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Interview : « Qu’est-ce qui fait que les agendas, pour des actions et des déclarations conjointes, ne se concordent pas régulièrement ? »

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Interview : « Qu'est-ce qui fait que les agendas, pour des actions et des déclarations conjointes, ne se concordent pas régulièrement ? »

Interview spontanée de Roger Kaffo Fokou SG du SNAES réalisée par le Pr Alexandre T. Djimeli, enseignant de communication à l’Université de Dschang, ancien rédacteur en chef du quotidien Le Messager, sur la plateforme Médiation ST le 25/08/23. Celle-ci s’est faite dans le contexte de la rentrée scolaire 2023-2024 et de l’organisation d’un point de presse par un collectif de syndicats d’enseignants, alors que les stratégies des syndicats ne semblent nullement harmonisées sur le terrain…

Alexandre T. Djimeli : Le timing est bon. C’est le moment des grandes attentions sur l’école du fait de l’actualité sur les rentrées scolaires et académiques. Je suggère tout de même d’inviter des syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche pour assister à cette manifestation au moins en qualité d’observateurs.

Réponse : Nous sommes sur les mêmes plateformes et leur implication est acquise mais leur agenda doit être difficile à ajuster. On n’a pas à les inviter comme observateurs alors qu’ils pourraient organiser avec nous et même prendre le lead n’est-ce pas?

Alexandre Djimeli T.: Tout à fait. Mais mon inquiétude c’est que, alors que tous les syndicats de l’enseignement et de la recherche devraient avoir des combats communs au moins à 70 voire 80%, j’observe que les syndicats de l’enseignement maternel, primaire et normal évoluent de leur côté, ceux du secondaire du leur, de même que ceux du supérieur. Les syndicats de la recherche, quant à eux, sont bien peu visibles. L’observateur ne peut que formuler l’hypothèse d’une dispersion ruineuse pour les combats syndicalistes dans ce secteur de la vie nationale. Qu’est-ce qui fait que les agendas, pour des actions et des déclarations conjointes, ne se concordent pas régulièrement ?

Intervention inattendue de X : Autre hypothèse de païen, c’est que l’école n’est pas le vrai enjeu des mouvements syndicaux, autrement, la première quête aurait pu être celle d’une tutelle unique, harmonisée, harmonieuse, plutôt que l’éclatement actuel qui, en réglant peut-être les problèmes du politique, laisse l’école à ses… Angoisses. Je suis sûr que je me trompe… désolé

Réponse à X : Vous ne vous trompez pas, vous jugez de l’extérieur, comme nombre d’intellectuels qui pensent que l’action est facile, et elle le semble en effet vue d’une tribune. Cabral Libii qui a troqué la tribune pour le terrain comprendrait mieux mon observation. Vous voyez que je ne vous accuse de rien, je comprends bien votre position, dans la pluralité des sens de ce mot…

Alexandre T. Djimeli : SG, excuse-moi de revenir. Effectivement, vous n’accusez personne de rien. Mais à titre personnel, je pense que la (ou les) fédérations de syndicats qui existe(nt) doi(ven)t effectivement fédérer. Elle devrait justement exercer la prérogative de fédération parce qu’il y a quelque chose de très commun entre l’enseignement du premier degré, l’enseignement du deuxième degré, l’enseignement supérieur et la recherche. Je veux juste savoir, évidemment sans juger, pourquoi une communauté articulée d’action, sur les aspects communs entre ces niveaux de formation, est-elle si difficile.

Réponse : Alex, il faut utiliser l’analyse systémique et la théorie des champs de Bourdieu. Les positions dans le champ ne sont pas le fruit du hasard, et aux stratégies répondent de contre-stratégies. Vous voulez fédérer ici, en face on ne se croise pas les bras: on débauche et quand on ne peut pas, on crée des structures fantoches, etc. Tout cela marche parce que les structures qui par essence sont de masse fonctionnent avec des poignées de gens, souvent les plus durs qui acceptent de tout perdre au besoin, et les structures ainsi anémiées deviennent de fausses organisations de masses et de vraies organisations d’élites, au sens où seule une élite de la profession s’y risque. Et petit à petit une fracture s’installe, devient cassure et gouffre. Si vous croyez que le système est étranger à cette évolution de l’occupation du champ stratégique, c’est que vous le sous-estimez ou le comprenez mal. La critique endémique des syndicats (qui a pour pendant celle tout aussi endémique des partis politiques d’opposition) qui en résulte parachève la mécanique en faveur du statu quo et de l’ordre établi. Mais le résultat à long terme sera le chaos, qu’a préfiguré de façon exemplaire OTS.

Alexandre T. Djimeli : Merci pour cette première explication. Comment est-il possible de faire triompher les syndicats et le syndicalisme de production face aux puissances organisées de l’inertie ?

Réponse : Ce n’est pas facile mais on peut risquer quelques réponses. 1. Ne pas croire qu’un tel message de rupture va passer comme une lettre à la poste. 2. Travailler en profondeur son élaboration et procéder méthodiquement à sa dissémination. Convaincre ceux dont la parole est la première fonction sociale. 3. Commencer à poser des actions d’illustration sans se départir totalement de la vision jusque-là partagée (créer une transition). Ne pas avoir peur de laisser le chantier inachevé parce qu’il demande du temps. etc.

Alexandre T. Djimeli : Quelles chances ce programme a-t-il de réussir lorsqu’on sait que, un peu partout dans le monde, la force du changement est tributaire de la qualité de la réflexion certes, mais repose sur l’action cohérente et collective des “masses”. Comment donc entrevoir le changement si on admet, dans le contexte camerounais, que beaucoup d’enseignants reculent devant les propositions ou les offres syndicales?

Réponse : Il faut d’abord cesser de sous-estimer l’adversaire. S’acharner sur les syndicats (ou les partis d’opposition dans le champ politique) vient de ce qu’on sous-évalue l’adversaire que ces derniers affrontent, et au lieu de chercher à donner un coup de main, à contribuer, on stigmatise. Ce sont les idées qui l’ont toujours emporté à toutes les époques, mais elles doivent progressivement devenir dominantes. Cas pratique, la France: elle a été longtemps gouvernée à droite mais peu à peu la gauche y a gagné la bataille des idées. Ici, le premier conflit à gagner est celui des idées. Les professionnels de ce secteur ne sont d’accord sur rien, il suffit de regarder la télé tous les dimanches. Et cela “indécide” la pauvre masse qui ne sait plus à quel saint se vouer… Voilà le début du chantier. Les matérialistes pensent qu’ils vont gagner la bataille des moyens avant de s’attaquer à celle des idées. Je voudrais voir cela…

Alexandre T. Djimeli : Ouais, on va s’en sortir ? Mais je voudrais toutefois relever que parler de l’acharnement contre les syndicats ne me paraît pas juste. Je pense que les medias – en tout cas ceux qui proclament une certaine neutralité- qui interrogent les syndicats souhaitent leur amélioration. Ces médias ne sont souvent pas aussi tendres vis-à-vis de ceux qui organisent la contre-lutte syndicale.

Réponse : Alex, tu n’y es pas: il ne s’agit pas d’une question d’équilibre, cette fiction inventée pour forcer les médias à défendre malgré eux le statu quo. Il s’agit de prendre parti et de s’engager auprès des acteurs qui défendent les causes auxquelles on croit. Il ne faudra pas moins que cela. Il ne s’agit pas de faire de l’opinion mais de la sensibilisation. Etre neutre en face d’un déséquilibre flagrant, c’est se faire complice d’un massacre. La question syndicale mérite-t-elle un traitement particulier des médias? Oui, parce que nous sommes à 98% tous des travailleurs et que normalement la société devrait avoir 98% de syndiqués et de syndicalistes. Le journaliste qui me reçoit, et qui gagne si mal sa propre vie de journaliste, pourquoi n’est-il pas syndicaliste et solidaire de mes échecs et de mes réussites? C’est là que le jeu se situe avec ses enjeux.

Alexandre T. Djimeli : Comment penser que je n’y suis pas, SG, quand on cherche tous à comprendre ? Il ne s’agit pas d’abord d’y être; il s’agit d’abord de comprendre pour tirer des leçons et agir. Tout à l’heure j’ai posé des questions auxquelles vous avez apporté des réponses. Je voulais comprendre: (1) pourquoi la prégnance de la division dans le champ syndical; (2) que faire pour avancer face à l’adversité. Vous avez apporté un éclairage. Dans votre éclairage, il y a un aspect sur ce que l’on pourrait appeler un déficit de solidarité de ceux qui ont pour métier “la parole”. Il m’a semblé constructif de relever l’esprit qui prévaut dans le champ médiatique, relativement aux représentations sur l’action syndicale, pour que l’on en approfondisse la compréhension. Il ne s’agit donc pas de prendre parti contre les syndicats, ou d’accuser ceux que l’on pense qu’ils doivent accompagner l’action syndicale, mais d’abord de comprendre la situation …

Réponse : Je ne me fais sans doute pas bien comprendre sur ce point. Je veux faire passer l’idée que ce que les syndicats (organisations de travailleurs) attendent des travailleurs des médias, c’est qu’ils pensent à (n’oublient pas de) contribuer leur quote-part d’effort à la lutte commune. Ils ne sont pas d’abord des arbitres, ils sont partis d’un camp et l’autre camp les pousse subtilement à se désolidariser de leur propre lutte sous couvert d’une neutralité qui est une pure fiction. La ligne de la neutralité, comme toute ligne, est si tenue qu’on s’y trouve toujours soit dans le positif, soit dans le négatif, en déséquilibre en tout cas. Il faut choisir à mon avis. Est-ce que je me fais comprendre mieux?

Alexandre T. Djimeli : Je le comprends mieux mais je souhaite faire une ou deux précisions.

 (1)         Au sujet de l’équilibre, je souhaite relever qu’il ne s’agit pas d’une fiction. Il s’agit d’une règle de conduite professionnelle. On sait que le journaliste ne peut être objectif ; c’est clair. Mais il a l’obligation de respecter la règle de l’équilibre dans le traitement des informations polémiques, notamment lorsqu’il use des genres pour présenter ou expliquer les faits. Faire un article déséquilibré sur un sujet polémique, dans la catégorie des genres d’information (compte-rendu, reportage, entrefilet, etc.),  est une faute professionnelle. Mais on peut se l’autoriser dans les genres d’opinion (éditorial, chronique, billet, humeur, etc.) sans que ce soit une faute.

Réponse : Tout à fait d’accord. Mais qui a établi ces règles? L’avait-il fait sans arrière-pensée de conservation du statu quo? La pensée dominante de chaque époque étant celle de la classe (ou du groupe dominant) dominante, il faut songer sérieusement à violer les règles qu’on ne peut faire changer (théorie de l’insoumission qui a une origine révolutionnaire comme tu sais) par les voix de droit si l’on veut augmenter les chances de bouger le statu quo.

Alexandre T. Djimeli : (2) Relativement à la défense du statut quo, peut-être faudrait-il se souvenir de ce que le champ médiatique est fait, comme tous les autres champs, de forces oppositionnelles. Il y a des acteurs qui luttent pour le statu quo et d’autres qui se battent pour que les choses avancent. Il y a des médias qui soutiennent vivement certains syndicats et en combattent d’autres. Tout dépend de la configuration des acteurs dans le système, pas seulement dans un champ particulier. Mais un soutien peut être critique et le syndicat devrait accepter cette critique pour s’améliorer aussi et poursuivre son combat, probablement avec de nouveaux arguments.

Réponse : Les médias ne sont pas des monolithes: on y trouve quelques patrons qui font travailler (et les font baver souvent) une foule de travailleurs. Est-ce que leur conscience professionnelle, aux journalistes, est au-dessus de leur conscience de groupe? Ils sont avant tout journalistes et accessoirement travailleurs? Dans cette hypothèse, il y a chez eux un déficit idéologique à combler. Le linge sale se lave en famille, dit-on. S’ils se sentent de la famille des travailleurs, qu’ils viennent au syndicat apporter leurs critiques plutôt que sur la place du marché.

Alexandre T. Djimeli : Quand vous parlez de « s’engager auprès des acteurs qui défendent les causes auxquelles on croit », je vous comprends bien. Cela existe dans le champ médiatique. La ligne éditoriale, définie par chaque média, devrait nous départager ici. Des expériences de médias d’opinion et plus précisément de la presse politiquement marquée, solidaire des causes syndicales, existent bel et bien. « La question syndicale mérite-t-elle un traitement particulier des médias? » Ici, il me semble que nous sommes d’accord. Mais le journaliste qui mène une action syndicale fait-il la même chose lorsqu’il est dans l’exercice de son métier ? Là, il y a une distinction à faire. Dans les grandes affaires traitées par les médias, et qui concernant parfois-même la vie des journalistes, vous verrez qu’il y a l’information journalistique publiée à l’attention du public sur l’affaire et qu’à côté il y a les messages des organisations associatives ou syndicales sous diverses formes, publiées de manière distinctes dans les mêmes médias. « Le journaliste qui me reçoit, et qui gagne si mal sa propre vie de journaliste, pourquoi n’est-il pas syndicaliste et solidaire de mes échecs et de mes réussites? C’est là que le jeu se situe avec ses enjeux » De nombreux journalistes que vous voyez dehors là sont syndiqués. Beaucoup sont dans des organisations associatives dont l’action poursuit également une amélioration des conditions de vie et de travail. Je peux vous dire que tout journaliste est sensible à l’injustice ; c’est ce qui le motive même à travailler. Mais comment rendre compte de cette injustice pour ne pas se retrouver en train de faire autre chose que le métier que l’on croit exercer ?

Réponse : En effet, il s’agit de outsmart l’adversaire, pas d’y aller avec de gros sabots. C’est ce que je demande à l’enseignant dans sa salle de classe. Il y a le pouvoir de façonner les futures générations (comme le journaliste a le pouvoir de sculpter l’opinion): mais comment en use-t-il? Le fait-il à son avantage et à celui de la vision sociale qu’il porte au cas où il en porte une?

Alexandre T. Djimeli : A-t-il, au-delà des illusions, un avantage propre en faisant ce qu’il fait?

Réponse : Peut-être pas. Certainement pas, à bien y penser. Mais il peut lui arriver de croire qu’il en a un. C’est une méprise courante, soigneusement entretenue la plupart du temps par le camp d’en face. On utilise avec lui ce que nous appelons le pouvoir rétributif à la fois dans sa version positive (récompenses pour service bien rendu) et négative (faveurs pour zèle démontré). C’est un baume formidable contre la mauvaise conscience. Il finit par se convaincre qu’il ne fait que son travail, et qu’on aurait tort de lui en vouloir pour cela. Il met cela dans la rubrique conscience professionnelle, respect de l’éthique et de la déontologie du métier. Et c’est une véritable aubaine pour le camp d’en face qui peut se frotter les mains et boire du petit lait. Parce qu’au bout, il contribue au triomphe de la légalité sur la justice sociale. Il a accepté d’être ou est devenu sans le savoir/vouloir un puissant gardien de l’ordre établi contre son camp et lui-même. Généralement, il ne s’en rend compte que trop tard, quand le système n’a plus besoin de lui et que ses œillères lui sont alors ôtées sans ménagement. Mais il y a ceux qui se battent, subissent la rigueur du pouvoir répressif du patronat et avancent la lutte avec d’énormes difficultés. En clair, s’aligner au dogme établi, quoi qu’on croie avoir gagné, c’est presque toujours perdre du côté de l’essentiel, c’est se retrouver, consciemment ou inconsciemment, en train de passer à côté de l’histoire.

D’une pédagogie poétique à une poétique de la pédagogie.

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D’une pédagogie poétique à une poétique de la pédagogie

Publié 25 juillet 2023, Écrit par: Diana Léocadie et Sydalise Dufestin

La pédagogie parle de l’enfant. La poésie s’adresse à l’enfant, celui qu’on a été. Il est peut-être alors possible, dans cette alliance de mots, de trouver quelque chose d’encore inexploré, ou de si simple qu’on n’y a pas pensé. Quelque chose qui ouvrirait de nouvelles portes, de nouveaux chemins, en renouvelant le regard sur l’école.

« On m’a souvent demandé : la poésie, à quoi ça sert ? (…) j’ai beaucoup réfléchi, et aujourd’hui, je sais : la poésie, c’est comme des lunettes. C’est pour mieux voir. »

Jean-Pierre Siméon

Utiliser le prisme de la poésie pour réfléchir à la pédagogie serait-ce mettre des lunettes pour mieux voir ? Parce qu’elle parle de l’enfant, parce qu’elle s’adresse à lui, la pédagogie se veut légère, aérienne et non trop lourde à porter. Pour cela, elle doit sans cesse se réinventer.

De son côté, la poésie touche aux émotions et aux sensations. Elle éduque l’enfant aux valeurs humanistes, au sublime et elle l’élève. Elle donne le pouvoir aux mots, à la parole. Elle le conduit sur le chemin de la connaissance en lui parlant son langage, lui qui sait jouer si savoureusement avec les mots. Elle fait appel à sa créativité.

Au travers des images, des métaphores, la pédagogie prend délibérément une fonction poétique et s’intéresse au rythme. Celui de l’enfant, des programmes, des apprentissages. Tout ce qui va donner au poème sa musique – les temps, les pauses, la mesure, le mouvement, le tempo, les cycles – fait écho à une autre partition qui se joue dans le temps de l’école et celui de l’élève. « De la musique avant toute chose » nous rappelle Verlaine dans son Art poétique.

L’école est un jardin

 The gardener does not make a plant grow. The job of the gardener is to create optimals conditions.” [« Le jardinier ne fait pas pousser la plante. Le travail du jardinier est de créer les conditions optimales. » ]

Sir Ken Robinson

Enseignantes dans un collège en Education Prioritaire Renforcée [1], nous avons co-écrit un ouvrage, L’Ecole est un jardin. L’élève, un être en fleur, qui met en avant et explicite cette démarche. La métaphore florale, en filigrane, propose une entrée novatrice, celle d’une poétique de la pédagogie : L’Ecole, un jardin ; l’élève, un être en fleur, en devenir. Elle montre, à travers diverses expérimentations, qu’il est possible d’appuyer sur le levier de l’environnement, qu’il soit réel ou rêvé, pour renouveler le rapport aux apprentissages et au savoir. Un levier simple d’utilisation, efficace, disponible immédiatement et transposable. Elle place ainsi l’environnement et son impact au cœur des enjeux pédagogiques.

Notre école-jardin prend ancrage dans un concept, celui de la médiation par l’environnement. Concevoir ce dernier comme un médiateur c’est en percevoir toutes les inflorescences au cœur des programmes, des parcours pour recréer les liens entre les disciplines. C’est aussi explorer d’autres chemins pour réconcilier l’élève avec les apprentissages. Pour reprendre un des principes de la pédagogie Reggio Emilia concernant la petite enfance, l’environnement apparait alors comme « ce ou cette troisième professeur·e » qui, en appui au personnel enseignant, aux parents, aux pair·e·s, peut favoriser l’apprentissage et développer le potentiel des élèves. L’espace devient donc à la fois éducateur et objet éducatif. Eduquer par et à l’environnement, c’est à la fois transmettre un patrimoine unique et partager des valeurs. C’est aussi remotiver l’élève à partir de son environnement immédiat, en travaillant à la fois l’ancrage et le voyage au cœur du savoir. Une école, un collège, un lycée ont plus que jamais leur place au milieu des arbres. L’inverse est vrai aussi. Dans son ouvrage, Les Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Edgar Morin nous le rappelle « La terre est notre patrie, notre maison commune ; elle est notre jardin ». Il s’agit de prendre connaissance et conscience à la fois de son identité complexe et de son identité commune avec toute l’humanité.

Faire résonner l’Ecole

Avant toute chose, l’Ecole est le lieu des relations, des connexions humaines. À travers les alliances éducatives, les valeurs telles que la coopération, la solidarité, la créativité, la confiance, la compassion, nous pouvons tisser des liens, ce lien social qui développe et optimise notre quotient relationnel. Une pédagogie de la résonance, comme l’explique le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa. Pour lui, elle constitue un espace de résonance fondamental : « À l’école, la relation au monde se déploie dans des processus d’interaction très denses, avec les personnes comme avec les choses, à l’intérieur de la classe, mais aussi dans la cour de récréation, sur le chemin de l’école, en voyage scolaire… ». Elle s’inscrit aussi dans une relation poétique avec le monde. C’est lorsque le professeur actionne des leviers de résonance : pratiques artistiques et culturelles, reconnexion avec la nature, engagement des élèves…« que le monde, pour l’élève, commence à chanter ».

Un enjeu de société car ces lunettes poétiques sont une opportunité pour redonner du pouvoir d’agir aux citoyennes et citoyens de demain, en écho aux propos de François Cheng. « Si l’Homme a naturellement besoin de faire, ce n’est pas seulement au niveau d’une production matérielle et directement utile au plan social, c’est surtout dans la dimension de ce que les Grecs appelaient poïen, qui signifie ‘faire’ au sens de la poïesis, la ‘création’. C’est par ce ‘faire’ créatif, par le travail en vue d’une réalisation que l’homme donne un sens à sa vie, qu’il devient le ‘poète’ de sa vie. Telle est sa vocation, ce à quoi il est appelé. »

Penser la pédagogie à travers le prisme de la poésie, oui, c’est mettre des lunettes pour mieux voir. Cette démarche met en avant une vision systémique de l’enseignement et vise au final à induire un changement sociétal dans lequel chacun et chacune d’entre nous est partie prenante. Nous sommes le tout et la partie : cultiver chacun et chacune sa capacité d’émerveillement et de créativité peut changer le tout.

N’est-ce pas une chose vivifiante et qui se pose comme une évidence, que la faculté de trouver de la poésie, de la joie, du sublime dans le monde qui nous entoure et à fortiori dans la pédagogie, art et science qui construit l’homme de demain ?

En France, la politique d’éducation prioritaire se fond sur une carte des réseaux d’établissements primaires et secondaires – REP et REP+ – et vise à réduire les écarts de réussite entre les élèves scolarisé·e·s en éducation prioritaire et ceux qui ne le sont pas.

https://www.ei-ie.org/fr/item/27847:from-poetic-pedagogy-to-a-poetics-of-pedagogy?_

Management de l’éducation : la Ministre des enseignements secondaires désavoue ses collaborateurs ?

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Management de l'éducation : la Ministre des enseignements secondaires désavoue ses collaborateurs ?

Le 30 mai 2023, madame Nalova Lyonga, Ministre en charge des enseignements secondaires au Cameroun a publié un communiqué radio sous la référence 70/23/CR/MINESEC/SG/ DRH/SDP/SFCP dont la teneur est la suivante :

Le ministre des enseignements secondaires informe tout le personnel de son département ministériel qu’il est désormais possible de dénoncer, sous anonymat, les personnels en position d’absence irrégulière à l’adresse www.minesecdrh.cm.

Le Ministre invite tous ceux qui ont connaissance des enseignants absents de leurs postes de travail à bien vouloir le signaler à l’adresse susmentionnée.”

Cette correspondance fait depuis sa publication, les gorges chaudes dans le milieu enseignant dont les forums sont inondés de messages par milliers. Entre ceux qui accueillent favorablement l’appel de Madame Lyonga et leurs collègues qui lui adressent une fin de non recevoir dans des joutes teintées à la fois de bon sens et de passion, un élément unit les deux camps: la sincérité de cette démarche ministérielle.

En effet, que cache l’invitation de la Ministre des enseignements secondaires à “tous les personnels de son département ministériel” pur dénoncer “les personnels en position d’absence irrégulière”, et pourtant toute une administration mise en place est chargée de remplir cette mission d’assainissement ?

Une réponse à cette question réside dans la crise de confiance au sein de la chaîne hiérarchique. Disons-le sans langue de bois: le milieu scolaire est gangrené par la prolifération des pratiques malsaines sous le regard complice de la hiérarchie. Tout est faux. Des rapports des assemblées générales aux recensements des personnels en passant par les statistiques, rien n’échappe à l’industrie du trucage des données. En somme, le travail est bâclé, voguant ainsi dans des eaux troubles au gré des vents capricieux de ceux qui ont les godasses pour s’accrocher. Tenez par exemple : en pleine période COVID, alors que de nombreux établissements scolaires avaient adopté le système de double flux entraînant l’érosion d’un nombre important d’heures d’enseignement, le taux de couverture des programmes contre toute attente, a pris une trajectoire inverse, tutoyant sans scrupule les 80%. Et tout le monde a applaudi sans aucune réserve, donnant ainsi de l’amplitude à cet exploit mortifère. Ce malaise qui transpire du “SOS” de madame Nalova Lyonga augure-t-il d’un grand coup de balai pour donner au “Green School” et au “Clean School” toute leur envergure ? Ceux qui vivront verront.

L’illusion du mouvement peut également être convoquée pour expliquer l’appel à la “dénonciation” lancé par madame la Ministre. L’art de faire semblant d’avancer tout en marquant le pas sur place que nous empruntons au professeur Claude ABÉ, pourrait également justifier cette sortie et étayer le doute que les enseignants projettent sur la sincérité de l’auteur. Rappelons que cette correspondance intervient en pleine période d’examens certificatifs avec toutes les menaces à leur déroulement comme autant d’épées de Damoclès pendus au-dessus de ces derniers. Les enseignants boudent de plus en plus ces examens et ne supportent plus que leurs dus leurs soient payés dans des délais qui se dilatent à l’infini. Ils en ont marre de ces tâches ingrates, rémunérées en monnaie de singe tandis que certains de leurs collègues se la coulent douce sous des cieux paisibles, avec la bénédiction de la hiérarchie qui les couvre de sa bannière protectrice.

Une autre illustration de ce deux poids deux mesures: en plein examen du probatoire de la session 2021, la rareté des épreuves dans les centres d’examen à défrayé la chronique conduisant ainsi à des retards inédits. Ce dysfonctionnement hautement préjudiciable à plus d’un titre est curieusement passé sous silence alors que c’était là une occasion idoine de siffler la fin de la récréation. Mais il n’en a rien été. Cette impression de deux mondes parallèles aux destins opposés jette un voile de doute légitime sur les intentions actuelles de madame Nalova Lyonga. L’ouverture d’une fenêtre d’impunité pour les uns (bourgeois, haut placés et leurs affidés) et l’application de la tolérance zéro pour les autres (ouvriers, travailleurs) crispent l’atmosphère de la collaboration.

Au-delà de toutes ces questions qui émergent avec plus ou moins de réponses satisfaisantes, se pose celle de la finalité de la démarche. Qu’espère obtenir madame la Ministre ? Nous pensons humblement que rien. Peut-être quelques victimes expiatoires seront servis en holocauste justement pour donner l’illusion du mouvement. Les enseignants dans leur immense majorité n’y croient pas, nargués qu’ils sont sur le terrain par ceux qui ont le bras long.

Cette approche hautement clivante et à tête chercheuse réfute la voie officielle (qui part du Surveillant Général aux services centraux en passant par le Proviseur et les délégations du MINESEC) pour lui préférer celle de la dénonciation anonyme. Or il est connu que l’action sous anonymat porte très souvent en elle les germes de l’irresponsabilité et de la délation.

Comment dont feront-ils pour démêler l’écheveau, pour distinguer la dénonciation de la délation, face à ce flux important de données disparates dont sera inondé le site web dédié à cet effet? En plus des nouveaux comptoirs qui seront ouverts pour accroître le mal qu’on dit vouloir combattre avec le lot de harcèlement qu’il pourra charrier, il y a que les personnels visés par le communiqué de la Ministre pourront être les principaux dénonciateurs/délateurs, leur action consistant à saturer les serveurs dans l’optique de noyer la cellule informatique sous une masse d’informations plus ou moins exactes, l’objectif final étant de rendre impossible leur exploitation.

Pourquoi tant de gesticulations pour des résultats chétifs au détriment de véritables solutions à même de réduire le mal à sa plus simple expression ? Les chemins sont balisés et les acteurs connus. Seule manque à l’appel la volonté authentique pour le plus grand désarroi de l’école qui se meurt.

YONGUI HEUBO Patrick William

Rédacteur SNAES.

Syndicalisation et renouveau syndical : quelles leçons de “la guerre contre le personnel enseignant” au Royaume-Uni?

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Syndicalisation et renouveau syndical : quelles leçons de “la guerre contre le personnel enseignant” au Royaume-Uni?

Écrit par: Howard Stevenson , Les Mondes de l’Education, 20 Mars 2023

Comment les syndicats peuvent-ils s’engager dans un véritable processus de renouveau syndical et renforcer leurs capacités d’action afin de répondre aux besoins de leurs membres dans un environnement politique en évolution rapide ?

Dans notre nouveau livre, « Lessons in Organising: What trade unionists can learn from the war on teachers (Leçons de syndicalisation : ce que les syndicalistes peuvent apprendre de la guerre contre les enseignantes et les enseignants) », nous analysons l’expérience du National Education Union (NEU) [1] qui a su rassembler tout au long de la pandémie, en œuvrant pour que les politiques publiques privilégient la santé, la sécurité et le bien-être des élèves, des personnels de l’éducation et des populations.

Une victoire syndicale de taille pour la sécurité des écoles et des populations : le chemin parcouru

À l’époque, le gouvernement britannique avait à décider si les écoles en Angleterre devaient être entièrement ouvertes ou fonctionner en « mode confinement », les élèves vulnérables et les enfants de travailleuses et travailleurs essentiels allant seulement physiquement à l’école tandis que les autres élèves apprenaient en ligne. Ce qui est maintenant clair, c’est que le gouvernement était profondément divisé sur la question. L’organisme spécialisé chargé de transmettre des informations fiables et approfondies sur la gestion de la pandémie, recommandaient aux écoles de travailler en mode confinement, et il est récemment apparu que le ministre responsable de la santé soutenait cette approche. Cependant, le ministre responsable de l’éducation était déterminé à ce que les écoles restent entièrement ouvertes. Dans ce différend entre ministres de haut rang au cœur de la gestion de la crise de santé publique, le Premier ministre Boris Johnson s’est rangé du côté de son ministre de l’Éducation et la décision a été prise, contre l’avis des spécialistes, de garder les écoles totalement ouvertes à la rentrée.

Le dimanche 3 janvier, Boris Johnson est intervenu dans les programmes politiques du week-end à la télévision et a déclaré qu’il n’avait « aucun doute » que les écoles étaient sûres et que les parents devaient « absolument » envoyer leurs enfants à l’école le lendemain.

Le même jour, le Syndicat national de l’éducation NEU a organisé une réunion Zoom en ligne à laquelle ont assisté 40.000 membres et qui a été regardée en direct sur d’autres médias sociaux par 400.000 autres personnes.

Le résultat a été une mobilisation dans tout le syndicat au cours de laquelle les membres ont invoqué leurs droits en matière d’emploi et de santé et sécurité au travail pour exiger des lieux de travail sûrs. Cela a nécessité une action immédiate et bien organisée à grande échelle, dans 24.000 écoles différentes, pour exiger que les écoles ne rouvrent complètement que lorsqu’il était tout à fait sûr pour elles de le faire.

Dans la soirée du 4 janvier, jour de la rentrée scolaire, Boris Johnson a participé à une émission télévisée en direct spécialement organisée pour dire que les écoles étaient des « vecteurs de transmission » et qu’elles devaient fonctionner à distance jusqu’à la mi-février au moins.

Ce fut un moment extrêmement important : l’instant où un gouvernement très fort (avec une large majorité au parlement) a été contraint de faire volte-face dans un domaine politique clé de la pandémie et de faire passer la sécurité des populations avant ses propres priorités politiques.

« L’action du NEU au cours de ces journées a sauvé des milliers de vies – pas principalement la vie d’enfants ou même celle de la majorité des enseignantes et enseignants – mais de ces personnels, parents et grands-parents qui étaient cliniquement extrêmement vulnérables et qui n’avaient pas encore été vacciné·e·s ».

Kevin Courtney, Secrétaire général conjoint du NEU.

Notre argumentaire dans le livre est que la réussite du syndicat à ce moment-là n’était pas le résultat fortuit d’un ensemble particulier de circonstances inhabituelles et de jugements rapides de la direction du syndicat, mais plutôt le résultat d’au moins 10 ans de stratégie de (re-)syndicalisation dans laquelle les membres du syndicat s’étaient engagé·e·s dans un processus actif de renouveau syndical.

Le renouveau était nécessaire parce qu’il était apparu depuis longtemps que les gouvernements anglais successifs étaient déterminés à affronter, vaincre et détruire les syndicats de l’éducation afin de pouvoir aller de l’avant avec leurs plans radicaux de restructuration des écoles selon un projet néolibéral (faire fonctionner les écoles comme des entreprises individuelles en concurrence sur un marché). C’est ce que nous entendons par l’expression « guerre contre le personnel enseignant» présente dans le titre du livre. L’une des caractéristiques de cette « guerre contre le personnel enseignant » a été la création délibérée d’un environnement hostile à l’activité syndicale traditionnelle [2]. Ce qui est également devenu clair, c’est que dans cet environnement fortement modifié, le syndicat ne pouvait pas continuer comme si rien n’avait changé. Les changements subis par le contexte exigeaient une transformation du syndicat.

Dans le livre, nous analysons le processus de renouvellement du NEU alors qu’il cherchait non seulement à combattre la restructuration néolibérale du système scolaire, mais aussi à à travers sa propre transformation afin de renforcer le pouvoir syndical dans un environnement très différent. Nous présentons nos conclusions sous la forme de trois « leçons de syndicalisation » que nous résumons ici :

Leçon 1 : le syndicat est présent sur le lieu de travail

La première leçon consiste à se concentrer sans relâche sur le renforcement de la présence, de la visibilité et de l’influence des syndicats sur le lieu de travail. « Le syndicat » peut souvent sembler distant et détaché de la vie professionnelle quotidienne des membres du syndicat. Les affilié·e·s « voient » le syndicat lorsqu’un courriel apparaît dans leur boîte aux lettres électronique ou lorsque le ou la secrétaire général·e apparaît au journal télévisé. Ce qui est important, c’est que les membres du syndicat « voient et ressentent » le syndicat sur leur lieu de travail, où les personnels sont directement confrontés aux problèmes qui façonnent leur capacité à effectuer leur travail. C’est sur le lieu de travail que les membres développent une identité collective – c’est là que le syndicat est réel et que l’appartenance au syndicat est tangible et significative. Cela ne se produit pas dans un sens abstrait, et cela ne peut pas être créé à distance. À son niveau le plus fondamental, il faut que quelqu’un agisse comme point focal de cette visibilité et attire les autres dans le collectif. Pour le NEU, il s’agissait de se concentrer sans relâche sur le recrutement, le soutien et le développement des membres du syndicat pour agir en tant que « représentant syndical d’établissement». Un tel rôle sera différent selon les syndicats et les systèmes, mais la personne qui joue ce rôle clé sur le lieu de travail fait une réelle différence en rendant le syndicat tangible dans la vie des membres.

Leçon 2 : la syndicalisation doit être politique

La lutte sur les objectifs, l’importance et les valeurs de l’éducation publique est une lutte politique. C’est une lutte qui porte sur la forme que prendra l’avenir et elle sera toujours contestée. Il ne s’agit pas de politique partisane, mais de politique éducative dans un sens beaucoup plus large. S’organiser sur le lieu de travail autour d’importantes questions de rémunération et de conditions de travail est évidemment essentiel, mais cela ne peut pas être suffisant. De telles luttes remettent en question les principales injustices, mais elles remettent rarement en question les causes les plus fondamentales du problème.

Notre deuxième leçon met en évidence la nécessité de relier les préoccupations immédiates à un ensemble plus large de questions et d’utiliser ces questions pour tourner le syndicat vers l’extérieur. Par exemple, pendant la pandémie, le NEU a évidemment fait campagne autour des problèmes de santé et de sécurité dans les écoles, mais il a lié ces problèmes au besoin de santé et de sécurité dans la collectivité. Il a également lié les problèmes d’apprentissage à distance aux questions plus larges de la pauvreté des enfants, de nombreux enfants n’ayant pas accès aux ressources pour participer à l’apprentissage à domicile. Une campagne sur les repas scolaires gratuits a souligné les liens entre la réussite scolaire des enfants et la nécessité de lutter contre la pauvreté et les inégalités structurelles au-delà des écoles.

Il est nécessaire de s’organiser autour d’idées et d’une vision alternative de ce que l’éducation publique doit signifier. Cependant, ce travail ne se limite pas aux messages de haut niveau élaborés par des spécialistes de la communication au siège du syndicat, aussi important que cela puisse être. Il doit impliquer les membres du syndicat à la base, à la fois en éduquant les membres du syndicat et en les encourageant à agir dans leur communauté.

Leçon 3 : le leadership est important

Les leçons 1 et 2 pointent inexorablement vers notre troisième leçon : le leadership est important, car ce sont les gens qui font changer les choses. Cependant, nous ne nous intéressons pas aux « leaders » au sens strict (par exemple, celles et ceux qui occupent de hautes fonctions dans le syndicat), mais à l’ensemble de celles et ceux qui, dans le syndicat, s’engagent pour aider les autres à comprendre leur environnement, imaginer des alternatives et à agir collectivement pour faire changer les choses. Le leadership ne concerne pas un poste ou un rôle, mais il est défini par la fonction exercée. Ainsi présenté, le leadership au sein du syndicat peut (et doit) s’exercer à tous les niveaux de l’organisation. En effet, notre troisième leçon est centrée sur la nécessité de se concentrer de manière pertinente sur la construction de ce type de leadership dans toute l’organisation et de veiller à ce que les « niveaux » du syndicat ne soient pas discrets et déconnectés, mais plutôt qu’ils soient organiquement intégrés. Vu sous cet angle, nous soutenons que la qualité clé de n’importe quel·le leader est la capacité à développer le leadership chez les autres.

Pas un manuel prêt à l’usage, mais une source d’inspiration pour passer à l’action

En présentant ces trois leçons ici, nous savons que nous condensons des éléments en réalité plus nuancés et controversés, dans un format qui ne permet pas de rendre compte facilement de la complexité. Nous présentons également une étude de cas d’un seul syndicat de l’enseignement dans un contexte national très spécifique. Il appartiendra à d’autres de décider comment et dans quelle mesure ces leçons peuvent s’appliquer dans des circonstances très différentes. Dans le livre, nous le reconnaissons clairement – ces trois leçons ne sont pas les seules leçons, et elles ne sont certainement pas un ensemble de leçons à suivre et à mettre en œuvre de manière simpliste. Elles sont présentées pour encourager la réflexion, provoquer la discussion et encourager l’apprentissage collectif. Le livre ne prétend pas être un manuel à l’usage des syndicalistes, mais nous espérons qu’il servira d’inspiration au moment du passage à l’action des personnels qui partout s’engagent dans la lutte pour une éducation publique de qualité.

1. Le National Education Union (NEU) a été formé en 2017 à la suite de la fusion du National Union of Teachers (NUT) et de la Association of Teachers and Lecturers (ATL).

2. Par exemple, la négociation collective au niveau national a été abolie en 1987 et les réformes scolaires ont délibérément fragmenté le système scolaire pour donner à chaque école le pouvoir de déterminer la rémunération et les conditions d’emploi du personnel.

Éducation : la colère des enseignants du Cameroun élève de nouveau sa voix.

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Éducation : la colère des enseignants du Cameroun élève de nouveau sa voix.

Et voilà que çà recommence. Les enseignants du Cameroun n’en peuvent plus d’être parqués dans les bantoustans infects de la fonction publique, jetés en pâture à tous les vautours qui se sentent pousser les ailes de la profanation de cette profession qui forme pourtant l’élite de demain.

Le 15 mars dernier, l’intersyndicale de l’éducation s’est réunie à Yaoundé pour tirer une fois de plus, la sonnette d’alarme sur les problèmes des enseignants qui s’amoncellent au fil des ans et qui pourraient être le terreau fertile d’une déflagration sociale de grande ampleur. 

Au rang des sujets abordés figurait la discrimination salariale pratiquée par le gouvernement, dans la rémunération des personnels civils et militaires dont il a la charge. Ce déni de la loi fondamentale fièrement assumée et de manière décomplexée par ceux qui président aux destinées de notre cher et beau pays, a une fois de plus pour cible l’enseignant dont le dos est si large qu’on pourrait lui faire porter tous les fardeaux.

Tenez par exemple : aux indices identiques (1140 par exemple), la différence entre les salaires de base des personnels civils et militaires est une béance inexplicable qui tutoie les 157%. De plus, quelles explications cohérentes pourraient rendre compte du plafonnement indiciaire des enseignants à l’indice 1140 alors que dans le même temps, les autres fonctionnaires continuent d’avancer dans leurs carrières ? C’est tout simplement du mépris, un doigt d’honneur brandi sans scrupule à la face de l’enseignant qu’on pousse dans ses derniers retranchements. Mais attention à la bête féroce qui se laisse acculer dans une pièce sombre et sans exutoire.

Outre les questions relatives à la rémunération des enseignants, l’assassinat à Massourtouk de monsieur AYANG KOFTOUNG Emmanuel enseignant au lycée bilingue de Kaélé, par des éléments du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), a également été discuté. Cet autre crime odieux semble être enrobé d’un manteau qui entretient l’omerta. À ce jour, aucun retour favorable ne permet de dire sans équivoque qu’une suite favorable sera donnée à la profession enseignante qui crie après la justice.

Les exactions sur les enseignants sont devenues monnaie courante au point de faire désormais partie des faits divers dont on parle en passant, comme s’il s’agissait des « no name ». Méprisé par le gouvernement et abandonné dans une société désincarnée, l’enseignant subit les foudres de tous les éléments de son biotope, sans que jamais la justice ne soit à son chevet. Et quand ces dérives arrivent à leur comble, quand la violence atteint son paroxysme dans le tissu social, c’est encore la victime d’hier qui est pointée du doigt, avec le fallacieux argument qu’il fait mal son travail d’éducation et de diffusion des valeurs. Mais qu’attend-on de l’enseignant, tout garant de la qualité de l’éducation qu’il est, quand il est constamment humilié au milieu de ceux qu’il est sensé transformer ?

Le gouvernement espère-t-il comme à son habitude, moissonner sur des champs de ruine, au moyen de la technique du pourrissement qu’il déploie de manière atavique pour taire les revendications sociales et corporatistes ? Rappelons à toutes fins utiles que le Forum National de l’Éducation dont les travaux préliminaires sont achevés depuis 2019 sanglote désespérément dans les tiroirs du gouvernement qui reste sourd aux sirènes avant-gardistes.

YONGUI HEUBO Patrick William, Rédacteur SNAES.

Adhésions massives et popularité en hausse : la réforme des retraites sauvera-t-elle les syndicats ?

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Adhésions massives et popularité en hausse : la réforme des retraites sauvera-t-elle les syndicats ?

Par Lou Fritel, Publié le 24/02/2023 à 6:00

Les organisations syndicales revendiquent de nombreuses nouvelles adhésions depuis le début du conflit social et apparaissent comme la meilleure opposition à la réforme des retraites d’Emmanuel Macron. Regain réel ou sursis déguisé ?

Plus de 10 000 adhésions à la CGT, 10 000 à la CFDT, 5 000 pour Force ouvrière,… À écouter les représentants syndicaux, leurs organisations ont le vent en poupe depuis les mobilisations records du mois de janvier contre la réforme des retraites, celle du 31 janvier, tout particulièrement, avec 2,5 millions de personnes dans les rues, selon les syndicats, contre 1,27 million de manifestants pour le ministère de l’Intérieur. Plus, donc, que les 997 000 protestataires décomptés par Beauvau en 2010 contre une autre réforme des retraites, celle de François Fillon.

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Chez Europe 1 le 10 février, Philippe Martinez s’enorgueillissait que son syndicat ait « dépassé les 10 000 nouvelles adhésions en un mois ». Même son de cloche chez Laurent Berger qui annonçait un bond de 10 000 adhésions en janvier, 7 000 demandes sur la seule dernière semaine quand, « d’habitude, c’est 3 000, un peu moins que ça chaque semaine », précisait-il sur RTL le 1er février. Force ouvrière se félicite également de 5 000 adhésions en plus sur la même période, rapporte encore l’antenne du groupe M6. Sur France Bleu, l’Union nationale de syndicats autonomes (UNSA), aussi, se gargarise d’avoir retrouvé en janvier 2023 le niveau d’adhésion de 2019, avant la crise sanitaire, avec une augmentation de 2 000 adhérents en quatre ans.

COMPTER LES ARRIVÉES… MAIS AUSSI LES DÉPARTS Des adhésions « massives », selon les mots de Rémi Bourguignon, professeur à l’Université Paris-Est-Créteil, interrogé par RMC, qui « constituent une véritable originalité », mais pas nouvelle en temps de mobilisation sociale forte, comme le soulignent plusieurs spécialistes interrogés par Marianne. « Chaque fois que des manifestations ou des mouvements sociaux réussissent, les syndicats expliquent qu’il y a une augmentation des adhésions pour montrer leur réussite », nous rappelle Dominique Andolfatto, professeur de sciences politiques à l’université de Bourgogne. Stéphane Sirot, socio-historien expert des mobilisations sociales, abonde et cite en exemple « le Front populaire, les grèves de 1936 ou même, dans une moindre mesure, le mouvement de mai 1968 » où les « afflux d’adhésions ont parfois été assez massifs ».

Ces chiffres doivent surtout se lire à l’aune du nombre d’adhérents à jour de cotisation. « Il faut bien voir que la syndicalisation est un flux : chaque année des gens arrivent et chaque année des gens s’en vont, détaille Dominique Andolfatto. Ce que nous disent les syndicats, c’est que les adhésions iraient deux fois plus vite que d’habitude. Mais ils ne nous donnent pas le nombre de partants. Or, il y a des adhérents qui déménagent et ne renouvellent pas leur carte, d’autres qui partent à la retraite. »

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En prévision de son 53e congrès, en mars, la CGT publiait un rapport précisant son nombre d’adhérents et leur évolution. En 2018, ils étaient 638 656. En 2020, ils ne sont plus « que » 605 603. Des chiffres plutôt dans la fourchette haute des estimations, quand les observateurs les plus sévères situent plutôt leur nombre autour de « 450 000 », précise encore Dominique Adolfatto, et qui témoignent en tout cas d’une perte de vitesse de l’organisation. Pour Stéphane Sirot, « la question qui se pose aujourd’hui » aux syndicats « est leur capacité à conserver » leurs adhérents.

« L’un des problèmes actuels est qu’il y a beaucoup de turn-over, beaucoup d’entrées mais aussi de sorties, poursuit-il. Depuis les années 1970-1980, la tendance lourde est à la désyndicalisation », alors que le taux de personnes syndiquées en France tourne « au mieux autour de 10 % » contre 20 à 25 % durant les Trente glorieuses. Ce désamour est d’autant plus palpable lors des élections professionnelles. En décembre, celles concernant les salariés de la fonction publique ont été boudées par les fonctionnaires, avec un taux de participation de 43,7 % seulement, un « recul de 6,1 points » par rapport au précédent scrutin en 2018, détaillait la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans un communiqué de presse à l’issue du scrutin.

PRISE DE DISTANCE AVEC LES PARTIS POLITIQUES

Ces considérations n’empêchent pas d’observer un regain réel des syndicats en ces temps de réforme des retraites. Selon un sondage de l’Ifop réalisé pour Le Journal du dimanche le 18 février, ces organisations apparaissent comme la meilleure opposition à Emmanuel Macron « pour 43 % des Français », précise l’institut. Loin devant le Rassemblement national (25 %) et la Nupes (23 %). Grâce à une prise de distance ostensible vis-à-vis des formations politiques ? « L’une des critiques des Français contre les syndicats était qu’ils étaient trop politisés. Depuis une vingtaine d’années, toutes les organisations essayent d’être autonomes des partis politiques. Même la CGT fait des efforts », observe Dominique Adolfatto.

Or, la dernière séquence parlementaire a, justement, rendu très visible cette prise de distance. Philippe Martinez, surtout, dont les sympathies pour la gauche ne sont pas un mystère, se lâchait contre les partenaires insoumis sur BFMTV le 19 février : « L’Assemblée nationale doit être au service de ce mouvement social. Or, au travers de nombreux incidents, on a plus évoqué ces incidents que le fond du problème et ce qui est en débat dans la rue », fustigeait-il alors que le comportement de LFI durant les discussions a déplu jusque dans les rangs socialistes et écologistes. Le patron de la CGT, qui passera la main en mars, accusait même certains de « vouloir s’approprier le mouvement social en reléguant les syndicats au second plan ».

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« Que la CGT soit si véhémente à l’égard des partis est un fait nouveau, reconnaît Dominique Adolfatto. Ils se respectaient plus ou moins jusque-là. On assiste à une forme de rupture même si beaucoup de militants sont toujours très proches de LFI ou de la gauche en général. Il s’agit donc plus d’une guerre des chefs et des stratégies », poursuit-il, estimant que ce changement de pied est « relativement populaire aux yeux des Français » et « peut jouer en la faveur » des syndicats.

REGAIN OU SURSIS ?

Pour l’heure, difficile de dire si cet apparent retour au syndicalisme a de beaux jours devant lui. Les organisations pourraient tout autant pâtir du jusqu’au-boutisme du gouvernement qu’elles ont profité de la vacuité des discussions à l’Assemblée. Depuis le début des années 2000, les syndicats ont perdu quasiment tous leurs bras de fer avec l’exécutif : la réforme Fillon en 2003, celle de Woerth en 2020, la loi Travail en 2016. Même la réforme des retraites de 2020, malgré une mobilisation dure et très suivie – 800 000 manifestants selon l’Intérieur le 5 décembre 2019 et « 55 ou 55 jours de grèves d’affilée », se souvient Stéphane Sirot –, n’avait pas empêché l’exécutif de passer en force en recourant au 49.3. Avant que la crise sanitaire n’y mette un terme.

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Sans effets dans la rue, l’opposition se manifeste dorénavant dans les urnes, comme en 1997 après les manifestations de 1995 ou en 2012 après la réforme de 2010. « Par leur amnésie et leur autisme, les politiques font monter encore un peu plus l’extrême droite, cingle Stéphane Sirot. Amnésie, comme lorsque Macron oublie avoir dit que les résultats de la présidentielle l’obligeaient. Autisme, parce que le gouvernement n’engage plus aucune négociation avec les organisations syndicales mais ne fait que les consulter. D’ailleurs, la Première ministre parle pour eux de “concertation” mais emploie le mot “négociations” quand il s’agit des députés LR », avec qui le gouvernement a topé sur les carrières longues.

Débat des lecteurs

 « Celui de la sous-traitance, des autoentrepreneurs, des Ubers, des précaires », égrène Stéphane Sirot. Assez pour faire naître des collectifs citoyens à l’importance parfois supérieure à celle des syndicats, comme les Gilets jaunes. Alors que 68 % des Français soutiennent l’opposition à la réforme selon un sondage pour Le Figaro datant du 17 février, ces « déserts syndicaux » couplée à l’impuissance des organisations face au gouvernement ne seront pas sans conséquences, prévient l’universitaire : « Nous assisterons peut-être à la résurgence de mouvements plus insurrectionnels type Gilets jaunes. »

CES VIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE QU’ON OCCULTE : cas spécifique des violences institutionnelles  sur les enseignants.

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CES VIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE QU’ON OCCULTE : cas spécifique des violences institutionnelles sur les enseignants.

Le Ministère des Enseignements Secondaires organise les 20 et 21 décembre 2022 à l’hôtel Hilton de Yaoundé une conférence sur les violences en milieu scolaire. Cette initiative est sans conteste louable. Notre espace scolaire est devenu ces dernières années un véritablement coupe-gorge où l’on insulte, frappe, empoisonne et poignarde à tour de bras. Le cas emblématique de feu Njomi Tchakounté froidement immolé au Lycée Classique de Nkolbisson reste gravé dans les mémoires, en même temps que la réaction brutale des pouvoirs publics à l’encontre des enseignants venus accompagner avec quelque honneur le collègue tombé sur le champ professionnel.

Qui subit le plus cette violence éruptive qui, tel un tsunami, balaie nos campus scolaires ? Un coup d’œil au programme de la prochaine conférence du MINESEC laisse apparaître que les élèves seraient, de l’avis des responsables du MINESEC, les principales victimes. Il suffit de s’attarder sur les thématiques à l’ordre du jour,  notamment sur l’énuméré des sous-thématiques du panel n°4 portant sur la réponse des pouvoirs publics à la montée des violences scolaires : on y parle de règlement intérieur, encore de règlement intérieur, d’orientation-conseil, de clean-school, de contrôle-suivi, et puis c’est tout. Ce n’est pas pauvre, mais c’est gravement lacunaire. On peine à trouver dans cette boîte à outil de quoi adresser une catégorie spécifique de violence : celle institutionnelle à l’égard des enseignants. Or, en raison de sa position centrale dans la mise en œuvre disciplinaire (nous dirons en quoi, et cela permettra de « brutaliser » certaines vaches sacrées que Dieu nous le pardonne !), il est difficile de lutter efficacement contre la violence en milieu scolaire si l’enseignant non seulement n’est pas acteur principal de ce combat mais en est lui-même victime à plusieurs titres, ce qui est le cas aujourd’hui.

Commençons par le dire de façon claire et sans équivoque : les apprenants sont en très grande majorité victimes de la violence en milieu scolaire. Il est indéniable que la fraction qui, parmi eux, s’illustre de manière violente n’est jamais qu’une minorité, mais c’est une minorité active, qui bénéficie souvent d’incompréhensibles passe-droits, de nombreuses lâchetés formelles et informelles, d’un laxisme institutionnel devenu chronique, d’une législation qui a dévoyé le programme des droits de l’Homme et de l’enfant pour en faire l’instrument idéologique d’un « permissivisme » suicidaire… Le MINESEC, j’en suis certain, ne se fera pas prendre à défaut sur la présentation de ce côté du tableau. Laissons-le lui donc, et occupons-nous un peu de ce qu’il risque fort bien de ne toucher, au mieux, qu’avec négligence : la violence à l’endroit des enseignants.

Quand nous étions jeunes élèves – la nostalgie n’est plus ce qu’elle était ! – il nous était difficile de dissocier de la peur le respect que nous inspiraient nos enseignants. L’œil du maître nous suivait jusques au quartier, aux domiciles. Et c’était salutaire. Le bâton y était sans doute pour quelque chose, mais s’en tenir à cette explication serait réducteur. L’autorité de l’enseignant n’était pas uniquement tributaire de la chicotte, de sa dextérité à manier celle-ci. Aujourd’hui, la peur a changé de camp, et la plupart du temps, l’enseignant qui baisse le regard et recule devant l’élève sait très bien que ce n’est pas par respect pour celui-ci mais parce qu’il lui « fout la trouille ». Nos petits anges d’hier sont en train de devenir de petits démons. Et ce n’est pas seulement parce que la chicotte a été interdite sur les campus scolaires. Des démons qui nous narguent en classe et hors de la classe, refusent de nous répondre ou nous répondent avec insolence, se rient de nos injonctions, n’exécutent pas les punitions que nous osons leur infliger pour les plus courageux d’entre nous, et quand ils estiment que nous avons dépassé les bornes unilatéralement fixées par eux, n’hésitent plus à s’en prendre à nous physiquement, seuls ou en bandes organisées. Cette violence-là nous atteint d’abord dans notre orgueil d’enseignants, ne nous touche physiquement jusqu’ici que dans des cas limités même si de plus en plus nombreux. Elle reste minoritaire même si sa courbe est croissante. La violence qui frappe de plein fouet l’enseignant depuis des années, indistinctement, collectivement, froidement, sèchement, impitoyablement, est institutionnelle.

En effet, la violation systématique des droits des enseignants, couplée à une mal-gouvernance chronique de leur carrière sont les pires violences que subissent ces derniers depuis des décennies. En début de carrière, ils sont jetés sur le terrain comme des enfants illégitimes de l’Etat : pendant que les élèves de l’ENAM, de l’EMIA, de l’Ecole de police (ce sont là les pupilles de l’Etat, les enfants légitimes) bénéficient dès l’école de bourses indiciaires, eux doivent, après avoir payé et financé leur formation eux-mêmes, entamer une carrière dans la plus honteuse des mendicités. C’est au cours de cette période que se désagrègent chez eux la confiance en eux et le respect de soi, et que commencent toutes les compromissions. Les chefs d’établissements, qui savent qu’ils n’ont ni logement ni pain, vont les harceler, les insulter, leur donner des demandes d’explication, des lettres d’observation… les infantiliser. Comment un enseignant qui quémande son lit et qui entre en classe 9 fois sur 10 le ventre vide peut-il être et se montrer digne devant les élèves ? Comment pourrait-il, excédé de tout à commencer par ses conditions de vie et de travail, résister à la démangeaison de passer sur ses élèves ses propres frustrations et ainsi allumer sinon alimenter la violence chez ces derniers ? Ces dernières années (entre 2018 et 2021), l’Etat (qui pouvait les payer) a retenu sur le bulletin de paie des enseignants près de 180 milliards dus ! Un décret présidentiel confère à une catégorie d’enseignants – les Animateurs pédagogiques – un rang de chef de service adjoint de l’administration centrale. Cela correspond à une prime de 9000 FCFA /mois. De toute la chaine de responsabilités de ce ministère, on avait alors décidé de retrancher 3 mois par an de cette prime et de ne la payer que 9 mois /12. Aucun texte ne l’autorisait : seul l’arbitraire. C’était déjà violent mais pas encore assez : on l’a supprimée purement et simplement, et on a sanctionné avec zèle tous ceux qui osaient refuser d’exercer gratuitement cette responsabilité. Imagine-t-on le degré de violence que cela représente ? non, certainement, puisque cette violence-là ne touche pas les élèves, elle ne touche que… des enseignants ! Et puis, il y a la violence par le mépris : cette prime dite de rendement : 3000FCFA/trimestre et parfois moins, c’est-à-dire 1000FCFA/mois et parfois moins ! Qu’à donc fait l’enseignant pour en mériter à ce point ? Mais la coupe de ce dernier n’est jamais pleine : il suffit de scruter la gestion de sa carrière.

Un profil existe-t-il pour ce faire ? Une ébauche à peine. Mais à quoi sert-elle généralement sinon à meubler son statut particulier ? Pendant que de vieux enseignants prennent retraite craie en main, ou font 15 à 20 ans comme surveillants généraux ou censeurs, de nouveaux venus, certainement plus cotés, deviennent Directeurs de collèges et proviseurs et les commandent. Un bon nombre d’enseignants commencent leurs carrières dans les grandes villes et les y achèvent ; d’autres, plus nombreux encore, les entament au fin fond des brousses et les y achèvent également. On a même vu, dans le NOSO en guerre, des enseignants passer 4 à 5 années au front alors que les soldats, formés quant à eux à la guerre, y sont relevés régulièrement. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de continuer à peindre ce tableau, bien que tous les détails n’y soient pas encore. Pourquoi toute politique de lutte contre la violence en milieu scolaire est-elle vouée à l’inefficacité en face d’un tel tableau ?

La raison en est fort simple : pour éradiquer un mal, il faut s’attaquer d’abord à ses causes et non pas à ses conséquences. Dans son préambule, l’Acte constitutif de l’UNESCO proclame que « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. » Il suffirait de paraphraser cette déclaration: « la violence prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses pour la paix ». Nous sommes là à mille lieux d’une conception matérialiste et comptable de la violence en milieu scolaire qui, s’appuyant sur les rapports des surveillants généraux, des surveillants dits de secteurs, des conseils dits de discipline, déroule des statistiques comparées pour mesurer le recul ou la recrudescence de la violence. On comprend pourquoi dans cette vision, le surveillant général apparaît comme le personnage clef, le pilier de l’action disciplinaire. Mais qu’enseigne-t-il ? Ou plus simplement, comme on le dit habituellement s’agissant de n’importe quel enseignant : quelle discipline le surveillant général enseigne-t-il ? Aucune : il se contente de tenir la comptabilité disciplinaire et de sanctionner, quand cela lui est permis. Il n’est que le thermomètre de l’état disciplinaire de l’établissement. Autrefois, il était également l’exécuteur des hautes œuvres, le manieur de fouet. Aujourd’hui, il lui est quasiment interdit de punir. Il faut donc revenir aux fondamentaux, à ceux qui enseignent des disciplines, et par là construisent la discipline dans l’esprit des apprenants, ce qui revient à élever les défenses pour la paix : les enseignants.

Mais pourquoi les enseignants, par les disciplines qu’ils enseignent et puisqu’ils les enseignent indéniablement, n’arrivent plus à discipliner nos enfants ? Cette question, vous l’avez découvert j’en suis certain, est un attrape-nigaud. On n’enseigne pas ce que l’on sait, mais ce que l’on est. Une discipline n’est donc qu’un prétexte pour enseigner LA DISCIPLINE. La question devient de ce fait plus simple : les enseignants sont-ils encore disciplinés aujourd’hui ? Il suffit de scruter le parcours qui les mène à la salle de classe craie en main : comment obtiennent-ils leurs tickets pour les écoles normales ? De façon disciplinée (en d’autres termes par ordre de mérite) ou de façon désordonnée ? Comment obtiennent-ils leurs tickets de sortie de ces écoles ? Comment sont organisées leurs affectations et mutations une fois sur le terrain ? Leurs promotions ? etc. On le voit, ils passent par un parcours d’indiscipline notoire et il n’est pas illogique qu’ils en ressortent indisciplinés. Autrefois, ils avaient l’obligation de passer par le service militaire pour parachever leur formation disciplinaire : ils y apprenaient le respect des emblèmes nationaux, de la hiérarchie, des principes, l’esprit de sacrifice, du don de soi… On a cru bon les en dispenser, magnanimement ! Désormais, ils sont appelés à enseigner une chose qu’ils n’ont pas apprise eux-mêmes : la discipline. Que dis-je ? On ne leur demande même plus d’enseigner, je veux dire véritablement, quoi que ce soit, à plus forte raison la discipline. Quelles sont selon vous les chances pour qu’ils y réussissent ?

Roger Kaffo Fokou

Yaoundé : Report de la rencontre annuelle d’évaluation et de planification du RAFED

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Yaoundé : Report de la rencontre annuelle d'évaluation et de planification du RAFED

Prévue pour se tenir à Yaoundé du 12 au 15 décembre 2022, la réunion annuelle d’évaluation et de planification du Réseau Africain des Femmes en Education (RAFED) a dû finalement être reportée mais à la dernière minute et non sans dégâts. En effet, toute la préparation était achevée : les chambres d’hôtel, le matériel d’interprétation et les interprètes, tout était déjà retenu. Les billets d’avion achetés également. Une participante canadienne que le plan de vol obligeait à venir plus tôt est même arrivée à Yaoundé.

Seulement, les autres participants, assujettis à la procédure d’obtention de visas à l’entrée du pays parce que n’ayant pas d’ambassade, de consulat, ou d’hommes d’affaires camerounais dans leurs pays, n’ont pu se faire délivrer à temps lesdits visas.  La lenteur administrative dans le traitement des documents a eu raison de la bonne volonté des organisateurs. A chaque fois, il a fallu pas moins d’une semaine à chaque maillon de la chaîne de traitement des documents pour rejeter le dossier pour quelque irrégularité, jamais plus d’une à la fois. On aurait dit que de la réception du dossier à sa signature, à chaque étape, il n’y avait que des débutants, chacun d’eux incapable à son niveau de diagnostiquer les insuffisances détectables seulement à l’étape suivante. La procédure est devenue de ce fait un parcours de combattant imprévu et pour lequel les organisateurs, de bonne foi, n’avaient été préparés. Le Message de l’IERAF est donc finalement tombé, reportant, pour une tenue ultérieure non plus au Cameroun mais à Accra au Ghana, le sommet du RAFED.

Cher.e.s Collègues, 

Nous avons le regret de vous informer du report de dernière minute de la rencontre annuelle d’évaluation et de planification du RAFED, qui était prévue du 12 au 15 décembre 2022 à Yaoundé, au Cameroun. 

Cette situation regrettable est due au fait que plus de la moitié des participant.e.s se sont vu.e.s refuser le visa, ce qui n’a été porté à l’attention des syndicats hôtes par les autorités que cet après-midi.  

Face à cette situation, nous n’avons d’autre choix que de reprogrammer la réunion du 23 au 26 janvier 2023, à Accra, au Ghana. Nous vous communiquerons le lieu précis et d’autres détails, dans les prochains jours.  

Nous nous excusons sincèrement pour tout désagrément causé par ce report in extremis. Nous tenons à remercier les organisations membres de l’IE au cameroun, pour leur soutien et tous les efforts déployés pour obtenir les visas. La décision des autorités était inattendue et hors du contrôle des syndicats.  

Nous nous réjouissons d’avance de la réussite de la réunion d’Accra en janvier. 

Cordialement,   

Dr Dennis Sinyolo 

Directeur Régional, IE Afrique 

En conséquence, le Cameroun a perdu une occasion de recevoir cette importante rencontre de l’IE. Les hôtels retenus ont perdu les recettes attendues, les fournisseurs de ces hôtels, les chauffeurs de taxi, les interprètes également… Et ce n’est pas la première fois que cela arrive aux syndicats camerounais. Pendant que nos hôteliers se tournent les pouces et doivent payer des impôts sans véritablement travailler, ailleurs comme en Ethiopie, au Sénégal, les hôtels sont saturés toute l’année, et leurs niveaux de prestations ne cessent point de s’élever, pour être de plus en plus comparables au niveau international.

Roger Kaffo Fokou

IE Région Afrique : Le RESAC tient enfin son atelier sous-régional en présentiel !

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IE Région Afrique : Le RESAC tient enfin son atelier sous-régional en présentiel !

Après deux années de réunions en ligne à cause de la pandémie du COVID 19 et dans le cadre des activités 2022 du Réseau Africain des Femmes en Education (RAFED), le Réseau des Enseignantes Syndicalistes d’Afrique Centrale (RESAC) a organisé du 15 au 17 novembre 2022 à Brazzaville en République du Congo, un atelier sous-régional de formation et de partage d’expérience des responsables des questions d’égalité de genre des syndicats membres de l’IE sur le thème : « leadership genre et convention 190 de l’OIT » auquel était convié la FESER.

 Les objectifs de cet atelier étaient d’outiller les participant(e)s pour une meilleure compréhension du concept de leadership genre  et de développer des stratégies communes pour un plaidoyer efficace en vue de la ratification de la C190 sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail.

Cet atelier qui a connu la participation d’une trentaine de participant(e)s dont trois secrétaires généraux des fédérations syndicales s’est déroulé sous la coordination des camarades Agnès Béatrice Bikoko et Léa Georgina Eyeng et a permis aux femmes syndicalistes de partager des expériences et des exemples de bonne pratique en matière de syndicalisation des femmes, de plaidoyer et de constitution des groupes de pression. L’exemple le plus patent est celui du Gabon où le SENA a obtenu du gouvernement gabonais la promesse solennelle de la ratification de la C190 après un travail de collecte des données qui a permis aux camarades du SENA de compiler des centaines de cas de violence et de harcèlement dans les établissements scolaires.

Les tactiques et stratégies de mobilisations ainsi que les techniques de négociation ont également été partagées par les responsables syndicaux présents à cet atelier. Notons que la représentante de l’IE Afrique nous a suivis de bout en bout via un lien Zoom crée pour la circonstance, suite à l’impossibilité pour elle d’être parmi nous. C’est d’ailleurs elle qui nous a présenté les initiatives de l’IE en faveur des questions de genre ainsi que ses attentes vis-à-vis des organisations affiliées.

L’activité qui a retenu notre attention est bien celle du troisième jour qui a abouti à l’adoption des plans d’action par sous-région pour l’année 2023. L’autre information capitale de cet atelier est la préparation à l’élection de la prochaine coordinatrice du RESAC en 2023. Les critères pour y postuler sont connus : pouvoir communiquer en français et en anglais, et avoir mené les activités du plan d’action 2023 tel qu’adopté. Toutes les organisations syndicales ont été invitées à s’investir sur le terrain pour que les rapports soient plus consistants à notre prochaine rencontre. Par ailleurs et dans le cadre de la coopération Sud-Sud, la prochaine rencontre se tiendra au Cameroun. En attendant, le plan d’action de la section genre de la FESER pourrait entrer en exécution d’ici janvier 2023 inch allah !

Désirée Deffo Kaptche

                            Responsable des questions d’égalité genre de la FESER

Débat politique de la FES : Le Cameroun en 2023 va-t-il faire un pas de plus vers le chaos ?

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Débat politique de la FES : Le Cameroun en 2023 va-t-il faire un pas de plus vers le chaos ?

Le traditionnel débat bimestriel de la Fondation Friedrich Ebert de Yaoundé s’est tenu ce vendredi 02 décembre 2022 au lieu-dit. Il portait sur le thème « Quel Cameroun en 2023 ? Enjeux, défis et perspectives. » Un exercice clinique de légistes et de spécialistes de la prospective.

Sur le panel et autour de la camarade Kaptché Désirée du SNAES opérant comme modératrice de l’exercice, un sociologue, le Pr Claude ABE, un économiste homme politique, le Dr KAKDEU Louis Marie, une femme politique, Mme Anne féconde NOAH et un universitaire juriste, le Dr Richard Makon. Le tableau des enjeux et des défis sociaux, économiques et politques présenté a paru bien sombre et sans espoir. L’inorganisation des forces sociales face à la misère, l’absence de vision économique, en tout cas de mesures susceptibles d’inverser le schéma catastrophe en cours, le déficit d’engagement politique des citoyens, tout semble indiquer que rien ne sera à même de modifier la trajectoire d’un pouvoir déterminé à se conserver contre les intérêts du pays et de la majorité. Pour le Dr Makon, seul une intervention de l’armée pourrait modifier le scénario écrit.

Les débats ont permis de relever le déclasssement de l’ancienne classe moyenne et donc le risque d’un possible basculement du pays dans l’instabilité et le chaos. La tendance des acteurs politiques à se défausser sur le citoyen pourrait se lire comme une volonté de masquer les faiblesses et insuffisances de leurs propres stratégies politiques, et notamment leur incapacité actuelle à transfromer le citoyen en militant. Au-delà du scénario du putsch décrit comme le plus probable par le Dr Makon, il a été évoqué celui du chaos qui ne peut se disqualifier tout à fait.Cet exercice de Cassandre s’est achevé bien au-delà de 17h.

Roger KAFFO

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