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Reprise en solde des enseignants suspendus du NOSO: un comptoir juteux pour le préfet du Ngoketunjia ?

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Le 1er février 2022, par une tribune publique (https://demainlafrik.blog4ever.com/ngoketunjia-le-prefet-quetong-anderson-kongeh-veut-fermer-ecoles-colleges-et-lycees) nous alertions l’opinion sur le comportement irresponsable de M. Quetong Anderson Kongeh, préfet du Ngoketunjia vis-à-vis non seulement des enseignants de son unité de commandement mais de l’institution scolaire de cette malheureuse zone de notre pays ensanglantée par une guerre aussi inutile que dévastatrice. Nous disions que « Dans deux arrêtés signés le 24 février et le 7 juillet 2021, Quetong Anderson Kongeh, préfet du département du Ngoketunjia, a ainsi fait suspendre les salaires de deux cents enseignants. Selon des informations de terrain, il aurait établi une liste de près de 1500 enseignants du primaire et du secondaire, autant dire toute la population enseignante de son territoire de commandement, en vue de les faire suspendre de salaires. Cela fera certainement du bien aux finances de la République, et permettra d’allouer un peu plus d’argent à la poursuite de la guerre. Les deux cents enseignants actuellement suspendus ne seraient donc que la première vague d’une série en cours. Un feuilleton qui promet d’être macabre. A l’examen, il apparaît que parmi les suspendus figurent, sans surprise, ceux qui enseignent plus ou moins régulièrement (mais le préfet n’a guère jugé utile de s’embarrasser de considérations aussi dérisoires), ainsi que ceux qui ont été mutés hors du Ngoketunjia récemment (Ils n’avaient qu’à désobéir à l’administration qui a osé les muter sans l’avis du préfet !). »

Le mérite de cette tribune fut de contribuer à limiter le désastre : M. le préfet dut arrêter ses suspensions bien en-deça de l’ampleur qu’il avait programmée. Il faut ici savoir gré à l’administration qui en la circonstance avait saisi le degré d’aberration dans lequel on s’enfonçait et qui avait ordonné au préfet non seulement d’arrêter de suspendre mais de procéder à la reprise en solde des suspendus. Faut-il rappeler que M. le préfet Queton Anderson Kongeh lui-même résidait non pas à Ndop comme il aurait dû, notamment du fait qu’il pouvait bénéficier pour cela d’une protection armée conséquente, mais bel et bien à Bamenda hors du territoire qu’il reprochait aux enseignants de déserter ? Passons. Mais il n’y a jamais de un sans deux, dit l’adage.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure instruite de reprise en solde des enseignants qu’il a suspendus pour non présence sur un théâtre de guerre particulièrement sanglant et contrairement à toutes les règles humanitaires (la plus petite protection n’était pas assurée pour ces enseignants et l’inventaire du nombre de ces derniers victimes de cette guerre depuis son déclenchement est assez éloquent), M. le préfet Queton Anderson Kongeh aurait, selon de nombreuses sources y compris des plus crédibles, installé un comptoir à Bamenda à partir duquel il opèrerait un véritable racket, fixant les prix à la tête du client. Pour obtenir de M. le préfet un arrêté de reprise en solde, les enseignants suspendus paieraient de 40 000FCFA jusqu’à 120 000FCFA. Un petit pactole ! Ainsi, le théâtre de la guerre devient-il un terreau fertile à tous genres d’affairismes y compris les plus nauséabonds, au-delà de toute moralité. Il est urgent de commettre une enquête pour établir la vérité derrière ces informations persistantes. Et élever progressivement la République pour que, comme la femme de César, celle-ci soit au-dessus de tout soupçon.

Roger Kaffo Fokou

Examens 2022 : l’office du baccalauréat du Cameroun (OBC) entretient la vente des résultats.

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Cinq ans déjà que la pratique dure. Il faut dire que les habitudes ont développé des racines moulées à l’immobilisme qui parfois briment les voix de l’innovation dont l’objectif est pourtant de faciliter la vie.  Les candidats aux examens officiels organisés par l’office du baccalauréat du Cameroun (OBC) sont depuis 2017, orientés vers un numéro court, le 8070, pour avoir leurs résultats. Ils peuvent procéder soit par un appel à 150f la minute, soit par SMS au même prix. Les messages divulgués par l’opérateur de téléphonie en charge de ces opérations sont assez explicites à ce sujet.  

Les requêtes adressées à ce numéro court connaissent cependant des fortunes diverses : pendant que certains sont déclarés « REFUSÉ » pourtant en réalité ils sont admis, d’autres doivent multiplier les tentatives pour obtenir une réponse qui n’est pas définitive puisqu’il faut encore la vérifier. C’est pourtant prévisible ! Ouvrir un couloir unique et étroit à un nombre important d’utilisateurs concourt inéluctablement à la saturation du serveur avec la multiplication des désagréments qui en découlent. Dès lors, plusieurs questions émergent dans l’esprit de tout observateur qui s’intéresse à cet état des choses : primo, pourquoi l’OBC s’obstine-t-il à poursuivre ce partenariat dont la contrepartie est questionnable à plus d’un titre ? Deuxio,  quel est l’intérêt de cette politique qui consiste à toujours greffer des frais supplémentaires, en dehors de toute réglementation, politique qui sollicite toujours les bourses des plus démunis ? Tertio, quelles destinations emprunte cette manne colossale qui semble aiguiser beaucoup d’appétit ?

Le 8070 est désormais un démembrement de l’OBC pourrait-on dire, avec la compétence tacite de publier de façon individuelle, les résultats en lieu et place de ce dernier qui pourtant est l’instance financée par l’État pour remplir cette mission. Pour un même service, le citoyen paie au moins deux fois, peut-on constater. Comble du cynisme, une réponse de ce numéro à un utilisateur présente, en plus des informations sur le candidat et de la mention « ADMIS » ou « REFUSÉ », la phrase suivante : « liste disponible dans votre centre d’examen ». Ce qui est éminemment faux, les listes n’étant pas disponibles en temps réel. Le 8070, logé chez un opérateur privé, a de ce fait l’exclusivité des résultats des examens officiels organisés par l’OBC. Sous d’autres cieux, ce serait un scandale, avec des démissions à la clé et l’ouverture des procédures judiciaires pour faire la lumière sur cette escroquerie. Sous les tropiques, c’est un fait banalisé par l’habitude et qui semble bien graisser les rouages d’une machine bien organisée.

La prédilection pour le 8070 semble ne pas être un choix anodin. Le calcul aurait été fait avec une certaine précision. Il est connu que de nombreux candidats, après les évaluations certificatives, vont en vacances et parfois très loin des centres d’examens. D’autres s’adonnent à des activités génératrices de revenus dont ils ne peuvent se détacher une seconde. D’autres encore composent dans des centres différents de leurs établissements. Ces trois facteurs connus étant réunis, il suffit alors d’injecter dans l’air le parfum de la disponibilité des résultats et en même temps d’organiser la rareté de ces derniers sur le terrain pour que, la pression du moment aidant, on observe un flux important d’usagers vers le seul corridor laissé ouvert, en quête du précieux sésame. Certains diront que personne n’est obligé de composer ce numéro et que chacun peut tranquillement attendre l’affichage des listes pour connaitre son résultat. Ils n’auront pas tord sur toute la ligne. Seulement un fait semble leur échapper : celui de profiter de la faiblesse des gens dont on sait d’emblée qu’ils s’engouffreront dans l’unique soupape ouverte pour évacuer la pression qui enfle dans leurs viscères.

Un petit calcul nous semble important pour comprendre le recourt quasi atavique au 8070. D’après les « statistiques brutes des résultats » des examens baccalauréat et probatoire de l’enseignement secondaire général session de 2022 publiés respectivement les 28 juillet et 5 août derniers, l’OBC déclare 338876 candidats présents dont 135082 pour le baccalauréat et 203794 pour le probatoire. Supposons que seulement la moitié d’entre eux, soit 169438 candidats, envoient un SMS 8070 pour obtenir leurs résultats et s’y prennent en une seule tentative. Le produit de cet effectif et du coût du SMS donne la somme de 25415700 F CFA (vingt-cinq millions quatre cent quinze mille sept cents francs CFA). Si on considère qu’un parent de chacun de ces derniers envoie lui aussi un SMS à ce même numéro et pour la même raison, le montant précédent double, soit 50831400 F CFA (cinquante millions huit cent trente un mille quatre cents francs CFA). Et là encore le compte n’y est pas. Pour avoir une idée minimale des sommes en jeu, il faut ajouter les candidats de l’enseignement technique et leurs parentés éventuelles qui ont recours à la messagerie électronique pour les résultats. Nul doute que l’inertie ambiante est pour beaucoup, liée à cette activité mercantile et illicite, dont les profits sont à coup sûr, répartis entre les protagonistes qui entretiennent l’atonie.

Et pourtant les solutions ne manquent pas ! Il y a peu un lien (https :\\epimexam.cm/inscriptions/candidate/home) sensé offrir l’accès aux résultats des examens via la plateforme epimexam a circulé dans les forums d’examens de l’office du baccalauréat du Cameroun en particulier et sur internet en général. Cette option permettait d’entrevoir la fin de la commercialisation des résultats. « Cette année, on ne paie pas pour avoir les résultats. Tu te connectes, tu tapes ton matricule et tu consultes le résultat », pouvait-on lire dans un commentaire accompagnant le lien. Cette annonce accueillie dans l’allégresse par tous les protagonistes de la chaine des examens n’a pas tenu jusqu’ici, les promesses qu’ont répandues les fleurs de son encensement.

En effet, dès la publication de ce lien, les plus curieux ont testé son opérationnalité et se sont rendu compte que le chantier était en cours de finalisation. Sa livraison n’était qu’une question de jours. Depuis l’annonce de la publication des résultats du baccalauréat aussi bien technique que général, c’est le blackout total. La donne n’a pas changé avec les résultats du probatoire, tous ordres d’enseignement confondus. Un clic sur le lien qui avait fait rêver ouvre une page terne. La sentence exhale un parfum de déception et d’amertume : tout en haut de la page et en gros caractère, on peut lire « page d’erreur ! ». Pour en finir avec l’enthousiasme de l’internaute qui croit que sa connexion lui joue des tours, une bande orange juste en-dessous du texte précédent porte un message qui douche tout espoir : « la page n’existe pas ». Pour avoir les résultats objets de toutes les attentions et convoitises, il faut recourir à contrecœur  aux méthodes des années précédentes, à l’ancienne technologie comme dirait un contemporain. C’est dommage !

YONGUI HEUBO Patrick William, Rédacteur SNAES.

Cameroun: les défis de la défense et de la promotion des libertés politiques, des droits humains et syndicaux en contexte non démocratique.

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Cameroun: les défis de la défense et de la promotion des libertés politiques, des droits humains et syndicaux en contexte non démocratique

Les luttes pour les libertés sont le partage des femmes et des hommes de tous les hémisphères et de toutes les époques. Comme le rocher de Sisyphe, on n’a jamais fini de les hisser vers le sommet de la montagne. Les contextes ne sont cependant jamais les mêmes et, en même temps qu’ils particularisent les luttes des uns et des autres, ils enrichissent l’expérience collective et globale. L’expérience camerounaise en la matière pourrait facilement se fondre dans le contexte général des luttes africaines, ou à tout le moins de celles de l’Afrique francophone. Les grands traits seraient les mêmes : pays jeunes, nations en difficile gestation, économies satellites d’une mondialisation dure et ultralibérale, expériences syndicales relativement récentes… On pourrait penser que tout est ainsi dit. Pourtant, comme le dit souvent un truisme bien de chez nous, « le Cameroun, c’est le Cameroun ».  

Le Cameroun est entré non pas en démocratie mais dans un processus démocratique au début des années 1990. Les textes qui ont ouvert la voie à/et accompagné ce processus sont certainement parmi les plus beaux qui soient. Dans la forme, le processus démocratique camerounais avancerait plutôt bien : multipartisme intégral avec plus de 250 partis politiques enregistrés, une constitution qui reprend et consacre les grandes déclarations et chartes internationales et africaines des droits, un foisonnement de lois consacrant également les principales libertés fondamentales connues, l’organisation régulière d’élections au suffrage universel, rien n’est ici négligé du rituel démocratique classique. La réalité politique est cependant peu à l’avenant.  

Le pays a le même président de la République depuis 40 ans, le même président de l’Assemblée Nationale depuis 30 ans, le même président du Sénat depuis la mise en place de cette vénérable institution. Le Président de la République n’y a pas reçu une seule fois ses opposants depuis 1990. Aucun parti d’opposition n’y a pu organiser un meeting ou une manifestation autorisée depuis 20 à 30 ans. Le dernier qui y a voulu forcer cet exercice a vu ses militants arrêtés, jugés et condamnés à de lourdes peines de prison et ils y sont encore embastillés malgré les « vives protestations » d’ici et d’ailleurs.

Au plan des droits humains, le pays est aujourd’hui divisé en zones de guerre (l’Extrême-nord du pays où sévit le terrorisme islamiste avec comme acteur central la secte Boko haram, l’Ouest anglophone où une rébellion séparatiste affronte l’armée nationale depuis 2017) et en zones non pas de paix mais plus modestement de non guerre.

Dans les zones de guerre, les rapports des ONG camerounaises et internationales (Human rights watch, NDH-Cameroun, Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (RHEDHAC), Centre for Human Rights and Democracy in Africa, International Crisis Group…) publient régulièrement des rapports accablants sur les horribles exactions perpétrées par toutes les parties présentes aux fronts.

Dans le reste du pays, hors zones de guerre, l’indépendance de la justice est fortement questionnée (on parle surtout d’une justice aux ordres d’autant que le Chef de l’Etat est en même temps président du Conseil supérieur de la magistrature, d’une justice à tête chercheuse plus prompte à traquer les concurrents politiques que les criminels avérés) ; les avocats en pleine manifestation ont été enfermés dans un prétoire à Douala (la capitale économique du pays) en novembre 2020 et copieusement arrosés de gaz lacrymogène ; le 27 juin 2022, une manifestation de handicapés a été violemment réprimée par la police devant le siège du Gouvernement à Yaoundé…

Concernant les droits syndicaux, le Cameroun se distingue par la même ambivalence : beaux textes mais peu d’inclination à les appliquer. Le pays a ratifié les 8 principales conventions fondamentales et 3 des 4 conventions de gouvernance de l’OIT, mais a en même temps conservé, notamment pour les syndicats du secteur public, une loi de 1967 et son décret d’application de1968 dont les dispositions les plus pertinentes sont contraires à ces conventions, et ce sont ces lois qu’il applique en contradiction du principe de la hiérarchie des normes juridiques : l’article 45 de la Constitution camerounaise dit en effet que « les traités ou accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ».  

Depuis le retour au multisyndicalisme à partir de 1990, 98% des syndicats d’enseignants du secteur public camerounais n’ont pas pu obtenir un récépissé attesttant qu’ils se sont déclarés conformmément aux dispositions conventionnelles en vigueur : ils fonctionnent donc en quasi illégalité, sous le régime de la tolérance administrative. Depuis le 23 décembre 2014, une loi de répression du terrorrisme permet d’assimiler toutes formes de manifestations non autorisées à des actes de terrorrisme justiciables des tribunaux militaires. Alors, comment défendre et promouvoir avec un quelconque succès les droits humains et syndicaux dans un tel contexte ?

Il faut pourtant le faire et c’est ce à quoi s’investissent de nombreux acteurs syndicaux camerounais d’année en année. Ils y réussissent si peu que de l’avis de la plupart des observateurs plus ou moins avertis, le syndicalisme camerounais dans sa faiblesse est aujourd’hui la véritable pierre de touche de la politique sociale du gouvernement. Quoi qu’il en soit, des stratégies, certaines anciennes d’autres innovantes, sont élaborées et mises en oeuvre pour surmonter ces obstacles et relever les principaux défis. Dans ce contexte si singulier qu’est le Cameroun, chaque défi peut heureusement en même temps être utilisé comme une opportunité. Ce qui ouvre comme l’on peut voir une fenêtre d’optimisme, si étroite soit-elle, sur l’avenir du mouvement syndical camerounais.

Le pouvoir en place au Cameroun, maître des horloges, fait presque toujours le pari du temps long et compte, souvent avec succès, sur l’usure pour émousser les déterminations et démobiliser les meilleurs engagements : les cas de violations même flagrantes des droits syndicaux, portés devant les juridictions, restent pendants d’année en année et finissent oubliés et abandonnés. Il n’y a pas meilleure dissuasion quant à la perspective de recourir à la justice. L’Etat crée ses propres syndicats et s’appuie sur ceux-ci pour mitiger aux yeux de l’opinion les points de vue des syndicats qui lui sont hostiles. Ces syndicats-là lèvent les mots d’ordre de grève qu’ils n’ont pas lancés, défendent dans les médias la politique sociale du Gouvernement, qui est généralement celle des grands groupes de capitaux qui tiennent l’économie du pays. Ainsi, le SMIG est demeuré jusqu’ici à 36 200FCFA (55 euros) par mois parce que les patrons des entreprises agro-alimentaires l’ont ainsi voulu. Le pouvoir encourage et entretient la fragmentation des syndicats qui lui résistent et cela a abouti à un paysage syndical extrêmement accidenté : près de 12 centrales représentent les travailleurs, plus 400 syndicats les travailleurs du secteur des transports, une vingtaine celui de l’éducation… Mais il y a, en plus, une action en profondeur que le pouvoir conduit depuis des années, et qui a des effets encore plus dévastateurs sur les syndicats.  

Ces dernières années en effet, dans le secteur public, l’Etat s’est surtout attaqué aux acquis : retards de 4, 5 ans et plus dans le paiement  des premiers salaires (on parle ici de prise en charge), paiement des salaires au 2/3 plutôt qu’en totalité et mise en mémoire du dernier tiers pendant des années, non paiement des indemnités de logement, accumulation des impayés dus aux titres de prise en charge financière des avancements… Cette stratégie vise simultanément plusieurs objectifs : clochardiser et fragiliser les travailleurs, décourager les cotisations syndicales, déporter les luttes syndicales des thèmes de l’amélioration des cadres de travail et des conditions de vie vers des problèmes élémentaires de survie ; basculer l’action syndicale des revendications structurelles vers des revendications conjoncturelles. Cette stratégie a d’ailleurs très bien fonctionné jusqu’ici : de la fragmentation syndicale, on est passé à l’ultra fragmentation des revendications du corps enseignant en une multitude de micro revendications pris en charge par des collectifs thématiques, collectifs promotionnels, revendiquant pour ce petit groupe leur prise en charge, pour celui-là leurs indemnités de logement, pour d’autres encore leurs primes de documentation et de recherche, leurs compléments de salaires quand ils sont payés aux 2/3, les rappels dus à un titre ou à un autre ; puis les mêmes revendications donnent naissance à de nouveaux collectifs selon les promotions par année ou période. On aboutit à un émiettement, une pulvérisation pure et simple. Ces collectifs, reçus en priorité et à grands renforts de publicité par le Gouvernement, ont capté et accaparé l’attention des médias, de l’opinion et des enseignants ces dernières années (depuis précisément 2017 avec la création du collectif des enseignants indignés) et relégué les syndicats dans l’ombre et la présomption d’impuissance. La décrédibilisation des syndicats s’en est trouvée quasi achevée.

Face à ce déploiement, les syndicats, conscients pour les plus lucides de leurs faiblesses, essaient malgré tout de mettre en œuvre un programme de renouvellement syndical (l’âge d’or du syndicalisme camerounais se situe dans les années 1940 et 1950 sous la colonisation, avec un mini renouveau syndical au début de la décennie 1990) : programme de maillage territorial, puis de densification de l’implantation régionale, départementale, locale. Objectif : construire un pouvoir syndical national crédible susceptible de corriger le déséquilibre flagrant de force qui donne la part belle au Gouvernement. Ce choix stratégique n’était pas mauvais intrinsèquement, il souffrait cependant d’une analyse incomplète de la situation de terrain : en négligeant, même provisoirement, les besoins conjoncturels mais quotidiens et urgents des enseignants au nom du long terme et du structurel, les syndicats ont sans doute durablement détournés ceux-ci du mouvement syndical et les ont jetés dans les bras ouverts des collectifs certes plus dynamiques mais plus éphémères parce que portés sur des revendications plus individualisées. Il s’est installé une déconsidération des syndicats probablement durable et qui va constituer un des grands défis des années à venir. On est là devant un défi préalable et surdéterminant. Avec quelles stratégies le relever ? Après maints diagnostics et débats, il semble se dégager 4 principales voies stratégiques pour les années à venir.

Premièrement, il faudra continuer et persister dans la voie du droit malgré les impasses et les déconvenues. C’est pourquoi dans leur grande majorité, les syndicats du secteur public ont refusé de se soumettre à la procédure d’agrément imposée par le Gouvernement et choisi de s’en tenir à la procédure de déclaration d’existence inscrite dans la convention 87. Mais ce bras de fer limite leurs déploiements sur le terrain (La CEACR dans ses observations 2016 sur le Cameroun, analysant cet état des lieux, dit qu’ « Il en résulte l’hostilité de l’administration à l’égard des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, et une véritable entrave au fonctionnement des syndicats qui ne peuvent ni tenir des réunions syndicales dans les établissements scolaires ni obtenir des adhésions sans une existence légale »). A ces premières conséquences, il faut ajouter l’impossibilité pour ces syndicats d’ouvrir un compte dans une banque classique, avec les conséquences que cela entraine pour le financement des syndicats et la gestion des finances syndicales.

Deuxièmement, il faudra œuvrer à la construction d’un véritable pouvoir syndical, et cela implique une implantation nationale effective, une densification de l’adhésion régionale, une formation sérieuse des cadres syndicaux (d’abord tout le leadership intermédiaire puis de base et enfin les militants) à la maîtrise des enjeux des luttes syndicales. Cette tâche semble immense mais avec un bon mix de méthodes, on peut avancer avec une vitesse raisonnable sur ce terrain-là.

Troisièmement, il faudra faire face au problème de l’émiettement syndical, d’abord dans le secteur de l’éducation puis de façon plus transversale dans l’ensemble du champ social. L’unité d’action déjà acquise aujourd’hui dans le secteur de l’éducation n’en est que la première étape. Si celle-ci n’est pas dépassée à terme vers l’unité syndicale, les employeurs et l’Etat auront toujours beau jeu. Est-ce que ce sera facile à atteindre comme objectif à court terme ? Je ne le crois pas : le degré actuel de compréhension des enjeux parmi les acteurs qui comptent est faible, et toutes les chappelles syndicales s’équivalent à peu de choses près. Comme objectif de long terme, il me semble que les chances d’y parvenir deviendraient raisonnablement élevées.

Enfin, il faudra rester en permanence sur le terrain de l’action, même si cela peut avoir un coût négatif très élevé. A chaque action de grève, les sanctions infligées, généralement en toute illégalité aux syndicalistes, font reculer l’élan de syndicalisation. Les revendications des enseignants, surtout dans un contexte de désengagement de l’Etat des secteurs sociaux au profit des secteurs marchands ou marchandisés, touchent de plus en plus à leurs besoins de première nécessité : ils ont toujours un peu plus de mal à boucler les fins de mois. Comme nous l’avons remarqué plus haut, une des grandes erreurs des syndicats ces dernières années a été de négliger cet état des choses pour se focaliser sur le structurel et ils le paient très cher en ce moment. Il s’agit de ne pas récidiver. Mais l’action syndicale peut et doit être diversifiée. Il faut par conséquent également songer aux actions qui réenchantent le mouvement syndical, élèvent vers un idéal de générosité, promeuvent l’image d’un syndicalisme positif. Les syndicats doivent dans cet ordre d’idée développer des logiciels de lutte pour une éducation de qualité, pour un envrionnement durable, pour des organisations plus inclusives, plus démocratiques, plus transparentes et soucieuses de la redevabilité.

En somme peut-on défendre et promouvoir les libertés politiques, les droits humains et syndicaux en contexte non-démocratique ? Ce n’est certes pas facile et pourtant il n’est pas possible de faire autrement. Cela implique un investissement plus périlleux et consomme infiniment plus de temps. Le temps du bon diagnostic, de l’élaboration des solutions adéquates partagées. Le temps aussi de la recherche et de la mise en place des ressources nécessaires. Au Cameroun, le plus grand adversaire des syndicats a souvent été le temps : on y a généralement voulu tout changer sans délai, comme avec une baguette magique. Un certain nombre de leaders d’aujourd’hui commencent peut-être à comprendre que, comme les employeurs et l’Etat, il faudra aux syndicats trouver les possibilités de miser sur le temps long pour reconstruire le mouvement syndical, et éventuellement réussir le renouveau syndical.

Roger Kaffo Fokou, SGA/FESER, SG/SNAES

Vous acceptez une main aux fesses le mardi mais êtes intraitable les autres jours ? Tentez le fleximinisme !

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Par Jean-Marc Proust

Publié le 28/07/2022 à 12:34

Venu de la côte est des États-Unis, un nouveau mouvement féministe s’installe dans l’Hexagone : le fleximinisme. Une nouvelle étape, à la fois radicale et pragmatique de la lutte contre le patriarcat, décrypte notre chroniqueur Jean-Marc Proust. Attention, toute ressemblance avec des personnes ou des situations ayant existé ne saurait être que fortuite.

Elle s’appelle Aurélie (les prénoms ont été changés) et se définit comme flexiministe, c’est-à-dire « féministe enragée », mais « pas à plein temps ». Le vendredi soir où nous l’avons rencontrée, elle collait des slogans féministes sur les murs du 18e arrondissement de Paris : « Patriarcat partout, justice nulle part », « Non à toutes les violences sexuelles et coloniales ». Avec une vie familiale et professionnelle « bien remplie », elle indique ne pas pouvoir se consacrer entièrement aux luttes. « Mon féminisme est à temps partiel. Je dois choisir mes combats et le temps à leur consacrer. Au bureau, j’accepte d’être moins bien payée et à la maison, c’est moi qui fais à peu près tout mais je suis très active sur les réseaux sociaux. » Aurélie a immédiatement été séduite par le fleximinisme, qui lui permet d’être à la fois « en alerte permanente, hyperrevendicative et informée » et de « relâcher la pression de temps en temps ».

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Associant flexibilité et féminisme, ce mot-valise nous vient tout droit des États-Unis où le mouvement est né il y a moins de deux ans. « Le concept est proche de celui du flexitarian qui refuse de manger de la viande par conviction, mais assume de faire parfois honneur à un bon hamburger en famille explique Martina Denocke, professeure en neo gender studies à l’université de Pricelton. C’est une démarche progressiste qui accepte de faire un bout de chemin avec les conservateurs pour nouer le dialogue et faire avancer la cause. Par exemple, si vous êtes flexi-minist vous n’acceptez pas d’être attrapée par la chatte mais vous pouvez rire de la bonne blague. Vous acceptez une main aux fesses le mardi mais vous êtes intraitable les autres jours. Ça permet de discuter avec l’ennemi. »

DURA FLEX, SED FLEX

De fait, lassées d’être en opposition permanente avec le patriarcat, de plus en plus de néoféministes optent pour le « flexi », qui leur permet de souffler entre deux luttes. Quitte à mettre parfois de côté leurs convictions. Nora a ainsi renoncé à demander une augmentation cette année, parce qu’elle sait qu’en décembre, elle devra préparer les fêtes de fin d’année. « Mon mec n’en a rien à foutre, ça lui passe totalement au-dessus de la tête. Mais, moi, j’y tiens. On a invité toute sa famille et j’ai envie qu’ils se sentent bien reçus. J’aurai un cadeau personnalisé pour chacun, je vais cuisiner des heures… Si en plus je devais demander une augmentation… Ça doublerait ma charge mentale… » Heureusement, après le flex vient le minisme : dès le mois de janvier, elle prendra dix jours pour un « stage de sororité émancipatrice ». « Ça me coûte un bras mais… la lutte avant tout. » Pour avoir l’esprit tranquille, elle demandera à la nounou de faire des heures supplémentaires « et un peu de ménage. Pas envie de retrouver la maison en vrac à mon retour ! »

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Ce ne serait pas un peu contradictoire tout cela ? Maîtresse de conférences au département des études « genre, slam, food, intersectionnalités » de l’université Romorantin-III, Agnès Berthelot balaie l’objection : « l’immersion régulière dans l’oppression est nécessaire pour retrouver le sens de l’émancipation. En d’autres termes : faire la vaisselle pendant que Monsieur regarde le foot vous donne envie de porter plainte. Si Monsieur s’occupe des enfants et fait le ménage, votre charge mentale diminue et vous ne comprenez plus pourquoi la lutte est nécessaire. » Des propos confirmés par Martina Denocke : « Autre exemple : vous pratiquez l’écriture inclusive, mais vous devez utiliser un ordinateur patriarcal [dont le clavier ne permet pas le point médian]. Alors vous êtes obligé.e d’envoyer un mail non inclusif. Et le flex vous met dans une rage telle que votre féminisme gagne en vigueur. »

FLEXI-ÉDUCATIF

C’est exactement ce que ressent Véronique, pour qui la « pause ponctuelle du féminisme » est un outil redoutable. Pour elle, la confrontation avec la violence patriarcale est une nécessité car elle renforce le sentiment d’injustice et donc les convictions. « La semaine dernière, mon mari voulait faire l’amour mais je n’en avais pas envie. J’ai fini par accepter et me laisser faire, parce que le viol conjugal nourrit mon combat. Quand il a eu fini, je lui ai dit : “merci de m’avoir violée, ça m’aide !” Je crois que ça l’a fait progresser lui aussi. J’ai senti qu’il était un peu déconstruit. » Au petit-déjeuner, Véronique a expliqué aux enfants que « cette nuit, maman a été violée par papa », pour les aider à s’approprier la notion de consentement. « Mon mari était un peu réticent, mais il a fini par comprendre la démarche. Les enfants étaient très à l’écoute, c’était un beau moment de justice. Hadrien a même prévu d’en faire un exposé en classe », se réjouit-elle.

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Par sa souplesse, le fleximinisme gagne en effet de nombreux hommes à sa cause. Certains sont tellement convaincus qu’ils se rendent à peine compte du changement opéré dans leur vie de couple et de famille. Ainsi, joint par téléphone, Antoine, le compagnon d’Aurélie, se dit surpris : « Je ne savais pas qu’elle était flexiministe. Évidemment, je sais qu’elle sort avec ses copines dingos pour tagger des murs mais si ça lui fait plaisir, ça me va, du moment que la maison est bien tenue. » Ouille, c’est pas un peu patriarcal, ça, comme remarque ? Il sourit : « Bien vu ! Disons que je suis flexiministe, moi aussi. » Ou flexipatriarcal ?

Orientation scolaire et professionnelle des collégiens et lycéens camerounais : la tentative de musellement ne peut prospérer

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Orientation scolaire et professionnelle des collégiens et lycéens camerounais : la tentative de musellement ne peut prospérer

En l’état actuel, l’enseignement technique et la formation professionnelle ne représentent que 18% du poids de l’ensemble des autres ordres d’enseignement au Cameroun. 88% du système éducatif camerounais continue de produire des compétences dont les entreprises n’ont pas besoin. Pis encore, le taux de chômage croit avec le niveau d’instruction. Interpellée, l’Association pour le Développement de l’Éducation en Afrique (ADEA), au même titre que le Conseil de l’Union Européenne, positionne l’orientation scolaire et professionnelle comme un service essentiel pour assurer un passage efficace de la vie estudiantine au monde professionnel. Dans la même veine, le Document de Stratégie Nationale du Secteur de l’Éducation et de la Formation Professionnelle et la nouvelle Stratégie Nationale de Développement du Cameroun (SND30) font de l’orientation scolaire et professionnelle une des fonctions essentielles d’une école au service de l’amélioration de l’employabilité et de l’entrepreunariabilité des jeunes.

Paradoxalement, à l’observation, le Ministère des Enseignements Secondaires (MINESEC) semble s’employer à ramer à contre-courant. Deux exemples majeurs, entre autres, retiennent mon attention : (1) l’Arrêté N°227/18/MINESEC/IGE du 23 août 2018 portant redéfinition des séries et des disciplines des classes du Second Cycle de l’Enseignement Secondaire Général, d’une part, et, d’autre part, (2) la Liste officielle des manuels scolaires pour le compte de l’année scolaire 2022/2023. Dans l’un et l’autre de ces documents, l’orientation scolaire et professionnelle est absente. Ignorée pour tout dire ! Ce qui remet fondamentalement en cause les dispositions de la réglementation antérieure qui, bon an mal an, avait déjà réussi à faire inscrire l’orientation scolaire et professionnelle au rang des activités scolaires et non post et périscolaires comme d’aucuns pourraient le penser. Je veux citer pour exemple :

  • le Décret № 2000/359 du 05 décembre 2000 portant statut particulier des fonctionnaires corps de l’éducation nationale (art. 64 § 2) ;
  • le Décret № 2001/041 du 19 février 2001 portant organisation des établissements scolaires publics et fixant les attributions des responsables de l’administration scolaire (art. 32 § 2 et 42 § 1) ;
  • le Décret № 2012/267 du 11 juin 2012 portant organisation du Ministère des Enseignements Secondaires (art. 8 § 3 et 60) ;
  • l’Arrêté № 40/10/MINESEC/SG/DPCPOS/CELOS du 5 mars 2010 portant institutionnalisation du Cahier des charges du conseiller d’orientation dans les lycées et collèges du Cameroun ;
  • la Décision № 002/B1/1464/MINEDUC/SG/DPOS/SDOS/SOS du 21 Janvier 2004 portant institutionnalisation du volume horaire destiné à l’orientation scolaire (six heures hebdomadaires) ;
  • la Circulaire № 02/07/C/MINESEC/SG/DPCPOS/CELOS du 15 janvier 2007 portant redynamisation de l’orientation conseil dans les services déconcentrés du Ministère des Enseignements Secondaires
  • etc.

Plus encore, je me demande si les responsables du MINESEC ont conscience que l’orientation scolaire et professionnelle est un droit acté et régulièrement encadré au Cameroun ; notamment par les Lois numéros :

  • 98/004 d’orientation de l’éducation du 14 avril (art. 29) ;
  • 005 du 16 avril 2001 d’orientation de l’enseignement supérieur (art.6 § 2 ; 12 § 2 ; 38 § 2 et 45) ;
  • 2018/010 du 11 juillet 2018 régissant la formation professionnelle (art.28 et 33) ;
  • 92-007 du 14 août 1992 portant Code du travail (art. 117 § 2 et 104 § 1)
  • 2004/018 (art. 20 § c) et 2004/019 (art. 223) du 22 juillet 2004 fixant respectivement les règles applicables aux communes et aux régions.

Mieux encore, en référence à la Constitution nationale (art. 45), je me demande aussi si les responsables du MINESEC ont connaissance des dispositions des outils internationaux en la matière. Je veux parler notamment de la :

  • Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants (28 § 1 (d) ;
  • Charte Africaine de la Jeunesse (art. 10 § 3-a, 3-c, 3-d et art.15 § 4-e) ;
  • Convention sur l’Élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (art. 10 § a).

En effet, face à l’instabilité et à la flexibilité des offres de formation et du marché du travail, chacun est désormais appelé à être l’acteur de son projet professionnel et personnel. Sans un service d’information et d’orientation scolaires et professionnelles de proximité, il n’y parviendra point. Voilà pourquoi l’orientation scolaire et professionnelle est partout présentée comme l’épine dorsale de tout système éducatif et de formation porté sur la capacitation des individus à l’épanouissement individuel et sociétal . Les acteurs de l’éducation et de la formation y voient, plus que jamais, un service de liaisons entre les systèmes d’enseignement et de formation et le monde du travail, d’une part, et un service d’intégration sociale et professionnelle, d’autre part. À ce propos, en l’absence des repères établis et des références certaines, comme ce fut le cas dans nos sociétés traditionnelles artisanales d’antan, l’orientation scolaire et professionnelle est de plus en plus promue pour aider les individus à construire et à diriger leur vie ; à se faire soi et à développer les compétences à s’orienter tout au long de la vie. C’est dire, derechef, que les interventions d’accompagnement à l’orientation et au conseil psychologique en orientation constituent un droit pour les élèves et les étudiants et une obligation pour l’État en vue d’aménager et de rentabiliser la relation individu-éducation-orientation-travail.

 Je m’étonne donc que nonobstant l’existence d’une Cellule d’orientation scolaire (CELOS) et d’une Section Orientation scolaire à l’Inspection nationale et régionale de Pédagogie chargée de l’Orientation et de la Vie scolaire au MINESEC, aucune plage horaire destinée à l’orientation scolaire et professionnelle ne soit prévue dans la redéfinition des séries et des disciplines des classes du Second Cycle de l’Enseignement Secondaire Général (et technique). Pourtant, entre 2004 et 2018, il en existait ( cf . Décision № 002/B1/1464/MINEDUC/SG/DPOS/SDOS/SOS du 21 Janvier 2004). Plus encore, pour un service aussi crucial dans le développement personnel et vocationnel et la transition des études vers le marché du travail, mon étonnement est sans limite qu’il n’y ait aucun manuel scolaire. Incapacité des responsables de premier plan ou effet du cercle vicieux de la bureaucratie ? Que font les responsables et les cadres de la CELOS et de l’Inspection en charge de l’orientation ? Les initiatives louables, bien que perfectibles, des Conseillers d’orientation de la périphérie, en leur lieu et place, ne pourraient-elles pas être capitalisées ? Comment administrer et inspecter un service absent dans les programmes scolaires et ne disposant d’aucun manuel didactique ? Autant de questions sont le témoin de ce qu’il y a un réel souci au MINESEC quant à l’appropriation et à l’intégration des services d’orientation scolaire et professionnelle dans les mœurs administratives. Une attention particulière sur le sujet urge si tant est vrai que faute d’information et d’orientation scolaires et professionnelles, de nombreux jeunes camerounais peinent à saisir les opportunités qui existent aussi bien en matière de formation qu’en offres d’emploi.

En tout état de cause, en tant que citoyen ; parent ; conseiller d’orientation et enseignant-chercheur en psychologie sociale et sciences de l’orientation, me taire serait être complice d’une forfaiture qui mérite d’être dénoncée publiquement. Me taire me vaudrait de faire montre d’abstention coupable devant une hérésie qui doit être étouffée dans l’œuf pour faire place à la démocratisation du droit à l’information et à l’orientation scolaires et professionnelles au MINESEC et au Cameroun. Le Cameroun en a plus que jamais besoin. Le diagnostic de notre marché du travail fait état de ce que 80% de nos jeunes en âge de travailler ont moins de 25 ans. 69.1% sont en activité. Cependant, 88.6% parmi eux occupent des emplois informels. Ils auraient été informés et mieux orientés qu’ils auraient été à l’abri des dépenses éducatives infructueuses.

En effet, l’orientation scolaire et professionnelle présente l’avantage de maximiser le potentiel des ressources personnelles (l’adaptabilité de carrière ; employabilité ; intentions entrepreneuriales ; capabilité ; sentiment d’efficacité personnelle ; etc.) et la justice sociale.

C’est le lieu enfin de dénoncer le postulat suivant lequel l’Enseignant est « le principal garant de la qualité de l’éducation » (cf. art. 31 § 1 de la Loi 98/004 du 04 avril 1998 d’orientation de l’éducation) et qu’incidemment « la pédagogie » est la « vocation première » du MINESEC (cf. Circulaire № 02/14/C/MINESEC/CAB du 16 janvier 2014 relatives aux activités du conseiller d’orientation dans les établissements scolaires d’enseignement secondaire). Le CO a indéniablement sa place au secondaire car, pour celles et ceux qui l’ignoreraient, les options d’études au supérieur, tout comme les emplois, sont conditionnées par les options d’études faites au secondaire. S’il est vrai que le droit à l’éducation, qui semble tenir à cœur le MINESEC, permet de recevoir un service public d’instruction de qualité en vue du plein épanouissement de la personnalité humaine, il n’en demeure pas moins vrai que le droit à l’orientation scolaire et professionnelle contribue, quant à lui, à donner sens et pertinence aux offres de formation au regard des défis personnels, scolaires, professionnels et sociaux. Conséquemment, en l’absence d’informations pour une orientation scolaire et professionnelle réfléchie et assumée, les dividendes privés et sociaux de l’éducation et de la formation sont toujours limités.

Joseph BOMDA, Ph D, Conseiller d’orientation-Psychosociologue

RENOUVEAU SYNDICAL : L’INTERNATIONAL DE L’ÉDUCATION MOBILISE LES JEUNES ÉDUCATEURS.

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C’est un truisme de dire que l’avenir du monde se trouve entre les mains de la jeunesse. Le rappeler permet cependant de maintenir à l’esprit des jeunes, le poids des responsabilités qui sont les leurs dans la recherche de la paix et de la justice. C’est dans ce sillage que la branche Afrique de l’International de l’Éducation (EIRAF) entend désormais agir pour la mobilisation des jeunes enseignants du continent africain. Il est question d’éveiller les consciences de ces derniers au sujet de l’environnement dans lequel ils évoluent et de la maitrise des enjeux qui engagent autant le devenir de la profession que les perspectives d’éducation.

Le cadre légal et les objectifs

Le cadre qui permet la mobilisation de ces jeunes éducateurs est le Réseau Africain des Jeunes Educateurs (en anglais Africa Young Educators Network, AYEN).  Ce réseau a été mis sur pied le 23 septembre 2021 lors d’un webinaire organisé par l’EIRAf (EI Région Afrique) et qui a vu la participation de 40 jeunes éducateurs âgés d’au plus 35 ans. La création de ce réseau dont on est en droit d’attendre de belles réalisations, est consécutive aux résolutions des septième et huitième congrès de l’IE, tenus respectivement du 21 au 26 juillet 2015 à Ottawa au Canada et du 21 au 26 juillet 2019 à Bangkok en Thaïlande. Les termes de ces résolutions invitaient les organisations de l’IE à s’assurer d’une part que les aspirations des jeunes enseignants, des chercheurs et des personnels d’appui occupaient une place de choix dans les textes de base de ces organisations tout en mettant un point d’honneur à la promotion des valeurs syndicales. D’autre part, le projet baptisé Renouveau syndical vise à redynamiser les bases syndicales en multipliant autant que faire se peut, les formations à l’intention des jeunes éducateurs afin qu’ils soient parés pour faire face aux challenges à venir. Ce projet est d’ailleurs implémenté au Cameroun avec le concours de la Fondation Friedrich Ebert et a déjà permis la formation de nombreux leaders intermédiaires sur lesquels les syndicats peuvent s’appuyer pour étendre leur toile.

Le Réseau Africain des Jeunes Educateurs poursuit de nombreux objectifs au rang desquels :

  • La mobilisation des jeunes éducateurs en rapport avec les plaidoyers sur l’ODD4 pour accélérer la réalisation d’une éducation de qualité pour tous ;
  • La possibilité pour les jeunes syndicalistes du continent de travailler en synergie avec leurs pairs militants des organisations membres de l’IE ;
  • Le soutien au renouvellement des syndicats de l’éducation pour une meilleure représentativité ;
  • L’aide au recrutement de nombreux jeunes éducateurs et leur mobilisation pour la défense de leurs droits.

Les valeurs syndicales

 Le 25 mai dernier, l’EIRAF a organisé un webinaire animé par la camarade Anaïs Dayamba, auquel étaient conviés certains jeunes enseignants militants des organisations membres de l’IE. Le responsable de l’IERAF, le camarade Dennis Sinyolo, a ouvert les travaux a évoquant des thèmes tels que  la redynamisation des bases syndicales par des perfusions juvéniles, la culture du leadership et la promotion des valeurs syndicales. Il a notamment invité à la mutualisation des forces par tous les syndicalistes pour être forts ensemble, l’expérience des anciens conjuguée à l’énergie de la jeunesse étant vecteur de miracle.

La présentation sur les valeurs syndicales a été faite par la camarade Lucy Barimbu. D’entrée de jeu, cette dernière a rappelé que « les employeurs et les employés ne sont pas des copains », une phrase évocatrice qui invite à rester en état d’alerte permanente pour être la voix des sans voix et éclairer les zones d’ombres où tentent d’émerger le déni de justice et les abus de toutes sortes. 

Au terme de cette présentation, les valeurs que doivent porter les syndicats et leurs membres ont été mises en évidence et expliquées pour une meilleure compréhension de l’assistance. Parmi ces valeurs figuraient la démocratie, l’autonomie, la représentation, la solidarité, le respect mutuel, la transparence, la reddition des comptes, l’inclusivité, l’égalité et la diversité.

Aucune œuvre de construction ne peut prospérer si les jeunes qui doivent en assurer la durabilité sont en marge du processus. Aussi faudrait-il que cette jeunesse soit au fait des enjeux de demain pour prendre conscience de la nécessité de s’y préparer aujourd’hui. Frantz Fanon rappelait à juste titre que « chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. » l’IERAF a ouvert la brèche du Renouveau Syndical et du Réseau Africain des Jeunes Educateurs, il reste aux jeunes éducateurs de s’y engouffrer en nombre conséquent pour assurer la noble mission de la défense de l’éducation et de l’enseignant.

YONGUI HEUBO Patrick William, Rédacteur snaes.org

“Il a travaillé pour ça” : Qui est Louis Boyard, l’étudiant devenu député à 22 ans ?

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Né en 2000, Louis Boyard fera sa rentrée au Palais Bourbon. Ce jeune militant et syndicaliste s’est fait remarquer en luttant contre l’amiante de son lycée. Il entend aujourd’hui « porter des questions d’éducation, de jeunesse et d’écologie » dans l’hémicycle.

Parmi les nouvelles têtes de l’Assemblée nationale, il n’est pas le plus jeune mais il manque le record de justesse. Louis Boyard, né le 26 août 2000 (22 ans), a été élu député face au LREM Laurent Saint-Martin. Une belle victoire pour la Nupes, arrachée à 51,98 % des voix, et pour le jeune homme engagé dans la lutte pour les conditions de vie et d’éducation des jeunes. Malgré son jeune âge, Louis Boyard n’est pas un néophyte : ancien président de l’Union nationale lycéenne (UNL), il a appris à négocier avec le pouvoir.

Étudiant en deuxième année de droit à Paris Panthéon-Assas, il s’est fait connaître en dénonçant la présence d’amiante dans son lycée à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne). Encore lycéen, le jeune homme insiste pour que les élèves ne regagnent pas leurs salles de classe, tant que les experts n’ont pas confirmé qu’il n’y avait aucun risque. Finalement et à force de mobilisation, des préfabriqués ont été installés et les élèves ont obtenu la reconstruction des bâtiments. « Le député actuel Laurent Saint-Martin [aujourd’hui sans mandat N.D.L.R.] n’est apparu qu’une seule fois après deux mois de lutte des lycéens et on ne l’a plus jamais revu », témoignait Louis Boyard alors en campagne dans les colonnes de Libération. Il s’engage également contre « Parcoursup », jugé inefficace, trop lent, hasardeux et stressant pour les candidats.

« DÉPUTÉ À 22 ANS, ÇA N’ARRIVE PAS COMME ÇA »

Ironie du scrutin : c’est face à ce même Laurent Saint-Martin qu’il a remporté, dimanche soir, la députation. « Louis est un garçon réfléchi, il a toujours su défendre la ligne de notre syndicat sans jamais tomber dans l’invective. Il a su tenir tête à Jean-Michel Blanquer dans son bureau, quand il fallait négocier », raconte à Marianne, Angel Béthermin, secrétaire général de l’Union nationale lycéenne (UNL) lorsque Louis Boyard en était le président. Dans sa voix, difficile de ne pas percevoir l’admiration qu’il voue à son camarade de lutte, « excellent sur les prises de parole publique. Il a de vraies compétences : devenir député à 22 ans, ça n’arrive pas en claquant des doigts. C’est parce qu’il a travaillé pour ça. »

Son engagement lycéen, notamment pendant la crise de la Covid-19, lui a aussi valu d’être repéré par les médias : il a été chroniqueur pendant plusieurs mois dans des émissions grand public telles que Touche pas à mon poste ! (C8) ou encore Les Grandes Gueules (RMC). « Il a réussi à mettre le syndicat en valeur par ses passages dans les médias. Il sait de quoi il parle et il sait faire passer des messages », confie à Marianne Angel Béthermin. Malgré des retours parfois violents des téléspectateurs : « La première fois qu’il est passé dans TPMP, on ne l’a pas laissé parler. La ligne de l’émission ne lui plaisait pas du tout. Il a pris le micro de force, il a fait son intervention et puis il est parti. Après ça, il s’est pris un torrent d’insultes de menaces », se souvient son ancien secrétaire général.

Des invectives, Louis Boyard en reçoit, parfois gratuites comme lorsque ses détracteurs lui reprochent son « parisianisme ». Le militant, qui est passé par les jeunes communistes, est bien aise de le rappeler : il n’est pas parisien et ne vient pas d’un milieu aisé. « Je suis étudiant, j’ai vécu la crise du Covid, je suis allé à l’aide alimentaire. Je vis toujours trois fois sous le seuil de pauvreté. Pendant la campagne présidentielle, beaucoup de politiques insoumis ont relayé les combats des jeunes mais ça nous ferait du bien d’avoir une personne qui vit ces combats et les relaie », explique-t-il à Libération. Né en Vendée à Fontenay-le-Comte, ce fils de cheminot a aussi vécu aux Mureaux (Yvelines), à Amiens (Somme), à Bruxelles en Belgique, et à Ablon-sur-Seine (Val-de-Marne).

À l’Assemblée, Louis Boyard a annoncé vouloir « porter des questions d’éducation, de jeunesse et d’écologie ». Dans sa circonscription, il prévoit même « des réunions tous les quatre mois avec les habitants de chaque ville ». Un vœu pieux dont il est difficile de savoir s’il résistera à la charge de travail qui pèsera sur le néodéputé d’ici quelques semaines. « Louis a tenu à faire savoir, dans son discours de victoire, qu’il serait le député de toutes les personnes et organisations qui ont permis cette union de la gauche », nous confie Angel Béthermin, qui ajoute : « Il sait à la fois parler aux gens, leur expliquer pourquoi il faut se mobiliser, et tenir tête à ceux d’en haut. Je pense que ce sont deux qualités nécessaires pour faire un bon député. »

Par Jean-Loup Adenor, Publié le 22/06/2022 à 16:30 (Mariane)

Journée internationale des travailleurs domestiques : le STDC a célébré avec faste l’événement au Diamond Hall de l’Hôtel la Falaise de Douala ce 18 juin 2022

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Journée internationale des travailleurs domestiques : le STDC a célébré avec faste l’événement au Diamond Hall de l’Hôtel la Falaise de Douala ce 18 juin 2022

Samedi 18 juin 2022, l’Association pour le développement des assistantes de maison (ASDAM) et le Syndicat des Travailleurs Domestiques du Cameroun (STDC) , en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert, ont organisé à Douala une journée d’activités pour célébrer la Journée internationale des travailleurs domestiques, normalement célébrée le 16 juin de chaque année. Le Diamond hall de l’hôtel La Falaise de Bonanjo a été le cadre prestigieux de cet événement. Au menu, discours, communications d’experts, intermèdes dramatiques, chansons militantes, repas. Cette rencontre a également été l’occasion de présenter et de distribuer le Guide de formation à la promotion et la protection des droits des travailleuses et travailleurs domestiques au Cameroun, document de 295 pages bilingue produit et édité par la Fondation Friedrich Ebert de Yaoundé.

Instituée en 2011, la journée internationale des travailleurs domestiques célèbre cette année sa 11è édition. La cause qu’elle défend et promeut à la fois, c’est la visibilisation des travailleurs domestiques et la mise en place d’un cadre de travail décent pour une catégorie de travailleurs dont la profession est l’une des moins organisée et valorisée alors qu’elle joue un rôle essentiel dans toutes les sociétés du monde. Pour cela, les membres de cette profession peuvent s’appuyer sur les ressources de la Convention 189 de l’OIT et de sa recommandation 201.

Il faut rappeler que selon les chiffres de l’OIT, les travailleurs domestiques représentent 4,5% de l’emploi salarié et 81% de ceux-ci exercent dans l’informel. Pire, seuls 6% de ces travailleurs bénéficient d’une couverture sociale. A cela, il faut ajouter la déconsidération sociale dont ils sont victimes qui confine parfois à la stigmatisation. Aussi cette journée internationale s’est-elle célébrée sous le thème « Le travail domestique au Cameroun : un travail de substitution ou un métier avec un plan de carrière ? »

Pour animer les débats en l’occasion, trois experts ont été conviés : Mme Beleck A Bouayi Caroline, consultante en formation professionnelle pour porter la réflexion sur comment « envisager et préparer un plan de carrière dans le secteur du travail domestique : enjeux de formation professionnelle pour les travailleurs domestiques », M. Tjade Dang, consultant indépendant en sécurité sociale sur « l’importance de la protection sociale dans le développement du plan de carrière des travailleurs domestiques », et Mme Ekoan Antoinette, Présidente de la Confédération Camerounaise de Travail (CCT) sur le rôle, les enjeux et les défis du syndicat des travailleurs domestiques au Cameroun, organisation nouvellement créée.

Déjà installée dans les 10 régions du pays grâce au patient et acharné travail de Mme Claudine Mboudou, présidente fondatrice d’ASDAM et du Syndicat, l’organisation syndicale des travailleurs domestiques du Cameroun semble partie pour s’imposer bientôt dans le paysage syndical du pays.

Roger Kaffo Fokou

ENS/ENSET: fin du recrutement automatique des élèves profs de ces écoles?

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Simple hasard du calendrier ou conséquence des grèves de cette année scolaire 2021-2022 ? Difficile de répondre, mais le projet mijotait dans la marmite de l’Etat depuis un temps : découpler la formation dans les ENS/ENSET et le recrutement à la fonction publique de l’Etat. Apparemment c’est désormais chose faite, comme cela était devenu de règle pour les ENIEG/ENIET depuis déjà belle lurette. Le document conjoint n°031018 du 19 mai 2022 cosigné par le MINFOPRA Joseph Lé et le MINESUP Fame Ndongo est en tout cas clair sur le sujet en son alinéa d) qui décide de :

« séparer dès l’année 2023, les fonctions de formation de celles d’intégration à l          a fonction publique ; ce qui induit que le MINESUP continuera à organiser les concours d’entrée dans les ENS et les ENSET, tandis que le MINFOPRA procèdera à l’organisation des concours directs pour l’intégration des lauréats des ENS et des ENSET dans la fonction publique de l’Etat, en tenant compte des besoins exprimés par le MINESEC ansi que des disponibilités budgétaires. »

C’est donc la fin sonnée d’une des dernières filières ouvertes d’accès de masse à la fonction publique. Déjà le MINFI se plaint des flux annuels trop importants des recrues au MINESEC (comparés à ceux du MINEDUB où ce découplage, réalisé plus tôt, a permis de contenir pour le réduire le débit des entrées) qui impacte de façon « disproportionnée » selon ce département ministériel ses allocations budgétaires. L’outil de rationnement est désormais en place et peut, à son tour, ouvrir la voie à l’autre volet de cette réforme : la libéralisation de la formation des enseignants du secondaire. Il ne faut pas s’étonner si la rentrée académique prochaine coïncide avec le lancement des ENS/ENSET privés.

Le marché, jusqu’ici, ne s’était emparé que de l’exercice du service public de l’éducation, et n’avait pu s’attaquer qu’à la formation des enseignants de base. Les conséquences, on les connait désormais : baisse de la qualité des formations, désajustement de la demande et de l’offre de postes de travail, dégradation des conditions de vie et de l’exercice du métier (un titulaire de CAPIEMP/CAPIET touche difficilement deux SMIG dans le secteur privé et à peine plus d’un SMIG comme maître de parents). Les temps vont devenir difficiles pour les futurs enseignants du secondaire d’autant que cette inflexion indique en outre une accélération de la privatisation de ce sous-secteur de l’éducation.

Roger Kaffo Fokou

Automatisation des actes de carrière: lever les blocages est possible.

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Automatisation des actes de carrière: lever les blocages est possible

Une grande partie de la dette constituée et à constituer par l’Etat auprès des enseignants provient des goulots d’étranglement qui jalonnent la procédure de traitement des avancements. Ces goulots d’étranglement ne génèrent pas seulement des retards donc de la dette, ils génèrent aussi de la corruption et subséquemment des frustrations, et celles-ci à leur tour génèrent de l’instabilité sociale. Mais que signifie « automatiser » les avancements ?

Automatiser les avancements, c’est faire au moins deux choses : automatiser la signature des actes de passage d’une situation indiciaire X à une situation indiciaire Y, d’une part, et automatiser la transformation de ce changement en argent comptant et trébuchant. Ces deux processus se passent pour l’un au MINESEC (pour le secondaire) à travers SIGIPES, et pour l’autre au MINFI à travers Antilope.

Au niveau du MINESEC, l’automatisation est dans une situation paradoxale : elle est à moitié effective depuis des années. En effet, pour les avancements d’échelons, il n’est guère plus nécessaire de déposer un dossier au MINESEC depuis pas mal de temps. Et cela concerne la masse la plus importante des avancements. Il reste tout de même les avancements de classes et de grades. Pour ces deux catégories, l’automatisation est jusqu’ici freinée – sans que cela puisse en fait se justifier – par la nécessité du visa de la primature, et donc de l’exigence de la soumission d’un dossier (deux pièces pour les changements de classes, 3 ou 4 pièces pour les changements de grades). Pour les changements de grades, la procédure est surcompliquée par l’existence d’une commission de changements de grades qui siège 4 fois par an au MINFOPRA (deux fois seulement il y a peu). De l’avis des spécialistes du personnel et des ressources humaines, tout ce tralala n’ajoute strictement rien au dossier. « Pourquoi faire des commissions pour traiter les changements de grades alors que les conditions de ceux-ci sont parfaitement connues depuis des années ? » s’interrogent-ils. Perte de temps inutile donc. De même, quelle plus-value apporte le visa du PM aux changements de classes ? Aucune. Ils contribuent surtout à allonger pour la faire durer la procédure, une procédure qui devrait être raccourcie et réduite aux vérifications internes des services du personnel pour les personnels en délicatesse avec la discipline (absentéistes, démissionnaires, avertis, blâmés…), les autres finissant toujours par avancer .

Mais une fois l’avancement (d’échelon, de classe, de grade) en main, SIGIPES doit passer la main à ANTILOPE et, première curiosité, la base de données SIGIPES n’est pas la même que celle d’ANTILOPE : pourquoi ? Mystère et boule de gomme. Ainsi, certains personnels présents dans la base SIGIPES sont absents de celle d’ANTILOPE. Certains ont déjà saturé leurs avancements dans ANTILOPE mais continuent d’avancer dans SIGIPES. Toute cette incohérence coûte du temps pour corriger. Ensuite, les dossiers traités dans SIGIPES ne passent pas automatiquement dans ANTILOPE : leur passage dépend du montant de l’allocation mensuelle autorisée par le MINFI. Plus cette autorisation est modique (cela a souvent été le cas ces dernières années), et plus grande est la proportion des actes traités qui ne sont pas pris en charge financièrement, et donc qui font de la dette, une dette qui s’accule de mois en mois, d’année en année et finit par faire des montagnes. Il y a donc deux grandes causes d’accumulation de la dette : par la procédure, et par le rationnement des allocations budgétaires. Contre ces deux procédés, l’enseignant ne peut rien, l’Etat seul peut tout. La balle est entièrement dans son camp. A lui donc de jouer.

Roger Kaffo Fokou

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