier contre l’innovation est toujours risqué, ce risque serait encore plus grand aujourd’hui alors que la monnaie électronique est en passe de remplacer dans les porte-monnaie les espèces sonnantes et trébuchantes, et l’a déjà fait dans certains pays européens. C’est donc en principe un pari pris sur l’avenir, et une mise forcée des acteurs de la communauté éducative du secondaire à l’école du digital. Cela permettra-t-il accessoirement d’atteindre des objectifs de plus grande transparence dans la gestion des effectifs et du pécule de l’éducation ? Cela ne pourrait qu’impacter positivement le management des structures dont les responsables sont souvent à la fois victimes et bourreaux de l’opacité qui en entoure la gestion quotidienne des ressources. Cela pourrait aussi améliorer la planification centrale et nationale de l’éducation, et donc son développement. Mme Lyonga semble déterminée à imposer plus de transparence aux Enseignements secondaires, et conséquemment plus de propreté, affirme-t-elle. C’est ce qu’elle désigne par le slogan « Clean schools ». Elle veut si l’on peut dire nettoyer la morve des Enseignements secondaires ? Tant mieux ! Il n’y a donc sur le principe aucun obstacle à ce que les syndicats aient un droit de regard sur ce grand ménage qu’elle entend mener dans ce département ministériel généralement assez réticent à impliquer ces électrons libres, trop libres au goût de certains, dans leurs délicates petites opérations. Elle semble pourtant avoir pris du retard sur cet aspect du programme. Mais elle commence à peine et il est possible que des ajustements se fassent.
Orange, MTN, Express Union et Campost seront-ils des partenaires fiables et leurs guichets et autres facilités ne vont-elles pas se transformer en goulots d’étranglements pour élèves et parents ? Il faut l’espérer. Si les recettes collectées par ces mousquetaires de la monnaie digitale sont en même temps d’accès illimité pour les chefs de structures et leurs agents financiers, alors Mme Nalova aura commencé à marquer de son empreinte les enseignements secondaires.
Par Roger KAFFO FOKOU
PROTECTION ET PROMOTION DU TRAVAIL DÉCENT
le SNAES a organisé les 17 et 18 mai 2018 un atelier sur la précarité des personnels d’appoint de l’éducation au Cameroun.
Les 17 et 18 mai 2018 s’est tenu à Yaoundé dans la salle de conférence de la Fondation Friedrich Ebert et Stiftung un atelier organisé par le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire (SNAES) avec l’appui technique et financier de la FES sur le thème « protection et promotion du travail décent au Cameroun : la situation du personnel d’appoint de l’enseignement secondaire et de l’éducation de base public. » Ont activement pris part à cet atelier les représentants des institutions publiques (Ministère de l’Education de Base, Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale, Ministère des Finances, Caisse Nationale de Prévoyance Sociale), un représentant du Bureau International du Travail (BIT), des représentants de syndicats d’enseignants (SNAES, CATTU, SYNTESPRIC, SNUIPEN, SNIEB), des représentants des personnels d’appoint, des associations de parents d’élèves et enseignants (APEE) ainsi que ceux des OSC (People Earthwise, Action Sociale, CEFAN) et des médias. Trois communications ont meublé les travaux du premier jour.
La première, présentée par un expert du BIT, a porté sur « Le concept de travail décent en droit conventionnel et son internationalisation par le Cameroun ». La deuxième sur « Les statuts comparés des personnels d’appoint d’une part dans l’enseignement supérieur, d’autre part dans le secondaire et le primaire ». La dernière sur « La contribution des personnels d’appoint dans l’atteinte des objectifs de l’ODD4 par les Ministères des Enseignements Secondaires et de l’Education de Base ». La deuxième journée consacrée aux travaux en atelier a permis de réfléchir sur les voies juridiques susceptibles d’ouvrir la voie vers des solutions aux problèmes de la précarité qui caractérise actuellement la situation des personnels d’appoint dans le secondaire et l’éducation de base au Cameroun. En fin, une session s’est penchée sur les méthodes de dissémination des résultats de l’atelier ainsi que les étapes ultérieures. Il est ainsi apparu que le personnel d’appui des universités d’Etat du Cameroun ne bénéficie pas d’un statut particulier dans la mesure où le décret n° 2011/119 du 18 mai 2011 fixant les dispositions communes aux personnels d’appui des Universités d’État du Cameroun n’est que la transposition fidèle du décret n°78/484 du 9 novembre 1978 fixant les dispositions communes applicables aux agents de l’Etat relevant du Code du Travail camerounais. Vu sous cet angle, le problème des personnels d’appui ou d’appoint du Secondaire ou de l’Education de Base au Cameroun se résume à un simple problème de régularisation. Et la responsabilité de la mise en œuvre de cette régularisation incombe d’abord aux concernés qui doivent s’informer sur leurs droits et s’organiser pour les faire respecter, aux employeurs qui ont l’obligation de respecter les lois en vigueur à peine de voir leur responsabilité pénale engagée, aux syndicats qui doivent s’investir dans l’éducation ouvrière et la protection des intérêts des travailleurs. Au terme de l’atelier, les syndicats présents ont résolu d’engager une campagne d’éducation des personnels ciblés, d’information des responsables employeurs sur leurs responsabilités y compris pénales, de sensibilisation des décideurs au plus haut niveau sur la nécessité de promouvoir le travail décent pour cette catégorie dont l’apport dans la réalisation des objectifs de l’ODD4 apparaît déterminant.
Roger KAFFO FOKOU, SG du SNAES
Manifestations des élèves du Lycée de Mbouda Rurale
Quand l’élève enseigne son professeur !!!
Par Fokou Kodjo/SNAES/NOUN
Que d’admiration et de frissons quand je regarde les images de ces élèves du Lycée de Mbouda Rurale, (ancien CES de Mbouda que j’ai quitté il y a exactement 17ans) battant le pavé en cette matinée du 24 avril 2018 pour dénoncer ce qui semble aujourd’hui être le sport favori des chefs d’établissement c’est-à-dire dire le racket des élèves et des parents.
Malgré la frilosité des sécurocrates et fossoyeurs de la République qui crient à la manipulation des enfants, cette action courageuse des enfants nous permet de tirer plusieurs leçons:
Premièrement, il y a lieu d’avoir espoir car à un certain moment, devant le fatalisme des camerounais complices actifs où passifs des injustices, habitués de la fameuse périphrase « on va faire comment? » qui ne traduit en réalité que la lâcheté, l’irresponsabilité, la démission… Bref on avait cru qu’on était mal parti aux dires de René Dumont sur l’Afrique au début des années 60 mais ce coup d’éclat des jeunes lycéens nous montre qu’il y a lieu de croire à un Cameroun plus juste. Sinon comment aurait pu penser à autre chose que cette réaction de la part des personnes normales à qui on extorquent 3000frs pour des cours de remise à niveau qui n’ont jamais eu lieu. grève mboudaL’objectif avoué du proviseur étant sans aucun doute de faire insidieusement main basse sur le fruit du crime. Heureusement monsieur le proviseur a rencontré sur son chemin une jeunesse normale, celle-là qui est responsable, celle-là qui s’indigne. Sinon comment faisons nous pour supporter toutes ces grossières fourberies dans nos lycées et collèges où chaque année chaque enfant doit payer 1000frs pour un carnet médical qui ne lui ait jamais servi, où des millions de FCFA collectés au prétexte des APEE et dont la gestion et le contrôle échappe a toute rationalité.
Deuxièmement, ces élèves servent aux enseignants la réalité d’une leçon de responsabilité et de courage. Eux qui en longueur de jour sont des complices silencieux de leurs bourreaux.grève mbouda 1
En qualité de responsable syndical dans le Noun, j’ai une fois été approché par des enseignants vacataires d’un lycée bien connu du département qui cumulait pas moins de trois mois d’arriérés de salaire(30-40 milles/mois pour chacun). C’est alors qu’on a convenu de se retrouver un jour afin de discuter des actions à mener contre les personnes incriminées, les principaux concernés vont s’absenter et envoyer leur porte parole annoncer au membres du syndicat qu’ils renoncent à intenter toute actions contre leurs « frères » qui sont des responsables et chefs de famille. On multiplierait comme cela des exemples avec certains des enseignants qui dans d’autres renoncent ourbi et orbi à leurs salaires mensuels au nom de l’amour supposé où réel qu’ils ont envers leurs chefs d’établissement.
Sinon finissons en méditant sur cette reflexion de Martin Luther King Jr
Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants, c’est l’indifférence des bons.
La marginalisation des syndicats d’enseignants, obstacle principal à l’atteinte des objectifs de l’ODD4 au Cameroun.
Par Roger KAFFO FOKOU, SG/SNAES et Membre CA/CEFAN, Porte-parole des syndicats dans les discussions avec le Gouvernement.
Le sujet, tel qu’il nous a été proposé, était revêtu d’une neutralité si rassurante qu’elle en masquait les principaux enjeux :
Relever le défi de l’ODD4 au Cameroun : la contribution des syndicats comme organisations de la société civile.
Très peu de choses autour de nous nous montrent que l’on s’attèle à relever le défi de l’ODD4. On en parle pourtant à tout bout de champ. C’est un peu comme un cultivateur de haricots qui n’arrête pas de parler de la récolte des arachides. Comment contribuer concrètement à quelque chose de virtuel ? Il nous semble qu’il faut d’abord pousser les acteurs à quitter le virtuel pour le réel, à nous y rejoindre. L’ODD4 est avant tout un défi, un énorme défi : en quoi et pour qui ? Il faut le savoir. On ne peut relever un défi en agissant comme d’ordinaire, en ronronnant comme d’habitude, en usant de ressources ordinaires, en diminuant même les ressources ordinaires et en augmentant les enchères verbales. Qu’est-ce qui a changé dans les modes d’action et les ressources mises à contribution par l’État camerounais pour que l’on puisse parler d’une volonté quelconque de relever un quelconque défi ? Il faut aussi évacuer ce préalable. Les syndicats d’enseignants camerounais : quels sont leur statut et leur position sur le champ stratégique de la mise en œuvre de l’ODD4 ? Ceux-ci leur permettent-ils d’y contribuer de façon substantielle si ce n’est décisive, et quelle a jusqu’ici été leur contribution ? Voilà les fils d’Ariane qui vont guider notre tentative de nous en sortir dans le véritable labyrinthe dans lequel ce sujet nous jette.
I. Pourquoi et pour qui l’ODD4 représente-t-il un défi ?
I.1. Pourquoi ?
I.1.1. Sa formulation : mise en exergue de l’inséparable association de la qualité et de la qualité
L’ODD4 est formulé ainsi qu’il suit :
« Assurer une éducation inclusive et équitable de qualité, et promouvoir un apprentissage tout au long de la vie pour tous. »
Cette formulation est remarquablement équilibrée, comme le serait celle d’un vers classique divisé en deux hémistiches, chacun des hémistiches mettant en exergue l’un des deux éléments qui font de l’ODD4 un véritable défi : « qualité » au premier hémistiche, « pour tous » autant dire quantité au deuxième hémistiche.
La qualité fait partie de ces concepts que le langage ordinaire d’abord, puis progressivement le langage soutenu ont dévoyés de leur véritable signification. La qualité est la propriété d’une chose, d’un être, à être ce qu’elle/il est ou doit être. Parler de qualité, c’est implicitement parler de « bonne qualité », et parler explicitement de « bonne qualité », c’est user de redondance. Aussi l’ODD4 s’y est-il refusé. Parler de « mauvaise qualité », c’est nier la qualité, absolument ou relativement ; c’est affirmer le défaut, la défectuosité, l’insuffisance, le vice. Quand une éducation cesse d’être de qualité, elle devient défectueuse, vicieuse, absolument ou relativement. Et au lieu de former, elle déforme ; et au lieu d’enseigner la vertu, elle enseigne le vice : tricherie, paresse, corruption, esprit de facilité, culte du moindre effort, goût pour le rêve, développement de l’égoïsme, effacement du sens du sacrifice… Prendre parti pour ou contre – la position neutre dans ce cas est sans doute pire que la position contre – la qualité de l’éducation, c’est prendre parti pour une bonne éducation ou pour une éducation défectueuse, vicieuse.
La quantité quant à elle est une grandeur relative qui en appelle toujours à la mesure, et exige une unité de mesure. La quantité peut être infinie ou infinitésimale. Il faut donc toujours préciser la quantité pour qu’elle devienne réalité. Aussi, dans sa formulation, l’ODD4 précise-t-elle la quantité de manière emphatique : « pour tous » et « tout au long de la vie ». L’ODD4 donne-t-il une quelconque latitude de choisir entre la qualité et la quantité ? Le choix de « et » répond clairement par la négative à cette question. Ce n’est pas l’une ou l’autre, c’est l’une « et » l’autre. Et cela se comprend parce que la quantité est une des conditions essentielles de la qualité. Comme dans le domaine de la santé – l’éducation n’assure-t-elle pas la santé intellectuelle et spirituelle ? – la posologie, si elle n’est respectée, la médication n’est point de qualité. Si au lieu de 35 à 45 élèves vous en mettez 80 à 200 dans la même classe, cette quantité en évacue la qualité de l’enseignement reçu automatiquement. Si vous mettez un enseignant d’EPS pour 900 élèves comme c’est le cas aujourd’hui, la qualité de cette éducation disparaît aussitôt. Quelles conséquences peut-on tirer de ce lien indissoluble entre la qualité et la quantité d’éducation ?
I.1.2. Conséquences à tirer de cette formulation :
Trois conséquences au moins découlent du lien que l’ODD4 fait entre qualité et quantité de l’éducation :
Il n’y a pas d’exercice véritable du droit à l’éducation quand l’éducation n’est pas de qualité. Dit autrement, quand l’éducation perd en qualité, en d’autres termes quand elle cesse progressivement d’être éducation pour devenir déformation, il y a déjà, proportionnellement, violation du droit à l’éducation. Dans le langage commercial, on dit qu’il y a fraude, tromperie sur la marchandise et, en fonction de l’étendue de cette fraude, de cette tromperie, on peut parler, en langage juridique, de « dol ». Dans les termes du droit civil, le dol est une cause de nullité du contrat, un vice rédhibitoire. Le contrat de confiance qui lie la population à l’État en matière d’éducation – l’éducation est un devoir régalien de l’État – peut ainsi être rompu pour cause de défaut de qualité de l’éducation servie au peuple.
Il n’y a pas de qualité sans la quantité maximale : pour tous et tout au long de la vie. Chaque fois que l’éducation cesse d’être pour tous et tout au long de la vie, elle cesse, à proportion, d’être de qualité. Cela est vrai à la fois d’un point de vue économique (l’indice de Gini) et d’un point de vue social (les conséquences des discriminations à l’éducation en raison du sexe, du handicap, du statut social, des zones géographiques, de la religion, etc.).
L’ODD4 est donc extrêmement ambitieux et ne s’accommode d’aucune demi-mesure dans sa formulation. Sa mise en œuvre, dans notre contexte, ne peut ainsi être qu’un défi. Mais pour qui ?
1.2. Pour qui l’ODD4 est-il un défi ?
Nous avons parlé de l’éducation comme d’un contrat, d’une convention dont les parties sont, d’une part les populations (politiquement, elles constituent le « peuple »), d’autre part l’État, incarné par des gouvernants élus dans le système représentatif, sur la base de la confiance présumée que ces élus vont gérer les intérêts des représentés en bons pères de famille. L’ODD4 représente un défi pour chacun de ces deux acteurs, mais de façons différentes.
Pour les populations qui sont en position de bénéficiaires, le défi consiste à s’assurer le respect par l’État de son engagement de servir aux populations, à toutes les populations l’éducation de qualité à laquelle celles-ci ont droit. Pour l’État, le défi consiste à trouver les ressources adéquates et à les employer pour respecter son engagement à assurer aux populations une éducation de qualité (engagement pris en interne dans la Constitution, les lois d’orientation de l’éducation, à l’international à Jomtien 1990, Dakar 2000, dans le cadre des OMD et des ODD). Dans un contexte dit de sous-développement, ou peut-être en voie de développement, (toutes choses qui ne veulent pas dire grand-chose, sinon que nous sommes des pays à PIB faibles), en contexte donc de rareté de ressources, les principaux défis sont ceux de la qualité de la volonté politique et de la qualité de la gouvernance, puisque lesdites ressources, justement parce qu’elles sont rares, doivent être gérées de façon optimale.
Existe-t-il au Cameroun une volonté politique de qualité ? Les décisions prises (niveau stratégique), les actes posés (niveau opérationnel) dans le secteur de l’éducation ne l’attestent pas. Les derniers états généraux de l’éducation datent de 23 ans, les établissements scolaires fonctionnent presque sans enseignants et sans budgets de fonctionnement, la situation des enseignants fait de ce corps au Cameroun rappelle l’enfer de Dante au fronton duquel il était écrit : « Vous qui entrez ici, perdez tout espoir ». Aussi y règne-t-il un véritable sauve-qui-peut : il y a désormais au Cameroun plus d’enseignants hors du secteur de l’éducation que dans le secteur. Et tous émargent sur le budget de l’éducation, gonflant artificiellement celui-ci pour faire croire que l’éducation est financée, dans une espèce de prestidigitation assassine pour les intérêts de l’éducation, donc de l’avenir du pays. L’État bien sûr fait des choses dans l’éducation, la liste en est longue et fastidieuse : il faut que le budget se consomme. Mais ces choses se font hors de la qualité et de la quantité requises (c’est facile à démontrer mais ce n’était pas le sujet), et c’est ainsi que les retards accumulés dans la mise en œuvre de l’EPT se sont ajoutés à ceux des OMD et bientôt à ceux des ODD.
Que font ou peuvent faire les syndicats dans tout ceci ? Peut-on se demander. Pour bien comprendre en qualité et en quantité la contribution éventuelle des syndicats d’enseignants à la mise en œuvre d’une éducation de qualité pour tous tout au long de la vie, il faut d’abord examiner le positionnement des syndicats, historiquement au niveau global, puis contextuellement au Cameroun.
II. Les syndicats : des corps intermédiaires spécifiques
II.1. C’est quoi, les corps intermédiaires ? Intermédiaires entre qui et qui ?
Les corps intermédiaires, ce sont d’abord des Corps, c’est-à-dire des touts organisés et non des agrégats de circonstance. Nous disions plus haut qu’entre la population et l’État, il y a un contrat de confiance, mais la population (ou le peuple) n’est qu’un agrégat d’individus, de personnes physiques dont chacun se retrouve souvent bien seul face à l’État, et peut être physiquement violenté par ce dernier qui en a les moyens. Face ou au-dessus du citoyen, l’État est un corps –une personne morale) ou un ensemble de corps (on parle des grands corps de l’État). D’un côté, c’est cet agrégat d’individus impuissants, sans volonté qu’on appelle « société » et qui n’est qu’une collectivité dégradée.Pour Pierre Leroux,
« La société n’est plus qu’un « amas d’égoïsmes », ce n’est donc plus un corps ; ce sont les membres séparés d’un cadavre. »
Pour que les individus pèsent face au monstre étatique (le Léviathan), il faut qu’ils s’organisent en un corps ou en un ensemble de corps : ainsi émergent entre les individus et l’État des corps qui sont donc dits intermédiaires. Ils ne sont pas intermédiaires par leur seul positionnement, ils le sont également par la fonction d’interaction qu’ils exercent, pour citer Pierre Rosanvallon. Quels types d’organisations font ces corps intermédiaires ?
Les corps intermédiaires sont une nébuleuse aux contours variables. Pour Elisabeth Bergé-Suet (Lemonde.fr du 22.10.2015), ce sont les groupes professionnels, syndicats de salariés, organisations patronales, organisations agricoles, professions libérales, associations. Quant à Clotilde Druelle-Korn, maître de conférences en histoire contemporaine économique et sociale à l’université de Limoges (Lemonde.fr du 19.03.2012), elle veut distinguer plusieurs pôles dans la diversité que constituent les corps intermédiaires : le pôle des associations (associations d’intérêt économique, d’intérêt collectif comme les syndicats patronaux et de travailleurs ou d’utilité sociale), celui du monde consulaire (chambres de commerce et d’industrie, d’artisanat et des métiers, d’agriculture), et enfin celui des ordres professionnels (comices agricoles, conseils et commissions, fondations et organisations non gouvernementales). Quel est idéalement le rôle de ces corps intermédiaires ?
II.2. À quoi servent les corps intermédiaires ?
Le premier acte de la Révolution française fut de supprimer les corps intermédiaires, par la loi Le Chapelier de 1791. La Révolution déboucha logiquement sur le jacobinisme et sans surprise sur la terreur. Ayant pris soin de supprimer les corps intermédiaires, l’État révolutionnaire put écraser le peuple français sans rencontrer d’obstacles, de résistance. On dut ressusciter ceux-ci pour permettre au vaillant peuple français, qui avait pourtant fait la preuve de son courage dans la lutte révolutionnaire, de se remettre debout. C’était la preuve que, même courageux, le peuple ne peut rien contre l’État s’il n’est pas organisé en corps intermédiaires de qualité. Tout est cependant mis en œuvre par les pouvoirs établis pour les contenir, les affaiblir au maximum, les réduire dans certains contextes à de simples coquilles, ou alors des pierres de touche d’une démocratie formelle.
C’est que les corps intermédiaires, comme l’explique Clotilde Druelle-Korn, répondent à un puissant besoin social de s’unir pour agir d’une part, et sont un « réservoir d’expertise et des lieux d’action reposant massivement sur le bénévolat » d’autre part. Dans cette nébuleuse que constituent les corps intermédiaires, chaque type d’organisation, soit par ses origines, soit par ses modes d’organisation et d’action, occupe une place spéciale. Qu’est-ce qui fait la spécificité des syndicats dans l’univers des corps intermédiaires et comment et jusqu’où les syndicats camerounais mettent-ils cette spécificité au service des objectifs de l’ODD4 ?
II.3. La spécificité des syndicats parmi les corps intermédiaires
La première spécificité des syndicats parmi les corps intermédiaires, c’est qu’ils font peur, suscitent la méfiance pour le moins. Ils cristallisent en effet à eux seuls la plus grande part de la méfiance que les pouvoirs établis nourrissent à l’endroit de ces corps. En 2012 en France, lorsqu’il s’insurge contre ce qu’il appelle le « diktat » des corps intermédiaires, Nicolas Sarkozy pense dans une large mesure d’abord aux syndicats, et seulement dans une moindre mesure aux médias et autres structures intermédiaires. Les syndicats ne sont donc pas les seuls au sein du groupe des corps intermédiaires à lutter contre la toute-puissance souvent liberticide de l’État. Ce qui les distingue des autres, ce sont d’une part leurs origines, d’autre part leurs modes d’action et l’impact que ceux-ci sont susceptibles de produire.
Les syndicats sont comme on le sait issus des anciens compagnonnages et des corporations médiévales, structures nées pour concurrencer les hanses, organisations marchandes occupant à l’époque seules l’espace intermédiaire entre les noblesses (d’épée, de sang, de robes) et le tiers-état. L’on sait que ces organisations sont parmi les premières à avoir arraché des chartes de liberté au Moyen âge en Europe, et à avoir obtenu l’institution de villes franches où les individus, agriculteurs, éleveurs ou artisans, pouvaient jouir du fruit de leur travail à l’abri de la rapine des princes, des féodaux et consorts. Grâce à ces compagnonnages et corporations, les travailleurs avaient pu, pour la première fois (si l’on excepte dans une certaine mesure la Grèce de Solon) jouir des fruits de leur travail, lesquels n’avaient jusque-là profité qu’à l’aristocratie et aux seuls intermédiaires au service de celle-ci qu’étaient les marchands. Héritiers de la tradition des compagnonnages et corporations, les syndicats ont aussi hérité de l’antagonisme que ces derniers suscitaient auprès des hanses, et ce avec d’autant plus de violence que les marchands contrôlent la mondialisation actuelle. Derrière la haine des syndicats, il y a donc une volonté de continuer à marginaliser les travailleurs, pour perpétuer la monopolisation de la jouissance des richesses produites par le travail.
Les syndicats se distinguent aussi par leurs modes d’organisation et d’action, et l’impact que ceux-ci sont susceptibles de produire dans les conditions optimales. Au plan organisationnel, la structuration de ces organisations de travailleurs en syndicats, fédérations, unions, centrales, leur permet de déboucher sur des organisations hyper structurées et extrêmement fortes, aux moyens d’action éventuellement redoutables. On les soupçonne de ne pouvoir résister à la tentation, s’ils atteignaient leurs objectifs d’organisation et de mobilisation, d’en user pour mettre en œuvre une forme de corporatisme ou une autre. Du côté de leurs modes d’action, en plus du lobbying, du plaidoyer et d’autres types de manifestations publiques qu’ils partagent avec toutes les autres organisations faisant partie des corps intermédiaires, les syndicats sont les seuls à pouvoir user de l’arme de la grève : une arme qui peut être radicalement efficace si elle est bien utilisée. Il est ainsi peu surprenant que l’image du syndicalisme soit à peu près inséparable du spectre de la grève.
Pour autant, les syndicats ont presque tous abandonné le corporatisme étroit et ce depuis longtemps, pour s’engager dans la défense des intérêts généraux souvent idéalistes. L’histoire de l’éducation pour tous (EPT) devenue éducation de qualité pour tous (EQPT) et qui va de Jomtien 1990 jusqu’à Incheon 2015 s’est écrite avec les syndicats. Ces derniers n’y ont pas seulement accompagné les Gouvernements, ils les ont souvent précédés et poussés de l’avant. Lors de son congrès mondial 2015 à Ottawa, l’Internationale de l’Éducation a, par exemple, fait de l’Éducation en situation d’urgence (ESU) un axe prioritaire de son action, pour nous en tenir à une action récente.
Le procès de corporatisme qu’on continue de leur faire est donc bien peu mérité, bien peu justifié aujourd’hui. En plus, il est évident, même si les pouvoirs ouvertement autoritaires (Les démocraties ou ce qui en tient lieu aujourd’hui, notamment dans la forme libérale actuelle, peuvent sans excès être qualifiées de dictatures douces, ce qui nous rapproche de la philosophie politique d’Étienne de la Boétie) peinent souvent à l’admettre, que seuls les syndicats, quand les conditions sont réunies, sont à même d’organiser la revendication de matière non violente et contrôlée. Dans les pays où de telles conditions existent, les revendications syndicales, même quand elles se déportent dans les rues, n’ont jamais débouché sur le renversement de l’ordre politique établi. Par contre, partout où celles-ci n’existent pas, les revendications inorganisées et non encadrées ont souvent sonné le glas des pouvoirs en place.
Ce tableau global est-il conforme à la réalité syndicale nationale dans le secteur de l’éducation ?
II.4. L’action des syndicats d’enseignants au Cameroun en faveur de l’ODD4
Au Cameroun, sans doute plus qu’ailleurs, le statut des syndicats explique l’état de délabrement dans lequel se trouve le système éducatif, et les maigres résultats obtenus par l’État dans la mise en œuvre des politiques d’éducation de qualité pour tous.
De façon globale, les lois de 1990 sur les libertés ont consacré l’ensemble des corps intermédiaires (associations, médias, partis politiques, organisations religieuses…) à l’exception des syndicats, surtout ceux du secteur public qui sont seuls capables d’impacter les politiques d’éducation. En contraignant ces derniers à une inconfortable clandestinité, on les rendait suspects aux yeux d’éventuels adhérents, impuissants en face d’une administration formée à la répression, incapables de recevoir des concours financiers conséquents puisque ne pouvant réunir les conditions d’ouverture d’un compte bancaire, donc presque totalement impuissants. Cette stratégie, au fil des ans, a atteint ses objectifs et les syndicats d’enseignants camerounais sont aujourd’hui probablement parmi les plus inorganisés et les plus faibles d’Afrique.
Dans l’incapacité d’utiliser l’arme syndicale par excellence, la grève, ils ont dû se contenter, en dehors de quelques « grevettes » d’envergures relativement faibles, de faire du plaidoyer. Symboliquement, chaque fois qu’ils ont pu réunir les conditions d’une grève acceptable, ils ont obtenu en une action ce que des années de plaidoyer n’ont pu permettre à l’ensemble des corps intermédiaires de l’éducation d’obtenir. Ces apports syndicaux, si limités soient-ils, ont porté sur un aspect essentiel de la mise en œuvre de ce qui est aujourd’hui l’ODD : la qualité.
Nous avons vu plus haut que la qualité n’est pas négociable d’une part, et que la quantité est peu utile si elle n’atteint pas le seuil qualitatif, d’autre part. C’est aussi dans ce sens que l’on parle de la qualité des effectifs, des infrastructures et équipements, des financements : en quantité insuffisante ou excessive, ils desservent la qualité. Dans l’éducation, la qualité est garantie seulement par un facteur central : l’enseignant. Pas d’éducation de qualité sans enseignant de qualité. Pour les enseignants, les syndicats ont obtenu ces 20 dernières années un statut à peine appliqué, des primes auxquelles on a attribué des montants dérisoires, des distinctions honorifiques qui s’organisent dans le bricolage total, la promesse d’intégrer les cadres dont on n’est pas sûr, vu la lenteur d’exécution, qu’elle sera tenue.
Toujours au plan qualitatif, les syndicats ont obtenu de l’État l’engagement de ce dernier de revoir le cadre stratégique de l’éducation par la tenue d’un forum national, mais la mise en œuvre de cet engagement est reportée d’année en année.
Enfin, les syndicats sont les seuls à opposer à l’auto-satisfecit de l’État un discours véritablement critique et articulé sur des faits. Face à une expertise syndicale de plus en plus indéniable, l’État fait de plus en plus preuve d’humilité, mais en même temps affine ses techniques de manipulation de données.
Conclusion
Dans un contexte et des conditions difficiles, les syndicats camerounais se sont efforcés de contribuer à ce qui aurait dû être la mise en œuvre d’une éducation de qualité accessible à tous, d’abord dans le cadre de l’EPT, des OMD, et aujourd’hui des ODD en général, de l’ODD4 en particulier. Faut-il entrer dans le détail des actions qu’ils ont accomplies au long des années dans cette optique ? À quoi bon ? Ce serait fastidieux et peu utile. Ces actions n’ont pas permis jusqu’ici d’atteindre le niveau d’impact escompté : elles n’ont pas atteint la qualité et la quantité suffisantes pour changer sensiblement la donne. Aussi, comme les OMD et avant eux l’EPT, l’ODD4 va mal jusqu’ici. Tant que les syndicats ne seront pas redevenus forts, les corps intermédiaires seront majoritairement dociles, et les pouvoirs en place auront plaisir à en faire des pierres de touche d’une démocratie formelle. Et plutôt que d’exiger de l’État qu’il respecte ses engagements, la société civile, de plus en plus infiltrée, se contentera de le supplier de bien vouloir faire ce qu’il veut ; et le peu qu’il fera, sous les applaudissements volontaires ou contraints, sincères ou hypocrites, sera considéré comme l’expression d’une indicible magnanimité.
NE VENDEZ PAS L’EDUCATION
Rencontre francophone de Dakar sur la marchandisation et la privatisation de l’éducation
Du 23 au 26 octobre s’est tenu la deuxième rencontre francophone sur la marchandisation et la privatisation de l’éducation à l’Institut de la Francophonie pour l’Éducation et la Formation à Dakar. Cet événement a réuni dans leur diversité 105 délégués issus de 25 pays dans l’objectif de trouver des réponses communes face à la croissance alarmante des acteurs privés dans le secteur éducatif. Le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire (SNAES), par son Secrétaire Général, y représentait le CEFAN et le Cameroun. Partageant l’ambition de construire une éducation publique de qualité, capable d’agir pour que les personnes acquièrent la possibilité (en termes de compétences, de capacités, de désir et d’imaginaire) de se projeter dans la société et d’en définir ses évolutions, ces quatre jours se sont articulés autour de savoirs théoriques mais aussi à partir du travail de terrain.
Les deux premiers jours ont été l’occasion d’échanger sur les enjeux liés à la marchandisation de l’éducation. Lors de la cérémonie d’ouverture, hôtes, partenaires et organisateurs ont pris la parole pour exprimer leur point de vue sur ce phénomène grandissant. La philosophie du réseau francophone contre la marchandisation de l’éducation, qui regroupe les organisateurs de la rencontre, entend promouvoir l’éducation comme l’un des moteurs du développement de nos sociétés. Or, la plénière sur l’état des lieux de la privatisation et de la marchandisation de l’éducation a montré à quel point cette tendance risque de transformer en profondeur les systèmes éducatifs non seulement en termes de dégradation de la qualité des contenus pédagogiques mais aussi de renforcement des discriminations et inégalités. Des représentants étatiques (Belgique, Bénin, Burkina Faso, France, Haïti, Sénégal) et des organisations internationales (UNESCO, CONFEMEN) ont pu également partager leur expérience sur ces enjeux, ce qui a permis d’approfondir la connaissance des contextes variés dans lesquels elle opère.
Si chaque pays doit faire face à des problématiques bien spécifiques, la marchandisation de l’éducation requiert à la fois la nécessité d’une éducation publique forte et la régulation du secteur privé tout en posant la question des problèmes relatifs à la perte de cohésion sociale et enfin des conditions de recrutement, de travail et de formation des personnels éducatifs. Ces quatre enjeux ont fait l’objet d’ateliers tournants lors d’un après-midi afin de dégager les préoccupations puis les réponses liées à l’émergence d’une vision de l’éducation comme bien marchand.
En effet, face à ces dangereux développements, il est crucial de préciser le modèle de société que nous défendons ensemble et la place que l’éducation occupe aujourd’hui dans nos vies. Quel type d’éducation ? Quel avenir sociétal voulons-nous pour les générations à venir ? Quelles possibilités ouvrons-nous aux jeunes et adultes de demain ?
Ainsi la question de la marchandisation et de la privatisation de l’éducation est une question éminemment politique car elle interroge la manière dont nous souhaitons, en tant que citoyens et citoyennes, organiser et repenser nos sociétés. Assujettir la formation à l’emploi, placer l’éducation sur les logiques de marché, monnayer le champ des activités périscolaires revient à détourner l’éducation de son objectif principal. Outre les problèmes énoncés ci-dessus, la marchandisation et la privatisation de l’éducation ont été interrogées au travers de cinq autres thèmes lors des ateliers simultanés du mardi après-midi.
L’état des lieux sur la marchandisation de l’éducation ainsi que la mise en valeur de ses enjeux majeurs ont ouvert la discussion sur les Principes directeurs de droits de l’Homme relatifs aux obligations des Etats concernant les écoles privées. Dans le contexte de la rencontre – favorisant la synergie entre une diversité d’organisations -, la finalité de ces Principes n’a pas fait consensus auprès de l’ensemble des acteurs et actrices de la défense du droit à l’éducation. Suite à un débat aussi nécessaire qu’enrichissant, il est important de noter que ces Principes n’ont pas pour objectif de légitimer les acteurs privés par la reconnaissance de leur existence. Ils permettent plutôt de poser des bases empruntant aux cadres et recommandations légales pour réguler ces acteurs et servir d’outil juridique pour les organisations qui entendent mener un plaidoyer auprès de leurs États. Les participants ont été invités à commenter et exprimer leur opinion sur ces Principes Directeurs, en cours d’élaboration.
La dernière partie de la rencontre s’est construite autour de la stratégie du réseau, déclinée en quatre lignes directrices : gouvernance/structuration, recherche/études, communication/campagne et suite de l’appel francophone contre la marchandisation de l’éducation. Cet appel, socle commun de cette rencontre, a pour vocation d’alerter les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile, de les sensibiliser aux dangers inhérents au processus de marchandisation de l’éducation et de les engager à contrer ce phénomène.
Ces ateliers ont permis de définir les prochaines étapes du travail en réseau. Nous nous sommes engagés, à la suite de la réunion, à travailler ensemble, en synergie afin de bâtir un plan d’action complet pour le réseau francophone que nous constituons. Un élément important de ce plan comprendra l’approfondissement du travail de recherche sur la marchandisation de l’éducation.
Cette rencontre a ainsi mobilisé nos convictions, nos espoirs, mais aussi nos propositions pour constituer une force de résistance et de propositions car des solutions existent et nous ne pourrons réussir cela que si nous réaffirmons le rôle des Etats comme base essentielle des systèmes éducatifs et si ensemble, nous promouvons un système public fort d’éducation pour garantir la qualité de ce Droit.
Roger Kaffo Fokou
DISCOURS DES SYNDICATS au JME 2017: MENOUA
DISCOURS DES SYNDICATS A L’OCCASION DE LA 24èmeJOURNEE MONDIALE DES ENSEIGNANT(E)S
Monsieur le Préfet du département de la Menoua,
Monsieur le Sous-préfet de l’arrondissement de Dschang,
Monsieur le Maire de la commune de Dschang,
Mesdames et Messieurs les Autorités politiques, religieuses et traditionnelles,
Messieurs les Délégués Départementaux chargés de l’encadrement des jeunes,
Camarade Secrétaires Généraux des syndicats ici représentés,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etablissements,
Chers enseignant(e)s,
Camarades syndicalistes,
Chers invités,
Le 5 octobre, comme chaque année depuis 1994, la Journée mondiale des enseignants commémore l’anniversaire de la signature de la Recommandation OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant (1966) dont le 50ème anniversaire a été célébré l’an dernier, et la Recommandation de l’UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur (1997) dont cette année marque le 20ème anniversaire. Ces deux recommandations définissent des normes internationales applicables à la profession enseignante et la Journée mondiale des enseignants est l’occasion de réfléchir aux moyens de s’attaquer aux défis qui subsistent dans leur mise en œuvre. Les gouvernements sont interpelés sur le respect de leurs engagements et les enseignants appelés à s’engager encore plus pour la promotion de la profession enseignante.
C’est donc pour célébrer l’édition 2017 de cet anniversaire, que j’ai l’honneur de prendre la parole devant vous, au nom de tous les syndicats d’enseignant représentés dans la Menoua, pour prêcher l’évangile de l’enseignant. Je voudrais aussi par la même occasion vous adresser notre salut syndical et vous exprimer notre profonde considération.
Mesdames et messieurs,
l’IE, l’OIT, l’UNESCO, l’UNICEF et le PNUD ont choisi pour thème cette année 2017 : « Enseigner en liberté, autonomiser les enseignants ». En effet, la liberté fait partie de l’essence de la profession enseignante et Vincent Peillon, alors ministre français de l’éducation nationale déclarait :
« Enseigner n’est pas un métier d’exécution. La liberté pédagogique est absolument essentielle pour les enseignants. ».
La recommandation de 1966 précise, dans la section VIII, paragraphe 61 que:
« Dans l’exercice de ses fonctions, le corps enseignant devrait jouir des franchises universitaires. Les enseignants étant particulièrement qualifiés pour juger des auxiliaires et des méthodes d’enseignement les mieux adaptés à leurs élèves, ce sont eux qui devraient jouer le rôle essentiel dans le choix et la mise au point du matériel d’enseignement, le choix des manuels et l’application des méthodes pédagogiques, dans le cadre des programmes approuvés et avec le concours des autorités scolaires. ».
La loi d’orientation de l’éducation au Cameroun enfonce le clou dans son article 38 en disposant que :
« L’enseignant jouit, dans le cadre des franchises académiques et dans l’exercice de ses fonctions, d’une entière liberté de pensée et d’expression, dans le strict respect de la liberté de conscience et d’opinion des élèves. »
Nous pouvons donc dire sans risque de nous tromper que l’enseignant enseigne la liberté. En cela, peut-il enseigner la liberté sans être libre ? Sans être un modèle de liberté ? Assurément non ! Ainsi, l’école, lieu par excellence de l’expression de cette liberté doit être préservée des incursions des forces politiques, religieuses, économiques… , éloignée de quelques formes de pressions que ce soit !
But freedom goes hand in hand with responsibility and this responsibility can only be fully assured if teachers are empowered and valued. Jean-Pierre CHEVENEMENT, former French Minister for Education,said:
« It can not be said enough that the future of a country depends on the quality of its teachers … a country that devalues its teachers is committing
suicide. »
Hence, putting teachers out of material constraints through fair remuneration and decent working conditions, raising them above the chains of dogmatism and extremism through quality initial and continuous intellectual, scientific and pedagogic training, appear as a vital necessity for human societies.
Malheureusement, un rapide tour d’horizon nous offre le triste spectacle d’une école camerounaise aux antipodes de la liberté. Nous vivons une époque sombre où notre école est en proie à la violence.
En effet, les enseignants camerounais portent le deuil. Deuil de l’assassinat brutal du Proviseur Charles ETOUNDI du Lycée Bilingue Sultan Ibrahim NJOYA de Foumban, tombé sur le champ de la tribalisation des nominations aux postes de responsabilité dans l’éducation. Nous voudrions ici lui rendre un vibrant hommage et condamner avec la dernière énergie cet acte barbare posé par des individus qui veulent porter atteinte au vivre
ensemble si cher au peuple camerounais. Nous crions aussi avec la même énergie haro sur ses responsables tapis dans les ministères et qui ont fait de l’origine ethnique le seul critère de nomination renvoyant aux calendes grecques la méritocratie et le profil de carrière.
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Cette triste actualité n’est cependant que l’arbre qui cache la forêt des entraves de l’éducation au Cameroun. Il n’est pas excessif de le dire mais :
L’école camerounaise est prise en otage ces derniers mois par des politiciens qui l’utilisent comme monnaie d’échange pour assouvir leurs ambitions parfois questionnables ;
L’école camerounaise est prise en otage par l’indigence et la pénurie qui privent nos établissements d’infrastructures dignes de ce nom, qui transforment nos écoles en lieux exsangues où le maximum que l’on peut attendre est le paquet minimum, qui abandonnent nos établissements scolaires aux maîtres des parents et aux vacataires, esclaves des temps modernes ;
L’école camerounaise est prise en otage par une machine administrative et bureaucratique pléthorique et vorace qui pousse les jeunes enseignants à faire des sit-in pour être pris en solde, qui entretient le floue et transforme en comptoirs commercial la gestion des carrières ;
L’école camerounaise est prise en otage par les forces du marché qui ont fait main basse sur l’outil clef de l’éducation qu’est le manuel scolaire en lui assignant désormais comme seul objectif le lucre ;
L’école camerounaise est prise en otage par les fondateurs d’établissements privés laïcs et confessionnel qui freinent des quatre fers la signature de la convention collective de l’enseignement privé, jetant ainsi en pâture les enseignants du secteur privé en raison de contrats précaires, de bas salaires, et de protection sociale inexistante,
L’école camerounaise est prise en otage par la Présidence de la République qui est devenu le cimetière de tous les textes issus des négociations entre les syndicats d’enseignants et le Gouvernement (rééchelonnement indiciaire, intégration des enseignants d’EPS dans le statut particulier des fonctionnaires du corps de l’éducation nationale, revalorisation de la prime de documentation et de recherche)
Ladies and gentlemen,
Our country has the peculiarity to have an educational system which is divided in two subsystems each one having its own specificities. We think that this is a treasure that needs to be well exploited. For this to be profitable to us, these two subsystems need to offer equal chances of success to the cameroonian youth. This is the occasion for us to deplore the absence of a truely anglophone technical education which penalises the products of the anglophone subsystem in the entire country, by submitting them to a low-quality technical education. Added to this, this subsystem has recently faced the degradation of the teaching language quality due to teachers who were posted not because of their mastery of english language but because of other reasons best known to those who are in charge of
postings. How do we then understand that, in violation of article 15(2) of the orientation law of 1998, typically francophone diplomas continue to be awarded to candidates who went through the anglophone subsystem namely technical CAP, Probatoire, baccalaureat ?
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Définitivement, l’éducation au Cameroun est un grand malade sur lequel il faut d’urgence se pencher. La nécessité de la tenue effective du forum national de l’éducation promis depuis bientôt 5 ans se fait de plus en
plus sentir et il est temps de saisir cette opportunité historique qui s’offre à nous en exigeant la tenue de ce forum maintenant.
En attendant, nous profitons de cette occasion pour saluer à juste titre la grande avancée consentie récemment par les pouvoirs publics qui ont engagé le processus de l’intégration des professeurs contractuels de l’enseignement secondaires et de la première vague des IC. C’est une injustice longtemps décriée par les syndicats qui a ainsi commencé à être corrigée et nous souhaitons que ce processus soit rendu automatique pour les autres vagues des IC. Pour le reste, comme l’année dernière, les syndicats d’enseignant continuent d’exiger :
Que les textes achevés et transmis au Président de la République soient signés ;
Que le processus de mise en œuvre de la convention collective de l’enseignement privé soit mené à son terme ;
Que le forum sur l’éducation soit organisé pour remettre de l’ordre dans notre système éducatif.
Quant à nous enseignant, allons-nous continuer à attendre dans l’indolence et la torpeur que tous les obstacles soient levés sur notre chemin ? Allons-nous continué à avoir peur ? Jusqu’à quand allons continuer à faire montre de lâcheté ? Chers collègues, il n’y a aucune fierté dans le défaitisme et l’attentisme. Sachons-nous montrer dignes de mériter le respect et la considération que la société nous doit.
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Mobilisons-nous pour défendre notre liberté !
Levons-nous pour défendre notre profession !
Mobilisons-nous pour sauver l’éducation !
Syndiquons-nous massivement !
Vive la Journée Mondiale des enseignants !
Vive le Cameroun !
Je vous remercie de votre aimable attention.
SYNTESPIC SNIEB SECA SNAES
DISCOURS DES SYNDICATS au JME 2017: NOUN
JOURNEE MONDIALE DES ENSEIGNANTS 24ème EDITION 05 OCTOBRE 2017
Discours prononcé par FOKOU KODJO/SECRETAIRE DEPARTEMENTAL
DU SNAES-NOUN
Monsieur le Préfet du Département du Noun ;
Monsieur le Sous-Préfet de l’Arrondissement de Foumban ;
Monsieur le Maire de la Commune de Foumban ;
Sa Majesté le Sultan-Sénateur, Roi des Bamoun ;
Mesdames et Messieurs les Autorités Politiques, Religieuses et Traditionnelles ;
Messieurs les Délégués Départementaux chargés de l’encadrement des jeunes ;
Camarades Secrétaires Généraux des syndicats ici représentés ;
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etablissements ;
Chers enseignant(e)s ;
Camarades syndicalistes ;
Chers invités ;
C’est au nom des syndicats d’enseignants représentés dans le Noun qu’il m’échoit l’honneur de prendre la parole devant vous en ce jour de célébration de la Journée Mondiale des Enseignants. Permettez-moi, au nom de ces différentes organisations, de vous souhaiter une chaleureuse bienvenue sur cette place des fêtes de Foumban.
Cette année, la Journée Mondiale des Enseignant(e)s marque le 51ème anniversaire de l’adoption de la recommandation OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant. En effet, c’est au cours de la conférence intergouvernementale spéciale sur la condition du personnel enseignant tenue à Paris le 5 octobre 1966, que fut adoptée cette recommandation qui reconnait ainsi « le rôle essentiel des enseignants dans le progrès de l’éducation, l’importance de leur contribution au développement de la personnalité humaine et de la société moderne », tout comme la nécessité « d’assurer aux enseignants une condition qui soit à la mesure de ce rôle ». Elle rappelle aussi l’adoption en 1997 de la recommandation sur la condition des enseignants du supérieur. L’UNESCO et les institutions coorganisatrices de la Journée Mondiale des Enseignants (OIT, UNICEF, PNUD et IE) dédient également cette journée à la célébration d’un engagement moral intergouvernemental unique, seul instrument normatif international concernant les enseignants, tout comme, elle réaffirme sa volonté d’être au plus près des enseignants dans leurs luttes pour la valorisation de leur profession. Les enseignants sont donc appelés ce jour à rappeler à leurs gouvernements respectifs les engagements de ces derniers et à exiger d’eux l’aménagement des conditions nécessaires à leur plein épanouissement dans l’accomplissement de leur lourde mission. Ainsi, avec ou sans pagne, mais surtout avec beaucoup de dignité, la réflexion, la mobilisation et, partout où cela s’avère nécessaire, la revendication doit être de mise.IMG-20171006-WA0036
Le thème de la journée mondiale des enseignant(e)s 2017 est « Enseigner en liberté, Autonomiser les enseignants ». Ainsi, Dans une société en pleine déliquescence et faisant face à divers types d’extrémismes, notamment religieux, politique ou communautariste ; Une société où les hordes de voyous peuvent régulièrement s’introduire impunément dans les sanctuaires du savoir et s’attaquer sauvagement à leurs dépositaires ; dans un contexte où nos campus d’écoles, des collèges et lycées souffrent de nombreuses immixtions politiques, religieuses,
sectaires ou tribales, ce thème sonne comme un appel à sauver les derniers remparts contre la déchéance que sont l’enseignant en particulier et l’éducation en général, afin que l’école aux dires de Henri Roland Villarceaux
« demeure le creuset où fermentent toutes les imaginations que la science éclaire de sa flamme de vie » .
Car, comme un démiurge, l’enseignant façonne la société à son image. Ainsi, en lui rendant sa liberté et son autonomie, il devient digne ; digne à s’élever spirituellement, intellectuellement et matériellement. C’est donc cette dignité qui lui permet de s’affirmer humainement ; de se faire respecter socialement et surtout d’accomplir avec dévouement et fermeté la mission républicaine à lui confiée, c’est-à-dire, soustraire les générations présentes et à venir du fléau de l’ignorance en les moulant aux grandes vertus de la science, de l’intérêt commun, au respect des lois
républicaines, de l’unité nationale, du patriotisme et de l’autorité établie. Ceci éloignera de fait les générations d’hommes et de femmes du Noun, de l’Ouest et du Cameroun des sirènes de l’extrémisme, de la division, du tribalisme et de bien d’autres maux.
La situation étant présentée, quel diagnostic pouvons-nous faire de la liberté et de l’autonomisation de l’enseignant dans le Cameroun en général et le Noun en particulier? La réponse se trouve malheureusement dans ces nouvelles
interrogations dont nous ne saurons à nous seuls résoudre. Ainsi, Mr le Préfet, Mr le Sous-Préfet, Mr le Maire, sa Majesté le Sultan-sénateur, autorités politiques, religieuses et traditionnelles, messieurs les délégués :
Peut-on parler de liberté ou d’autonomie pour ces enseignants lorsqu’ils peuvent être régulièrement attaqués et surtout mortellement dans leurs lieux de service sans que l’indignation de l’opinion ne soit à la hauteur de l’ignominie ? Le cas du Proviseur Charles Etoundi est assez illustratif. Sauvagement atteint par un poignard d’obscurantistes dans la nuit du 23 au 24 septembre, il s’en est allé au petit matin de ce 24 septembre.
‘’Va cher valeureux Chevalier de la craie ; tu as combattu le bon combat ; Que ton âme repose en paix’’.
C’est ici l’occasion de saluer le courage du censeur Amougou et de Fokou Hervé du Lycée Bilingue Sultan Njoya de Foumban, Nango Esaie du Lycée de Koupa,tous, victimes cette année de divers types de violence dans l’accomplissement de leurs devoirs.IMG-20171006-WA0039
Peut-on parler de liberté ou de l’autonomie des enseignants aujourd’hui dans notre pays lorsque sur une bonne partie de notre territoire, l’école est prise en otage pour des raisons qui lui sont étrangères ? L’école disait Villarceaux est le creuset où s’élabore l’avenir d’une génération, ainsi, que deviendra cette génération que l’on empêche aujourd’hui de fréquenter ? c’est le lieu d’attirer l’attention des parents sur fait que la meilleure arme contre les injustices dont ils se disent victimes, est l’école. C’est elle qui produira des avocats, des médecins, des enseignants, des économistes dont eux-mêmes et le pays ont tant besoin. Brûler une école, empêcher aux enfants de fréquenter, c’est briser des rêves et des vies, c’est enfoncer le pays sur plusieurs générations.
L’enseignant peut-il être libre d’enseigner lorsque lui « jardinier des intelligences » comme l’affirmait Victor Hugo, est systématiquement écarté de l’élaboration des curricula d’enseignement ?
Est-il libre et autonome lorsqu’au détour d’une rentrée scolaire, il peut découvrir pantois que l’œuvre qu’il doit étudier avec ses élèves glorifie l’infidélité, célèbre la malhonnêteté, magnifie la paresse ou acclame la médiocrité ?
Comment l’enseignant peut-il être libre lorsque plus d’un mois après la rentrée scolaire, il n’a point reçu le fameux paquet minimum ?
Comment ces enseignants dits « maîtres des parents », chefs de famille et formés à coûts de centaines de milliers de fcfa des sacrifices des parents et de l’Etat peuvent-ils être libres et autonomes lorsqu’ils sont contraints d’enseigner bénévolement espérant un éventuel recrutement à la fonction publique et qui n’arrive que très rarement pour les plus chanceux?
Comment peuvent-ils être libres et autonomes, ces enseignants vacataires de nos lycées et collèges faisant parfois plus de 100 heures de cours par mois mais qui doivent toucher une pitance mensuelle de 20 à 35 000 frs pour les plus chanceux c’est-à-dire en dessous du Smig et parfois avec des arriérés?
Comment peuvent-ils être libres et autonomes ces enseignants?
Lorsqu’à l’entrée de leur carrière, ils doivent encore faire 3 à 5 années pour toucher leur premier maigre salaire?
Lorsque la proportion des contractuels, contractualisés, maitres des parents et autres vacataires au statut précaire ne cesse d’augmenter dans l’éducation ? Certes quelques efforts sont faits depuis trois ans
avec le recrutement de 9000 enseignants mais sont encore très insuffisants au regard de la demande.
Lorsque la prime de recherche et de documentation d’un agent d’entretien de certains ministères au Cameroun dépasse celle d’un professeur des lycées qui, lui, fait vraiment de la recherche et a réellement besoin de la documentation ?
Lorsque les enseignants voient leurs primes de sujétion supprimées (notamment pour les animateurs pédagogiques et les maîtres d’application) ?
Lorsqu’ils demeurent les seuls agents de l’Etat à toucher des taux forfaitaires pour des rares missions ?
Lorsque les enseignants du secteur privé de l’éducation sont abandonnés à la merci des fondateurs ?
Lorsque les textes (rééchelonnement indiciaire, intégration des enseignants d’EPS dans le statut particulier des fonctionnaires du corps de l’éducation nationale) issus des négociations entre les syndicats et le
Gouvernement, dorment à la Présidence de la République ?
Lorsque la majorité des autorités scolaires et administratives y compris ceux bénéficiant des retombées des combats syndicaux n’ont pas toujours l’honnêteté de prononcer le mot syndicat dans leurs allocutions comme si ces organisations d’enseignants n’étaient pas consacrées par la Constitution et les lois de la République?
Lorsque la valeur de son rendement n’atteint pas 5000 FCFA par trimestre ?
Lorsqu’il est l’un des rares chefs de service départemental à parcourir les zones enclavées à moto parce que l’on a jugé inutile de lui accorder comme aux autres responsables du même niveau un véhicule tout terrain à cet effet ?
Etc…
C’est pourquoi chers collègues, cet appel s’adresse d’abord à nous, enseignants. A nous tous quels que soient nos grades et fonctions dans l’enseignement. Nous devons être des modèles de moins en moins irréprochables. Ceci passe par le sens du devoir qui doit nous animer c’est-à-dire l’amour du travail bien fait, la ponctualité, le sens de l’écoute et bien d’autres vertus cardinales qui gouvernent notre métier. Pour cela, dénonçons avec force la tricherie, le harcèlement sexuel des jeunes élèves, les notes sexuellement transmissibles et toutes les autres formes de corruption.
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Chers collègues, les différentes interrogations sont aussi un appel à la prise de conscience, à l’engagement, à l’union. Prise de conscience de nos responsabilités mais également de nos droits oubliés. Engagement à exceller mais aussi à nous battre debout pour que cette excellence soit reconnue à sa juste valeur. C’est pourquoi nous saluons tous les valeureux récipiendaires des Palmes académiques de ce jour. Nous demandons en même temps que celles-ci soient dorénavant prises en compte pour leur promotion. Nous voulons cependant préciser que c’est à l’aune
de la valeur que nous, enseignants, accorderons aux enseignants que nous sommes, que la société fixera la liberté qu’elle nous accorde. Mettons la barre très haute, consentons les sacrifices qu’il faut pour l’y maintenir. Ayons le courage de rejoindre les syndicats. Tout autre choix, quoi qu’on dise pour le justifier, ne peut être que fuite en avant et lâcheté. Donc, rejoignons en masse les syndicats et exigeons :
Que les textes transmis au Président de la République dans le cadre des dernières négociations soient signés ;
Que le processus de mise en œuvre de la convention collective de l’enseignement privé soit mené à son terme ;
Que des négociations franches soient engagées avec les syndicats sur les innombrables maux qui continuent de miner la profession d’enseignant ;
Que le forum sur l’éducation promis à la communauté éducative soit organisé pour remettre de l’ordre dans notre système éducatif.
Chers collègues, l’enjeu de notre nécessaire engagement n’est pas seulement de sauver notre profession, il s’agit de sauver l’éducation, c’est un devoir car comme le dit Jean Marc Ela, nous devons oser
« aller contre les idées reçues qui dépossèdent l’homme de sa propre responsabilité devant son existence ».
Sauver l’éducation, c’est sauver la paix véritable, celle qui repose sur la justice et fonde le socle du développement durable et de l’intégration nationale. Syndiquons-nous !IMG-20171006-WA0037IMG-20171006-WA0038IMG-20171004-WA0023
Vive la Journée Mondiale des enseignants !
Vive le Cameroun uni et indivisible !
Je vous remercie.
SNIEB SNAES