Déjà deux années de suite que les fonds collectés par les opérateurs agréés de mobile money (Express Union, Campost, MTN Cameroun, UBA) auprès des élèves de l’enseignement secondaire et reversés à Afriland First Bank n’atterrissent dans les caisses des établissements scolaires qu’avec au moins deux mois de retard, c’est-à-dire au plus tôt en fin novembre. Cette année scolaire 2020-2021, il a fallu attendre fin décembre, alors que ces établissements tenaient les conseils de classes et signaient les bulletins des élèves, à la veille donc du départ en congés de Noël, pour que les premiers fonds collectés depuis le début de l’année scolaire commencent à être reversés.
Entre temps, les établissements scolaires vivent d’expédients, de crédits auprès des fournisseurs, de mendicité auprès des APEE, et tout cela a un coût qui peut être très élevé : surcoûts dans la facturation des achats, bricolage dans l’exécution des cahiers de charges, risques de détournements de fonds qui arrivent après travaux exécutés avec les moyens de bord.
La digitalisation des recouvrements des frais divers contribués par les élèves de l’enseignement secondaire est pourtant une belle initiative de progrès dans la rationalisation et la transparence de la gestion de l’éducation, à tous points de vue. Sa mise en œuvre risque de trouver ses limites dans ce type de couacs inexplicables qui se traduit par un retard excessif et récurrent dans la redistribution des fonds. En fait, cette digitalisation ne sera viable que le jour où elle ne sera plus un handicap pour la disponibilité des fonds à temps en vue du bon fonctionnement de l’enseignement secondaire.
Pendant que les établissements scolaires attendent et bricolent leurs activités, que fait l’argent dans les caisses de la banque ? Il dort simplement, sans le moindre emploi ? C’est une question à creuser.
FRAIS EXIGIBLES: La thésaurisation indue des fonds à Afriland First Bank plombe chaque année le fonctionnement de l’enseignement secondaire
Ouvrage sur le Manuel Scolaire au Cameroun : les enjeux d’une dédicace relevée à Djeuga Palace Yaoundé
Pourquoi travailler sur le Manuel scolaire au Cameroun ? Pourquoi choisir pour cela la recherche-action et en quoi était-ce utile d’investir dans une cérémonie de dédicace publique ? Pour le SNAES, son Secrétaire Général, Roger Kaffo Fokou, a essayé de répondre à toutes ces questions dans une allocution d’accueil des invités le 10 décembre 2020 dans la salle « Menoua » de l’hôtel Djeuga Palace de Yaoundé.
Le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire (SNAES) est honoré de vos présences dans cette salle à l’occasion de la cérémonie de dédicace de cet ouvrage conçu et réalisé avec l’appui de la Fondation Friedrich Ebert et intitulé Le Manuel scolaire au Cameroun : enjeux, diagnostic, et esquisses de solutions pour une politique sectorielle.
Mais pourquoi précisément cet ouvrage-ci et, conséquemment, cette cérémonie de dédicace ? Une bonne grève contre le processus actuel d’agrément des manuels scolaires aux différents programmes de l’enseignement élémentaire et de l’enseignement secondaire ne serait-elle pas plus efficace qu’un plaidoyer qui s’annonce long et à l’issue incertaine si l’on prend en compte de nombreux précédents dans notre pays ?
Au Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire, nous avons retourné la question dans tous les sens. Il est demeuré constant à nos yeux que le manuel scolaire ne peut être l’objet d’une revendication comme les autres, ni d’une simple revendication de plus. Sa place dans le dispositif de planification et de mise en œuvre de la politique éducationnelle plaide pour cette approche fondée sur un plaidoyer argumenté que pourraient considérer comme atypique ceux qui accordent leur préférence aux méthodes syndicales classiques.
Pour un groupe d’inspecteurs généraux de l’éducation, on peut considérer comme « manuel scolaire manuel scolaire tout support pédagogique (livres ou fiches) qui doit être acquis par l’élève ou qui est mis à sa disposition par l’établissement. » Mais le manuel scolaire, on s’en aperçoit très vite, ne sert pas seulement à l’élève, il est également important, à des degrés divers, pour l’enseignant.
Pour préparer sa classe en effet, l’enseignant « interagit avec des ensembles de ressources » (Gueudet & Trouche, 2010, p. 58) qu’il sélectionne, trie, transforme, réorganise en vue de les mettre en œuvre en situation d’enseignement. On parle alors de la relation au support, en d’autres termes du type d’usage par le professeur de ces ressources diverses à la fois pour concevoir et mettre en œuvre son enseignement. Cette relation au support peut-elle être la même selon que l’enseignant est non formé, peu ou mal formé, bien ou très bien formé ? Selon que l’enseignant est en début de carrière ou déjà solidement expérimenté ? Selon que la classe de l’enseignant est uniforme ou multigrade ?
A la relation de l’enseignant au support décrite et interrogée ci-dessus, il faut accoler celle de l’élève au même support. On peut caricaturer celle-ci en disant que pour l’élève, le manuel est à la fois un outil de référence et de consultation, une source d’exercices et un outil de lecture donc de culture. Mais quel type de culture l’apprenant est-il censé puiser dans le manuel scolaire ? Une culture de socialisation ordinaire, de cohésion politique (on dirait aujourd’hui chez nous de citoyenneté, patriotisme et vivre-ensemble) ou d’adaptabilité à la mondialisation libérale ?
On voit en quoi, transcendant les objectifs pédagogiques et didactiques, le manuel scolaire embrasse des objectifs politiques stratégiques, et justifie sans doute par là le type d’intérêt et de traitement que nous avons voulu accorder au problème que posent sa sélection et son agrément dans notre société aujourd’hui.
Pour autant, ce choix est-il allé de soi pour le SNAES ? Dès 2007, notre organisation avait décidé de revisiter le paradigme de son action syndicale pour adopter une nouvelle approche, le syndicalisme de développement. Faire le syndicalisme autrement en le mettant résolument au service du développement, pour nous c’est :
- Travailler au développement de l’individu par la lutte pour l’accès universel à une éducation de qualité qui, pour le SNAES, ne peut se mettre en oeuvre que par le biais d’une école de développement, une école dont les infrastructures, équipements, méthodes, ressources et objectifs sont clairement tournés vers le développement intégral du citoyen et du pays.
- Travailler au respect du droit fondamental non seulement à un travail mais surtout à un travail décent, et dans ce cadre, nous entendons faire dans les temps à venir un véritable plaidoyer pour la ratification par le Cameroun de la Convention 190 de l’OIT et de sa recommandation 206 en y mettant quelques réserves substantielles, parce que cette convention, au-delà de ces réserves, est probablement l’une plus révolutionnaires que l’OIT ait adoptée depuis sa création ;
Ce syndicalisme « smart » nécessite la mobilisation d’importantes ressources intellectuelles, à côté des ressources humaines et financières classiques. Nos syndicats aujourd’hui, s’ils veulent apporter une meilleure contribution aux défis de la lutte pour le développement, doivent plus qu’avant se constituer en laboratoires de diagnostics et de propositions de solutions pour pouvoir jouer plus efficacement leurs rôles de vigies, de lanceurs d’alerte, d’acteurs de développement. Ce n’est qu’ensuite, et seulement si ceux qui décident ne font pas preuve d’une bonne volonté raisonnable, que l’on peut recourir aux stratégies classiques qui intègrent bien sûr en cas d’impasse le recours, en dernier ressort, à la cessation de travail.
Pour la mise en œuvre de cette approche « smart », le SNAES est infiniment reconnaissant de pouvoir compter sur l’accompagnement de nos intellectuels et notamment de ceux qui en constituent la crème, je veux dire les enseignants de nos universités. Je tiens ici à remercier très sincèrement au nom du SNAES et de la communauté éducative, l’équipe des enseignants d’université qui a permis, par son travail volontaire, la réalisation des contributions qui meublent cet ouvrage de diagnostic et de propositions sur le Manuel scolaire, que nous mettons à la disposition des décideurs en ce jour.
Nous n’aurions peut-être pas pu réunir la logistique de cet important chantier par nos propres moyens et c’est ici l’occasion de dire à quel point nous savons gré à la Fondation Friedrich Ebert pour son appui multiforme. Madame Nina Netzer, Représentante résidente, nous a encouragés et motivés, et Madame Susan Bamuh, Chef de programme à la fondation, nous a permis de bénéficier de sa longue et riche expérience organisationnelle. Cette combinaison heureuse nous a permis de conduire cette tâche à l’étape d’aujourd’hui, dont l’issue, Mesdames et Messieurs, dépend maintenant de vous. C’est maintenant à vous de vous emparer de ce sujet, du débat qu’il suscite depuis des années, en faisant l’usage qu’il vous plaira des nouvelles armes que mettent à votre disposition quelques-uns de nos meilleurs spécialistes.
Je vous remercie de votre bienveillante attention.
Steven Leprizé : “On veut tuer les métiers d’art parce que la formation coûte trop cher !”
Métiers d’art
Propos recueillis par Mikaël Faujour
Publié le 18/12/2020 à 17:00
Le collectif Sauvons les métiers d’art s’est formé pour dénoncer une réforme qui, au profit de la fusion de l’enseignement du design et celui des métiers d’art, menacerait à ses yeux de nombreux savoir-faire. Entretien avec son porte-parole, le professeur et ébéniste Steven Leprizé, alors qu’une nouvelle manifestation s’est tenue ce 17 décembre.
Réunissant des professeurs de plusieurs écoles et lycées des métiers d’art de Paris et de province, le collectif Sauvons les métiers d’art dénonce l’inefficacité du Diplôme National des Métiers d’Art et du Design. Deux ans après son entrée en application, ses effets sont jugés désastreux par le secteur des métiers d’art.
Ébéniste couronné de nombreux prix (Grand prix de la création de la Ville de Paris, Prix pour l’Intelligence de la main de la Fondation Bettencourt-Schueller…), créateur et directeur de l’Atelier de recherche et de création en ameublement (Arca) et professeur à l’École Boulle (établissement public spécialisé dans les arts appliqués et les métiers d’art, l’architecture intérieure et le design) Steven Leprizé en est le porte-parole.
Marianne : Pourquoi vous mobilisez-vous ?
Steven Leprizé : Auparavant, seul le diplôme des métiers d’art (DMA, bac+2) couronnait la formation aux métiers d’art. En septembre 2018, est venu s’ajouter le Diplôme National des Métiers d’Art et du Design (DNMADe)… Il trouve son origine dans le processus de Bologne et la réforme LMD (licence – maîtrise – doctorat) encadrant l’harmonisation des niveaux de diplôme d’enseignement supérieur, mais a surtout été imposé par la ministre de la Culture Françoise Nyssen.
Le référentiel du DMA était pourtant bon : les enseignements pratiques étaient articulés aux autres disciplines, de la physique-chimie à l’anglais, en lien avec le métier auquel on se formait. Aujourd’hui, le DNMADe réunit en un seul diplôme deux cursus distincts : le design et les métiers d’art. On passe de 3 200 heures de formation en deux ans à 2 900 heures en trois et le chef d’établissement se voit confier beaucoup de liberté dans la mise en place et l’utilisation des heures allouées.
Qu’est-ce qui pose problème ?
L’Inspection générale de l’Éducation nationale devait aider les établissements à mettre en œuvre cette réforme. Or, les inspecteurs ont davantage donné l’impression de l’imposer. En regroupant 35 DMA et six BTS en arts appliqués, la réforme a conduit à élaborer une matrice commune. Or, il n’y a pas de projet d’établissement, pas de référentiel précis comme c’était le cas avec le DMA, qui était caractérisé par une forte orientation vers le travail en atelier et les fondamentaux des métiers.
Nous n’avons pu accéder au texte qu’une fois paru au Journal officiel ! Nous avons alors observé qu’il mélange ce qui concerne les métiers et le design, laissant place à l’interprétation : certains y verront une orientation design, d’autres une orientation métiers d’art. Dès lors qu’il n’y a pas de politique d’établissement établie, nous aboutissons à des incohérences. En première année, par exemple, les élèves font de la démarche de projet en art appliqué et ne sont alors plus formés aux fondamentaux : dessin technique, histoire des styles, modelage etc. En fin de première année, le niveau des élèves est désormais largement inférieur à un niveau CAP. Nous avons aujourd’hui des termes flous : au lieu de « pratique professionnelle » ou « travail en atelier », on parle d’« atelier de création »… ce qui conduit à… du dessin sur table avec des professeurs même pas spécialisés dans un métier spécifique. La dimension technique s’efface.
Auparavant, la formation durant deux ans, les journées étaient bien remplies. Avec le DNMADe, la formation dure trois ans et les jeunes ont beaucoup de temps morts : des « heures d’autonomie ». Il y a quelques années, le temps d’atelier était de 16 ou 18 heures par semaine ; il est à présent de six à dix heures selon les établissements ! Ce dont ils ont besoin, c’est de pratique encadrée en atelier et de l’enseignement des fondamentaux des métiers ciblés. On ne peut pas laisser les matériels, l’outillage, les stocks à disposition sans encadrement.
En outre, l’atelier a un coût de fonctionnement élevé (coût des machines et de l’entretien, consommation d’énergie et de matériel…). Or, l’impératif budgétaire est central dans cette réforme. Le chef d’établissement de l’école Boulle, par exemple, a été placé pour résorber un déficit de 300 000 €. En cinq ans, il l’a ramené à 200 000 €. Pour cela, il a intérêt à gonfler les horaires en arts appliqués, car former en salle sur ordinateur coûte moins ! Pourtant, les jeunes ne viennent pas à l’École Boulle pour ça, mais pour apprendre un métier d’art. Entre la première et la dernière année, on atteint les 50% de démission ! C’est pire en province, au point que le lycée des métiers d’art de Saint-Quentin n’est même pas sûr d’avoir encore des élèves en L3 l’an prochain !
Cette réforme est également pensée pour permettre l’accession à un niveau licence dont nos étudiants n’ont pas fondamentalement besoin, pour ouvrir à une poursuite d’études dont ils n’ont pas envie… L’Éducation nationale est très dogmatique, attachée, depuis Jules Ferry, à l’idée d’« ascenseur social ». Dès qu’on parle de travail manuel, cela évoque l’ouvrier : si elle favorisait la formation professionnelle, elle ne remplirait plus sa mission. Il y a un rejet systématique de filières à connotation technique et manuelle. Pourtant, le texte dit clairement que l’objectif premier est la professionalisation, la poursuite d’études étant une possibilité en plus.
A moyen ou long terme, les professions des métiers d’art pourraient-elles se trouver menacées ?
Les mêmes inspecteurs généraux qui nous imposent cette réforme sont pourtant les premiers à reconnaître la nécessité d’un long apprentissage pour devenir un danseur étoile ! Pour les métiers d’art, c’est la même chose : pour apprendre, il faut répéter des gestes. Dans mon entreprise d’ébénisterie, Arca, j’ai reçu deux jeunes en stage de DNMADe. Ils ont démissionné après deux semaines sur le mois et demi prévu. Ils ne savaient rien faire.
Une mauvaise formation, cela impliquera, dans l’atelier, des gestes dangereux ou inadaptés, un vocabulaire technique absent ou insuffisant, un manque de maîtrise des outils et machines… Et que l’apprentissage soit pris en charge par les professionnels, ce qu’ils n’ont pas la capacité de faire.
Avec le DMA, le taux d’embauche était de 95 à 97 %, formant des gens qualifiés. Et on nous impose une réforme sans même avoir fait l’audit du DMA ! Ces formations avaient un lien très efficient avec le milieu professionnel. Aujourd’hui, après trois ans de DNMADe, les professionnels sont catastrophés par le niveau des stagiaires.
Quelle logique politique vous semble ici à l’œuvre ?
La vision gouvernementale des métiers d’art, c’est l’industrie du luxe, dont les groupes sont présents parmi les commissions qui établissent les diplômes. On a l’impression qu’on veut tuer les métiers d’art parce qu’ils coûtent trop cher. Les entreprises du luxe préfèrent des formations simplifiées : dans leurs chaînes de productions, elles ont besoin d’ouvriers spécialisés avec une étiquette « métier d’art », employables à bas coût.
Il y aura toujours des films et plaquettes publicitaires où vous verrez un sellier fabriquant une malle Vuitton à la main… mais de tels artisans d’art sont très rares dans ces entreprises. Elles favorisent la réalisation industrielle et abandonnent les savoir-faire traditionnels, qui sont perdus pour toujours.
Et pourtant, ce sont bien les artisans d’art qui entretiennent les palais et le patrimoine, font rayonner le prestige du savoir-faire français ! Quand Emmanuel Macron a lancé, il y a un an, un concours national pour que des jeunes créent la table du conseil des ministres, ce sont des jeunes étudiants en métiers d’art de l’École Boulle et de l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (Ensaama) ont gagné !
Que demandez-vous concrètement ?
Nous demandons un minimum de seize heures consécutives de pratique en atelier : il faut compter deux bonnes heures pour se lancer et des séances séparées, par exemple le mardi puis le vendredi, seraient inadéquates ; que les cours hors atelier – dessin ou histoire de l’art, par exemple – soient liés en relation avec le métier ; que les proviseurs établissent un projet d’établissement qui prenne réellement en compte le sens des métiers d’art et inclue de la pratique en atelier ; que le recrutement se fasse à nouveau par des entretiens physiques avec les jeunes – et non sur la base de candidatures sous forme de « books » au format PDF – et que l’élève se décide entre une orientation « design » ou une orientation « métiers d’art », car on ne peut pas être les deux ; que soit réalisé un bilan intermédiaire de ce DNMADe, incluant les observations des étudiants ; enfin, que soient augmentés les budgets pour faire fonctionner les écoles de métiers d’art.
Sept mois de vacances, Covid-19, double flux, insécurité : peut-on sauver l’année scolaire 2020-2021 au Cameroun ?
- De trop longues vacances peuvent-elles baisser le niveau des élèves?
Roger Kaffo Fokou : En principe, les vacances sont un moment de répit entre deux plages d’apprentissage où l’apprenant a traversé une certaine dose de tension (vouloir-être), fourni un volume important d’effort pour exploiter des matériaux divers afin de conquérir des savoirs, construire des compétences qui sont des savoir-faire mais idéalement également des savoir-être. Il faut rappeler que, généralement, ces vacances ont une durée variable entre deux et trois mois pour les élèves selon qu’ils sont dans une classe intermédiaire ou d’examens. Considérées comme un moment de décompression, elles permettent à l’élève de faire autre chose que ce qui l’a occupé pendant l’année, de s’amuser, de s’ennuyer même un peu, ce qui lui permet de se creuser les méninges et cela peut être positif pour l’imagination donc pour l’innovation, la créativité. Selon les scientifiques, les vacances entrainent une perte d’acquisition de l’année précédente d’environ un mois. Le niveau de ces pertes serait inégal en fonction des domaines et de l’origine sociale. Ainsi, en langue, ces pertes peuvent aller jusqu’à trois quatre mois, plus accusées pour les enfants des classes populaires, surtout chez ceux qui ont une langue d’éducation différente de celle parlée à domicile. On comprend donc que lorsque les vacances passent de trois à sept mois, le niveau des pertes d’acquisitions scolaires peut devenir véritablement problématique.
- Comment?
Roger Kaffo Fokou : Nous savons que pour beaucoup de parents, les vacances sont surtout un moment de repos et de distraction, d’amusement. En fonction des ressources des parents, ces distractions peuvent être connectées à, ou entièrement déconnectées de l’école. C’est ici qu’interviennent les inégalités de classes sociales. Jean-Paul Sartre avait la riche bibliothèque de son grand-père dans laquelle il passait ses loisirs et est devenu écrivain et philosophe. D’autres ont l’entreprise parentale et en ressortent à la fin des vacances nantis de compétences en gestion, techniques diverses, qu’ils réinvestissent avec profit dans leurs études. D’autres n’ont que des terrains vagues ou la brousse et les oiseaux, et cela fait tout un monde de différences. Pendant que certains entretiennent, même indirectement un savoir et des compétences qui conservent un certain lien avec les contenus d’éducation, maintiennent l’intelligence en éveil, d’autres sont complètement coupés de l’univers d’apprentissage pendant la durée des vacances et en reviennent complètement lessivés, comme des pages blanchies.
- Ce passage à vide dure-t-il longtemps?
Roger Kaffo Fokou : Vous avez raison, cela crée des passages à vide. Nous avons parlé d’à peu près un mois de perte d’acquisition pour des vacances normalement longues. A la rentrée, l’école doit être consciente de ce phénomène pour pouvoir le prendre en charge dans le cadre de sa programmation. Sinon, on considère ces vides comme des préacquis et non des prérequis. Vous savez, les acquis d’une année scolaire sont des fondations pour les apprentissages de l’année d’après. Si ces acquis n’existent pas ou sont lacunaires, il faut les combler, sinon, les lacunes pris en compte dans l’édifice vont imposer d’autres lacunes. C’est comme en maçonnerie : vous ne pouvez poser une nouvelle brique que sur une brique déjà posée ; là où vous trouvez un vide, soit vous le comblez, soit vous agrandissez le vide. Et plus ce phénomène s’accumule, plus il devient difficile de le corriger. Et vous savez, les élèves qui accumulent des lacunes au long de leur parcours voient celui-ci abrégé pour certains (déperditions scolaires), ou leurs performances s’étioler (Mozarts assassinés).
- Comment y remédier?
Roger Kaffo Fokou : Il y a d’abord la question du “qui?”. D’un côté l’institution scolaire, de l’autre le parent, chacun avec ses moyens. Pour l’institution scolaire, la première solution consisterait à allonger l’année scolaire. Selon les pays, la durée de l’année scolaire est d’ailleurs variable : elle serait de 32,4 semaines en France, 36,4 en Belgique, et jusqu’à 48 semaines au Japon. La deuxième solution serait de rééquilibrer les rythmes scolaires en raccourcissant les vacances scolaires au profit des congés de Noël et de Pâques. La troisième serait d’investir dans des classes de remédiation pendant les vacances dites d’été. Du côté des parents, ils doivent organiser les vacances de leurs enfants de manière à y programmer des activités qui, sans occuper entièrement le loisir de ces derniers, permettent de mobiliser des savoirs et des savoir-faire en rapport avec les apprentissages scolaires, soit directement, soit indirectement : lectures, visites de bibliothèques, de musées, spectacles de théâtres, stages en entreprises, etc.
- Quels conseils pratiques aux élèves et aux parents en panique?
Roger Kaffo Fokou : Cette année spécialement, les élèves vont démarrer avec d’importantes lacunes, de l’ordre de deux à trois mois de perte d’acquisitions sur l’année précédente. Le contexte de la covid-19 va les aggraver. En effet, loin de favoriser un rattrapage, il va imposer de nouvelles restrictions de calendrier. Déjà l’année scolaire commence avec un mois de retard. Dans les établissements à doubles flux, il y aura perte de 2h à 2h 30 mn de temps d’enseignement pas semaine. Les enseignants vont se sentir obligés d’aller vite, souvent à l’essentiel. Plus que jamais, les élèves doivent être très attentifs et concentrés pendant les cours : ce qu’ils n’auront pas compris pendant le déroulement de la leçon, ils pourraient ne plus avoir la possibilité de le comprendre : ils n’auront pas le temps à domicile, l’enseignant n’aura pas le loisir d’y revenir. Les parents qui le peuvent doivent faire accompagner leurs enfants mais sur la base de leurs problèmes réels et non supposés. Pour cela, ils pourraient faire établir un diagnostic là-dessus soit par le conseiller d’orientation, soit par le professeur principal de la classe.
Elèves et enseignants victimes de la guerre au Cameroun : 19 syndicats appellent à une semaine en noir pour obtenir la fin négociée des hostilités
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Bafoussam, Mifi, région de l’Ouest | Bissoli, Mayo Louti, région du Nord | Douala, Wouri, région du Littoral | Douala, Wouri, région du Littoral |
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Dschang, Menoua, région de l’Ouest | Baleveng, Menoua, région de l’Ouest | Bissoli, Mayo Louti, région du Nord | Yaoundé, Mfoundi, région du Centre |
Le 24 octobre 2020, une bande d’hommes armés non identifiés a fait irruption dans un établissement scolaire de la ville de Kumba, département de la Mémé, Sud-Ouest du Cameroun. Dans une salle de classe, ils ont ouvert le feu sur les élèves. Bilan : 7 morts et une dizaine de blessés, dont certains très grièvement. Cette attaque contre l’éducation n’est certes pas la première, mais elle est la plus directe, la plus frontale.
Depuis que ce qu’il est désormais convenu d’appeler la crise anglophone au Cameroun s’est muée en une guerre asymétrique entre les forces armées nationales camerounaises et des rebelles sécessionnistes revendiquant l’indépendance d’une Ambazonie fantasmée, l’école et ses acteurs centraux que sont les enseignants, leurs élèves et même les parents d’élèves sont devenus un enjeu important du conflit. C’est en effet au vu du nombre d’établissements scolaires restés ouverts ou ayant rouverts et fonctionnels, des effectifs d’élèves et d’enseignants bravant l’insécurité pour fréquenter les campus que s’évalue l’équilibre des forces en présence. Et cette stratégie coûte très cher aux acteurs de l’école : enlèvements, séquestrations, tortures, relâchements contre paiement de lourdes rançons, mutilations (du pouce au départ puis de la main droite par la suite), exécutions avec de temps en temps décapitations.
Quatre jours après le massacre de Kumba, un communiqué de M. SADI René, ministre de la communication porte-parole du gouvernement annonçait l’assassinat le 27 octobre 2020 à Bamenda de M. KEAFON Luciano SUNJO, inspecteur pédagogique d’économie pour la région du Nord-Ouest. Une journée de deuil National a été décrétée pour le massacre des enfants de Kumba, mais rien pour l’inspecteur pédagogique de Bamenda.
Aussi, 19 syndicats d’enseignants réunis ont-ils décidé de lancer une semaine en noir, du lundi 02 au vendredi 06 novembre 2020, pour porter ces différents deuils, mais surtout s’insurger contre la continuation de cette guerre, demander au gouvernement d’y mettre fin par un dialogue inclusif.
Roger Kaffo Fokou, SG du SNAES
La Lettre hebdomadaire du SNAES n°15 sur la rentrée scolaire 2020-2021
Entre crise sanitaire et crise sécuritaire : la marge étroite !
Engagée sur fond de crise sanitaire en raison de la pandémie du Covid-19, la rentrée scolaire 2020-2021 est également durement marquée du sceau de la crise sécuritaire au Cameroun.
Au plan sanitaire, les établissements scolaires, avec l’appui des autorités de l’Etat, des Organisations Internationales, des collectivités locales et des bonnes volontés se battent pour mettre à disposition les moyens matériels de lutte contre la propagation du virus. Une cellule d’accompagnement psycho sociologique est également en train de se mettre en place. On verra bien quels seront ses moyens d’action et son efficacité en temps opportun. Mais la société, désinvolte quant à l’application des mesures barrière, risque fort de contaminer l’école par son mauvais exemple. Pour être le laboratoire de la société de demain, l’école doit être protégée des maux de celle d’aujourd’hui, et ce n’est certes plus le cas pour notre école. Une révolution de la gouvernance scolaire devra se faire dans ce sens.
Au plan sécuritaire, deux zones constituent, malgré de légères améliorations dues à un début de reprise en main certes fragile mais bien réel, des foyers d’insécurité générateurs de grandes tensions.
Dans l’Extrême-Nord, le Mayo Sava et le Mayo Tsanaga sont toujours difficiles et dangereux. Les populations dans les localités de Tourou et de Mozogo dans le Mayo Tsanaga restent traumatisées par les incursions meurtrières des bandes de Boko Haram malgré la présence militaire de l’Etat. Une psychose s’est développée dans ces zones perdues souvent sans routes dignes de ce nom, sans infrastructures minimales de santé a fortiori de confort, où une situation d’urgence est plus souvent là-bas qu’ailleurs une situation mortelle. L’école n’est pas forcément la priorité des populations dans ces lieux où la vie, intrinsèquement, devient plus précieuse que l’éducation en dépit du droit à l’éducation. On y voit, quelquefois, des enseignants exercer en gilets pare-balles, ou des éléments de la brigade d’intervention rapide (BIR) jouer aux instituteurs de substitution, mais tout cela, on le devine, ne peut être que marginal. La règle là-bas, c’est encore et toujours l’absence d’une véritable protection pour les enseignants une fois sorti des grands centres urbains. En dernière analyse cependant, c’est la population scolaire qui est la plus pénalisée : la refonte de la carte scolaire y a laissé une belle proportion de celle-ci en cours de route ; l’assiduité erratique des enseignants y impacte durement la qualité des prestations, la désertion d’un grand nombre d’enseignants y a saigné les effectifs à blanc. La région se recroqueville au fond des classements de presque tous les examens des récentes sessions.
Dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, de nombreuses zones vertes commencent à faire leur apparition sur la carte du sinistre quasi uniforme d’hier. Plus d’établissements scolaires sont en train de rouvrir, plus d’élèves reprennent le chemin de l’école. C’est une dynamique positive et encourageante, mais qui a besoin d’une bonne stratégie de consolidation. Ces zones vertes, éparses, sont souvent enceintes de vastes arrière-pays qui demeurent des lacs d’insécurité. Wum dans le Nord-Ouest ou Fontem dans le Sud-Ouest sont plus vivables qu’il y a un an mais pour les relier à Bamenda, à Buea ou à Dschang, il faut une escorte fortement armée, dont tout le monde ne bénéficie pas ou pas tout le temps.
Les enseignants opérant dans ces zones ont enduré des années de stress et beaucoup sont plus traumatisés, intérieurement abîmés qu’on ne pourrait le soupçonner. L’administration fait des efforts pour les escorter à leurs postes depuis cette rentrée scolaire, dans le cadre de convois militarisés organisés exprès. Il demeure de grandes réticences de la part des plus traumatisés, ou des plus pusillanimes, ou simplement des plus calculateurs. Ces réticences ne sont pas toujours infondées, puisque la garantie à l’entrée n’implique pas une garantie à la sortie. Il ne faut surtout pas qu’en situation d’extrême urgence, ces zones vertes ne deviennent des pièges mortels, des prisons de haute sécurité. Les enseignants doivent être rassurés sur cette préoccupation, et nous devons continuer à les encourager, à les motiver. Nous devons le leur rappeler puisqu’ils le savent, que le droit à l’éducation doit être plus sacré pour l’enseignant que pour quiconque d’autre : c’est ce droit qui fonde sur un socle inébranlable la place centrale de l’enseignement comme profession dans les sociétés humaines. C’est pourquoi le SNAES invite les enseignants de l’Extrême-Nord et du NOSO à ne pas relâcher les efforts et les sacrifices consentis jusqu’ici, même si le prix payé a été jusqu’ici peu reconnu. Le cas français encore frais dans les mémoires du collègue Samuel Paty interpelle notre République. Mais Oui, collègues, dans cette longue nuit que traversent ces régions sinistrées de notre pays où le sort a voulu vous jeter, l’étincelle qui y ramènera de la lumière demain sachez-le, pensez-y, ne viendra pas des soldats et chefs de guerre, ni de leurs hiérarchies diverses, mais de vous, car c’est dans l’esprit des hommes que naissent les guerres et c’est aussi là-bas qu’il faut les éteindre si l’on veut être efficace.
Nous avons cependant dit au gouvernement notre approche de la sanction pour ceux qui sont incapable de mourir pour la République, qui refusent de porter le drapeau des « éducateurs sans frontières » en zones de conflits. Il est vrai, la sanction, surtout quand elle emprunte le visage répressif (suspension de salaire par exemple) est une forme de motivation ; appliquée avec discernement, elle rend justice à ceux qui assument leurs responsabilités. Mais la justice doit s’efforcer d’être véritablement juste quand elle se déploie. Sinon, gare à ses effets pervers. Il suffit de penser au nombre d’enseignants qui changent de ministères chaque année. Pour être juste, le service en zones de conflits, de guerre, ne saurait être permanent pour quelques-uns exclusivement. Dans l’armée, c’est un principe bien établi que celui de relever les troupes au front à échéances périodiques. Dans l’éducation, certains enseignants sont dans ces zones d’extrême insécurité depuis des années : il faut songer à les y relever, à faire roter les troupes, pour que chacun prenne sa juste part des sacrifices consentis au nom de la République.
Le Secrétaire Général
Roger KAFFO FOKOU
COVID-19 et privatisation/marchandisation de l’éducation : trois leçons à tirer pour bâtir un système éducatif post pandémie résilient
Publié par Marchandisation Education le 15 octobre 2020
Il est bien documenté que les perturbations de l’éducation dues à la COVID-19 sont énormes.
Afin de comprendre tous les effets de la pandémie, les membres du Consortium sur la privatisation de l’éducation et les droits de l’Homme (PEHRC), un réseau informel d’organisations et d’individus nationaux, régionaux et mondiaux qui collaborent pour analyser et relever les défis posés par la croissance rapide des acteurs privés dans l’éducation du point de vue des droits de l’Homme et proposer des alternatives, ont collectivement suivi l’actualité liée à l’enseignement privé dans le cadre de la COVID-19. Les leçons clés suivantes ont émergé.
1-Les entreprises technologiques ne résolvent pas les inégalités en matière d’éducation, elles peuvent même les perpétuer.
Les autorités éducatives du monde entier ont rapidement tenté de passer à des modèles d’apprentissage à distance dans le but d’assurer la continuité de « l’apprentissage », beaucoup adoptant diverses solutions numériques. Comme indiqué ci-dessous, il existe différentes manières de dispenser un enseignement à distance, y compris la « haute technologie » (généralement par le biais de matériel informatique) et la faible ou la non-technologie (comme les programmes de radio).
Selon une estimation de l’UNESCO, 95 gouvernements à travers le monde ont introduit des solutions en ligne pendant la pandémie, et l’apprentissage en ligne fait de plus en plus partie intégrante de l’éducation dans le monde. Cela a conduit au développement d’un narratif suggérant que l’apprentissage et la technologie en ligne pourraient jouer un rôle clé dans la résolution des problèmes d’éducation. Les grandes entreprises technologiques telles que Google, Microsoft et Facebook ont rapidement acquis une place de plus en plus importante dans l’éducation mondiale, en publiant des articles tels que « Education Reimagined », suggérant un changement de paradigme pour l’éducation, et les entreprises éducatives ont commencé à commercialiser des plates-formes d’enseignement en ligne les promouvant comme des alternatives à long-terme pour l’éducation.
Cependant, les solutions en ligne dans le domaine de l’éducation ne fonctionnent pas bien pour tous et suscitent de vives inquiétudes pour l’égalité et l’équité des systèmes scolaires. Actuellement, au moins 500 millions d’enfants n’ont pas accès aux alternatives d’apprentissage à distance et près de 47% de tous les élèves du primaire et du secondaire qui sont ciblés exclusivement par les plates-formes nationales d’apprentissage en ligne n’ont pas accès à internet. Les exemples sont répandus: au Pakistan, seuls 31% pour cent des foyers ont accès à internet; en Amérique latine, 46% des garçons et des filles âgés de 5 à 12 ans vivent dans des maisons sans accès à internet; et au Kenya, seuls 22% des enfants y ont accès. Ce n’est pas seulement un problème dans les pays du Sud. Dans certaines régions d’Espagne, jusqu’à 20% des étudiants n’ont pas accès aux matériaux en ligne; aux États-Unis, environ 1 enfant sur 10 issu de ménages à faible revenu n’a pas d’accès à la technologie pour l’apprentissage.
L’enseignement à distance, en particulier grâce à des solutions « de haute technologie » promues par des entreprises privées, peut donc être très problématique pour la réalisation du droit à l’éducation. En outre, s’appuyer sur les sociétés multinationales pour proposer des solutions éducatives contribue à l’émergence de nouvelles formes de privatisation et marchandisation de l’éducation, qui soulèvent de nombreuses autres préoccupations, par exemple au sujet du contrôle démocratique de l’éducation.
Comme l’a souligné la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur le droit à l’éducation, le Dr Koumbou Boly Barry, dans son rapport sur la COVID-19, « la numérisation de l’éducation ne devrait jamais remplacer la scolarisation sur place par des enseignants, et l’arrivée massive d’acteurs privés grâce au numérique doit être considérée comme un danger majeur pour les systèmes scolaires et les droits à l’éducation pour tous ».
2-Dans de nombreux cas, la privatisation crée des systèmes scolaires non résilients et n’est pas viable.
La crise a mis en évidence de nombreux cas de vulnérabilité résultant d’un système éducatif reposant sur des acteurs privés et les risques qui en résultent pour le droit à l’éducation.
Il est apparu que les écoles privées n’avaient pas la capacité de faire face à la crise, pour diverses raisons qui pourraient inclure la dépendance aux frais de scolarité de familles déjà à faibles revenus, la pression pour maintenir les niveaux de profit, une gestion médiocre et ciblée à court terme et le manque d’accès au crédit. Le Pérou, le Pakistan, l’Inde, le Royaume-Uni, et l’Argentine font face à la possibilité d’une fermeture massive des écoles privées. Au Kenya, au Maroc et au Sénégal, les gouvernements ont dû intervenir pour sauver les écoles privées; au Népal et au Pakistan, des écoles privées ont fait pression sur le gouvernement pour demander un soutien pendant la crise. Nous avons également vu des pratiques telles qu’une règle autorisant l’octroi de fonds d’urgence contre le coronavirus aux écoles privées aux États-Unis, qui a par la suite été abandonnée après qu’un juge fédéral a jugé qu’elle enfreignait la loi.
Cette fragilité des écoles privées a clairement eu un effet sur les enfants soudainement déscolarisés ainsi que sur leurs familles. Bien que de nombreuses familles aient perdu leurs sources de revenus, un certain nombre d’écoles privées ont continué de facturer des frais, même si elles ne pouvaient pas continuer à fournir des services. Par exemple, en Tunisie, les parents s’inquiétaient de la manière dont ils paieront les frais de scolarité pour un troisième trimestre, en République Démocratique du Congo, les écoles privées ont exhorté les parents à payer les frais de scolarité et en Inde, les écoles privées ont continué d’augmenter les frais de scolarité, malgré les directives du gouvernement.
La crise a également révélé le manque de protection des droits du travail des enseignants travaillant dans les écoles privées. Les exemples incluent les enseignants des écoles privées en Somalie confrontés à l’incertitude quant à savoir s’ils recevront leur salaire habituel, et les écoles privées au Pakistan, au Malawi, au Sénégal, au Maroc, au Tchad, en République Démocratique du Congo et en Jordanie pour savoir s’ils seraient en mesure de payer leur personnel, certains en Inde décidant de payer les enseignants à l’heure au lieu de leur salaire mensuel. En Inde, des ordres de plusieurs tribunaux de grande instance ont notamment été nécessaires pour s’assurer que si les écoles privées continuaient à percevoir les frais de scolarité, elles seraient tenues de donner la priorité au paiement des enseignants et des autres membres du personnel avec l’argent perçu. Bridge International Academies (BIA) a également fait l’objet de vives critiques. Au Kenya, le personnel de BIA a été renvoyé chez lui avec seulement 10% de salaire, incertain de quand cela changerait, et au Liberia, le Ministère du Travail a ouvert une enquête sur les plaintes selon lesquelles BIA avait réduit les salaires du personnel de 80 à 90% malgré une directive gouvernementale interdisant les réductions de salaire au-delà de 50%.
Dans d’autres cas, les gouvernements sont intervenus pour soutenir les écoles privées spécifiquement avec le paiement des salaires du personnel, reflétant le rôle central des États pour assurer la durabilité d’un service comme l’éducation et les droits fondamentaux du travail. Ceci a été le cas au Congo et en Côte d’Ivoire, tandis qu’au Togo et à Maurice les enseignants des établissements privés ont demandé l’aide du gouvernement.
3-La solution urgente : investir dans l’éducation publique gratuite et reconstruire des systèmes durables.
La crise de la COVID-19 et ses effets sur les systèmes scolaires ont une fois de plus révélé l’importance de systèmes scolaires publics et inclusifs stables, bien financés, gratuits et conformes aux normes des droits de l’Homme – et ont montré que cela ne peut être réalisé sans les autorités publiques.
S’il y a une leçon à tirer de cette crise pour l’éducation, c’est qu’il est indispensable de construire des espaces non-marchands, alignés sur les droits de l’Homme, avec un secteur public fort, qui garantissent des services égaux pour tous, même en cas d’urgence. Les normes et standards relatifs aux droits de l’Homme sont plus pertinents que jamais pendant la période actuelle, et les Principes d’Abidjan récemment adoptés fournissent des directives claires pour aider les États à construire des systèmes scolaires plus équitables, solides et efficaces.
Le plus important est peut-être de veiller à ce que les systèmes d’éducation publique gratuits post-COVID soient financés de manière durable par des actions sur les parts budgétaires, une fiscalité progressive, une aide accrue, un moratoire sur le paiement de la dette et une lutte contre les politiques d’austérité (comme indiqué dans le récent Appel à l’action sur le financement national de l’éducation). Ils devraient utiliser ce financement pour se concentrer sur le développement de systèmes d’éducation publique durables et résilients. Lorsque les gouvernements financent des écoles privées ou s’engagent avec des entreprises technologiques pour l’apprentissage en ligne, des mesures réglementaires doivent être prises pour garantir le droit à l’éducation et protéger les plus vulnérables.
Alors que les décideurs politiques réfléchissent à la manière de reconstruire leurs économies, les gouvernements ont une occasion unique de tirer les leçons de la crise actuelle et de construire des systèmes d’éducation publique gratuits solides qui aideront l’humanité à faire face aux défis qui se présenteront dans les décennies à venir.
Par :
- Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels
- Solidarité Laïque
- Campagne brésilienne pour le droit à l’éducation
- Initiative pour les droits sociaux et économiques
- Campagne Mondiale pour l’Éducation
- Association civile pour l’égalité et la justice (ACIJ)
- Oxfam Inde
- ActionAid
- Le Centre d’Afrique de l’Est pour les droits de l’homme (EACHRights)
- Initiative pour le droit à l’éducation
- Campagne latino-américaine pour le droit à l’éducation (CLADE)
- Fédération internationale des Ceméa (Ficémea)
- Equal Education
Membres du Consortium sur la privatisation de l’éducation et les droits de l’Homme (PEHRC)
Rentrée scolaire 2020 : « L’école fait juste ce que fait la société »
Dans le cadre de la rentrée scolaire, nous avons accordé une interview à Défis Actuels. Le traitement de cette prise de parole, à la publication, donne un résultat mitigé en raison de nombreuses coupures. Des impératifs techniques ou autres expliquent cela. Voici le texte intégral de cette interview parue dans Défis Actuels N°521 du 08 au 11 octobre 2020.
- La rentrée scolaire 2020-2021 est encadrée par des mesures anti Covid-19. Pensez-vous que ces mesures soient efficaces?
Roger Kaffo Fokou : D’un point de vue matériel, beaucoup est en train d’être fait pour mettre à la disposition des élèves et des encadreurs des kits de masques faciaux et de gels ou de solutions hydro alcooliques. Dans de nombreux établissements, là où il y a de l’eau, on a mis en place des points d’eau pour le lavage des mains. La désinfection des campus et des salles de classes s’est faite à peu près convenablement au moment des examens officiels. On n’avait alors que 24 élèves par classes. Cette rentrée, on passe du simple à plus du double : 50 élèves par classe au moins. Ce ne sera donc pas facile, davantage dans les régions reculées où il manque habituellement de tout. Nous devons sortir de cet aveuglement qui veut que lorsque les choses vont à peu près bien dans nos villes, nous croyons que le pays va bien. La plus grande partie de notre jeunesse scolarisée se trouve encore dans les zones rurales. Et celles-ci sont souvent oubliées, lésées, démunies de presque tout. C’est dans ces zones-là que se trouveront les plus grands défis, tant infrastructurels, équipementaires, sanitaires que pédagogiques. Dès le 05 octobre, nous avons pu constater dans les établissements que nous avons parcourus un incroyable relâchement des mesures anti-covid : de très rares porteurs de masques faciaux, aussi bien chez les apprenants que chez les enseignants. On a l’impression que la covid-19 n’est vraiment plus une préoccupation pour l’espace scolaire. Si des dispositions énergiques ne sont pas prises pour faire respecter les mesures édictées, il n’y aura aucune chance d’être efficace.
- Plusieurs établissements scolaires ont rouvert leurs portes aujourd’hui. Ils respectent tant bien que mal les mesures édictées par le gouvernement. Qu’est ce qui justifie cet état de choses?
Roger Kaffo Fokou : Les établissements respectent plutôt mal que bien les mesures édictées par le gouvernement et cela se comprend. L’école est dans la société, elle n’en est pas en dehors. Depuis des mois, les mesures anti-covid ne sont plus respectées nulle part. Il suffit d’observer les marchés, les cérémonies de mariages avec leurs soirées de gala, les deuils et les funérailles, les églises et j’en passe. Peu de masques faciaux, aucune espèce de distanciation physique, tout semble indiquer que la pandémie est depuis passée. Nous savons tous que ce n’est pas le cas, mais comment convaincre ceux chez qui la désinvolture quotidienne et quasi généralisée installe un doute ? Même dans les installations publiques, les administrations publiques, le port du masque est depuis un temps devenu l’exception qui confirme la règle. On s’entasse dans les ascenseurs, les cars de transport. L’école fait juste ce que fait l’ensemble de la société parce qu’elle en fait partie. Cela traduit également l’état général du respect des instructions données et reçues dans notre pays aujourd’hui. Nous traversons une crise sévère de discipline à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique qui explique que des mesures sont constamment prises et tout aussi constamment violées. Et quand tout cela affecte à ce point l’éducation, le lieu où se façonnent les citoyens de demain, vous commencez à être vraiment inquiet de ce que sera notre société de demain.
- En tant que syndicaliste, pensez-vous vous que ces mesures peuvent être appliquées le long de l’année scolaire ?
Roger Kaffo Fokou : Au-delà des mesures anti-covid proprement dites, je suis plus intéressé aujourd’hui, en tant que syndicaliste, par le dispositif pédagogique en cours pour assurer la continuité de l’éducation des jeunes en cette année de crise sanitaire. Il faut rappeler que dans nos grandes métropoles, notamment en ce qui concerne l’éducation de base, le système à double flux se pratiquait déjà, avec des effectifs pléthoriques. Il sera donc impossible d’avoir dans ces établissements-là des effectifs de 50 élèves par classes sans un dédoublement de l’espace infrastructurel ou sans une déscolarisation massive. Aucune des deux solutions n’est ou viable ou applicable. Là où il sera possible de mettre en place le double flux, il y aura une perte sèche de 2 heures à 2 heures 30 de temps d’apprentissage pour les élèves. Le télé enseignement mis en œuvre pour compenser ce manque risque fort bien d’accentuer les inégalités déjà existantes sur le terrain, entre les villes et les campagnes, les pauvres et les riches. Le découragement et la démotivation du corps enseignant clochardisé depuis des années pourraient faire le reste. Vous avez pu voir le sort qui a été fait cette année 2020 à la journée mondiale des enseignants : rien, le black out complet. Les Palmes Académiques sont même passées à la trappe alors que le décret du Premier Ministre instituant celles-ci dispose clairement qu’elles sont attribuées le 05 octobre de chaque année. Et cette omission s’est faite en silence, sans aucune espèce de pédagogie. Encore une instruction, cette fois-ci de très haut niveau, non appliquée. Avec quoi va-t-on booster le moral des enseignants quand l’on s’achemine vers un dispositif pédagogique qui va les soumettre indiscutablement à un surcroît de contraintes ?
- Au regard de la situation, quelles autres mesures auriez vous suggéré au gouvernement, quel est la position de votre syndicat ?
Roger Kaffo Fokou : Nous avons dit et écrit au gouvernement que cette crise pouvait être transformée en une opportunité pour l’école camerounaise. Toutes ces démissions que nous avons accumulées, et qui ont abouti à un déficit infrastructurel et d’équipements chronique peuvent commencer réellement à être inversées. Dans les villes de Douala, Yaoundé, Garoua, Limbé, plus de 70% des enfants qui présentent l’entrée en 6e ou le common entrance échouent, souvent avec des notes de 15 à 16 sur 20. Et malgré cela, les lycées ont des effectifs pléthoriques. Il faut donc davantage de lycées dans nos grandes villes pour équilibrer l’offre et la demande d’éducation. Cela permettrait de mettre plus aisément en œuvre les mesures sanitaires pour les crises à venir. Dans l’immédiat, nous avons suggéré au gouvernement de procéder à un recrutement conséquent d’enseignants pour cette rentrée. Il ne nous semble pas, en tout cas jusqu’ici, que cet appel ait été entendu. Pour le télé enseignement, il faudra prévoir des solutions hors ligne, qui peuvent se passer des supports numériques. Sinon, ce dispositif risque fort de ne servir que les privilégiés habituels. Nous ne devons pas chercher à ruser avec la pandémie actuelle, en espérant qu’elle finira bien par mourir de sa belle mort. Nous sommes probablement entrés dans l’ère des pandémies globales, comme l’indique la numérotation de l’actuelle. Tout en luttant contre celle-ci, nous devons déjà nous préparer à affronter la prochaine.
JME 2020 à l’OUEST.
LE 5 OCTOBRE AU LYCÉE DEDÉ DAM L’ARRONDISSEMENT DE KOUOPTAMO.
Cette journée coïncidait avec la rentrée solennelle de l’année scolaire 2020/2021, le sous-préfet a profité dans une synergie avec le chef de l’établissement, de l’occasion pour mettre en garde voire menacer tous(tes) enseignants(es) qui tenteraient demander une mutation pour quelque raison que ce soit. Ils doivent servir l’éducation partout et toujours sans rechigner. Il a terminé son homélie en martelant que « ceux/ celles qui tenteraient le trouveront sur son chemin ».
UN 5 OCTOBRE DÉSENCHANTEUR POUR LE CORPS ENSEIGNANT DU LYCÉE SOUS FOND DE LA PANDÉMIE DU COVID19 !
Le Lycée Bilingue de Gouache a l’ère du pointeur biométrique.
Le LybiGo est parmi les plus grands lycées de la ville de Bafoussam en termes d’effectifs des apprenants et du corps enseignant.
Dans le meilleur suivi des apprenants sous cette pandémie de la covid19 et en plein régime de la ‘’mi-temps’’. Tout agent est obligé de se soumettre à ce nouveau dispositif ‘’ le pointeur biométrique’’ qui se substituerait de plus en plus au cahier de texte, gage de la régularité et de l’assiduité du corps professionnel / administratif.
‘’Just wait and Sée’’
JOURNÉE MONDIALE DES ENSEIGNANTS 2020 EN MODE MI-TEMPS À LA SALLE DE CONFÉRENCE DU GOUVERNEUR DE LA RÉGION DE L’OUEST/
Contactée au téléphone le 2-10-2020 par les services du gouverneur, Mme LIKOUND Christiane, SG SNIEB et porte-parole des syndicats dans la région de l’ouest pour une séance de travail sans aucun détail dès 11h le 5 octobre 2020.
Après des va et vient au dit lieu, rien ne semble commencer jusqu’à 17 heures, moment où nous décidons de quitter la salle, nous les syndicats représentés (SNIEB, SNAES,SECA, SNICOM). Il était évident, nous l’avons remarqué avec amertume, que le programme préétabli venait de connaître les affres de la double programmation de cette journée, à savoir : la rentrées scolaire lancée dans le Bamboutos par le gouverneur et cette commémoration du 5 octobre voulue par le DRES-O maître d’ouvrage.
Les informations nous révèlent que la personne désignée pour la leçon inaugurale a aussi donné le mot des syndicats.
Encore une fois de plus, le 5 octobre, « les moments de crise ont eu raison des façonneurs d’avenir » dans une salle vide, un échec cuisant voulu par les organisateurs.
RESOLUTIONS ISSUES DU CN 2020
Le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire (SNAES), réuni en Conseil National (CN) à Yaoundé le 28 septembre 2020, a adopté les résolutions suivantes :