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COVID-19 et privatisation/marchandisation de l’éducation : trois leçons à tirer pour bâtir un système éducatif post pandémie résilient  

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Publié par Marchandisation Education le 15 octobre 2020

 

Il est bien documenté que les perturbations de l’éducation dues à la COVID-19 sont énormes.

Afin de comprendre tous les effets de la pandémie, les membres du Consortium sur la privatisation de l’éducation et les droits de l’Homme (PEHRC), un réseau informel d’organisations et d’individus nationaux, régionaux et mondiaux qui collaborent pour analyser et relever les défis posés par la croissance rapide des acteurs privés dans l’éducation du point de vue des droits de l’Homme et proposer des alternatives, ont collectivement suivi l’actualité liée à l’enseignement privé dans le cadre de la COVID-19. Les leçons clés suivantes ont émergé.

1-Les entreprises technologiques ne résolvent pas les inégalités en matière d’éducation, elles peuvent même les perpétuer.

Les autorités éducatives du monde entier ont rapidement tenté de passer à des modèles d’apprentissage à distance dans le but d’assurer la continuité de « l’apprentissage », beaucoup adoptant diverses solutions numériques. Comme indiqué ci-dessous, il existe différentes manières de dispenser un enseignement à distance, y compris la « haute technologie » (généralement par le biais de matériel informatique) et la faible ou la non-technologie (comme les programmes de radio).

Selon une estimation de l’UNESCO, 95 gouvernements à travers le monde ont introduit des solutions en ligne pendant la pandémie, et l’apprentissage en ligne fait de plus en plus partie intégrante de l’éducation dans le monde. Cela a conduit au développement d’un narratif suggérant que l’apprentissage et la technologie en ligne pourraient jouer un rôle clé dans la résolution des problèmes d’éducation. Les grandes entreprises technologiques telles que Google, Microsoft et Facebook ont rapidement acquis une place de plus en plus importante dans l’éducation mondiale, en publiant des articles tels que « Education Reimagined », suggérant un changement de paradigme pour l’éducation, et les entreprises éducatives ont commencé à commercialiser des plates-formes d’enseignement en ligne les promouvant comme des alternatives à long-terme pour l’éducation.

Cependant, les solutions en ligne dans le domaine de l’éducation ne fonctionnent pas bien pour tous et suscitent de vives inquiétudes pour l’égalité et l’équité des systèmes scolaires. Actuellement, au moins 500 millions d’enfants n’ont pas accès aux alternatives d’apprentissage à distance et près de 47% de tous les élèves du primaire et du secondaire qui sont ciblés exclusivement par les plates-formes nationales d’apprentissage en ligne n’ont pas accès à internet. Les exemples sont répandus: au Pakistan, seuls 31% pour cent des foyers ont accès à internet; en Amérique latine, 46% des garçons et des filles âgés de 5 à 12 ans vivent dans des maisons sans accès à internet; et au Kenya, seuls 22% des enfants y ont accès. Ce n’est pas seulement un problème dans les pays du Sud. Dans certaines régions d’Espagne, jusqu’à 20% des étudiants n’ont pas accès aux matériaux en ligne; aux États-Unis, environ 1 enfant sur 10 issu de ménages à faible revenu n’a pas d’accès à la technologie pour l’apprentissage.

L’enseignement à distance, en particulier grâce à des solutions « de haute technologie » promues par des entreprises privées, peut donc être très problématique pour la réalisation du droit à l’éducation. En outre, s’appuyer sur les sociétés multinationales pour proposer des solutions éducatives contribue à l’émergence de nouvelles formes de privatisation et marchandisation de l’éducation, qui soulèvent de nombreuses autres préoccupations, par exemple au sujet du contrôle démocratique de l’éducation.

Comme l’a souligné la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur le droit à l’éducation, le Dr Koumbou Boly Barry, dans son rapport sur la COVID-19, « la numérisation de l’éducation ne devrait jamais remplacer la scolarisation sur place par des enseignants, et l’arrivée massive d’acteurs privés grâce au numérique doit être considérée comme un danger majeur pour les systèmes scolaires et les droits à l’éducation pour tous ».

2-Dans de nombreux cas, la privatisation crée des systèmes scolaires non résilients et n’est pas viable.

La crise a mis en évidence de nombreux cas de vulnérabilité résultant d’un système éducatif reposant sur des acteurs privés et les risques qui en résultent pour le droit à l’éducation.

Il est apparu que les écoles privées n’avaient pas la capacité de faire face à la crise, pour diverses raisons qui pourraient inclure la dépendance aux frais de scolarité de familles déjà à faibles revenus, la pression pour maintenir les niveaux de profit, une gestion médiocre et ciblée à court terme et le manque d’accès au crédit. Le Pérou, le Pakistan, l’Inde, le Royaume-Uni, et l’Argentine font face à la possibilité d’une fermeture massive des écoles privées. Au Kenya, au Maroc et au Sénégal, les gouvernements ont dû intervenir pour sauver les écoles privées; au Népal et au Pakistan, des écoles privées ont fait pression sur le gouvernement pour demander un soutien pendant la crise. Nous avons également vu des pratiques telles qu’une règle autorisant l’octroi de fonds d’urgence contre le coronavirus aux écoles privées aux États-Unis, qui a par la suite été abandonnée après qu’un juge fédéral a jugé qu’elle enfreignait la loi.

Cette fragilité des écoles privées a clairement eu un effet sur les enfants soudainement déscolarisés ainsi que sur leurs familles. Bien que de nombreuses familles aient perdu leurs sources de revenus, un certain nombre d’écoles privées ont continué de facturer des frais, même si elles ne pouvaient pas continuer à fournir des services. Par exemple, en Tunisie, les parents s’inquiétaient de la manière dont ils paieront les frais de scolarité pour un troisième trimestre, en République Démocratique du Congo, les écoles privées ont exhorté les parents à payer les frais de scolarité et en Inde, les écoles privées ont continué d’augmenter les frais de scolarité, malgré les directives du gouvernement.

La crise a également révélé le manque de protection des droits du travail des enseignants travaillant dans les écoles privées. Les exemples incluent les enseignants des écoles privées en Somalie confrontés à l’incertitude quant à savoir s’ils recevront leur salaire habituel, et les écoles privées au Pakistan, au Malawi, au Sénégal, au Maroc, au Tchad, en République Démocratique du Congo et en Jordanie pour savoir s’ils seraient en mesure de payer leur personnel, certains en Inde  décidant de payer les enseignants à l’heure au lieu de leur salaire mensuel. En Inde, des ordres de plusieurs tribunaux de grande instance ont notamment été nécessaires pour s’assurer que si les écoles privées continuaient à percevoir les frais de scolarité, elles seraient tenues de donner la priorité au paiement des enseignants et des autres membres du personnel avec l’argent perçu. Bridge International Academies (BIA) a également fait l’objet de vives critiques. Au Kenya, le personnel de BIA a été renvoyé chez lui avec seulement 10% de salaire, incertain de quand cela changerait, et au Liberia, le Ministère du Travail a ouvert une enquête sur les plaintes selon lesquelles BIA avait réduit les salaires du personnel de 80 à 90% malgré une directive gouvernementale interdisant les réductions de salaire au-delà de 50%.

Dans d’autres cas, les gouvernements sont intervenus pour soutenir les écoles privées spécifiquement avec le paiement des salaires du personnel, reflétant le rôle central des États pour assurer la durabilité d’un service comme l’éducation et les droits fondamentaux du travail. Ceci a été le cas au Congo et en Côte d’Ivoire, tandis qu’au Togo et à Maurice les enseignants des établissements privés ont demandé l’aide du gouvernement.

3-La solution urgente : investir dans l’éducation publique gratuite et reconstruire des systèmes durables.

La crise de la COVID-19 et ses effets sur les systèmes scolaires ont une fois de plus révélé l’importance de systèmes scolaires publics et inclusifs stables, bien financés, gratuits et conformes aux normes des droits de l’Homme – et ont montré que cela ne peut être réalisé sans les autorités publiques.

S’il y a une leçon à tirer de cette crise pour l’éducation, c’est qu’il est indispensable de construire des espaces non-marchands, alignés sur les droits de l’Homme, avec un secteur public fort, qui garantissent des services égaux pour tous, même en cas d’urgence. Les normes et standards relatifs aux droits de l’Homme sont plus pertinents que jamais pendant la période actuelle, et les Principes d’Abidjan récemment adoptés fournissent des directives claires pour aider les États à construire des systèmes scolaires plus équitables, solides et efficaces.

Le plus important est peut-être de veiller à ce que les systèmes d’éducation publique gratuits post-COVID soient financés de manière durable par des actions sur les parts budgétaires, une fiscalité progressive, une aide accrue, un moratoire sur le paiement de la dette et une lutte contre les politiques d’austérité (comme indiqué dans le récent Appel à l’action sur le financement national de l’éducation). Ils devraient utiliser ce financement pour se concentrer sur le développement de systèmes d’éducation publique durables et résilients. Lorsque les gouvernements financent des écoles privées ou s’engagent avec des entreprises technologiques pour l’apprentissage en ligne, des mesures réglementaires doivent être prises pour garantir le droit à l’éducation et protéger les plus vulnérables.

Alors que les décideurs politiques réfléchissent à la manière de reconstruire leurs économies, les gouvernements ont une occasion unique de tirer les leçons de la crise actuelle et de construire des systèmes d’éducation publique gratuits solides qui aideront l’humanité à faire face aux défis qui se présenteront dans les décennies à venir.

Par :

  • Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels
  • Solidarité Laïque
  • Campagne brésilienne pour le droit à l’éducation
  • Initiative pour les droits sociaux et économiques
  • Campagne Mondiale pour l’Éducation
  • Association civile pour l’égalité et la justice (ACIJ)
  • Oxfam Inde
  • ActionAid
  • Le Centre d’Afrique de l’Est pour les droits de l’homme (EACHRights)
  • Initiative pour le droit à l’éducation
  • Campagne latino-américaine pour le droit à l’éducation (CLADE)
  • Fédération internationale des Ceméa (Ficémea)
  • Equal Education

Membres du Consortium sur la privatisation de l’éducation et les droits de l’Homme (PEHRC)

 

Rentrée scolaire 2020 : « L’école fait juste ce que fait la société »

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Dans le cadre de la rentrée scolaire, nous avons accordé une interview à Défis Actuels. Le traitement de cette prise de parole, à la publication, donne un résultat mitigé en raison de nombreuses coupures. Des impératifs techniques ou autres expliquent cela. Voici le texte intégral de cette interview parue dans Défis Actuels N°521 du 08 au 11 octobre 2020.

  1. La rentrée scolaire 2020-2021 est encadrée par des mesures anti Covid-19. Pensez-vous que ces mesures soient efficaces?

Roger Kaffo Fokou : D’un point de vue matériel, beaucoup est en train d’être fait pour mettre à la disposition des élèves et des encadreurs des kits de masques faciaux et de gels ou de solutions hydro alcooliques. Dans de nombreux établissements, là où il y a de l’eau, on a mis en place des points d’eau pour le lavage des mains. La désinfection des campus et des salles de classes s’est faite à peu près convenablement au moment des examens officiels. On n’avait alors que 24 élèves par classes. Cette rentrée, on passe du simple à plus du double : 50 élèves par classe au moins. Ce ne sera donc pas facile, davantage dans les régions reculées où il manque habituellement de tout. Nous devons sortir de cet aveuglement qui veut que lorsque les choses vont à peu près bien dans nos villes, nous croyons que le pays va bien. La plus grande partie de notre jeunesse scolarisée se trouve encore dans les zones rurales. Et celles-ci sont souvent oubliées, lésées, démunies de presque tout. C’est dans ces zones-là que se trouveront les plus grands défis, tant infrastructurels, équipementaires, sanitaires que pédagogiques. Dès le 05 octobre, nous avons pu constater dans les établissements que nous avons parcourus un incroyable relâchement des mesures anti-covid : de très rares porteurs de masques faciaux, aussi bien chez les apprenants que chez les enseignants. On a l’impression que la covid-19 n’est vraiment plus une préoccupation pour l’espace scolaire. Si des dispositions énergiques ne sont pas prises pour faire respecter les mesures édictées, il n’y aura aucune chance d’être efficace.

  1. Plusieurs établissements scolaires ont rouvert leurs portes aujourd’hui. Ils respectent tant bien que mal les mesures édictées par le gouvernement. Qu’est ce qui justifie cet état de choses?

Roger Kaffo Fokou : Les établissements respectent plutôt mal que bien les mesures édictées par le gouvernement et cela se comprend. L’école est dans la société, elle n’en est pas en dehors. Depuis des mois, les mesures anti-covid ne sont plus respectées nulle part. Il suffit d’observer les marchés, les cérémonies de mariages avec leurs soirées de gala, les deuils et les funérailles, les églises et j’en passe. Peu de masques faciaux, aucune espèce de distanciation physique, tout semble indiquer que la pandémie est depuis passée. Nous savons tous que ce n’est pas le cas, mais comment convaincre ceux chez qui la désinvolture quotidienne et quasi généralisée installe un doute ? Même dans les installations publiques, les administrations publiques, le port du masque est depuis un temps devenu l’exception qui confirme la règle. On s’entasse dans les ascenseurs, les cars de transport. L’école fait juste ce que fait l’ensemble de la société parce qu’elle en fait partie. Cela traduit également l’état général du respect des instructions données et reçues dans notre pays aujourd’hui. Nous traversons une crise sévère de discipline à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique qui explique que des mesures sont constamment prises et tout aussi constamment violées. Et quand tout cela affecte à ce point l’éducation, le lieu où se façonnent les citoyens de demain, vous commencez à être vraiment inquiet de ce que sera notre société de demain.

  1. En tant que syndicaliste, pensez-vous vous que ces mesures peuvent être appliquées le long de l’année scolaire ?

Roger Kaffo Fokou : Au-delà des mesures anti-covid proprement dites, je suis plus intéressé aujourd’hui, en tant que syndicaliste, par le dispositif pédagogique en cours pour assurer la continuité de l’éducation des jeunes en cette année de crise sanitaire. Il faut rappeler que dans nos grandes métropoles, notamment en ce qui concerne l’éducation de base, le système à double flux se pratiquait déjà, avec des effectifs pléthoriques. Il sera donc impossible d’avoir dans ces établissements-là des effectifs de 50 élèves par classes sans un dédoublement de l’espace infrastructurel ou sans une déscolarisation massive. Aucune des deux solutions n’est ou viable ou applicable. Là où il sera possible de mettre en place le double flux, il y aura une perte sèche de 2 heures à 2 heures 30 de temps d’apprentissage pour les élèves. Le télé enseignement mis en œuvre pour compenser ce manque risque fort bien d’accentuer les inégalités déjà existantes sur le terrain, entre les villes et les campagnes, les pauvres et les riches. Le découragement et la démotivation du corps enseignant clochardisé depuis des années pourraient faire le reste. Vous avez pu voir le sort qui a été fait cette année 2020 à la journée mondiale des enseignants : rien, le black out complet. Les Palmes Académiques sont même passées à la trappe alors que le décret du Premier Ministre instituant celles-ci dispose clairement qu’elles sont attribuées le 05 octobre de chaque année. Et cette omission s’est faite en silence, sans aucune espèce de pédagogie. Encore une instruction, cette fois-ci de très haut niveau, non appliquée. Avec quoi va-t-on booster le moral des enseignants quand l’on s’achemine vers un dispositif pédagogique qui va les soumettre indiscutablement à un surcroît de contraintes ?

  1. Au regard de la situation, quelles autres mesures auriez vous suggéré au gouvernement, quel est la position de votre syndicat ?

Roger Kaffo Fokou : Nous avons dit et écrit au gouvernement que cette crise pouvait être transformée en une opportunité pour l’école camerounaise. Toutes ces démissions que nous avons accumulées, et qui ont abouti à un déficit infrastructurel et d’équipements chronique peuvent commencer réellement à être inversées. Dans les villes de Douala, Yaoundé, Garoua, Limbé, plus de 70% des enfants qui présentent l’entrée en 6e ou le common entrance échouent, souvent avec des notes de 15 à 16 sur 20. Et malgré cela, les lycées ont des effectifs pléthoriques. Il faut donc davantage de lycées dans nos grandes villes pour équilibrer l’offre et la demande d’éducation. Cela permettrait de mettre plus aisément en œuvre les mesures sanitaires pour les crises à venir. Dans l’immédiat, nous avons suggéré au gouvernement de procéder à un recrutement conséquent d’enseignants pour cette rentrée. Il ne nous semble pas, en tout cas jusqu’ici, que cet appel ait été entendu.  Pour le télé enseignement, il faudra prévoir des solutions hors ligne, qui peuvent se passer des supports numériques. Sinon, ce dispositif risque fort de ne servir que les privilégiés habituels. Nous ne devons pas chercher à ruser avec la pandémie actuelle, en espérant qu’elle finira bien par mourir de sa belle mort. Nous sommes probablement entrés dans l’ère des pandémies globales, comme l’indique la numérotation de l’actuelle. Tout en luttant contre celle-ci, nous devons déjà nous préparer à affronter la prochaine.

 

 

JME 2020 à l’OUEST.

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LE 5 OCTOBRE AU LYCÉE DEDÉ DAM L’ARRONDISSEMENT DE KOUOPTAMO.

Cette journée coïncidait avec la rentrée solennelle de l’année scolaire 2020/2021, le sous-préfet a profité dans une synergie avec le chef de l’établissement, de l’occasion pour mettre en garde  voire menacer tous(tes) enseignants(es)  qui tenteraient demander une mutation pour quelque raison que ce soit. Ils doivent servir l’éducation partout et toujours sans rechigner. Il a terminé son homélie en martelant que «  ceux/ celles qui tenteraient le trouveront sur son chemin ».

 

UN 5 OCTOBRE DÉSENCHANTEUR POUR LE CORPS ENSEIGNANT DU LYCÉE SOUS FOND DE LA PANDÉMIE DU COVID19 !

Le Lycée Bilingue de Gouache a l’ère du pointeur biométrique.

Le LybiGo est parmi les plus grands lycées de la ville de Bafoussam en termes d’effectifs des apprenants  et du corps enseignant.

Dans le meilleur suivi des apprenants sous cette pandémie de la covid19 et en plein régime de la ‘’mi-temps’’. Tout agent est obligé de se soumettre à ce nouveau dispositif ‘’ le pointeur biométrique’’ qui se substituerait de plus en plus au cahier de texte, gage de la régularité et de l’assiduité du corps professionnel / administratif.

‘’Just wait and Sée’’

 

JOURNÉE MONDIALE DES ENSEIGNANTS 2020 EN MODE MI-TEMPS À LA SALLE DE CONFÉRENCE DU GOUVERNEUR DE LA RÉGION DE L’OUEST/

Contactée au téléphone le 2-10-2020 par les services du gouverneur, Mme LIKOUND Christiane, SG SNIEB et porte-parole des syndicats dans la région de l’ouest pour une séance de travail sans aucun détail dès 11h le 5 octobre 2020.

Après des va et vient au dit lieu, rien ne semble commencer jusqu’à 17 heures, moment où nous décidons de quitter la salle, nous les syndicats représentés (SNIEB, SNAES,SECA, SNICOM). Il était évident, nous l’avons remarqué avec amertume, que le programme préétabli venait de connaître les affres de la double programmation de cette journée, à savoir : la rentrées scolaire lancée dans le Bamboutos par le gouverneur et cette commémoration du 5 octobre voulue par le DRES-O  maître  d’ouvrage.

Les informations nous révèlent que la personne désignée pour la leçon inaugurale a aussi donné le mot des syndicats.

Encore une fois de plus, le 5 octobre, « les moments de crise ont eu raison des façonneurs d’avenir » dans une salle vide, un échec cuisant voulu par les organisateurs.

 

 

Echecs aux examens 2020 : « La préparation des candidats a été lacunaire. »

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(Interview au quotidien Le Jour)

1. Les taux de réussite aux examens officiels on connu une régression lors de la session 2019/2020. Quelles peuvent en être les causes selon vous?

Roger Kaffo Fokou: Au moins deux causes peuvent être pointées du doigt. La première concerne évidemment l’impact de la pandémie de la covid-19 sur le déroulement de l’année scolaire. Celle-ci a eu pour conséquence d’en faire une année scolaire erratique, interrompue pendant plus de deux mois pour cause de confinement généralisé, puis inégalement reprise parce que la peur de la pandémie n’a pas permis à tous les élèves de reprendre le premier juin 2020 comme fixé par le gouvernement. Au cours de cette reprise, l’injonction de se plier aux mesures anti-covid a modifié la relation pédagogique de façon substantielle : port du masque donc difficultés de communication, distanciation physique donc circulation réduite et suivi limité des apprenants dans le cadre d’une pédagogie qui exige pourtant une grande proximité, l’approche par compétences. La deuxième cause et celle-ci a surtout touché les candidats aux probatoires d’enseignement général, c’est la coïncidence avec la première édition des probatoires APC : les épreuves ont donc connu une série d’innovations qui ont plus ou moins dépaysé les candidats et même nombre de correcteurs. Les épreuves zéros organisées pour mettre à niveau les candidats n’ont pas suffi dans le cadre d’une innovation aussi profonde ; elles sont intervenues tardivement et au moment où de nombreux candidats étaient plus préoccupés d’éviter la covid-19 que de préparer leurs examens. En gros, la préparation des candidats a été lacunaire, de façon plus accentuée pour les candidats aux probatoires ESG.

2. D’aucuns mettent en avant la pandémie du coronavirus. Quelle est la note à payer de la covid 19 dans cet échec massif ?

Roger Kaffo Fokou : comme vous le notez plus haut, la covid-19 a joué le rôle d’amplificateur pour chacune des causes importantes de ce recul de l’efficacité interne de notre système éducatif. La jeunesse a donc payé le prix fort de cette pandémie, alors qu’on lui avait fait croire qu’elle en était à l’abri, qu’elle ne risquait rien. Physiquement bien sûr elle était logée à meilleure enseigne que les catégories plus âgées mais, on aurait dû anticiper et lui dire qu’elle risquait de payer autrement. Et cela n’a pas été fait, en tout cas pas suffisamment. Nous devrons mettre cela au bilan de la gestion de cette crise et partir de cette évaluation implacable pour nous améliorer au cours de l’année scolaire qui commence.

3. Quelle peut-être la responsabilité des parents ? Des enseignants ?

Roger Kaffo Fokou : Il n’y a pas que les parents et les enseignants dont les responsabilités sont engagées mais puisque vous le souhaitez, parlons de celles-là. Les parents comme les Camerounais que nous avons tous rencontrés dans les rues, les marchés, les deuils, mariages et autres, n’ont pas brillé comme des exemples pour les jeunes scolaires ou non scolaires. Beaucoup n’ont pas fait l’effort qu’il fallait pour garder leur progéniture en éveil et connectée à l’école par toutes les voies y compris le télé enseignement proposé, malgré les limites de ladite offre. Ils ne se sont mobilisés à aucun moment pour faire entendre leurs voix et propositions. Cette apathie a laissé au gouvernement le choix solitaire des stratégies et des moyens, en l’absence de toute forme d’exigence. C’est ici l’occasion de dire aux parents d’élèves que les enseignants ne sauraient être plus préoccupés de l’avenir de leurs enfants qu’eux-mêmes. Ce serait croire qu’il est possible d’être plus royaliste que le roi. Quant aux enseignants, leurs organisations syndicales ont fait un travail indiscutable de mobilisation des énergies autour de la riposte : mettant la pression sur le gouvernement, sur les acteurs de la communauté éducative, sur eux-mêmes les enseignants. Le 1er juin à la reprise, les enseignants ont répondu massivement dans les établissements scolaires. Cela a-t-il été suffisant ? Certainement pas. Les enseignants ne sauraient se soustraire à la responsabilité du volumineux taux d’échec de cette session d’examens. Ils n’ont pas préparé leurs élèves autant qu’ils l’auraient pu ou dû. Les limites que leur a imposées le système, ils ne les ont pas suffisamment questionnées, combattues, modifiées. Il y a un peu du Ponce Pilate dans cela. Ils devront se battre davantage dans le futur.

4. Doit-on totalement disculper les élèves ?

Roger Kaffo Fokou : Pourquoi totalement ? Il n’est pas question de les disculper. C’est très commode de les considérer comme des enfants, c’est-à-dire des irresponsables. C’est pour cela que toute une législation a été mise en place, pour supprimer toute forme de sanction ou de punition de l’espace scolaire. Pas seulement les punitions avilissantes et humiliantes, ni les atteintes à l’intégrité physique des apprenants. Celles-là, leur interdiction fait l’unanimité. Mais aujourd’hui, il est presque interdit de faire un feedback à l’élève, de l’empêcher de sortir n fois du cours si cela lui chante, de lui confisquer un outil qui divertit son entourage en même temps que lui, sans voir brandie la menace d’un procès. Il ne faut pas frustrer les enfants ; il ne faut pas leur dire qu’ils n’ont rien compris, qu’ils ont mal raisonné… Il faut les distraire sans limite. L’institution s’est ingéniée à ensauvager l’élève et est en passe d’y réussir brillamment.  Mais il y a toujours un retour de bâton. Nous parlons cependant d’échecs pas seulement au CEP, ni aux CAP et au BEPC, mais également aux probatoires et baccalauréats. La délinquance de plus en plus violente s’installe, à la faveur du climat que nous avons décrit plus haut, sur nos campus scolaires où l’on « deale » et consomme quantité de stupéfiants. Il faut de plus en plus de poigne pour maintenir la tête des élèves baissée sur les livres et les cahiers, et la poigne fait partie des outils non recommandés ou presque. Cette désinvolture a un prix et celui-ci ne va pas s’arrêter à l’échec aux examens.

5. Le système à mi-temps prôné par le gouvernement pour l’année scolaire 2019/2020 est-il un atout ?

Roger Kaffo Fokou : Le système à double flux pour être plus précis est d’abord un pis-aller, pas un atout. Il permet, quand il est bien managé, de limiter les dégâts. Déjà il a pour conséquence la réduction du volume horaire journalier consacré aux apprentissages, de plus de deux heures. Il crée une saturation permanente de l’espace scolaire et rend plus difficile la mise en œuvre des activités post et péri-scolaires pourtant indispensables à l’épanouissement et à la formation complète des élèves. Il appauvrit donc l’éducation offerte et reçue. C’est pour cela qu’il ne doit être appliqué qu’exceptionnellement et accompagné de mesures complémentaires et correctives. Le télé enseignement envisagé va remplir ce rôle-là, à condition à notre avis d’être considéré comme un supplément et non un complement du déficit. Nous ne devons pas oublier que la pauvreté de nos infrastructures et équipements collectifs et individuels de communication et de réception de contenus digitaux ou numériques va créer ipso facto une inégalité devant le télé enseignement. Des larges zones du territoire n’ont pas de couverture électrique ni internet. Nous allons, encore une fois, au devant d’une expérimentation non pas à large échelle mais généralisée, ce qui est contraire au principe en la matière. Si le suivi-évaluation avec correction n’est pas suffisamment réactif au cours de l’année, on pourrait, encore une fois, se mordre les doigts en fin d’année.

6. Comment redorer les résultats aux examens officiels ?

Roger Kaffo Fokou : C’est une tâche immense qui fait penser aux écuries d’Augias de la mythologie grecque. Il faut peut-être détourner un fleuve pour les nettoyer. Plus simplement, il faut redorer le blason de l’école. Les examens ne sont que des phases terminales d’étapes scolaires. Si les autres phases se passent mal, ils donnent de mauvais résultats. Si les acteurs soit ne sont pas à la hauteur, soit ne sont pas mis dans les conditions d’efficacité, il ne faut pas s’attendre au miracle. Qui veut la fin veut les moyens. Le gouvernement a donc un choix simple : mettre les ressources appropriées pour redonner à l’éducation ses lettres de noblesse, où accepter que celle-ci continue à se dégrader.

Merci d’avance

 

Professeurs, pour nous tous, retrouvez votre fierté !

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Publié le 27/08/2020 à 12:12
Natacha Polony , Directrice de la rédaction de Marianne

Ce texte d’une très grande force sur la situation de l’éducation en France fait puissamment écho à toutes les démissions camerounaises dans le même domaine. Le lire peut aider à nous secouer. Alors que la France décline, et ce texte en donne quelques-unes des raisons les plus importantes, le Cameroun s’enfonce dans la corruption, la délinquance, la perversité, la violence, des raisons semblables. [Roger Kaffo Fokou, DP snaes.org]

 

“La France paye aujourd’hui l’abandon de son école. Elle le paye économiquement, elle qui ne peut plus se prétendre une nation d’ingénieurs et de techniciens. (…) Professeurs, nous avons besoin que vous retrouviez cette fierté d’œuvrer pour la nation, et en particulier pour ses enfants les plus fragiles”, argumente Natacha Polony.

La rentrée scolaire, on l’a bien compris, c’est l’enjeu du moment. Emmanuel Macron décide de décaler l’annonce du plan de relance parce que l’économie, le chômage de masse, les dépôts de bilan, la désindustrialisation, ça peut attendre : les parents d’élèves ont peur. La rentrée scolaire est au cœur des préoccupations, mais on a de plus en plus l’impression que l’école, en revanche, est le cadet de leurs soucis. Pouvoirs publics, politiques de tous bords, syndicats enseignants et fédérations de parents… l’école, ça ne leur dit rien. Ah ! Si, ce lieu où les enfants se font des copains pendant que leurs parents travaillent…

Le protocole et les syndicats

Il est bien entendu parfaitement légitime de s’arrêter sur le protocole sanitaire, de mettre l’institution devant ses responsabilités et de poser quelques questions cruciales, comme celle de savoir qui sera isolé et testé, et selon quelles modalités, en cas de découverte d’un cas de coronavirus dans un établissement scolaire. Mais cela doit-il effacer totalement le fait que certains enfants, depuis le vendredi 13 mars, n’ont pas eu le moindre contact avec l’école, et qu’il s’agit évidemment de ceux pour qui elle eût été indispensable ? Les syndicats enseignants, dans leur acharnement à détruire tout ce qui pouvait persister de la figure du professeur comme pilier du projet républicain, ont soigneusement tiré une balle dans le pied du corps professoral en réclamant le report de la rentrée, comme ils avaient protesté contre la réouverture des écoles en juin. Ou comment expliquer à la nation qu’ils ne sont pas indispensables et qu’il est des impératifs plus grands que d’enseigner à tous les enfants ces savoirs qui doivent les rendre libres.

Mais c’est bien tout le nœud du problème. L’été que nous venons de passer, et qui a vu s’égrener les faits divers atroces et les accès de violence gratuite, nous confronte à un vertige. Ces gens qui massacrent un chauffeur de bus ou frappent une jeune fille qui leur demandent de se conformer à la règle et de porter leur masque, ces autres qui cassent et pillent systématiquement après un match de foot, gagné ou perdu, ont passé des années sur les bancs de cette école républicaine. Comme les frères Kouachi, dont l’ombre planera sur le procès qui s’ouvrira le 2 septembre autour des attentats de janvier 2015. Comme tous ces jeunes gens qui trouvent qu’après tout ils ont eu bien raison et qu’on « n’insulte pas impunément le Prophète ».

Ce que l’école peut

Oh, bien sûr, personne n’a la naïveté de croire que, par magie, l’école va éradiquer la violence, la connerie et la frustration. Personne n’imagine que l’école peut tout, dans un océan d’abandon. Mais, sauf à considérer que tout ce qui fonde notre pacte politique et social depuis deux siècles est à jeter aux orties, il devrait tout de même se trouver quelques esprits dans ce pays pour penser que les lumières du savoir sont une arme pour combattre l’obscurantisme, la haine et les grandes peurs irraisonnées, et pour offrir à chacun les capacités, non seulement de maîtriser ses pulsions, mais aussi de décider par lui-même, sans dépendre de quelque gourou que ce soit.

Hélas, la foi en ce pouvoir émancipateur de l’école tient de la prophétie autoréalisatrice : c’est parce que les parents y croient qu’ils maintiennent leurs enfants dans l’état d’esprit qui leur permet de s’approprier les savoirs transmis et de les faire fructifier. C’est parce que la nation croit en l’école comme creuset que les citoyens, collectivement, y trouvent le récit qui les rassemble plutôt que d’y chercher la reconnaissance de leur différence. Il y a déjà longtemps que la question de savoir à quoi sert l’école donne lieu à toutes les réponses possibles, sauf celle que pouvaient lui donner les théoriciens et fondateurs de l’école républicaine, de Condorcet à Jules Ferry, et jusqu’à Jean Zay ou Paul Langevin et Henri Wallon (le Conseil national de la Résistance, quant à lui, voyait en l’école la « possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires » ). Il y a déjà longtemps que les résultats de toutes les réformes imposées aux professeurs – avec le consentement sincère et masochiste de beaucoup – ont érodé la confiance nécessaire entre les citoyens et l’institution.

Une année bien particulière

Le confinement, et l’épreuve qu’il a constituée pour les parents et les professeurs, a prouvé, si nécessaire, qu’il y a chez ces derniers la même proportion de gens courageux et dévoués – et la même proportion d’incompétents et de planqués – que parmi le reste de la population. À ceci près que les dégâts occasionnés par les incompétents sont un peu plus problématiques que pour un manutentionnaire ou un employé de bureau. Mais, surtout, et c’est sans doute ce qui mine nombre de professeurs, le dévouement ne suffit pas. La réussite de l’école en tant que projet d’émancipation par le savoir et de renouvellement des élites sur la base du mérite repose sur de nombreux facteurs.

La formation des enseignants, bien sûr, et la maîtrise de leur métier, de ses techniques, mais aussi la certitude, chez eux, du sens de leur mission. Car, seule cette certitude leur donne l’autorité nécessaire face à des enfants arrivant désormais à l’école sans rien qui les prédispose à devenir des élèves. C’est cette certitude qui leur permettra de sanctionner un élève qui transgresse systématiquement les règles, car c’est dès cet âge que s’impose le respect de l’autorité ou qu’au contraire s’installe le sentiment d’impunité (les voyous qui ravagent les Champs-Élysées et caillassent du flic ont accumulé depuis des années ce mépris de l’autorité et de ceux qui l’incarnent, et savent visiblement de quel côté est la peur). C’est cette certitude qui les fera résister aux contestations des fanatiques en herbe et des complotistes de bazar, ou de leurs parents, et leur permettra de rappeler qu’on ne joue pas opinion contre opinion, car un savoir n’est pas une opinion, et qu’il existe, au sein d’une classe, une hiérarchie entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.

Reconnaissance

Mais cette certitude se nourrit de la reconnaissance de la nation. Le salaire de nos professeurs, comparé à celui qui est pratiqué chez nos voisins européens, en dit long sur notre considération pour le savoir. Cette certitude se nourrit également du soutien de l’institution. Et les chefs d’établissement, si prompts à désavouer un professeur face à un petit caïd ou à ses parents, sont les premiers à traiter l’école comme un supermarché. Elle se nourrit, enfin, des résultats obtenus. Rappelons-le : professeur n’est pas exactement un métier dans lequel on élabore un plan de carrière. À part les points qui tombent à l’ancienneté et permettent d’obtenir un établissement plus demandé par les autres, aucune progression. Seulement celle que l’on s’impose dans son enseignement, dans sa pédagogie. Aucune reconnaissance, non plus, ou si peu. Alors, la réussite d’un professeur, c’est la réussite du système. C’est le maintien de la promesse républicaine, de la méritocratie. Et là, avec l’école la plus inégalitaire des pays de l’OCDE, avec des résultats qui condamnent les plus pauvres à leur destin social, la France devrait être à temps plein sur la reconstruction de son système éducatif. Une honte. Une trahison.

La France paye aujourd’hui l’abandon de son école. Elle le paye économiquement, elle qui ne peut plus se prétendre une nation d’ingénieurs et de techniciens.

Les professeurs, qui vivent depuis trente ans la démolition, pierre par pierre, de l’édifice à coups d’idéologies délirantes, qui s’entendent accuser par les uns de développer un « racisme systémique » ou de discriminer des jeunes gens issus de l’immigration, dont on a décidé qu’ils ne devaient surtout pas s’intégrer et s’approprier la culture et la mémoire du pays où ils vont vivre, par les autres de pratiquer un élitisme coupable, de traumatiser les chers petits dès qu’ils leur demandent un effort ou leur signifient qu’ils n’ont rien fait et de les endoctriner à coups de grandes œuvres surannées au lieu de les laisser « acteurs des apprentissages », sont des héros s’ils conservent encore un semblant de vocation.

Retrouver le chemin de la raison

La France paye aujourd’hui l’abandon de son école. Elle le paye économiquement, elle qui ne peut plus se prétendre une nation d’ingénieurs et de techniciens. Elle le paye politiquement et culturellement, alors que l’obscurantisme, les haines identitaires et les pulsions violentes détruisent peu à peu la communauté nationale. Les professeurs sont en première ligne. Alors que nous voyons combien la civilisation est une notion fragile, nous avons plus que jamais besoin d’une école fondée sur l’exercice de la raison. Et c’est une urgence plus ardente que la quête d’un risque zéro sanitaire. Professeurs, nous avons besoin que vous retrouviez cette fierté d’œuvrer pour la nation, et en particulier pour ses enfants les plus fragiles. Nous avons besoin que vous soyez persuadés que chaque jour de transmission des savoirs est un jour essentiel de progrès des Lumières.

 

EDUCATION ET COVID-19 : QUELLE ECOLE EN 2020-2021 ?

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Pour étayer son article sur l’hypothèse des cours en mode mi-temps pour l’année scolaire 2020/2021, le journal Le Jour a sollicité l’expertise du SG.SNAES dans une interview parue dans son numéro 3240 du20 août 2020.

Voici les questions :

1- Dans un courrier du délégué départemental du minesec adressé aux chefs d’établissement public, il est mentionné qu’à l’issue  d’une visioconférence avec la ministre des Enseignements secondaire des recommandations ont été formulées sur une hypothèse des cours en mode mi-temps pour l’année scolaire 2020/2021.

Cela est-il applicable ?

Roger Kaffo :  Il faut préciser qu’il s’agit effectivement d’une hypothèse à l’étude, et votre question est bienvenue. Le Ministre des Enseignements Secondaires insiste sur le fait que cela ne doit se faire que là où c’est absolument nécessaire, c’est-à-dire dans les grandes villes où l’on a des effectifs qui justifient une telle organisation.  Il nous semble important d’insister sur cette restriction pour attirer l’attention des responsables de terrain qui pourraient être tentés d’éclater les vannes pour inonder les campus scolaires en quête d’effectifs, parce que nous le savons tous, derrières les effectifs il y a, en plus des frais exigibles, des contributions dites APEE qui sont gérées avec la délicatesse que l’on sait. Organiser un système de mi-temps dans la plupart des grands établissements de nos grandes villes pose bien sûr un problème de faisabilité, mais en termes impératifs. On n’est plus au stade de savoir s’il faut le faire ou pas, mais à celui de savoir comment le faire avec succès et pour combien de temps. Envisager de ne pas le faire, c’est  soit renoncer à appliquer la distanciation physique minimale (50 élèves au plus par classes), soit procéder à une exclusion de masse des surplus d’élèves, donc déscolariser massivement. Qui peut aujourd’hui prendre l’une ou l’autre des responsabilités qu’implique cette alternative ?  Donc, il faut envisager sérieusement l’hypothèse d’un système à double flux (je préfère le dire ainsi plutôt que mi-temps) dans certaines villes. Et se donner les moyens de rendre cela applicable. Cette question des moyens ou plus généralement de ressources diverses nécessaires n’est pas au-dessus des capacités de la république, d’une république soucieuse de son avenir à travers celui de sa jeunesse.

2- Au vu des programmes très fournis, sera-ce possible de les couvrir?

Roger Kaffo  : La question des programmes se pose depuis des années voire des décennies et un Forum national qui permettrait de s’y pencher est constamment différé depuis bientôt une décennie. Nous sommes dans une république qui procrastine de façon habituelle sur les questions essentielles.  De façon plus pratique sur la question des programmes, en ajoutant une journée de classe, le samedi, cette question pourrait se résoudre. Dans la plupart des processus de mi-temps ou de double flux à travers le monde, c’est avec le samedi que cette question a pu se minimiser. Mais le ministre des enseignements secondaires  est opposé à une école qui envahit tout le calendrier des élèves et ne respecte plus les espaces destinés aux activités post et périscolaires, les weekends, les congés et les jours fériés.  C’est une approche que je soutiens personnellement, en principe. Une école qui ne sait pas organiser son temps enseigne à ses produits la confusion organisationnelle du temps. Elle appauvrit le futur citoyen de tout ce qu’il aurait pu apprendre par ailleurs et qui l’aurait mille fois enrichi. Elle le coupe de la vie tout le temps de l’école et l’y rejette à la fin des études, seulement et à ce moment-là, il en est jusqu’à un certain point désadapté. Mais comment achever les programmes sans empiéter sur ces espaces, je ne dirais pas de liberté mais de vraie vie au cœur du parcours scolaire ? Il est prévu un certain pourcentage de cours à distance pour tous les niveaux. Un modèle encore expérimental chez nous. Est-ce raisonnable d’en user de façon généralisée ? Je pense qu’il faut être prudent.  Ce doit être la solution de dernier ressort.

3- D’après vous quelle méthodologie devront adopter les enseignants ?

Roger Kaffo  :  La question implique qu’il faut nécessairement changer les méthodes actuelles, qui posent déjà un sérieux problème d’appropriation chez les enseignants à tous les niveaux. Bouleverser tout du jour au lendemain, dans un délai qui tient dans la paume de la main ne peut être rassurant pour personne. Il faut donc préserver autant que possible les acquis méthodologiques et les supplémenter seulement à la marge. Le télé enseignement envisagé supposera un volume de cours à distance combiné à des cours en présentiel. Cette technologie pédagogique est déjà rodée sous certains cieux mais pas encore chez nous.  Les cours données à distance, pas forcément par internet  – ils peuvent être téléchargés et distribués aux apprenants – sont ensuite l’objet  de revue en présentiel. Cela s’apparente à ce qu’on appelle la « pédagogie de la classe inversée ».  C’est une approche qui combine selon les spécialistes la pédagogie active, la différenciation pédagogique, l’auto-apprentissage, l’apprentissage par les pairs, l’approche par résolution de problème ou l’apprentissage coopératif.  Mais encore une fois, il s’agit d’aller pas à pas, par doses quasi homéopathiques.

4- Cours à mi-temps pour quels résultats ?

Roger Kaffo  :  J’ai tout à l’heure parlé de ma préférence pour le double flux et non le mi-temps, parce qu’il s’agit dans les deux cas de systèmes différents. Dans le double flux, il s’agit d’une classe, deux cohortes d’élèves, deux enseignants (primaire) ou deux groupes d’enseignants (secondaire). Dans le système à mi-temps, on a une classe, deux cohortes et un seul enseignant (primaire) ou groupe d’enseignants (secondaire). L’enseignant ou les enseignants dans le système à mi-temps sont donc astreints à une double vacation. Ainsi, au lieu de 18h de cours, un enseignant de lycée se retrouverait avec 36h de cours par semaine. Cela violerait automatiquement ses droits et handicaperait une exécution efficace de ses obligations. Le second aspect touche comme vous le voyez à votre question, celle des résultats. Quand j’ai commencé à enseigner, – je le raconte dans un de mes livres – il était arrivé qu’on m’imposât jusqu’à 32h de cours par semaine. C’est une expérience vécue que je ne souhaite à aucun enseignant qui veut être efficace. Mais le problème de l’efficacité de ces deux systèmes se pose au-delà de la double vacation éventuelle de l’enseignant. Les craintes habituellement formulées dans ce domaine concernent la faiblesse du taux horaire alloué aux classes, l’absence d’activités extra-muros, le manque d’information, le sentiment de faiblesse du niveau des élèves, la compétence des enseignants… Mais des recherches conduites ailleurs, notamment au Sénégal dans les années 1980 montraient que, bien mené, ceux système est tout autant efficace que le traditionnel. Une des conditions de sa réussite implique l’occupation alternative des samedis par les cohortes de chaque classe.

 

5- Le Minesec dispose-t-il d’un nombre suffisant d’enseignants pour assurer  ce mode?

Roger Kaffo  : cela dépend du modèle choisi. S’il s’agit du système à mi-temps, donc avec double vacation des enseignants, le besoin en enseignants sera le même que précédemment. Mais qui peut imaginer les PCEG/PCET et PLEG/PLET acceptant de prendre 40h et 38h hebdomadaires pour des effectifs de 50 élèves par classes qui sont déjà supérieurs à la norme en vigueur quand j’entrais dans l’enseignement ? Même avec une compensation substantielle et acceptée, cela serait-il viable au regard des contraintes diverses dont dépend l’efficacité de la prestation pédagogique de chaque enseignant ? Je ne crois pas. Il faut donc penser d’ores et déjà à un système à double flux. Et pour cela, il n’y aura pas suffisamment d’enseignants pour faire fonctionner le système. Il est temps de penser à un possible recrutement d’enseignants, à tous les niveaux, ou abandonner la mise en œuvre des mesures anti-covid en octobre.

 

6- Quelle pourrait être l’alternative selon vous?

Roger Kaffo  : Il n’y aura pas d’alternative aux hypothèses que j’ai évoquées plus haut. Soit l’on considère que la covid-19 n’est plus un problème et on laisse l’école fonctionner comme d’habitude, soit l’on prend en compte la pandémie et on trouve des ressources pour organiser l’école en conséquence. Après tout, cette crise peut être transformée en opportunité pour notre école. Toute l’incurie des dernières décennies nous rattrape douloureusement mais nous pouvons en profiter pour mieux faire les choses désormais. Y aura-t-il assez de volonté politique pour cela ? Je n’en sais rien. Vous savez, pour préparer la coupe d’Afrique des nations qui malgré cela nous a échappé, on a augmenté de 100 à 125 milliards de FCFA par an le budget du MINSEP. Il s’agissait là d’investissements de prestige. Investir sur la jeunesse, c’est investir dans la croissance de demain et le développement. J’espère que ce choix-là ne présentera aucune espèce de difficulté.

Merci d’avance

Cours de vacances : le MINESEC sort un arrêté d’interdiction qui passe mal

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Dans un communiqué publié le 14 Août dernier , la ministre des enseignements secondaires Pauline Nalova Lyonga a interdit l’organisation des cours de vacances sur toute l’étendue du territoire tant pour les établissements privés que publics

 

1- Mr Kaffo Fokou, comment avez-vous apprécié cette nouvelle ?

Réponse : Diversement.

  1. La motivation de la décision apparaît assez faible même si le contexte peut la faire comprendre. La lutte contre la covid-19 ne saurait justifier à elle seule une telle interdiction, puisqu’elle n’a pas empêché la reprise des classes en juin ni l’organisation des examens.
  2. Il y a cependant, explicitement et implicitement dans le texte, des motivations suffisantes.
    • Règlementairement, c’est un rappel à l’ordre par rapport au respect de l’arrêté conjoint MINEDUB/MINESEC portant périodes d’interruption des cours qui a d’ailleurs subi de nombreuses modifications cette année en raison de la covid-19. Il s’agit ici au fond d’un appel au respect d’un principe d’organisation de l’activité et du temps scolaires qui est fondé scientifiquement et dont les objectifs sont :
    • Permettre aux élèves de passer à d’autres formes d’apprentissage directement liés à la vie d’où la référence aux valeurs sociales et culturelles
    • Enseigner intrinsèquement l’organisation et la structuration du temps comme facteurs d’efficacité dans tout ce que l’on fait

Ce texte aurait cependant gagné à être plus clair et précis sur certains aspects et on peut le regretter. L’interdiction devrait viser clairement les administrations scolaires, leurs infrastructures et leurs enseignants. Si ces administrations organisent des cours de vacances, ces cours deviendront ipso facto systématiques et obligatoires et violeront

  • Les droits des élèves aux vacances ;
  • Les droits des enseignants aux congés annuels
  1. Cette nouvelle ne va-t-elle pas impacter sur les élèves des classes intermédiaires qui depuis le mois de mars sont à la maison ?

 Je ne pense pas que nous prenons le problème par le bon bout. La covid-19 a impacté douloureusement l’année scolaire 2019-2020 surtout pour les élèves des classes intermédiaires. D’éventuels cours de vacances peuvent-ils corriger cela ?  Je dis partiellement et inégalement. De nombreux enfants ne pourront pas participer aux cours de vacances, parce que rien ne les y oblige, parce qu’ils sont déjà en vacances ailleurs ou dans d’autres activités, parce qu’ils n’ont pas le moyen de se les payer, une infinité de raisons existe. Il faut donc trouver une autre solution au problème. C’est pourquoi nous en appelons aux différents ministres de l’éducation de faire tenir compte au courant de l’année qui vient, dans l’élaboration des programmes, des 20% des programmes non couverts au cours de l’année qui s’achève.

  1. Comment les parents peuvent-ils rattraper cette situation dans le cas ou leurs enfants seraient dans le besoin de ces cours ?

 Il y a toujours eu des cours de vacances et cette liberté-là existe toujours à mon avis. Il s’agit seulement de l’encadrer pour éviter qu’elle ne se transforme en contrainte pour les élèves et les enseignants.  Les droits des uns et des autres pour les vacances et les congés doivent être respectés. Les institutions qui répondent de l’école et de son organisation pour l’Etat ne doivent pas être les acteurs de la violation de ce droit. En dehors de cela, d’autres formes d’organisation des cours de vacances, avec d’autres acteurs dans d’autres cadres restent, à mon avis, tout à fait libres.

  1. La rentrée académique en octobre prochain avec cette pandémie du coronavirus, comment vous la voyez?

 Je la vois difficile et pleine de dangers. Il y aura des difficultés d’infrastructures : en moyenne statistique, il faudra 19 salles et 273 tables-bancs en plus par établissement. Nous sommes déjà en retard sur la réalisation de ces objectifs dont les fonds sont prévus dans les fonds anti-covid. Il faudra également beaucoup d’enseignants supplémentaires et rien n’est encore prévu nulle part pour cela. Au final, nous courrons le risque de voir l’année scolaire 2020-2021 s’organiser comme d’habitude avec 80 à 120 élèves par classes et tant pis pour le corona virus.

  1. Le gouvernement prévoit faire des cours à mi-temps pour les élèves, quel est votre avis sur cette potentielle solution ?

Les cours à mi-temps, cela suppose une double vacation pour les enseignants. Mon avis là-dessus est clair et net : ce n’est pas pensable d’imaginer que l’on puisse doubler le quota horaire hebdomadaire des enseignants et atteindre par exemple les 38 ou 40h par semaine pour les professeurs des collèges et des lycées. Il faut penser à un système à double flux où deux enseignants se divisent la même classe au primaire, où deux groupes d’enseignants se partagent la même classe au secondaire. Pour cela, il faudra plus d’enseignants et c’est déjà le moment d’y penser.

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