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Que transmettre aujourd’hui ?

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Propos recueillis par Hugo Albandea et Héloïse Lhérété
Octobre 2018, Sciences Humaines.
Quels sont les grands enjeux de l’éducation d’aujourd’hui ? Nous avons posé la question à quatre penseurs.

Edgar Morin
« Enseigner la lucidité »
« Si l’on prend au sérieux la mission de toute éducation, qui est d’enseigner à vivre, il me semble qu’il existe des carences fondamentales dans les programmes scolaires. En particulier, il manque un enseignement sur ce qu’est la connaissance, ses dispositifs, ses infirmités, ses difficultés. La connaissance, ce n’est pas une photographie objective de la réalité, prête à l’emploi ; c’est un processus de traduction et de reconstruction, où l’on risque toujours de se tromper. Toute communication comporte un risque d’erreur, bien démontré par le mathématicien Claude Shannon. Or justement, l’un des besoins premiers du vivre, à tous les âges de la vie, c’est de connaître les sources possibles de ses erreurs et illusions. La lucidité est un combat pour lequel il faut armer les esprits. Ce n’est pas grave de se tromper à l’école. Mais on peut aussi se tromper, avec des conséquences plus dramatiques, sur le choix de la carrière, sur le choix de l’amitié, sur le choix amoureux, sur le choix politique. Le risque d’erreur et d’illusion est permanent pour l’humanité.

Il existe un autre thème qu’il me paraît indispensable d’introduire : celui de la compréhension d’autrui. Sa portée est planétaire. Nous sommes sans cesse en contact avec des cultures de tous les pays du monde qu’il nous faut comprendre. À l’intérieur de chaque famille, de chaque organisation, les phénomènes d’incompréhension sont multiples.
Voilà donc les deux lacunes actuelles : la connaissance et la compréhension humaine. Éviter au maximum des erreurs, qui peuvent être parfois mortelles, et comprendre autrui sans le mépriser, savoir qu’autrui est à la fois semblable et différent.»

Marcel Gauchet
« Ne pas subir un destin social »
« Sur ce qu’il faudrait transmettre, il y a consensus : tout, et à tous, des fondamentaux (lire, écrire, compter) aux notions élémentaires de la médecine, en passant par les langues, le sport et le codage informatique. C’est un très noble objectif, largement partagé en France depuis longtemps.
Les difficultés commencent lorsqu’on aborde le « comment ». Notre système scolaire sort en effet hagard d’une mutation profonde. Jusqu’à la fin des années 1960, transmission équivalait  à imposition. On se posait peu de questions : la moitié apprenait, l’autre ignorait, sans qu’on s’en émeuve particulièrement. Les années 1970-1980 ont été le théâtre d’un bouleversement considérable. Les élèves étaient incités à construire par eux-mêmes leurs propres savoirs. Ce noble idéal de la liberté personnelle n’a malheureusement pas donné les résultats escomptés. Bizarrement, les élèves qui s’accommodaient d’un système où le savoir leur était imposé sont les mêmes qui, aujourd’hui, savent construire leurs propres savoirs. Inversement, les réfractaires à l’imposition parviennent mal à échafauder leurs connaissances.

Nous sommes à présent dans un creux historique. Après l’enthousiasme utopique, puis la dépression généralisée, nous entrons dans une phase de bilan et de reconstruction. Nous découvrons que nous ne savons pas faire pour apprendre à tout le monde. Mais nous allons progresser. En ce moment même sont en train de s’inventer, avec les neurosciences, des pédagogies au plus proche des individus.

C’est un immense chantier qui s’ouvre, dont l’enjeu est l’idéal égalitaire : permettre à chacun d’accéder à un niveau de connaissance qui lui permette de bien s’orienter dans son existence, c’est-à-dire ne pas subir un destin social.»

Philippe Meirieu
« Relier les savoirs et les valeurs »

« La question de la transmission renvoie à deux problématiques différentes, celle des contenus culturels et celle des valeurs à transmettre. D’un côté, il y a ceux qui insistent sur l’importance de l’acquisition des langages, la maîtrise des connaissances et la découverte des œuvres. D’un autre côté, il y a ceux qui soulignent que l’essentiel est dans l’appropriation de valeurs et le développement de l’autonomie.Or, ces deux volets sont inséparables. En effet, toute transmission de savoirs véhicule, par les choix qu’elle effectue et par la manière de les transmettre – qui n’est jamais neutre –, des valeurs explicites ou implicites. De même, il n’existe pas de valeurs en apesanteur culturelle, transmissibles sans la médiation de connaissances et sans incarnation dans une histoire.
Ce qui devient alors essentiel en éducation, c’est le lien qui unit les connaissances et les valeurs. Promouvoir la devise de la République – liberté, égalité, fraternité – sans former l’enfant à la liberté d’expression et de pensée, sans lutter contre l’injustice et la compétition acharnée, c’est perdre tout crédit à ses yeux. Enseigner les mathématiques ou la physique, sans favoriser l’exercice de la rigueur par la pratique de la démarche expérimentale et du débat argumenté, c’est vider ces disciplines de leur substance et se résigner à voir nos enfants fascinés par les théories complotistes. Donner à voir des chefs-d’œuvre élaborés par les humains tout au long de leur histoire et pratiquer une évaluation qui se satisfait de la médiocrité dès lors qu’elle est payée d’une mauvaise note, c’est trahir ceux dont nous prétendons nous revendiquer.
Le véritable enjeu de notre éducation – pour les parents, l’école, le tissu associatif ou les médias – est bien la cohérence. Cohérence entre nos principes et nos actes. Cohérence entre les connaissances que nous transmettons et la manière de les transmettre. Cohérence entre ce que nous donnons à admirer à nos enfants et ce que nous faisons avec eux au quotidien.»

Jacques Rancière
« Transmettre ? Une fiction ! »
« Que doit-on transmettre ? Les plus modestes se satisfont de transmettre des savoirs. Les malins se targuent de faire mieux : ils apprennent à apprendre, ils transmettent l’esprit critique et les valeurs de la réflexion. Mais le modèle reste le même : il y a une chose à transmettre, un bien spirituel que l’on fait passer dans un autre cerveau comme un bien matériel passe de main en main. On voit alors volontiers le patrimoine intellectuel et moral d’une communauté transmis à une collectivité d’esprits enfantins en même temps que les règles de la conjugaison. Cette fiction est nécessaire au fonctionnement de l’institution éducative. Et elle est nécessaire au fonctionnement d’un ordre social qui identifie le pouvoir des propriétaires à celui des compétences. Reste que, à la vérité, le mot « transmission » est un leurre. Platon déjà se moquait de cet auditeur qui se collait à Socrate pour ne rien perdre de l’enseignement du maître : rien ne passe d’un cerveau dans un autre. Dans ce qu’on appelle transmission, il y a le rapport entre deux exercices ou, pour reprendre les termes de Joseph Jacotot, entre deux aventures intellectuelles. L’aventure intellectuelle de celui ou celle qui occupe la fonction de maître est de provoquer celles et ceux qui lui font face, à répondre, à engager leur propre chemin pour apprendre. Cet effet est crucial pour les individus : au hasard d’une leçon entendue, d’un exercice proposé, ils peuvent y saisir la chance de départs neufs et de trajets inédits sur le terrain du savoir. Ils peuvent y devenir des individus émancipés qui décident de mettre en œuvre cette capacité qui appartient à tous et qu’ils reconnaissent en tous. »

MANUELS SCOLAIRE : Si l’école normalise les déviations en tous genres, rien ne peut plus sauver la société.

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Le Messager : Qu’est-ce qui aurait amené les responsables du secteur éducatif à mettre ce livre au programme de la classe de 5ème ?
Kaffo : Un fait s’impose de lui-même, il faut un manuel de SVT au programme de 5è. Et c’est la tâche du Conseil national d’agrément du manuel scolaire et du matériel didactique de s’assurer que le dit manuel couvre au moins 75 à 80% du programme officiel, qu’il est d’une indiscutable qualité scientifique et pédagogique, que sa qualité matérielle (lisibilité, attrait, manipulabilité…) lui permet de durer, que son contenu est sociologiquement et éthiquement correct… Quand un manuel inscrit au programme manque à un ou plusieurs de ces critères dont certains sont fondamentaux, le premier fautif est le Conseil d’agrément du manuel scolaire qui a bâclé son travail au moins dans le cas d’espèce ; le second, c’est l’autorité ministérielle qui a fait confiance sans vérification à ce conseil. Il faut donc revoir les procédures et les hommes… Et si ce Conseil ou les auteurs estiment, malgré les faits avérés, avoir eu raison, alors il ne reste plus qu’à s’interroger sur leurs compétences scientifique et pédagogique, et leur positionnement sociologique et éthique.
Le Messager : Quel est votre sentiment par rapport à ce livre querellé ?
Kaffo : Je ne suis pas compétent pour évaluer scientifiquement le livre même, étant enseignant de Français. Mais le module à problème porte sur une question pédagogique et non scientifique : le choix des mots et des images. Cela me rend par contre plutôt très compétent pour apprécier la pomme de discorde : les images utilisées pour passer le message sur les pratiques sexuelles déviantes. L’image est un média incontrôlable parce qu’il s’adresse à l’hémisphère cérébral droit, lequel fonctionne sur un mode analogique, intuitif, empirique, contrairement à l’hémisphère cérébral droit qui est rationnel et logique. Et nous avons affaire en 5è à des enfants très jeunes n’ayant aucune expérience pour amortir la violence de ces images chocs. L’intention pédagogique ne constitue pas ici une circonstance atténuante. Comme on le dit souvent, dessinez le diable sur le mur et il apparaît. Les enfants de la classe de 5è ne me semblent pas encore outillés d’un appareillage critique suffisant pour réceptionner sans dommage les images et les messages dont il est question, surtout lorsqu’on laisse croire que lesdites pratiques sont acceptées comme bonnes dans certaines cultures.
Le Messager : La pudeur qui marque l’univers communicationnel de l’Afrique est-elle contraire à la mondialisation de la connaissance?
Kaffo : Vous voulez sans doute opposer la pudeur, qui est l’attachement à la décence, à une certaine mondialisation permissive et outrancière. La connaissance n’est pas le contraire de la morale et, lorsque papa et maman ferment la porte de leur chambre la nuit, il ne s’agit pas de leur part d’un complot ourdi contre la connaissance. Quand la mondialisation décidera qu’il est bon d’installer les pots de WC sur la place publique pour que chacun puisse faire ses besoins au vu et au su de tous, cela n’ajoutera rien de positif à la connaissance. Au contraire, cela pourrait discréditer la connaissance et donner des arguments à tous les extrémistes qui luttent contre l’acquisition des savoirs. On retrouve sans doute là François Rabelais qui disait que la science (la connaissance, le savoir) sans la conscience (celle-ci est inséparable d’un certain degré de censure morale) n’est que ruine de l’âme.
Le Messager : Au regard des thèmes querellés (homosexualité, pédophile, zoophilie, sodomie) dans ce livre, est-il opportun de l’enlever du programme scolaire quand l’on sait qu’ils comportent des messages subliminaux qui, en filigrane, sont un hymne à la perversion sexuelle ?
Kaffo : Premièrement, il faut mieux sélectionner le niveau d’entrée de ces savoirs en fonction des compétences de réception critique des apprenants. Les programmes gagneraient donc à être plus précis et plus critiques sur ce point, et apparemment ils ne sont pas assez. Secondement, il faut s’entendre sur l’approche pédagogique la plus appropriée. Le manuel scolaire ne saurait devenir une annexe de Facebook ou d’autres plates formes similaires. Il doit discriminer ce qui est fréquentable et non normaliser la fréquentation de tout ce qu’une poubelle mondiale mal gérée déverse sur les boulevards de la communication. Il ne faut pas se leurrer ou se cacher derrière l’APC comme les auteurs du manuel SVT de 5e : on ne peut pas en situation de classe lutter contre la zoophilie, la sodomie… sans l’enseigner au préalable (dire exactement en quoi ces pratiques consistent !). Imaginez l’enseignant de 5e à l’œuvre muni de l’APC… Il me semble que le sens critique dans le cas d’espèce a fait défaut à plus d’un maillon de la chaîne et que la meilleure chose à faire consiste à extraire cet ouvrage des programmes et d’en assumer les conséquences légales et judiciaires.
Le Messager : Quel message à l’intention des hommes liges des réseaux ésotériques occidentaux tapis dans les administrations scolaires qui veulent pervertir la jeunesse par ces thèmes qui sont exécrés en Afrique ?
Kaffo : Vous savez, même en Occident, ils encore très nombreux, ceux qui se battent contre ces pratiques. Je rappelle que la loi contre l’homosexualité dont le verrou vient de sauter en Inde fut établie sous la colonisation britannique. Il y a une élite mondiale qui recrute dans tous les hémisphères pour imposer une contre-culture en rupture avec la morale dans tous les domaines : l’art, les mœurs et j’en passe. La société occidentale a résisté des siècles mais on l’a usée à bout. Si la nôtre cède, il n’y aura plus nulle part de digue sur la planète. Et l’on cède le plus souvent par conformisme, par paresse, par mimétisme, par intérêts mal compris, parce qu’on n’est plus maître de soi… Vous savez, on a beau tout avoir sur les réseaux sociaux, l’école reste le meilleur moyen de toucher 100% de chaque tranche d’âge avec une information contrôlée, normalisée, calibrée. Si l’école cède, rien ne peut plus sauver la société.
Le Messager : Quel est votre appréciation par rapport à la politique du livre unique initiée par le premier ministre et mis en application par les responsables des secteurs éducatifs ?
Kaffo : Je veux distinguer le livre unique du manuel unique. Le livre unique, c’est indiscutablement une bonne chose quand les tests de qualité sont en place et non corrompus. Il allège le cartable de l’élève et ménage le portefeuille du parent. Le manuel unique par contre, c’est une absence de stratégie de rechange, c’est un plan A sans plan B. C’est donc un déficit tactique et même stratégique. Il faut dit-on avoir au moins deux cordes à son arc. Un manuel de 5e nous trahit et tout est dépeuplé, parce qu’il n’a jamais été envisagé qu’un tel incident/accident puisse se produire. C’était bien de quitter l’extrême des 6 à 8 manuels d’hier. Mais entrer le ghetto d’un seul manuel n’est nullement la preuve d’un meilleur bon sens.

Propos recueillis par AZAP Dongo, Le Messager.

Rentrée pédagogique 2018 au MINESEC : questionner l’APC ou ne pas le faire ?

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La rentrée pédagogique solennelle du MINESEC a réuni pendant deux jours, les 12 et 13 septembre 2018 au Palais des Congrès de Yaoundé, le gratin pédagogique du secondaire et quelques grosses pointures du supérieur : les professeurs Félix Nicodème Bikoï et Mballa Ze. Organisée sous la houlette du Pr Catherine Awoundja Nsata, Inspecteur Général des Enseignements au MINESEC, cette rencontre a été entièrement consacrée à l’appropriation de l’Approche par compétences (APC) par les différents maillons de la chaîne pédagogique du secondaire.
La première journée s’est structurée autour de 3 activités : l’exposé inaugural du Pr Nsata, une table ronde modérée par le Pr Mballa Ze et qui a permis d’en savoir plus sur l’APC, son historique, l’évaluation de ses acquis, et les astuces utiles en situation de classe ; enfin des travaux en ateliers. La deuxième journée, sur le prolongement de la première, a permis d’achever les travaux en ateliers puis d’en débattre les rapports en plénière.
Au-delà des nombreux questionnements portant sur les aspects techniques et pratiques de la mise en œuvre de l’APC que cette rencontre a permis d’aborder et pour lesquels des solutions ont pu être esquissées, ces deux jours ont soulevé nombre de préoccupations auxquelles les décideurs devront apporter des réponses pour rassurer.
Quels sont en effet les enjeux de l’APC et est-il normal qu’il n’y ait pas eu jusqu’ici de véritable débat, ni avec la communauté éducative ni même entre les spécialistes sur la pertinence stratégique du choix de la mise en œuvre de cette approche dans notre pays ? Quand on sait les connexions entre l’APC et certaines théories en vogue au début du XXe siècle dont l’exemple type est le taylorisme, théories qui s’appuient sur des aspects du behaviorisme, sur l’empirisme, le (socio)constructivisme pour essayer de mettre en place une ambition de reconstruction de l’humain dans une perspective productiviste marchande, il peut apparaître surprenant que notre société choisisse de faire l’impasse sur le débat de celles-ci tout en sachant que ce débat a eu lieu un peu partout ailleurs et qu’il n’est point achevé. En adoptant une posture de fonctionnaire loyaliste qui se borne à exécuter les choix des politiques, les pédagogues de chez nous ne sont-ils pas en train d’abdiquer leur statut d’experts et par conséquent de manquer à leur obligation d’information et d’éclairage des décideurs ?
L’autre préoccupation, intimement liée aux problématiques de la formation initiale et continue des enseignants, interroge cette curiosité qui veut que plus de quatre années après l’adoption officielle de l’APC dans le secondaire (dans le primaire, la Nouvelle Approche Pédagogique qui, en raison de ses caractéristiques, en est l’équivalent, est déjà vieille) et alors que la première cuvée du BEPC APC est sortie, les ENS continuent de sortir des enseignants inaptes à la mise en œuvre desdites méthodes. Cette déconnexion entre le supérieur et le secondaire dans le cadre de la formation initiale des enseignants du secondaire sert-elle l’éducation ?
Dans son allocution de clôture, le Pr Nalova Lyonga, Ministre des Enseignements Secondaires, a beaucoup insisté sur la nécessité pour les enseignants, où qu’ils soient, à mettre en œuvre les APC pour assurer le succès de leurs élèves, ou à quitter ce métier. Cette exhortation se heurtera certainement au haut mur des déficits en tous genres : effectifs inadéquats dans les salles de classe, non ou sous-équipement des campus scolaires, absence de véritable mise en place des savoir-faire chez les enseignants (ne pas confondre inaptitude et mauvaise volonté), auxquels viendront s’ajouter d’autres formes de démotivation liés au brouillage des horizons de carrière des uns et des autres. De nombreux candidats continuent de frapper à la porte de l’enseignement il est vrai, mais parmi eux, combien de chasseurs de matricules qui seront six mois plus tard partis voir ailleurs ? Combien de véritables enseignants ? L’éducation est devenue depuis belle lurette un vaste terrain de transit pour d’autres secteurs plus attrayants. Cette situation peut perdurer et pourrir, ou changer. Ce ne sont pas les mots, mais les actes qui le détermineront.

Roger Kaffo

CAMPAGNE EN FAVEUR DES PERSONNELS D’APPOINTS : accueil prudent par le DDES Menoua à Dschang

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C’est ce qui est ressorti des échanges entre Le DDES Menoua et le Secrétaire Départementale du SNAES pour la Menoua venu lui présenter les enjeux de cette campagne. Bien qu’ayant reconnu que cette catégorie de personnel travaille dans des conditions de précarité extrême et après avoir indiqués les efforts qu’il consent à son niveau, le Délégué a dit ne pas pouvoir soutenir cette campagne car selon lui, elle semble dirigée contre les chefs d’établissement et pourrait inciter ces personnels à entrer en grève. Il a néanmoins précisé qu’il reste ouvert et est prêt à collaborer si la hiérarchie régionale ou nationale de l’éducation lui donne le quitus. Signalons que la campagne se poursuit tout de même au niveau des établissements secondaires publics de la ville de Dschang. Nous y reviendrons.

Digitalisation des paiements au MINESEC : voici pourquoi mettre les frais financiers à la charge des élèves et parents est un vice rédhibitoire.

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La décision de Madame Nalova Lyonga, Ministre des Enseignements Secondaires, rendue publique par communiqué de presse n° 71/18/MINEDUC/Cabinet du 28 août 2018, de digitaliser les paiements des frais exigibles et contributions aux examens officiels via des plateformes gérées par Campost, Express Union, MTN et Orange Cameroun a été accueillie diversement dès son annonce. Les syndicats, n’ayant point été associés à la réflexion autour de cette importante mesure ni même consultés au moment de la prendre ont tout de même opté de n’en voir que les bons côtés, et ont prudemment plaidé pour la modernité de celle-ci (Il ne faut jamais parier contre le progrès, soutiennent-ils. Sur la question, lire l’article « Enseignements Secondaires : du cash au digital », www.snaes.org, 2 juin 2018.), mettant l’accent sur son potentiel de facilitation des paiements dus. Ce n’était qu’une vue globale. Mais, comme l’on dit souvent, le diable se cache dans les détails.
En effet, s’étaient interrogés les syndicats, qui va payer le prix des services ainsi concédés à ces opérateurs du paiement mobile ? En scrutant les rubriques de gestion des frais exigibles, frais déjà plutôt maigres au regard de la pléthore des problèmes qu’ils servent à résoudre dans des établissements scolaires privés depuis belle lurette d’un budget digne de ce nom, on en était à se demander laquelle allait être sacrifiée. Il faut signaler au public non averti que « 200 FCFA », montant plancher des frais financiers fixés par les opérateurs de Mobile, correspondent à la totalité du prélèvement pour certaines rubriques. Finalement, le MINESEC a trouvé la parade simple : sanctuariser les rubriques (Ouf ! et tant mieux), mais pour faire payer les mêmes : les parents et leurs enfants. Sauf que là, il y a un problème de taille, et la modicité du prélèvement au budget de ces derniers n’y change rien.
Il faut en effet se poser la question simple et de bon sens : qui est effectivement demandeur du service que représente la digitalisation des paiements des frais concernés par cette opération ? Si ce sont les élèves et leurs parents, il est donc normal que les frais financiers de l’opération soient à leur charge. Mais nous savons que ce ne sont pas eux, parce que, pas plus que les syndicats, ces derniers n’ont été consultés. Et nous savons qui c’est à coup sûr, par contre. Il suffit d’entrer dans l’exposé des motifs ayant accompagné le lancement de l’opération (1er juin au Hilton de Yaoundé) et la publication de cette décision. Le MINESEC veut traquer les proviseurs véreux (dixit un responsable des services centraux du MINESEC), améliorer la transparence de la gestion des effectifs des élèves et des ressources générées autour desdits effectifs. C’est donc le MINESEC qui est demandeur du service. Du coup, il ne s’agit plus, comme annoncé, de la digitalisation des paiements, mais plus exactement de la digitalisation des recouvrements. Les économes et intendants commis à cette charge par le décret 2001/041 (article 39) vont pour le coup se tourner les pouces.
Par quel tour de passe-passe le MINESEC a-t-il dès lors pu justifier à ses propres yeux le transfert de ces frais financiers à la charge de ceux qui ne demandaient pas le service ? Il existait pourtant une possibilité acceptable dans cette opération : au lieu d’imposer ce service, le proposer aux parents et aux élèves. Ainsi, celui qui aurait choisi de s’en servir, en vue de faciliter ainsi ses transactions avec l’établissement scolaire fréquenté, n’aurait naturellement vu aucun inconvénient à en payer le prix. En la rendant obligatoire, le MINESEC fait des frais financiers générés et mis unilatéralement à la charge des élèves et parents une augmentation des frais exigibles de ces derniers, et entache d’office la procédure d’un vice, un vice indiscutablement rédhibitoire dans n’importe quel Etat de droit.

Roger Kaffo Fokou

LES RÉFORMES EN COURS AU MINESEC : beaucoup d’ambition mais pour les enseignants, rien… que des sanctions !

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En ce moment, le MINESEC est engagé dans un train de réformes dont l’objectif affirmé est la professionnalisation à terme des enseignements et des enseignés. On peut distinguer parmi les wagons de ce train la réforme des programmes qui touche le second cycle cette année, la réforme des méthodes avec l’accent mis sur les approches par compétences, la réforme du manuel scolaire avec l’entrée en vigueur et du livre unique et du manuel unique, la digitalisation du recouvrement des frais exigibles et des contributions des candidats aux divers examens certificatifs, la réformes des filières dans le second cycle du secondaire, pour ne s’en tenir qu’aux réformes les plus saillantes. Nous n’allons pas évoquer la réforme de la gestion du personnel avec l’introduction et le financement à hauteur de 100 millions de francs CFA de la régionalisation des conseils de discipline en vue de sanctionner les enseignants, une option pour une répression musclée dirigée vers un corps dont les problèmes posés depuis des lustres ne rencontrent ordinairement que de sourdes oreilles.
Sur la procédure desdites réformes, il y a de bonnes et de mauvaises choses. Du côté des bonnes, on peut citer l’encadrement du processus par des enseignants du supérieur chevronnés, notamment des enseignants des Ecoles Normales Supérieures. Ceci a permis de donner une certaine hauteur de vue à celles-ci. C’est sans doute l’apport de Madame la Ministre et de Mme L’IGE, dont les profils d’universitaires ont ici abouti à cette conséquence positive. Du côté du déplorable, on peut citer le refus d’impliquer les syndicats, et qui traduit une volonté de repli et d’enfermement de l’administration sur elle-même. C’est un indice d’arrogance et d’opacité : l’administration du MINESEC a le sentiment qu’elle sait tout, et que personne ne peut rien apprendre à ses experts sur le sujet comme sur bien d’autres. Cette défiance du MINESEC à l’égard des syndicats a énormément nui à la défense des droits des enseignants du secondaire et fait qu’aujourd’hui ceux-ci restent les plus grandes victimes de la crise de l’éducation au Cameroun.
Parlant de l’efficacité vérifiée ou potentielle des réformes en cours, plusieurs cas de figures se présentent. L’APC entre au second cycle avec de nouveaux programmes, mais enseignants comme parents, personne ne sait si au bout de quatre années, cette méthode a été évaluée et quels ont été le cas échéant les résultats de cette évaluation. L’APC est une nouveauté au Cameroun, mais il ne faut pas oublier qu’elle est très ancienne ailleurs, et fait partie des conséquences de mai 68 en France et dans le monde. Fortement débattu en France, elle ne semble susciter aucun débat d’envergure au Cameroun. Son ambition fondamentale de s’attaquer aux savoirs en leur substituant les savoir-faire, de transformer les enseignants en simples facilitateurs, eux qui étaient des passeurs de cultures, cadre avec une vision marchande de l’éducation qui recycle subtilement les théories tayloriste et behaviouristes du début du XXe siècle, derrière lesquelles il y avait la volonté de diviser le travail. Ce choix est-il conforme à notre choix de société et savons-nous quel est notre choix de société ? Ne s’agit-il pas d’une fuite en avant ? Nul n’ignore que quatre après l’introduction de l’APC, les enseignants n’ont toujours pas bénéficié d’un recyclage sérieux leur permettant d’apprivoiser les concepts ni la pratique de cette méthode. Il n’est même pas évident que ce soit le cas pour l’inspection pédagogique. On le voit bien, même si cette réforme était bonne, – pourquoi pas ? – comment le saurait-on quand ceux sur qui repose son application ont un mal fou à savoir en quoi elle consiste ?
Sur la réforme du manuel scolaire, il y avait une forte demande en raison des scandales qui ont émaillé ces dernières années le travail du Conseil national d’agrément des manuels scolaires et du matériel didactique (CNAMSMD). Mais on confond souvent le livre unique avec le manuel unique. Le livre unique est indiscutablement une bonne chose dans notre contexte de paupérisation extrême. On ne saurait demander aujourd’hui à un parent d’avoir en français six ouvrages pour la lecture méthodique, la lecture suivie, la grammaire, la rédaction, l’orthographe, la conjugaison, sans oublier le dictionnaire. Le manuel unique touche un autre aspect, qui a consisté ces dernières années à mettre en concurrence dans les mêmes niveaux 6 à 7 livres par matière, au choix des établissements scolaires. Outre que cela permettait au CNAMSMD de transférer le travail de sélection pour lequel il était payé – plutôt mal que bien il faut le dire – aux conseils d’enseignement des établissements scolaires, cette manière de faire ouvrait grande la porte de la corruption à tous les échelons de la sélection du manuel et ne rendait au final service ni à l’enseignant, ni à l’élève, ni à l’éditeur, ni même au libraire. En faisant cesser ce scandale, on a ouvert la possibilité de faire un chemin vers le progrès, à condition que la politique du livre ne vienne pas doucher les espoirs ainsi nés. Pourtant, il faut le dire, passer d’un extrême à un autre, de 6 ou 7 manuels à un seul revient à promouvoir la pensée unique, puis à la longue l’impuissance de penser. Sous prétexte de lutter contre la corruption, on ne saurait imposer à l’école des manuels uniques comme autant d’évangiles, et c’est finalement un aveu d’échec dans la lutte contre la corruption puisque la toute puissance de celle-ci aboutit à faire prendre des décisions d’une pertinence discutable pour l’intérêt supérieur du pays. Toutefois, sans une bonne politique du livre en général, le problème du manuel scolaire se posera toujours au Cameroun. Sa disponibilité tardive cette année trahit la programmation inappropriée des travaux du Conseil qui aboutit à sortir les listes en mai alors que le pays ne dispose pas d’infrastructures de production à la hauteur du défi que représente l’option du manuel unique. Est-ce que la sélection des ouvrages a tenu compte de la surface financière des éditeurs concernés ? Il ne faut pas oublier que ces derniers doivent aller produire en Inde ou en Chine, faire transporter par bateau, faire dédouaner à l’arrivée, acheminer dans tous les coins du pays : il faut pour cela disposer d’un temps suffisant – au moins 6 mois – et de ressources financières suffisantes.
La digitalisation des paiements des frais exigibles des élèves et candidats aux examens officiels est une procédure de facilitation en ce qu’elle multiplie les guichets de paiement et les rapproche des usagers. Désormais, chaque parent, chaque élève peut trouver un guichet de proximité pour s’acquitter de ses frais. L’entrée dans le digital est donc une très bonne chose, qui en plus ouvrira la porte à la transparence. Les parcours des élèves, la carte scolaire réelle pourront désormais être suivis et de cette façon, des trafics de tous ordres évités. Il y a là une dimension pédagogique indirecte qui est indéniable. Mais la gestion du processus pourrait, si elle n’est pas rigoureuse, en faire affaiblir la portée. Déjà il n’est inexplicable que l’on ait attendu le dernier moment pour en expliquer le fonctionnement aux principaux concernés, les élèves et parents. La couverte internet du territoire étant loin d’être parfaite – le réseau électrique la limite forcément – quel est le plan B et y en a-t-il un ?
Une des plus emblématiques réformes de cette rentrée et qui est susceptible de marquer positivement ou négativement le passage de Mme Nalova au MINESEC concerne les filières. De nouvelles séries entrent en scène : sciences humaines et arts du cinéma, avec de nouvelles disciplines. Une nouvelle distribution des disciplines intervient également : la philosophie entre en seconde, mais pas en C et D où elle ne commence qu’en première ; l’histoire disparaît en série D et ne figure pas en TI, clignote en C puisque qu’enjambe allègrement la première. La situation est moins chaotique pour la géographie. Choix idéologique ? Il semble difficile de comprendre pourquoi les réformateurs des programmes ont pensé que certains Camerounais pouvaient ne pas avoir besoin de connaître l’histoire. De manière plus globale, cette réforme des filières semble faire fi de la loi d’orientation de l’éducation de 1998 qui réduit le second cycle du secondaire francophone à deux ans, entre autres. Cette non prise en compte était déjà évidente dans les programmes du premier cycle où la réduction des quotas horaires dans certaines disciplines ne prend plus en compte le fait que celles-ci s’ouvraient sur des filières à part entières après la classe de 3e.
Il reste une grande réforme absente de cet impressionnant catalogue : la réforme des conditions de travail et de vie des enseignants. Il n’y a pas d’éducation de qualité sans enseignants de qualité. Et la qualité des enseignants dépend de leurs conditions de formation, de travail et de vie. Mais qui s’en soucie ? Depuis des années, la prime des Animateurs pédagogique n’est plus payée : on ministère, on parle d’un insoluble problème de procédure. Mais chacune et chacun des dames et messieurs touche ses propres primes. Tant mieux pour eux et tant pis pour les autres ? La gestion quotidienne des dossiers des enseignants, des mutations, a replongé dans la plus virulente des corruptions. Le regroupement familial a laissé voir cette année de véritables curiosités qui ne s’expliquent pas logiquement. Le personnel d’appoint travaille dans des conditions particulièrement indécentes, et j’en passe. Il n’y a rien à donner aux enseignants, mais il y aura les moyens nécessaires pour les sanctionner… Drôle de pédagogie pour le ministère des enseignements secondaires !

La Redaction.

MINTSS : Les grands dossiers de l’éducation sur la table du CCSDS

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Le Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale, M. Grégoire OWONA, a présidé le mardi 26 juin 2018, à partir de 10 heures, dans la salle de Conférences du Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale, la 17ème session ordinaire du Comité de Concertation et de Suivi du Dialogue Social.

Y  prenaient  part, les membres statutaires ainsi que les invités dont les noms et qualités figurent sur la liste de présence jointe en annexe.

Dans son allocution de circonstance, Le MINTSS a entre autres  dénoncé la tenue de certaines réunions secrètes par les syndicats des enseignants en vue de l’organisation de grosses grèves à Douala et Yaoundé en particulier. De ce fait, il a engagé les représentants syndicaux à rappeler à tous que la table du dialogue est d’ouverte, que la recherche des solutions est permanente, que le Gouvernement reste à leur écoute et que des solutions concertées peuvent être trouvées et mises en œuvre.

Le représentant du SNAES, a fait remarquer que la préoccupation sur l’immatriculation à la CNPS des personnels d’appoint des établissements d’enseignement préscolaire, primaire et secondaire public n’a pas été pris en compte dans le rendu du suivi des recommandations. Le Ministre, Président du Comité lui a demandé de se rapprocher du Secrétariat technique pour trouver une solution dans les brefs délais.

Il a par ailleurs émis le vœu que le Ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle soit associé à la réflexion sur le problème de l’immatriculation de ces personnels des établissements d’enseignement préscolaire, primaire et secondaire public à la CNPS ou à la prise en compte à leur profit de mesures statutaires compatibles avec les lois et règlements.

Le représentant de la CSAC pour sa part pense que le Secrétariat Technique et les syndicats ont fait ce qui était attendu d’eux. Seulement il s’est interrogé sur le caractère non contraignant de la négociation et de son incidence sur la suite des travaux.

Réagissant aux différentes observations, le Président a fait savoir aux partenaires sociaux que l’on n’est pas encore au stade du refus de négocier de la part des promoteurs des établissements privés, qu’il faut continuer la démarche engagée. Il a par ailleurs demandé au Secrétariat technique d’intensifier le suivi des recommandations pour l’aboutissement souhaité.

Concernant la question de la tenue de réunions secrètes par les syndicats d’enseignants, le représentant du SNAES est pour sa part surpris de l’utilisation du terme secret. Car il soutient que la grève est un mode d’expression des syndicats reconnu par les conventions internationales. En plus, il pense que le champ syndical est assez vaste et n’est pas homogène. Depuis une grande partie de syndicats travaillent en partenariat étroit avec le gouvernement. Si l’extrême-droite ou l’extrême-gauche prend le pas sur les centristes, c’est de la faute ou la responsabilité du gouvernement qui tarde à implémenter les solutions envisagées consensuellement. Il faut des moyens pour rendre les centristes plus audibles.

Les représentants du SNAES et de la CSP ont aussi évoqué le dossier de la tenue du Forum national de l’éducation en soulignant que le comité technique d’organisation a achevé la confection des dossiers préparatifs et que le lancement des travaux du forum se heurte à la contrainte budgétaire comme bocage du processus. Sur la question, le Président a rappelé qu’il est ouvert à toute initiative devant  aboutir à l’organisation de cet évènement.

La Rédaction

 

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