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Battez-vous pour maintenir ce que vous avez, à défaut d’avoir mieux.

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Battez-vous pour maintenir ce que vous avez, à défaut d’avoir mieux.

LES COMPÉTENCES : qu’est-ce que c’est, à quoi ça sert, et peut-on les évaluer ?

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Par Roger Kaffo Fokou

 « Monsieur Einstein, croyez-vous en Dieu ? ». Voilà la question-colle qu’un journaliste un tantinet facétieux aurait posé un jour au célèbre physicien de la relativité. « Dites-moi ce que vous appelez Dieu, et je vous dirai si j’y crois », aurait réagi le génie de la science. S’entendre donc au préalable sur les termes du sujet, avant d’en débattre ; ou encore sur la destination avant de se mettre en route ; tel est en effet le B-A BA de la méthode scientifique que rappelait indirectement Einstein. L’introduction dans l’enseignement secondaire camerounais de l’Approche par compétences (APC) s’est faite presque en violation de celle-ci. Ce n’est qu’a posteriori que la difficulté méthodologique fondamentale est en effet apparue à chacun : comment opérationnaliser une approche quelle qu’elle soit sans au préalable s’être entendus sur la définition du concept qui en est le cœur ? Voici donc une tâche urgente à laquelle il faut s’atteler sans plus tarder pour ce qui est de l’APC, mieux vaut tard que jamais.

Concept sorti tout droit du monde de l’entreprise et du travail, « compétence » est passé au monde scolaire par le biais de la formation initiale et continue. C’est une notion très instable, même si elle n’est pas nouvelle en pédagogie. Pour le système judiciaire, la compétence est la capacité ou l’habilitation légale à juger d’une affaire : celle-ci peut être matérielle ou territoriale, et est une condition d’ordre public de la saisine ou de l’auto saisine ou non d’une juridiction. Dans le monde du travail, la compétence s’oppose souvent à la notion de qualification prise au sens de diplôme : on n’a pas toujours besoin d’être qualifié(e) au sens de diplômé(e) pour être compétent(e), comme l’on n’a pas toujours la compétence que suppose le diplôme que l’on brandit. En linguistique, Chomsky définit la compétence par opposition à la performance :

« Nous établissions une distinction fondamentale entre la compétence (la connaissance que le locuteur-auditeur a de sa langue dans des situations concrètes) et la performance (l’emploi effectif de la langue dans les situations concrètes) ».

En narratologie, ce concept renvoie à la capacité à effectuer une tâche particulière et dans ce sens, se trouve en amont de la performance (le faire) et se décompose en devoir-faire, vouloir-faire, savoir-faire et pouvoir-faire (voir Greimas). En pédagogie, la compétence est censée permettre de mobiliser des connaissances pour agir dans des situations concrètes diverses, complexes et imprévisibles : on parle d’agir compétent.

Afin qu’il n’y ait plus d’ambiguïté sur le sujet, et puisque l’exemple, dit-on, vaut mieux que la leçon, l’Union Européenne a cru bon sortir une liste des compétences clés à acquérir tout au long de la vie, cette expression terminale traduisant à la fois une référence et un alignement sur les objectifs de développement durable, notamment l’ODD4. Il s’agit de :

  • Communication dans la langue maternelle
  • Communication en langues étrangères
  • Compétences mathématiques et compétences de base en sciences et technologies
  • Compétence numérique
  • Apprendre à apprendre
  • Compétences sociales et civiques
  • Esprit d’initiative et d’entreprise
  • Sensibilité et expression culturelles

Cette liste, contestée en Europe-même par de nombreux spécialistes de l’éducation, pose le problème de son appropriation sans bénéfice d’inventaire pour des espaces tiers comme le nôtre. Si nous devons nous prononcer valablement sur la nécessité ou non d’embrasser ce nouvel outil pour le mettre au service de l’éducation de nos enfants de façon responsable, la moindre des choses consiste au moins à nous assurer qu’il ne s’agit pas d’un objet abstrait non identifié, qu’il peut effectivement délivrer, enfin que nous connaissons les problèmes qu’il est susceptible de soulever et avons les moyens de les anticiper.

Nous avons dit qu’en pédagogie, on définit souvent une compétence, entre autres, comme une capacité. Les deux concepts ne se superposent pourtant pas. La notion de capacité est généralement constitutive de compétence, et l’inverse n’est point vrai. Pour Cardinet (1988), « une capacité est une visée de formation générale, commune à plusieurs situations ; une compétence, au contraire, est une visée de formation globale, qui met en jeu plusieurs capacités dans une même situation. » Meirieu (1988) semble du même avis puisque pour lui, une compétence combine plusieurs capacités dans une situation donnée. Le critère le plus net de distinction entre ces deux notions est cependant celui d’activité : contrairement à la capacité qui peut rester abstraite et se résumer à un savoir, un savoir-être, un savoir-faire isolé, la compétence combine savoir, savoir-faire et savoir-être pour permettre à un individu d’exercer, dans une situation de vie donnée, une activité considérée comme étant complexe. Ainsi, prononcer un discours en public (anniversaire, promotion ou autres) nécessite une compétence qui intègre des savoirs précis (grammaire, vocabulaire, rhétorique des genres…) des savoir-faire (mobilisation des savoirs précédents pour produire un texte approprié à une situation précise, diction, gestuelle…), et des savoir-être tout aussi précis (sang-froid, politesse, élégance, sensibilité, attention, écoute…). Certaines compétences sont dites générales, d’autres spécifiques.

Les compétences générales sont aussi appelées transversales. Elles indiqueraient un type d’action mais pas les objets sur lesquels porterait l’opération. Il en est ainsi de la compétence d’émettre une hypothèse : elle s’applique à tous les domaines de la vie et de la science, mais est-ce de manière identique ? C’est à voir. Les compétences spécifiques quant à elles indiqueraient non seulement les objets sur lesquels porte l’opération mais aussi sur quoi porterait l’opération elle-même. Ainsi, mesurer une longueur, connaître les droits de l’enfant, maîtriser le code de la route renvoient-ils à des compétences spécifiques. Les choses ne sont pourtant pas aussi simples qu’elles le paraissent. Selon les spécialistes, il existe 3 types de compétences spécifiques. Le premier type est constitué de celles qui ne sont pas vraiment des compétences mais des connaissances : connaître ses droits et ses devoirs de citoyen, connaître le processus de distillation d’un produit donné… Le second type renvoie aux procédures basiques ou actes intellectuels auxquels l’on peut s’entraîner avec succès : savoir utiliser un dictionnaire, savoir calculer mentalement, diviser ou multiplier des fractions… Le troisième type est constitué des compétences complexes qui exigent la mobilisation des connaissances et des procédures de base (Sandrine Charrier, 2011). Celles-ci nécessitent l’usage d’un discernement particulier, d’où l’utilisation lorsqu’il s’agit d’elles des expressions « à bon escient », « d’une manière pertinente », etc., qui font référence à la mise en œuvre de l’esprit critique en vue de sélectionner parmi les connaissances (type 1) et les procédures (type 2) que l’on maîtrise celles qui conviennent, puis de les combiner intelligemment pour résoudre un problème donné, accomplir une tâche précise.

C’est donc au niveau de ces compétences spécifiques de type 3 que se joue la sélection scolaire. Quand on arrive effectivement à aider l’apprenant à se construire ces compétences de type 3, on obtient quelqu’un qui peut accomplir un ensemble de tâches complexes et diverses, une fois mis en situation professionnelle. Aussi efficace soit-elle, cette pédagogie de la tâche débouche cependant sur un appauvrissement des contenus des programmes scolaires, donc des produits issus de cette école-là.

Faire un procès à l’APC sur la base de sa préférence pour les savoir-faire et les savoir-être sur les savoirs peut sembler relever de la mauvaise foi. C’est pourquoi il est utile d’emblée de lever une telle équivoque. L’APC développe un schéma dans lequel les savoirs occupent une place apparemment confortable. Ce sont en effet des connaissances qui sont mobilisées et associées à des savoir-faire et à des savoir-être pour construire des compétences. En outre, certaines compétences (type 1 évoqué ci-dessus) sont carrément des connaissances.

Ainsi, en raison de ce que, en amont des compétences, il faut toujours acquérir des connaissances qui seront ensuite mobilisées dans la performance, les programmes français insistent avec raison sur l’équilibre savoirs/compétences. Ainsi, le décret français n° 96-465 du 29 mai 1996 dispose précisément en son article 2 que « Le collège dispense à tous les élèves, sans distinction, une formation générale qui doit leur permettre d’acquérir les savoirs et savoir-faire fondamentaux constitutifs d’une culture commune ». Plus proche d’aujourd’hui, le décret dit loi Fillon n° 2005-1013 du 24 août 2005 récidive ainsi qu’il suit, en son article 2 : « Le collège dispense à chaque élève, sans distinction, une formation générale qui doit lui permettre d’acquérir au moins le socle commun de connaissances et compétences, défini en application de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation et dont l’acquisition a commencé dès le début de l’instruction obligatoire. » De ce côté-là, les choses semblent on ne peut plus claires. Elles sont cependant nuancées et il est bon que nous le fassions observer. Le décret de 1996 intègre les savoirs dans la compétence à construire ; la loi de 2005 les positionne en dehors et en amont de la compétence. L’approche par compétence tend ainsi à intégrer et à rejeter en même temps les savoirs, ou dit autrement, les intègre en les rejetant. Ici chez nous, on ne peut malheureusement pas dire où nous en sommes, puisque rien n’est encore dit justement. Mais être clair ne signifie nullement résoudre le problème qui se pose.

L’APC accorde une certaine place aux savoirs, mais de quels types de savoirs s’agit-il ? Il faut se rendre compte qu’en APC, un savoir n’a pas d’intérêt par lui-même. Il peut même être savant, ce qui lui ôte tout intérêt pédagogique. Un savoir ne peut intéresser que dans la mesure où il peut être mobilisé pour résoudre un problème situé dans la vie, accomplir une tâche concrète. La notion même de tâche mérite ici un petit arrêt. Une tâche est un élément de la décomposition d’un problème, un élément susceptible d’être réalisé dans un temps déterminé et dans des conditions déterminées. Celui à qui l’on confie une ou des tâches à réaliser et qui n’est pas confronté au problème ou au projet entier a peu de chance de prendre conscience de l’existence même dudit problème ou projet. Pour lui, la réalité se réduit à un ensemble de tâches, et son monde à lui est fait des tâches qu’il est appelé à accomplir quotidiennement. Dans cet univers-là, il va développer des automatismes et devenir de plus en plus performant dans l’exécution des tâches à lui confiées, mais si les tâches changent, peut-il transférer les compétences acquises antérieurement à ces nouvelles tâches ? Certainement pas celles qui sont spécifiques : il lui faudra se reprogrammer. Ce développement des automatismes est en même temps, on le voit bien, un appauvrissement du sens critique : plus celles-ci s’installent et moins celui qui les héberge a besoin de penser son action. Comme nous l’avons dit plus haut, il ne sait, n’a besoin de savoir que ce qui est nécessaire à l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées.  On voit alors surgir le processus d’élagage systématique, impitoyable, qui n’est autre qu’un processus d’appauvrissement des savoirs mis à la disposition de l’individu. On veut bien que vous appreniez à penser, même de façon critique, mais pas aux étoiles, encore moins au sexe des anges : vous ne devez apprendre à penser qu’à des tâches et aux variantes des tâches. Et pour cela, on ne vous donne que des outils appropriés à ce programme réduit. Pour mettre au point certaines de ces tâches, il a fallu cependant penser au sexe des anges, innover pour faire plus simple, non pas seulement appliquer des processus mais en inventer.

L’école de l’APC apparaît ainsi comme une école de l’imitation, de l’imitation servile même, en tout cas pas de l’innovation. C’est une école qui prépare à la maîtrise d’un ensemble de tâches complexes pour devenir employable sur un marché du travail de plus en plus exigent où erreurs et retards sont de moins en moins tolérés, d’autant qu’une armée de robots est en route pour remplacer les travailleurs défaillants. Comme les compétences, les savoirs en contexte APC sont donc au service du marché, du monde professionnel, de l’employabilité. Rien que cela serait déjà un problème suffisamment grave. Il faut pourtant y ajouter les problèmes soulevés par l’APC au plan pédagogique.

Que ce soit ailleurs ou ici au Cameroun, l’un des plus importants reproches que les pédagogues font à l’APC, c’est la difficulté que cette approche oppose au processus d’évaluation. En France, de l’avis des spécialistes, la mise en œuvre de l’APC a précédé la mise en place de son système d’évaluation. Au Cameroun, c’est le lancement du premier BEPC / APC qui a amené l’Inspection Générale des Enseignements (IGE) du ministère des enseignements secondaires à proposer les premières épreuves-types de l’évaluation selon l’APC. Les enseignants ont ainsi dû mettre en œuvre l’APC quatre années de suite sans avoir la moindre idée de l’approche de l’évaluation selon cette méthode. L’évaluation des apprentissages est pourtant un élément clef de tout programme de formation parce qu’elle rend compte du degré auquel les apprenants répondent aux attentes de la formation. Malgré les incongruités qui ont émaillé nombre de ces épreuves, cela n’a jusqu’ici pas suscité un débat à la hauteur des enjeux, ce qui est malheureusement assez coutumier de la société camerounaise. Il n’était pourtant pas nécessaire d’attendre les premiers faux pas de notre système pour se pencher sur les difficultés pédagogiques   soulevées par l’évaluation selon l’APC, cette approche n’étant nouvelle qu’au Cameroun.

Le cœur du problème de l’évaluation des compétences pourrait être exprimé de la manière suivante : peut-on évaluer des compétences ? Si oui, faut-il évaluer les compétences transversales ou spécifiques, ou les deux ? Comment ? Avec quels critères ? Quels indicateurs ? Nous avons vu qu’une compétence combine des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être en situation pour résoudre des problèmes ou réaliser des projets. Ceci pose d’emblée une série de problèmes.

Premièrement, beaucoup de compétences ne sont pas susceptibles d’évaluation : comment évaluer le degré de raisonnement, le savoir-faire appel à des outils appropriés pour lire ?  D’autre part, évaluer d’autres compétences suppose évaluer la personne même de l’apprenant, et cela est difficile à faire objectivement. Il en est ainsi de certains savoir-être : être sensible aux problèmes des autres, avoir le sens de l’initiative, l’esprit d’entreprise, d’équipe… En outre, le niveau de la maîtrise d’une compétence, quelle qu’elle soit, est difficilement évaluable. En fait, on ne peut réellement évaluer que la performance, c’est-à-dire le résultat de l’action menée, et partir de ce résultat pour inférer la performance. Seulement, le jeu des conditions de l’action, tant les conditions intérieures à celui qui agit (son état de santé, d’esprit…) que celles qui lui sont extérieures (qualité du matériau et du matériel, conditions météorologiques…) influencent sa performance à un degré difficile à établir, et déforment la perception que l’on peut en induire de sa compétence. D’autre part, pour maîtriser une compétence, la réponse est toujours pluridisciplinaire. Pourtant l’enseignement secondaire fonctionne sur une logique disciplinaire d’une part, et pour une même compétence donnée, il n’est pas certain que les mêmes opérations mentales soient requises en fonction des disciplines d’autre part. Ainsi, traiter l’information ne signifie pas la même chose selon que l’information est un texte poétique ou une équation du second degré.

Ce n’est plus une information que de dire que le monde, curieuse façon de parler, s’est mondialisé de plus en plus depuis le XIXe siècle. La mondialisation comme processus ne se contente plus seulement d’interconnecter tous les points de la planète : elle met en place un processus d’uniformisation, entre autres, des manières de consommer mais surtout de produire, et c’est par là qu’elle impacte l’employabilité et en amont de celle-ci, la formation. Dans un tel univers où le marché de l’emploi devient transnational et ultra compétitif, il est difficile d’échapper aux logiques globales de normalisation à l’œuvre dans tous les secteurs y compris évidemment l’éducation. Il faut s’y faire mais sans oublier que cette logique est en même temps une logique d’appauvrissement. Il faut comprendre également les processus globaux avant de se les approprier pour les mettre en œuvre parce que, quel que soit le degré d’uniformisation qu’ils imposent, il laisse toujours une place si petite soit-elle à la contextualisation, et cette contextualisation marginale peut faire toute la différence entre le suicide collectif et la survie de quelques-uns : cette contextualisation marginale peut être notre arche de Noé.

 

Bibliographie :

  1. L’Evaluation des compétences chez l’apprenant : pratiques, méthodes et fondements, Actes du colloque du 22 novembre 2000, Presse universitaire de Louvain, 2002.
  2. L’Approche par compétences et la méthodologie référentielle, guide élaboré dans le cadre du projet de collaboration bilatérale Maroc-Wallonie-Bruxelles « L’ingénierie de formation, levier de l’employabilité », edu.dz/.
  3. Les Compétences, Sandrine Charrier, SNES/FSU, Observatoire national des programmes et des pratiques, 2011.
  4. Scalon, G., L’Evaluation des apprentissages dans une approche par compétences, Saint-Laurent, Edition du renouveau pédagogique, 2004.
  5. Kaffo Fokou, R., Eduquer pour une mondialisation humaniste, L’Harmattan, 2015.

 

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L’école de l’APC apparaît comme une école de l’imitation, de l’imitation servile même, en tout cas pas de l’innovation.

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L’école de l’APC apparaît comme une école de l’imitation, de l’imitation servile même, en tout cas pas de l’innovation.

FRANCE : Une rentrée scolaire sur fond de démantèlement de l’Éducation nationale

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Par Evelyne Salamero

La FNEC-FP FO dénonce une marche à la privatisation de l’école, et prépare la mobilisation interprofessionnelle.

Réforme du bac, réforme des conditions d’entrée à l’université, réforme de l’enseignement professionnel, avec pour cette dernière des premières mesures contenues dans la loi Avenir professionnel votée cet été.

La rentrée s’inscrit dans un contexte de démantèlement de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche, résume la Fédération FO de l’Enseignement, de la Culture et de la Formation professionnelle (Fnec-FP FO). Un démantèlement qui s’inscrit dans celui, plus général, de la fonction publique et du statut de fonctionnaire d’État, souligne-t-elle.

Le Nouveau contrat social avec les agents publics va se traduire notamment par l’évaluation des établissements et des personnels selon les résultats et le mérite. Les programmes passent ainsi au second plan.

Disparition de la moitié des académies

Cette évaluation devant se faire en fonction des besoins territoriaux, précise le gouvernement, ce chantier est imbriqué dans celui de la réforme territoriale, à laquelle l’Éducation nationale avait pour l’instant échappé en gardant ses vingt-six académies.

Le gouvernement a programmé la disparition de la moitié d’entre elles d’ici à 2021 et le renforcement des compétences des recteurs de région en matière de gestion des personnels. Développement des postes à profil, mise en place de RH de proximité, professionnalisation de la formation initiale avec le recrutement d’assistants d’éducation-enseignants (AED) non titulaires, c’est-à-dire corvéables et jetables à merci… La Fnec-FP FO voit dans toutes ces mesures la marche à la privatisation de l’école.

De plus, alors que le nombre d’élèves et d’étudiants ne cesse d’augmenter du fait du boom démographique des années 2000, les budgets se resserrent encore.

1 800 suppressions de postes dès 2019

La hausse de 1% pour le primaire et le secondaire en 2019 (de 51,5 à 52,1 milliards) est ainsi inférieure à l’inflation prévue. Le ministre de l’éducation a d’ailleurs confirmé 1 800 suppressions de postes dès 2019 dans les collèges, lycées et services administratifs.

Alors que 350 000 étudiants de plus sont attendus d’ici à 2025, créer un nombre de places suffisant dans les universités exigerait un budget en croissance de 2 milliards d’euros par an, soit dix fois plus que celle annoncée (1 milliard sur le quinquennat).

Parcoursup introduit donc des critères de sélection propres à chaque université, d’autant plus élitistes que leurs budgets sont serrés et leurs places disponibles par conséquent limitées.

En complément, le bac, par sa réforme, est remis en cause en tant que diplôme national et premier grade universitaire.

Face à cette opération de démantèlement général, qui passe aussi par la remise en cause du code des pensions civiles et militaires dans le cadre de la retraite par points, la Fnec-FP FO revendique l’abandon de ces contre-réformes, et entend préparer la mobilisation des personnels dans un cadre interprofessionnel. Première étape le 9 octobre.

 

Filières STT  dans le secondaire : le blocage du logiciel Lesage plombe l’année scolaire 2018-2019

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Décidément cette année scolaire 2018-2019  nous offre une crise de valeur aux confins de l’inimaginable. Nous sommes à la fin du premier trimestre, du moins à la fin de la deuxième séquence, et dans les lycées et collèges d’enseignements techniques du Cameroun nous assistons à une véritable démonstration de cynisme mercantile. Les établissements techniques avaient jusqu’au 15 novembre 2018, d’après les instructions sur les CD du logiciel LESAGE,  pour s’acquitter des frais requis et entrer en possession des codes qui leurs permettraient d’activer les CD et d’en faire usage dans l’enseignement.

Le logiciel LESAGE est un logiciel incontournable dans les programmes d’enseignement des Sciences et Technologie du Tertiaire, il est distribué chaque année (avec une date de péremption annuelle) aux collèges et lycées du Cameroun contre une rétribution de 75000 FCFA pour les lycées techniques et 50 000 FCFA pour les CETIC. Dès que l’argent est déposé dans le compte de la société Le sage Cameroun via Express Union Etoudi JA, Mobile Money ou Orange Money, l’établissement envoie ses coordonnées et les références de paiement par sms puis au moment opportun, reçoit le code qui permet l’utilisation effective des données ainsi débloquées pour implémenter les enseignements.

Le problème est que, sachant les contraintes liées à la digitalisation des inscriptions, la lenteur des recouvrements et du reversement dans les comptes-trésors des établissements, on se serait attendu à ce que ces frais pour le logiciel LESAGE soient prélevés à la source ou jouissent de mesures spéciales de différé pour permettre aux établissements de poursuivre avec les curricula qui dépendent de ce logiciel. Au contraire, tout est bloqué, LE SAGE CAMEROUN est dans l’attente de l’argent et les logiciels sont inutilisables par les établissements scolaires qui ne savent pas comment ils vont faire pour boucler les programmes à temps. C’est chacun qui y va de son inventivité pour essayer de meubler les enseignements en portant une entorse aux projets pédagogiques et progressions initiaux. Comment en sommes-nous arrivés à de telles extrémités ? Quels seront les résultats à terme pour cette année scolaire ? Pour une somme de 50 à 75 milles francs CFA bloquée dans ces mêmes comptes des partenaires du MINESEC, des programmes d’enseignement de la 3ème Année jusqu’en première dans les filières STT sont en stand by et rien ne semble se dessiner à l’horizon pour décanter la situation. Même ces parents qui s’étaient fait entendre pour le livre controversé de 5ème sont muets face à cette gravissime situation qui empire de jour en jour.

Nous souhaitons avec insistance que le MINESEC joigne d’urgence son partenaire LE SAGE CAMEROUN pour qu’il délivre ces codes d’activation aux établissements cibles dans les meilleurs délais, pour ne pas complètement perdre cette année scolaire en cours et sauver ce qui peut encore l’être. Cette société peut attendre la régularisation des opérations liées à la digitalisation des inscriptions, certains APEE étant à bout de souffle, mais pour les programmes d’enseignement, bientôt il sera trop tard et le retard accusé sera irrémédiable. Sauvons d’urgence ce qui peut l’être, l’éducation devrait primer sur l’appât du gain. C’est le socle de notre avenir à tous.

Par ASSOAH ETOGA Roland, rédacteur, snaes.org,

AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT (APD) : l’Union Européenne(UE) décide de prioriser le secteur de l’éducation dans les pays pauvres.

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Réunie le 13 novembre 2018 dernier en assemblée plénière, le Parlement Européen a adopté une résolution importante concernant la nouvelle vision qui doit désormais conduire l’Aide Publique au Développement (APD) de l’UE dans le secteur de l’éducation en Afrique.

Cette résolution peut se résumer en 04 points majeurs notamment :

  • La définition des textes et autres faits qui fondent la résolution ;
  • Les objectifs de la résolution ;
  • Les priorités de la nouvelle politique de l’APD dans le secteur de l’éducation ;
  • L’amélioration de la qualité de l’aide.

Rappel des principaux textes protégeant le droit à l’éducation.

La commission a tenu à faire le rappel d’un certain nombre d’engagements internationaux qui fondent le droit à l’éducation. Il s’agit par exemple :

  • La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme(DUDH) dont l’article 26 reconnait l’éducation comme un droit fondamental pour tout être humain ;
  • Les Objectifs de Développement Durable (ODD) et notamment l’objectif nº 4: «Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie».
  • La Recommandation n°36(2017) du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, relative au droit des filles et des femmes à l’éducation ;
  • Le document de travail de la Commission de 2010 sur le renforcement et l’amélioration de l’éducation dans les pays en développement ;

La commission,

  • Considérant que l’aide à l’éducation représentait 8,3% de l’aide totale au développement en 2009, que cette part est tombée à 6,2 % en 2015 et que la part de l’UE est tombée de 11% à 7,6% sur la même période ;
  • Considérant que l’aide à l’éducation de base de l’UE a baissé de 33,9% entre 2009 et 2015 ;
  • Qu’en 2015, 264 millions d’enfants et jeunes en âge de fréquenter ne l’étaient pas.

L’’UE a donc décidé de prendre cette résolution présentant quelques objectifs qui doivent désormais accompagner sa nouvelle vision en matière d’aide à l’éducation.

Nouvelle vision en matière d’Aide Publique au Développement dans le secteur de l’éducation de l’UE en direction des pays pauvres.

Pour la commission de l’UE, L’aide en matière d’éducation doit être désormais une priorité parce que l’éducation est un droit fondamental mais également, elle est essentielle dans l’atteinte des autres ODD. L’UE invite les Etats membres à placer désormais l’éducation au centre de leurs politiques de développement en accordant d’ici à 2024, 10% de leur APD à l’éducation et 15% à l’horizon 2030. L’UE reconnait la nécessité d’un investissement massif dans le secteur de l’éducation afin d’atteindre l’ODD4, ce qui passe également par la mise sur pied des moyens innovants au plan international pour le financement de l’éducation. L’UE lance un appel aux Etats pauvres d’investir d’abord eux-mêmes de façon importante dans l’éducation avant l’accompagnement de l’APD. Ces résolutions et bien d’autres visent à atteindre des objectifs en matière d’éducation qui, selon l’UE, peuvent aider à atteindre les ODD dans le monde.

Les priorités visées par la résolution de l’UE

La nouvelle philosophie du financement de l’UE en matière d’éducation doit répondre à deux priorités : Privilégier une éducation de qualité et inclusive, apporter un soutien renforcé aux Pays les Moins Avancés(PMA). C’est une nouvelle vision qui veut aboutir à :

  • La maitrise des apprentissages de bases notamment les compétences numériques, prérequis indispensables au développement des compétences et à l’insertion socio-professionnelle ;
  • L’éducation de la jeune fille, levier déterminant pour la réalisation des ODD ;
  • La mise en œuvre effective de la cible 4.1 des ODD concernant la gratuité de l’enseignement fondamental (gratuité appliquée à la scolarité, au transport, aux fournitures et à la nutrition) ;

Elle rappelle que les enfants réfugiés ou déplacés doivent être considérés  dès le départ comme prioritaire pour l’APD au secteur de l’éducation d’où l’impérieuse urgence d’un soutien dans ce sens aux pays en crise. Elle rappelle aussi l’importance de l’enseignement secondaire technique et professionnel pour l’employabilité des jeunes et le développement durable ; dénonce le système d’offres de bourses aux pays pauvres et accorde une préférence aux échanges universitaires et professionnels ; souligne la nécessité d’un système éducatif qui accorde une place de choix à la transmission des connaissances théoriques mais aussi qui permet aux enfants d’acquérir des compétences de réflexion pour poser de bonnes questions, qui permet d’avoir des compétences créatives afin de traduire les idées en acte. Elle accorde enfin une place de choix à l’éducation sexuelle qui aborde des questions de santé telles que le VIH, le planning familial et les grossesses. L’atteinte de ces différentes initiatives passe par l’amélioration d’une politique de l’aide.

L’amélioration de l’APD au secteur de l’éducation

L’amélioration de cette APD au secteur de l’éducation passe par un certain nombre de décisions prises par l’UE. Il s’agit de :

  • L’appel au financement de la recherche dans les PVD ;
  • l’appel à la nécessité d’une coordination des actions des bailleurs de fonds au sujet de l’APD afin d’éviter le double emploi et autres conflits;
  • La définition des critères stricts notamment de bonne gouvernance qui doivent accompagner l’APD de l’UE au secteur de l’éducation afin d’assurer son efficience ;
  • L’association des autorités locales et des organisations de la société civile dans la préparation de la mise en œuvre des programmes d’aide à l’éducation.

Cette résolution a été transmise au conseil de l’UE, à la commission de l’Union, au parlement Européen et aux Etats membres.

une synthèse de Patrick Kodjo

Télécharger Résolution-du-Parlement-européen-interdisant-le-financement-des-écoles-commerciales-privées-à-travers-laide-au-développement-de-lUE-Copy.pdf

 

Production écrite au BEPC 2018 : ces faiblesses qui interpellent

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L’Approche par compétence avec entrée par les situations de vie a engagé sa phase d’évaluation certificative. Les examens officiels de la session 2018 ont permis de certifier la première cuvée du BEPC APC. Les résultats de cet essai ont été quasi mirobolants. De quoi se féliciter. Pourtant, les principaux acteurs pédagogiques partagent un consensus dérangeant : tout le monde continue à tâtonner dans l’univers camerounais de l’APC, enseignants de classe, animateurs, conseillers comme inspecteurs pédagogiques. Est-ce parce que nous avons des difficultés à nous accorder sur l’APC, présupposés, contenus, techniques et enjeux, que nos apprenants, évalués à l’aune de cette approche, sont si bons ? Il faudra creuser cette question. En attendant et en manière de préparation à un éventuel travail d’évaluation, nous nous sommes intéressé à une des épreuves du BEPC session 2018 : l’expression écrite. Elle propose un nouveau modèle d’évaluation de la production écrite des apprenants, et de ce fait impose un nouveau paradigme d’enseignement/apprentissage de cette activité de la classe de français du premier cycle du secondaire. En partant des caractéristiques de cette épreuve, nous allons nous appuyer sur les plus récents consensus et résultats des recherches en pédagogie pour essayer de déterminer si ce nouveau paradigme d’enseignement/apprentissage de la production écrite peut permettre aux apprenants d’acquérir ce qu’il est désormais convenu d’appeler les compétences du XXIe siècle.

I. Des caractéristiques de l’épreuve d’expression écrite au BEPC 2018

Examinons le sujet 1 suivant d’expression écrite au BEPC session 2018 :

Sujet : L’insalubrité gagne nos villes. Le constat est alarmant. En tant que membre du Club « environnement », tu rédiges pour les jeunes de ton quartier, un texte de sensibilisation pour leur faire prendre conscience de la gravité du phénomène des déchets en tous genres jonchant les rues. En prélude à cette publication, tu partages avec eux ce texte :

A la maison, dans les hôpitaux, dans l’industrie, on rejette dans la nature de « l’eau sale » qui contient des déchets.

L’eau qui ruisselle entraîne ces déchets. Elle ramasse aussi les produits polluants utilisés dans les champs. Elle les emporte dans les rivières, les mers et les nappes souterraines. Ils rendent l’eau inutilisable.

Quand les saletés sont biodégradables, la nature arrive à « laver » l’eau, à « digérer » et à éliminer les détritus.

En ville, la population est nombreuse et rejette beaucoup de déchets (plastique, métaux, verre…) et de produits dangereux pour l’homme.

Préservons notre planète, Belin International, 2008, p.15.

Consigne : Produis un texte à dominante argumentative et explicative dans lequel :

  1. Tu présentes, en une dizaine de phrases complètes et bien construites, les dangers des déchets et des eaux sales.
  2. Tu proposes, dans un paragraphe bien élaboré, deux ou trois mesures à prendre pour lutter contre la pollution dans les quartiers.
  3. Tu expliques, en une dizaine de phrases cohérentes, comment traiter les déchets et les eaux sales pour éviter les maladies.

Ce sujet a une indéniable qualité : il est, malgré quelques maladresses de forme, d’une indéniable clarté, et dit avec une remarquable précision ce que l’évaluateur attend de l’apprenant-candidat. Sur le fond cependant, il présente de nombreuses curiosités.

Premièrement, il propose en ouverture un sujet classique complet de production écrite tel qu’on l’entendait avant l’APC :

Sujet : L’insalubrité gagne nos villes. Le constat est alarmant. En tant que membre du Club « environnement », tu rédiges pour les jeunes de ton quartier, un texte de sensibilisation pour leur faire prendre conscience de la gravité du phénomène des déchets en tous genres jonchant les rues.

Comme il est aisé de le constater, l’extrait ci-dessus comporte déjà bel et bien un constat/appréciation et un libellé. On aurait pu s’en tenir à cela, et le candidat aurait toujours fait son travail. Il est apparu nécessaire, au nom de l’APC sans doute, d’aller plus loin.

Deuxièmement donc, le sujet propose un texte/corpus, qui est en réalité un second constat sur le même thème, plus détaillé que le premier. Ce second constat est suivi d’un second libellé, lui aussi plus détaillé que le premier. Pourquoi ?

A l’examen, il apparaît que le second constat propose des réponses, à des questions qui seront posées explicitement par le second libellé. Le candidat se voit donc dispensé en tout ou en partie d’au moins deux types d’effort : l’effort d’élaborer un plan de sa production, celui de  meubler de contenus ce plan offert gracieusement. A dire vrai, on pourrait y ajouter une troisième dispense : celle d’introduire et de conclure sa production.

En lisant le sujet, on se dit de prime abord qu’il y a juste ambiguïté sur la question de l’introduction et de la conclusion, ou implicite : on y parle en effet de produire un texte, et l’on peut raisonnablement penser qu’un texte est un tout, introduit, développé et conclu. Le corrigé proposé nous ôte indiscutablement cette conjecture. Le travail attendu est-il même finalement un texte ou ne s’agit-il que de paragraphes autonomes ? Cette question a son importance. D’une instruction à l’autre, on passe de la notion de paragraphe à celle de phrases, puis plus simplement de lignes. On sait que chacune de ces notions résulte d’un présupposé différent. Rien n’indique au candidat sur l’épreuve, et au correcteur dans le corrigé, qu’il est besoin ici, entre deux paragraphes, ou groupe de phrases, ensemble de lignes, de penser aux transitions.

A l’orée du XXIe siècle, et au regard du contexte radicalement nouveau que propose une mondialisation accélérée, comment peut-on évaluer le modèle d’apprentissage qu’implique une telle évaluation ? Pour esquisser quelques éléments de réponse, nous aurons besoin préalablement de rappeler un consensus globalement adopté et d’examiner quelques apports théoriques.

II. Du consensus actuel sur l’éducation et de quelques apports théoriques

Avant d’aborder la question du consensus global actuel sur l’éducation et de quelques apports théoriques sélectionnés, nous voulons partir du fait que le BEPC est l’examen certificatif qui sanctionne la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire. Ce cycle clos désormais ce qui est considéré dans la déclaration d’Inchéon « Education 2030 » comme l’éducation de base aujourd’hui : pré-primaire, primaire et premier cycle du secondaire (Cf. cadre d’action, vision, logique et principes, point N°6) Il est ainsi aujourd’hui largement admis que l’acquisition des compétences dites transférables (capacité à communiquer dans une langue étrangère, capacité d’analyse et de synthèse, organisation, structuration et planification, autonomie et initiative, etc.) dépend du bon achèvement du premier cycle du secondaire. D’une part, des recherches montrent que ces compétences tendent à concourir comme critères de recrutement en entreprise aux côtés des diplômes requis, d’autre part, le pourcentage de jeunes de chaque génération qui sortent de l’éducation à la fin du premier cycle du secondaire au Cameroun reste dramatiquement élevé. Il est ainsi très important que les enseignements dispensés dans ce cycle mettent un accent particulier sur la qualité, puisqu’à la fin du premier cycle du secondaire près de 70% d’une génération de jeunes a déjà quitté l’école. C’est dans ce sens que la vision « Education 2030 » d’Inchéon affirme qu’ « il est dangereux de se concentrer sur l’accès à l’éducation sans prêter suffisamment attention à la question de savoir si les élèves apprennent et acquièrent vraiment les compétences pertinentes lorsqu’ils sont à l’école. »

Ces compétences, les éducateurs, les ministères de l’éducation, les gouvernements, les fondations, les employeurs et les chercheurs en parlent en termes de compétences du XXIe siècle et évoquent des capacités de réflexion supérieures, d’apprentissage approfondi, ainsi que d’aptitudes à la pensée complexe et à la communication.

Lorsque l’on parle d’acquisition de compétences, on ne peut ne pas faire la liaison avec ce que la psychologie d’apprentissage appelle niveaux d’apprentissage. Il existe de nombreuses taxonomies des niveaux d’apprentissage : Bruner, Bloom, Gagne, Krathwohl… Celle de Bloom est sans doute la plus citée. Elle propose six niveaux d’acquisition ordinairement restructurés en 4 paliers selon le schéma ci-après :

Comme on peut le noter, une bonne partie des compétences transférables (cf. énumération en supra) fait partie de l’étage supérieur de la taxonomie de Bloom. Un apprenant ne devrait donc pas achever son premier cycle du secondaire sans avoir acquis, entre autres, tous les niveaux de compétences déployés par ladite taxonomie.

III. Le niveau des compétences attendues de la production écrite au BEPC aujourd’hui : esquisse d’analyse

L’épreuve d’expression écrite au BEPC 2018 permet de se faire une idée de la qualité et du niveau des compétences que l’institution attend d’un apprenant en fin de premier cycle du secondaire au Cameroun aujourd’hui. Sur la base des caractéristiques du sujet que nous avons relevées plus haut il est possible de faire un certain nombre de constats.

Premièrement, la reprise expliquée du sujet accompagnée d’exemples d’illustration dispense l’apprenant du processus de construction de ses compétences de connaissance et de compréhension. Désormais, il n’a plus besoin de fournir l’effort de compréhension du sujet : ce travail est accompli par l’évaluateur dans la conception et la mise en forme du sujet. En d’autres termes, ne vous donnez plus la peine de réfléchir, lui dit-on, il y a des gens chargés de le faire pour vous.

Deuxièmement, il est aussi dispensé de la tâche d’organisation de ses idées : sous prétexte de lui assigner des tâches précises, on lui donne le plan de la production attendue de lui. Ce plan est-il dialectique ? analytique ? autre ?  Il n’a même plus besoin de savoir ce que ces mots veulent dire, puisque ces problématiques sortent du champ de son attention. Selon Stanislas Dehaene (2018), « En sciences cognitives, on appelle “attention” l’ensemble des mécanismes par lesquels notre cerveau sélectionne une information, l’amplifie, la canalise et l’approfondit. » En enlevant à l’apprenant le souci de la planification de ses idées, on soustrait de son attention certaines préoccupations et du coup il devient aveugle à celles-ci, sans doute pour la vie.

Troisièmement, le besoin de cohérence est occulté par le morcellement de la production imposé par la consigne. Celle-ci se transforme en pièces détachées, faisant disparaître la vue d’ensemble. Puisque la nécessité d’introduire ou de conclure disparaît elle aussi, que nulle part il n’apparaît qu’il faille relier les paragraphes par des transitions, l’expression écrite comme texte disparaît et devient un ensemble de morceaux écrits. Et ces morceaux ne sont plus que des pièces d’une machine que l’apprenant ne voit plus dans son ensemble. On lui commande des pièces pour construire un objet mais la tâche d’assemblage ne relève plus de ses compétences. C’est une forme de taylorisation.

Comment pourrait-il évaluer son travail puisque ce processus ne peut se faire efficacement que dans l’assemblage réussi des pièces ? L’apprenant est ainsi réduit à la compétence d’application : il n’est plus qu’un autonome.

 

Les enjeux du siècle que nous vivons sont désormais connus de tous et ils sont néo-darwiniens. Entre les nations, la compétition est impitoyable et l’arme la plus efficace pour s’y positionner avec un minimum de confort est l’éducation de qualité. De Dakar à Inchéon, le concept de qualité de l’éducation n’a cessé d’être affiné : on parle aujourd’hui de compétences du XXIe siècle. Nos contenus et méthodes d’enseignement/apprentissage doivent être orientés pour permettre l’acquisition desdites compétences, entre autres. Il nous semble, au regard de l’épreuve de production écrite au BEPC 2018, que la classe de français au premier cycle, cycle considéré désormais comme étape terminale de l’éducation fondamentale, ne prépare pas vraiment à l’acquisition de ces compétences du XXIe siècle. Mais il peut ne s’agir que d’un déplacement raté que traduit la qualité de l’évaluation, mais l’on sait qu’à terme celle-ci imposera un modèle d’enseignement/apprentissage. Aussi nous a-t-il paru urgent de réagir pour pousser à agir.

Roger KAFFO FOKOU, Enseignant.

 

 

 

 

 

COOPÉRATION MINESEC- ADEFPA : Du matériel du LT de Tignère abandonné à la rouille depuis bientôt cinq ans Au CETIC de Ngoa-Ekelle.

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 Par ASSOAH ETOGA Roland, Enseignant, SR SNAES Adamaoua

Dans le souci d’accroitre la qualité et l’offre tout en assurant une meilleure professionnalisation des enseignements, le Ministère des Enseignements Secondaires en raison de la modicité des moyens mis à sa disposition s’appuie sur des partenaires avec lesquels il entretient des coopérations. Dans la liste de ces partenariats figure la convention de partenariat avec ASDESS, l’accord avec la république de Côte d’Ivoire dans les domaines de l’enseignement technique et professionnel, les conventions avec des partenaires nationaux (Brasseries du Cameroun et Express Union pour les bourses, SHUMAS pour la construction d’infrastructures scolaires…) et Français (AFLI  et ADEFPA pour le renforcement des capacités des formateurs et l’équipement des lycées techniques entre autres).

Dans la mise en application et le suivi de la politique de coopération en matière d’Enseignement  Technique et Professionnel et des projets y afférents en liaison avec le Ministère chargé de la coopération,  l’Association pour le Développement de l’Éducation et la Formation Professionnelle en Afrique (ADEFPA) a fait don d’une importante quantité de matériels aux établissements techniques et professionnels du Cameroun en 2014. Le projet de répartition fait par la cellule de coopération du MINESEC a vu quelques établissements sélectionnés parmi lesquels le LTIC de Yaoundé, le LT de Bafoussam, le CETIC de Ngoa Ekelle, le CETIF de Ngoa Ekelle, le LTIC de Madagascar, les services centraux (CELCOOP) et le LT de Tignère. De ces dons, seul le Lycée technique de Tignère à ce jour, et nous sommes en fin d’année 2018, n’est pas encore entré en possession du sien.

Il s’agit entre autres d’une machine à coudre Industrielle Luki, d’une machine à coudre surfileuse, d’une scie radiale à bois Lyonflex, d’un rhéostat triphasé, de deux bancs d’essai machine à courant continu diverses, d’une surfileuse, d’une piqueuse et d’une boutonnière, soit neuf unités. Ce matériel en souffrance au CETIC de Ngoa Ekelle depuis bientôt cinq ans est en train de se rouiller. Les responsables du CETIC de Ngoa Ekéllé ne savent plus quoi en faire, d’autant plus que leur responsabilité y est engagée. À Tignère, le proviseur du lycée technique  devenu un fâcheux au gré de ses plaidoyers insistants auprès des élites locales, assiste impuissant, du fait de la faiblesse de l’effectif de son établissement, à une danse folklorique de discours, de promesses et d’assises infructueuses et inopérantes. Ce matériel constitue pourtant une aubaine pour cet établissement qui se trouve dans une zone prioritaire d’éducation où le comportement social réactionnaire à la scolarisation s’adoucit progressivement au fil des efforts de sensibilisation menée autour de l’utilité de l’enseignement technique et professionnel. Ce matériel pourrait accompagner cette dynamique et même la booster. Hélas ! rien n’y est fait, c’est plutôt le contraire.

En attendant que les élites et la communauté éducative achèvent de nous endormir d’une tenace langue de bois, les ateliers et les élèves du lycée technique de Tignère attendent de tous leurs vœux ce matériel providentiel qui se rouille et se détériore sous l’effet des intempéries, dans le mutisme total des toutes les parties devant intervenir dans le transport de ces quelques neuf unités. Ceci est une très mauvaise image que nous exposons à ces partenaires, sur la gestion et l’usage que nous faisons des fruits de notre partenariat, pour un problème de coordination, de solidarité et de responsabilité sociale.

INCONGRUITÉS DU SYSTÈME EDUCATIF CAMEROUNAIS: Désorientation des citoyens camerounais dans une spécialisation précoce.

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Par ASSOAH ETOGA Roland, Enseignant, Syndicaliste

BABIKOUSSANA OKI Priscille, Master en Science de L’éducation, Université de Yaoundé I

 

Le système éducatif camerounais, tel qu’il fonctionne actuellement, présente trois formes d’orientation en ce qui concerne l’enseignement secondaire. Il s’agit de l’enseignement général, normal, puis technique et professionnel. Chacune de ces orientations couvre des objectifs terminaux spécifiques. L’enseignement général  amène les élèves vers des études supérieures selon une visée académique et théorique ; l’enseignement normal s’occupe de la formation des instituteurs de la maternelle, du primaire et de l’enseignement technique ; l’enseignement technique et professionnel quant à lui forme aux premiers niveaux de qualifications nécessaires à l’exercice d’un métier ou d’un groupe de métiers (DSSEF, 2013)

Incongruités du système éducatif camerounais-désorientation des citoyens dans une spécialisation précoce

Hommage : Fabien Eboussi Boulaga s’en va, en toute discrétion comme il a vécu, mais une étoile restera au firmament

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Né le 17 janvier 1934, Fabien Eboussi Boulaga nous a tiré sa révérence ce 13 octobre 2018, avec cette même discrétion qui fut la marque de sa vie, en tout cas sûrement des dernières décennies de celle-ci au cours desquelles j’ai eu la chance de le rencontrer, de l’approcher quelquefois, de le connaître un tout petit peu. En fait, pour être tout à fait franc, je dois dire que je n’ai jamais eu l’occasion d’un véritable  tête-à-tête isolé avec lui : j’ai complété une fois, autour d’une table ronde sur l’intellectuel, un panel dont le duo majeur était formé du Professeur Eboussi et de Séverin Cécile Abéga, cet autre géant, écrivain camerounais dont la plume restera longtemps inimitable.  Je me souviens aussi de cette autre occasion où le professeur Eboussi devait donner la leçon inaugurale du congrès du Syndicat National des Enseignants du Supérieur (SYNES) qui se tenait à l’Université de Buea. Ce jour-là, avant de monter en chaire, il me confia négligemment ses lunettes et, une fraction de seconde, je me demandai s’il ne s’était pas trompé sur l’objet. Mais non, pour l’exercice, il n’en avait pas besoin et le montra, comme d’habitude, avec magistralité.

Je n’ai pas eu la chance d’être l’étudiant du Pr Eboussi, au sens institutionnel du terme. J’ai étudié la littérature à une époque où notre université n’avait toujours pas compris l’aberration qu’il y a à élaborer un cursus de littérature sans une unité de valeur de philosophie. Car comme le dit Albert Camus, « Un roman n’est jamais qu’une philosophie mise en images. », parce que, ajoute-t-il, « une œuvre durable ne peut se passer de pensée profonde. » Aussi, le peu de philosophie que je crois savoir, je l’ai surtout braconnée ici et là, sur le terrain de mes passions juvéniles. Cela me qualifie donc très peu pour donner une opinion sur le philosophe qu’a été le Pr Eboussi. Il me suffit de penser que la philosophie ne vaut que ce que vaut l’homme. En cela, il était difficile d’approcher le professeur Eboussi, de l’écouter un tant soit peu, sans se sentir d’une façon ou d’une autre son étudiant. L’incroyable hauteur ou profondeur de sa pensée en imposait, même dans ces aspects sur lesquels l’on n’était pas forcément d’accord avec lui, même à ceux qui ne comprenaient pas forcément tout ce qu’il disait. C’est que, semblait-il, il coulait sa pensée dans un verbe étincelant, comme de pierre précieuse. Le littéraire que j’essaie d’être autant que possible n’a jamais pu s’empêcher d’être émerveillé devant la précision radicale du choix des mots du Pr Eboussi : toujours le mot juste, inséré comme serti dans une phrase on dirait constamment sculptée. C’est sans doute par là que le littéraire entrait chez lui en osmose avec le philosophe. Son cerveau, comme celui d’Einstein décrypté par Roland Barthe, « produisait de la pensée, continûment ». Mais est-ce bien le penseur qui m’a le plus marqué chez lui ? Je n’en suis pas tout à fait certain. Peut-être bien que c’est l’empreinte de l’homme qui m’a le plus touché à son contact.

Chaque fois que je pensais à lui, il se superposait à son image, dans mon esprit, l’image de Maître Thierno, le célèbre personnage de Cheikh Hamidou Kane dans L’Aventure ambiguë. Il est vrai que le Pr Eboussi a lui aussi été homme de religion, mais je ne l’ai su que beaucoup plus tard. Pour moi, il avait du personnage de Thierno la même rigueur, l’égale frugalité, l’inimitable humilité, et le même refus de la compromission. Les pouvoirs établis ne l’ont pas célébré de son vivant : c’est qu’il n’a jamais eu pour ces derniers les yeux de Chimène. Ils ne pouvaient que redouter son regard acéré et vigilant, son verbe intransigeant mais dénué de passion. Peut-être viendront-ils sur sa tombe, avec une breloque républicaine ou une couronne de fleurs artificielles, le tout accompagné de ces mots qu’ils affectionnent préalablement vidés, nettoyés, soigneusement récurés de tout contenu, et qui sonnent d’autant plus forts qu’ils sont creux. « Ci-gît Eboussi Boulaga, qui ne fut rien, même pas ministrillon », se diront certains. Tout ce qui est or ne brille pas forcément.

Ces restes auxquels les uns et les autres rendront ce qu’il est convenu d’appeler un dernier hommage,  ce temple déserté et glacé, sera-ce encore vraiment lui ? Nous essaierons de nous en convaincre. Mais le Pr Eboussi, le vrai et non sa coquille visible, ne reposera jamais sous la terre, fût-elle celle de nos ancêtres. Maintenant qu’il s’est débarrassé de la vile poussière, la seule chose qu’il laisse à la poussière, il va pouvoir prendre son envol pour sa place dans le panthéon de tous ceux qui révèrent la pensée véritable, la pensée pure et plus brûlante que de l’éther, celle qui brille et dure comme du diamant ouvragé ; il va pouvoir se réchauffer dans le cœur de tous ceux qu’il a su toucher par ses immenses qualités humaines. Pour les générations montantes, il aura au firmament sa place je l’espère, comme l’étoile du berger, même si en cette heure sombre, où il nous quitte de chair et d’os, je ne puis m’empêcher c’est humain, empruntant les vers de Musset, d’interroger :

« Etoile, où t’en vas-tu dans cette nuit immense ?

Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux ?

Où t’en vas-tu, si belle, à l’heure du silence,

Tomber comme une perle au sein profond des eaux ? »

 

Roger KAFFO FOKOU, Enseignant – Ecrivain.

 

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