PALMES ACADEMIQUE: DISTINGUER UN DROIT D’UNE FAVEUR

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Beaucoup d’enseignants sont outrés qu’on leur impose de demander les palmes académiques avant de les obtenir. Ils ont le sentiment qu’il y a là une forme de brimade, parce que, théoriquement, demander, ce n’est pas forcément obtenir. Ce débat avait eu lieu entre les syndicats et l’administration au moment d’établir les règles d’attribution des palmes académiques. Et les syndicats avaient, unanimement fait un choix qui avait été adopté. Pour expliquer celui-ci, commençons par un élément de droit : la différence entre un droit et une faveur.

Qu’est-ce qu’un droit ? Dans l’expression « défendre ses droits », « droit » renvoie à ce qu’on appelle « droits subjectifs » par opposition à « droits objectifs ».

Le droit objectif renvoie à l’ensemble des règles de droit qui gouvernent les rapports des hommes entre eux. Exemples : le droit privé, le droit public, le droit maritime…

Les droits subjectifs sont des prérogatives, des pouvoirs d’agir que le droit objectif reconnaît aux individus sur les choses (exemple : droit de propriété) ou à l’égard des autres individus (exemple : droit de créance comme le droit à un salaire après travail fait). Les droits subjectifs s’expriment à travers l’usage d’un sujet : j’ai (tu, il/elle…) le droit de…

Une prérogative comme un pouvoir est une possibilité, une potentialité, une virtualité. Pour la réaliser, il faut l’occasion, la volonté individuelle et un savoir-faire. Un droit reste une virtualité s’il n’est pas réclamé, revendiqué ; il peut s’estomper et disparaître s’il n’est défendu.

Une faveur est le contraire d’un droit. C’est une disposition (d’un grand personnage, du public, de quelqu’un) à accorder son appui, des avantages à une personne de préférence aux autres. Une faveur est donc toujours fondée sur une préférence subjective, et débouche sur le favoritisme.

Dans la faveur, le droit est du côté de l’octroyeur et non du demandeur. Une faveur ne peut se contester ni être réclamée, revendiquée, alors qu’un droit doit être réclamé, revendiqué s’il n’est reconnu et sa jouissance organisée et encadrée.

Les syndicats avaient le choix entre faire des palmes académiques une faveur ou un droit. En faisant de celles-ci une faveur, on en laissait la procédure d’attribution à la discrétion de l’administration : elle devait alors sélectionner discrétionnairement les candidats et les proposer au Conseil, le Conseil à son tour devait sélectionner discrétionnairement parmi ces derniers des attributaires. Une telle procédure ne pouvait être susceptible de contestation. Il fallait alors, pour être sélectionné à chaque étape, s’efforcer d’entrer dans les bonnes grâces de l’administration, soigner sa révérence et sa génuflexion. Les syndicats ont choisi de faire des palmes académiques un droit : les conditions de candidature et d’attribution sont connues. Dès qu’il les remplit, chacun peut, s’il veut les obtenir, candidater. L’administration est obligée d’accepter sa candidature une fois qu’il a décidé de la soumettre. Le conseil doit obligatoirement examiner celle-ci. Un système rigoureux de notation est mis en place lors de cet examen et les syndicats présents (ce fut un long combat pour obtenir cette présence) s’assurent qu’il est appliqué rigoureusement. A la fin, en fonction du nombre de palmes à attribuer pour la session, on prend dans l’ordre de mérite ceux qui vont obtenir les palmes académiques. Une dernière chose : un candidat qui n’a pas obtenu peut réclamer et exiger de voir la note qu’il a eue, et la note la plus basse des sélectionnés, pour s’assurer qu’il n’a pas été lésé.

Voulez-vous dépendre de la faveur de l’administration pour vos palmes académiques ? Elle pourra après coup exiger que vous lui soyez reconnaissant, et vous traiter au besoin d’ingrat. Dans ce cas, vous êtes pour la sélection discrétionnaire. Voulez-vous que vos palmes soient un droit que vous êtes libre de demander ou de ne pas le faire, et que vous pouvez réclamer si on vous les refuse sans raison ? Dans ce cas, personne ne viendra jamais vous dire, après obtention, que vous lui êtes redevable. A chacun de choisir donc.

Roger Kaffo Fokou, SG/SNAES