21.3 C
Yaounde
jeudi, décembre 5, 2024
Home Blog Page 25

JME 2018: DISCOURS DES SYNDICATS:Noun

0

Discours prononcé par FOKOU KODJO/SECRETAIRE DEPARTEMENTAL
DU SNAES-NOUN

Monsieur le Préfet du Département du Noun ;
Monsieur le Sous-Préfet de l’Arrondissement de Foumban ;
Monsieur le Maire de la Commune de Foumban ;
Sa Majesté le Sultan-Sénateur, Roi des Bamoun ;
Mesdames et Messieurs les Autorités Politiques, Judiciaires, Religieuses et
Traditionnelles ;
Messieurs les Délégués Départementaux chargés de l’encadrement des jeunes ;
Camarades Secrétaires Généraux des syndicats ici représentés ;
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etablissements ;
Chers enseignant(e)s ;
Camarades syndicalistes ;
Chers invités ;

Cameroun : Les multiples visages de la violation du droit à l’éducation aujourd’hui

0

Pour aborder la question du contenu et de la réalité du droit à l’éducation au Cameroun aujourd’hui, nous avons dans un premier moment questionné la notion même de droit comme faculté instituée par la loi et susceptible d’être réclamée, revendiquée en cas de trouble de jouissance, de violation. Un droit n’est constitué comme tel que lorsqu’il est opposable à un tiers, ce tiers serait-il l’Etat. Au-delà de l’embellie que l’on peut constater dans les statistiques officielles (fort taux de scolarisation au niveau du primaire, amélioration des taux de rétention, etc.), force est alors de constater que le droit à l’éducation, tel qu’il est institué au Cameroun aujourd’hui, n’est pas un droit plein. Il s’apparente plutôt à une liberté et en conséquence, de nombreuses entraves tant culturelles, économiques que politiques empêchent une frange importante de la jeunesse d’en jouir, notamment dans les zones dites d’éducation prioritaire, dans les zones de conflits, dans les banlieues urbaines frappées de pauvreté et de misère. Cette impossibilité de jouir du droit à l’éducation en raison de réticences culturelles, de la situation sociale des parents, d’une politique de l’offre d’éducation qui n’applique pas rigoureusement la gratuité sur laquelle repose l’engagement de l’Etat pour une éducation primaire universelle et même de plus en plus pour un cycle fondamental universel (Déclaration d’Inchéon) touche d’avantage certaines catégories, la petite enfance, la jeune fille, les personnes vivant avec un handicap, les ruraux et les enfants issus des classes défavorisées.
Un second type d’obstacles touche le droit à l’éducation au Cameroun : les obstacles à la qualité. Et à ce sujet, nous avons soutenu qu’il n’y a pas de véritable jouissance du droit à l’éducation tant que l’éducation reçue n’est pas de qualité. Les problèmes des contenus de manuels scolaires, de la qualité des programmes qui n’intègrent pas toujours les compétences susceptibles d’assurer l’efficacité externe du système éducatif, de la qualité des enseignants saisie sous les angles d’une part de la formation (qualité des formations initiales et continues) et des conditions de vie et de l’exercice du métier d’autre part, tout cela ayant une très forte corrélation avec la qualité des enseignements qu’ils sont susceptibles de dispenser, nous permettent de dire que, même là où le droit à l’éducation semble respecté au Cameroun aujourd’hui, il ne l’est que partiellement, superficiellement.
Le chantier du droit à l’éducation est donc largement délaissé au Cameroun aujourd’hui en dépit des efforts que les professionnels font pour l’améliorer, et le progrès dans ce domaine dépend encore très largement d’une forte volonté politique, laquelle se fait encore attendre.

Roger KAFFO FOKOU, SG/SNAES

JOURNEE MONDIALE DES ENSEIGNANT(E)S 2018

0

« Le droit à l’éducation de qualité, c’est aussi le droit à un personnel enseignant qualifié.»

Message du SNAES

En cette année 2018, la Journée Mondiale des Enseignant(e)s nous interpelle tout spécialement sur le droit à une éducation de qualité. Cette interpellation coïncide au Cameroun avec deux faits majeurs.
Dans de nombreuses régions de notre pays, il n’est guère plus possible pour des milliers d’enfants d’exercer leur simple droit à l’éducation. L’incapacité des hommes politiques à répondre par un dialogue véritable et inclusif aux crises de l’évolution de ce pays a transformé nos régions anglophones en déserts éducatifs depuis plus de deux longues années, et progressivement en un inutile et coûteux champ de guerre civile.
Sur un autre plan, nous voici face à une rentrée scolaire au cours de laquelle les contenus des manuels mis à la disposition des plus jeunes, élaborés avec une évidente légèreté qui ne peut être que blâmable, font scandale et suscitent interrogation et désarroi. Depuis des années, la question de la qualité du manuel scolaire se pose au Cameroun sur un mode de plus en plus aigu, sans susciter de réponse adéquate. Le problème de la qualité de l’éducation prend dans le contexte actuel la plénitude de son sens parce que, sans doute pour la première fois depuis longtemps, il implique celui de la qualité de la société dans laquelle nous vivons et allons vivre dans les prochaines années : une société en partie illettrée de rescapés de guerre, en partie déstructurée par toutes sortes de déviances comportementales.
Toutes ces dernières années, nous n’avons cessé de le répéter : « l’éducation, si elle n’est de qualité, peut être plus dangereuse qu’une absence d’éducation ». En ce 05 octobre 2018, nous devons ajouter à cette vérité qu’il n’y a pas d’exercice véritable du droit à l’éducation quand l’éducation n’est pas de qualité et que, lorsque pour une raison ou une autre l’éducation progressivement devient déformation, il y a proportionnellement violation du droit à l’éducation. Lorsqu’un outil incontournable comme le manuel scolaire met à la disposition de millions de jeunes des contenus inadéquats, dangereux pour la sécurité, la santé et finalement la survie morale et physique de la société, il ne peut s’agir que d’un suicide collectif programmé, consenti, mis en place activement ou passivement. Aussi disons-nous clairement que les manuels scolaires doivent être au-dessus de tout soupçon parce que de leur conception à leur consommation en passant par leur production et distribution, ils ne seront passés qu’entre des mains expertes et rigoureusement professionnelles.
Mais le droit à l’éducation de qualité, c’est aussi le droit à un personnel enseignant qualifié. En cette année électorale et alors que tous nos candidats déclinent leurs propositions, il me semble important de les interroger sur le sort que notre pays fait aux personnels de l’éducation depuis des décennies. Un tiers de ce personnel (37%), la composante dite d’appui, est traité comme des esclaves : sans statut, sans contrat, sans immatriculation à la sécurité sociale, avec une rémunération souvent inférieure au SMIG. Le reste reçoit une formation initiale d’une qualité discutable, et ne bénéficie pas d’un véritable plan de formation continue. L’enseignement est ainsi devenu au fil des ans un vaste lieu de transit vers des secteurs plus sécurisés et épanouissants, ou une zone grise dans laquelle tous les trafics sont non seulement permis mais organisés. Devons-nous continuer à jeter nos enfants dans un tel enfer ?
Vous, messieurs qui aspirez légitimement à diriger ce pays au lendemain du 7 octobre 2018, que peuvent attendre de vous la communauté éducative en général et les enseignants en particulier ? Faut-il préciser que tous les syndicats d’enseignants ont élaboré un document commun de propositions de réforme de l’éducation qui est disponible depuis février 2017 ?

Roger KAFFO FOKOU, Secrétaire Général du SNAES – Cameroun


WORLD TEACHERS’ DAY October 5, 2018
“The Right to Quality Education
is also the Right to Qualified Teaching Personnel”

This year 2018, the World Teachers’ day specially calls for our attention on the Right to Quality Education. In Cameroon, this call coincides with two major issues.
In many regions of our country, it is no more possible for thousands of children to simply enjoy the Right to education. The incapacity of politicians to respond to an evolving crisis with a truly inclusive dialogue has turned our English-Speaking Regions into education deserts for two long years, and progressively into a useless and costly civil war front.
In another frame, here we are in a school resumption in which the contents of the textbooks made available to our children seem to have been elaborated with evident loose attention that invites criticisms, causes scandals and provokes interrogations and disappointment. For years now, the issue of the quality of the school textbooks has been raised in Cameroon in a more and more acute tone, without leading to any adequate answer. The problem of the quality of education in this context takes its full meaning because, undoubtedly for the first time in a long while, it implies the quality of the society in which we are living and shall live in the coming years: a society that is partly illiterate from the war escapees, and partly destroyed by all sorts of deviant behaviors
For all these past years, we have not stopped repeating this:” Education, if not of good quality, can be more dangerous than an absence of education”. On this 05 /10/2018, we should add to this plain truth that there is no true exercise of the right to education when the education itself is not of good quality and when for one reason or the other, education progressively becomes deformation, it is proportionally a violation of the right to education. When such a tool as essential as the school textbook introduces millions of youths to inadequate content which is dangerous for the security, the health and finally the moral and physical survival of the society, it can only be construed as programmed collective suicide, actively or passively put in place. So we clearly state that school textbooks should be above all suspicion because from their design to their consumption through their production and distribution, they should only pass through expert and rigorous professional hands
Yet, the Right to Quality Education is also the Right to a Qualified Teaching Staff. In this electoral year with all our candidates presenting various proposals, it seems important to me to question them on the fate that our country has reserved to education personnel for decades. One third of these personnel (37%), the so called support staff, are treated like slaves: without status, without contracts, without social security coverage, with a salary often below the Lowest Minimum Salary bar. The remaining personnel receive initial training of a questionable quality, and do not benefit from a veritable In-service training plan. The teaching field has become through the years, a vast transit-milieu for more secured and pleasant sectors, or, a grey zone in which all kinds of traffickings are not only authorized but are also well organized. Should we keep on throwing our children into such a hell?
You, Gentlemen, who legitimately aspire to govern this country after October 07th, 2018, what can the education community in general and teachers in particular expect from you? Should we emphasize here that all teachers’ trade unions in Cameroon came together and elaborated a common vision proposing reforms in education and the document is available since February 2017?
Happy Teachers’ Day 2018!

Roger KAFFO FOKOU, Executive Secretary General of SNAES – Cameroon

Renforcement des capacités : Le leadership intermédiaire de la FESER en atelier à Yaoundé le 27 septembre 2018

0

Le 27 septembre 2018, 03 syndicats de la Fédération des Syndicats de l’Enseignement et de la Formation (FESER) ont mutualisé leurs ressources pour organiser un atelier de renforcement des capacités de leur leadership intermédiaire : le Syndicat National Autonome de l’Enseignement Secondaire (SNAES), l’Organisation Nationale des Enseignants d’Education Physique et Sportive (ONEEPS) et le Syndicat National Indépendant des Enseignants de Base (SNIEB). Parti du constat d’un réel déficit de leaders efficaces aux échelons intermédiaires où se font concrètement les activités d’implantation, d’organisation, et de mobilisation vitales pour le développement syndical et la réussite des objectifs organisationnels, la FESER à travers ses syndicats membres a décidé de s’attaquer au chantier de la formation de ses cadres en dépit de la rareté de leurs ressources. Cet atelier, qui a réuni à Yaoundé au Memorial Norbert KENNE Peace Centre une vingtaines de responsables régionaux de ces 03 organisations venus des régions de l’Adamaoua, du Centre, de l’Est, du Littoral, du Nord-ouest, de l’Ouest et du Sud a été animé par des experts triés sur le volet. Le Dr EBELE Richard de l’Université de Yaoundé II SOA a communiqué sur « Les fondements juridiques du syndicalisme dans la fonction publique ». Le Dr MFEUGUE Isabelle de la même université a quant à elle scruté pour les participants « Les atouts et les faiblesses du Code du travail camerounais de 1992 ». Quant à Roger KAFFO FOKOU, écrivain et SG du SNAES, il a remonté la longue histoire des luttes des travailleurs pour montrer les origines lointaines du syndicalisme, son évolution et ses problèmes actuels. Le camarade Michel Tamo, Secrétaire exécutif de l’ONEEPS, a animé les travaux en ateliers centrés autour de 02 problématiques clés : comment recruter et mobiliser des membres, et comment animer efficacement des structures syndicales de base.

Que transmettre aujourd’hui ?

0

Propos recueillis par Hugo Albandea et Héloïse Lhérété
Octobre 2018, Sciences Humaines.
Quels sont les grands enjeux de l’éducation d’aujourd’hui ? Nous avons posé la question à quatre penseurs.

Edgar Morin
« Enseigner la lucidité »
« Si l’on prend au sérieux la mission de toute éducation, qui est d’enseigner à vivre, il me semble qu’il existe des carences fondamentales dans les programmes scolaires. En particulier, il manque un enseignement sur ce qu’est la connaissance, ses dispositifs, ses infirmités, ses difficultés. La connaissance, ce n’est pas une photographie objective de la réalité, prête à l’emploi ; c’est un processus de traduction et de reconstruction, où l’on risque toujours de se tromper. Toute communication comporte un risque d’erreur, bien démontré par le mathématicien Claude Shannon. Or justement, l’un des besoins premiers du vivre, à tous les âges de la vie, c’est de connaître les sources possibles de ses erreurs et illusions. La lucidité est un combat pour lequel il faut armer les esprits. Ce n’est pas grave de se tromper à l’école. Mais on peut aussi se tromper, avec des conséquences plus dramatiques, sur le choix de la carrière, sur le choix de l’amitié, sur le choix amoureux, sur le choix politique. Le risque d’erreur et d’illusion est permanent pour l’humanité.

Il existe un autre thème qu’il me paraît indispensable d’introduire : celui de la compréhension d’autrui. Sa portée est planétaire. Nous sommes sans cesse en contact avec des cultures de tous les pays du monde qu’il nous faut comprendre. À l’intérieur de chaque famille, de chaque organisation, les phénomènes d’incompréhension sont multiples.
Voilà donc les deux lacunes actuelles : la connaissance et la compréhension humaine. Éviter au maximum des erreurs, qui peuvent être parfois mortelles, et comprendre autrui sans le mépriser, savoir qu’autrui est à la fois semblable et différent.»

Marcel Gauchet
« Ne pas subir un destin social »
« Sur ce qu’il faudrait transmettre, il y a consensus : tout, et à tous, des fondamentaux (lire, écrire, compter) aux notions élémentaires de la médecine, en passant par les langues, le sport et le codage informatique. C’est un très noble objectif, largement partagé en France depuis longtemps.
Les difficultés commencent lorsqu’on aborde le « comment ». Notre système scolaire sort en effet hagard d’une mutation profonde. Jusqu’à la fin des années 1960, transmission équivalait  à imposition. On se posait peu de questions : la moitié apprenait, l’autre ignorait, sans qu’on s’en émeuve particulièrement. Les années 1970-1980 ont été le théâtre d’un bouleversement considérable. Les élèves étaient incités à construire par eux-mêmes leurs propres savoirs. Ce noble idéal de la liberté personnelle n’a malheureusement pas donné les résultats escomptés. Bizarrement, les élèves qui s’accommodaient d’un système où le savoir leur était imposé sont les mêmes qui, aujourd’hui, savent construire leurs propres savoirs. Inversement, les réfractaires à l’imposition parviennent mal à échafauder leurs connaissances.

Nous sommes à présent dans un creux historique. Après l’enthousiasme utopique, puis la dépression généralisée, nous entrons dans une phase de bilan et de reconstruction. Nous découvrons que nous ne savons pas faire pour apprendre à tout le monde. Mais nous allons progresser. En ce moment même sont en train de s’inventer, avec les neurosciences, des pédagogies au plus proche des individus.

C’est un immense chantier qui s’ouvre, dont l’enjeu est l’idéal égalitaire : permettre à chacun d’accéder à un niveau de connaissance qui lui permette de bien s’orienter dans son existence, c’est-à-dire ne pas subir un destin social.»

Philippe Meirieu
« Relier les savoirs et les valeurs »

« La question de la transmission renvoie à deux problématiques différentes, celle des contenus culturels et celle des valeurs à transmettre. D’un côté, il y a ceux qui insistent sur l’importance de l’acquisition des langages, la maîtrise des connaissances et la découverte des œuvres. D’un autre côté, il y a ceux qui soulignent que l’essentiel est dans l’appropriation de valeurs et le développement de l’autonomie.Or, ces deux volets sont inséparables. En effet, toute transmission de savoirs véhicule, par les choix qu’elle effectue et par la manière de les transmettre – qui n’est jamais neutre –, des valeurs explicites ou implicites. De même, il n’existe pas de valeurs en apesanteur culturelle, transmissibles sans la médiation de connaissances et sans incarnation dans une histoire.
Ce qui devient alors essentiel en éducation, c’est le lien qui unit les connaissances et les valeurs. Promouvoir la devise de la République – liberté, égalité, fraternité – sans former l’enfant à la liberté d’expression et de pensée, sans lutter contre l’injustice et la compétition acharnée, c’est perdre tout crédit à ses yeux. Enseigner les mathématiques ou la physique, sans favoriser l’exercice de la rigueur par la pratique de la démarche expérimentale et du débat argumenté, c’est vider ces disciplines de leur substance et se résigner à voir nos enfants fascinés par les théories complotistes. Donner à voir des chefs-d’œuvre élaborés par les humains tout au long de leur histoire et pratiquer une évaluation qui se satisfait de la médiocrité dès lors qu’elle est payée d’une mauvaise note, c’est trahir ceux dont nous prétendons nous revendiquer.
Le véritable enjeu de notre éducation – pour les parents, l’école, le tissu associatif ou les médias – est bien la cohérence. Cohérence entre nos principes et nos actes. Cohérence entre les connaissances que nous transmettons et la manière de les transmettre. Cohérence entre ce que nous donnons à admirer à nos enfants et ce que nous faisons avec eux au quotidien.»

Jacques Rancière
« Transmettre ? Une fiction ! »
« Que doit-on transmettre ? Les plus modestes se satisfont de transmettre des savoirs. Les malins se targuent de faire mieux : ils apprennent à apprendre, ils transmettent l’esprit critique et les valeurs de la réflexion. Mais le modèle reste le même : il y a une chose à transmettre, un bien spirituel que l’on fait passer dans un autre cerveau comme un bien matériel passe de main en main. On voit alors volontiers le patrimoine intellectuel et moral d’une communauté transmis à une collectivité d’esprits enfantins en même temps que les règles de la conjugaison. Cette fiction est nécessaire au fonctionnement de l’institution éducative. Et elle est nécessaire au fonctionnement d’un ordre social qui identifie le pouvoir des propriétaires à celui des compétences. Reste que, à la vérité, le mot « transmission » est un leurre. Platon déjà se moquait de cet auditeur qui se collait à Socrate pour ne rien perdre de l’enseignement du maître : rien ne passe d’un cerveau dans un autre. Dans ce qu’on appelle transmission, il y a le rapport entre deux exercices ou, pour reprendre les termes de Joseph Jacotot, entre deux aventures intellectuelles. L’aventure intellectuelle de celui ou celle qui occupe la fonction de maître est de provoquer celles et ceux qui lui font face, à répondre, à engager leur propre chemin pour apprendre. Cet effet est crucial pour les individus : au hasard d’une leçon entendue, d’un exercice proposé, ils peuvent y saisir la chance de départs neufs et de trajets inédits sur le terrain du savoir. Ils peuvent y devenir des individus émancipés qui décident de mettre en œuvre cette capacité qui appartient à tous et qu’ils reconnaissent en tous. »

MANUELS SCOLAIRE : Si l’école normalise les déviations en tous genres, rien ne peut plus sauver la société.

0

Le Messager : Qu’est-ce qui aurait amené les responsables du secteur éducatif à mettre ce livre au programme de la classe de 5ème ?
Kaffo : Un fait s’impose de lui-même, il faut un manuel de SVT au programme de 5è. Et c’est la tâche du Conseil national d’agrément du manuel scolaire et du matériel didactique de s’assurer que le dit manuel couvre au moins 75 à 80% du programme officiel, qu’il est d’une indiscutable qualité scientifique et pédagogique, que sa qualité matérielle (lisibilité, attrait, manipulabilité…) lui permet de durer, que son contenu est sociologiquement et éthiquement correct… Quand un manuel inscrit au programme manque à un ou plusieurs de ces critères dont certains sont fondamentaux, le premier fautif est le Conseil d’agrément du manuel scolaire qui a bâclé son travail au moins dans le cas d’espèce ; le second, c’est l’autorité ministérielle qui a fait confiance sans vérification à ce conseil. Il faut donc revoir les procédures et les hommes… Et si ce Conseil ou les auteurs estiment, malgré les faits avérés, avoir eu raison, alors il ne reste plus qu’à s’interroger sur leurs compétences scientifique et pédagogique, et leur positionnement sociologique et éthique.
Le Messager : Quel est votre sentiment par rapport à ce livre querellé ?
Kaffo : Je ne suis pas compétent pour évaluer scientifiquement le livre même, étant enseignant de Français. Mais le module à problème porte sur une question pédagogique et non scientifique : le choix des mots et des images. Cela me rend par contre plutôt très compétent pour apprécier la pomme de discorde : les images utilisées pour passer le message sur les pratiques sexuelles déviantes. L’image est un média incontrôlable parce qu’il s’adresse à l’hémisphère cérébral droit, lequel fonctionne sur un mode analogique, intuitif, empirique, contrairement à l’hémisphère cérébral droit qui est rationnel et logique. Et nous avons affaire en 5è à des enfants très jeunes n’ayant aucune expérience pour amortir la violence de ces images chocs. L’intention pédagogique ne constitue pas ici une circonstance atténuante. Comme on le dit souvent, dessinez le diable sur le mur et il apparaît. Les enfants de la classe de 5è ne me semblent pas encore outillés d’un appareillage critique suffisant pour réceptionner sans dommage les images et les messages dont il est question, surtout lorsqu’on laisse croire que lesdites pratiques sont acceptées comme bonnes dans certaines cultures.
Le Messager : La pudeur qui marque l’univers communicationnel de l’Afrique est-elle contraire à la mondialisation de la connaissance?
Kaffo : Vous voulez sans doute opposer la pudeur, qui est l’attachement à la décence, à une certaine mondialisation permissive et outrancière. La connaissance n’est pas le contraire de la morale et, lorsque papa et maman ferment la porte de leur chambre la nuit, il ne s’agit pas de leur part d’un complot ourdi contre la connaissance. Quand la mondialisation décidera qu’il est bon d’installer les pots de WC sur la place publique pour que chacun puisse faire ses besoins au vu et au su de tous, cela n’ajoutera rien de positif à la connaissance. Au contraire, cela pourrait discréditer la connaissance et donner des arguments à tous les extrémistes qui luttent contre l’acquisition des savoirs. On retrouve sans doute là François Rabelais qui disait que la science (la connaissance, le savoir) sans la conscience (celle-ci est inséparable d’un certain degré de censure morale) n’est que ruine de l’âme.
Le Messager : Au regard des thèmes querellés (homosexualité, pédophile, zoophilie, sodomie) dans ce livre, est-il opportun de l’enlever du programme scolaire quand l’on sait qu’ils comportent des messages subliminaux qui, en filigrane, sont un hymne à la perversion sexuelle ?
Kaffo : Premièrement, il faut mieux sélectionner le niveau d’entrée de ces savoirs en fonction des compétences de réception critique des apprenants. Les programmes gagneraient donc à être plus précis et plus critiques sur ce point, et apparemment ils ne sont pas assez. Secondement, il faut s’entendre sur l’approche pédagogique la plus appropriée. Le manuel scolaire ne saurait devenir une annexe de Facebook ou d’autres plates formes similaires. Il doit discriminer ce qui est fréquentable et non normaliser la fréquentation de tout ce qu’une poubelle mondiale mal gérée déverse sur les boulevards de la communication. Il ne faut pas se leurrer ou se cacher derrière l’APC comme les auteurs du manuel SVT de 5e : on ne peut pas en situation de classe lutter contre la zoophilie, la sodomie… sans l’enseigner au préalable (dire exactement en quoi ces pratiques consistent !). Imaginez l’enseignant de 5e à l’œuvre muni de l’APC… Il me semble que le sens critique dans le cas d’espèce a fait défaut à plus d’un maillon de la chaîne et que la meilleure chose à faire consiste à extraire cet ouvrage des programmes et d’en assumer les conséquences légales et judiciaires.
Le Messager : Quel message à l’intention des hommes liges des réseaux ésotériques occidentaux tapis dans les administrations scolaires qui veulent pervertir la jeunesse par ces thèmes qui sont exécrés en Afrique ?
Kaffo : Vous savez, même en Occident, ils encore très nombreux, ceux qui se battent contre ces pratiques. Je rappelle que la loi contre l’homosexualité dont le verrou vient de sauter en Inde fut établie sous la colonisation britannique. Il y a une élite mondiale qui recrute dans tous les hémisphères pour imposer une contre-culture en rupture avec la morale dans tous les domaines : l’art, les mœurs et j’en passe. La société occidentale a résisté des siècles mais on l’a usée à bout. Si la nôtre cède, il n’y aura plus nulle part de digue sur la planète. Et l’on cède le plus souvent par conformisme, par paresse, par mimétisme, par intérêts mal compris, parce qu’on n’est plus maître de soi… Vous savez, on a beau tout avoir sur les réseaux sociaux, l’école reste le meilleur moyen de toucher 100% de chaque tranche d’âge avec une information contrôlée, normalisée, calibrée. Si l’école cède, rien ne peut plus sauver la société.
Le Messager : Quel est votre appréciation par rapport à la politique du livre unique initiée par le premier ministre et mis en application par les responsables des secteurs éducatifs ?
Kaffo : Je veux distinguer le livre unique du manuel unique. Le livre unique, c’est indiscutablement une bonne chose quand les tests de qualité sont en place et non corrompus. Il allège le cartable de l’élève et ménage le portefeuille du parent. Le manuel unique par contre, c’est une absence de stratégie de rechange, c’est un plan A sans plan B. C’est donc un déficit tactique et même stratégique. Il faut dit-on avoir au moins deux cordes à son arc. Un manuel de 5e nous trahit et tout est dépeuplé, parce qu’il n’a jamais été envisagé qu’un tel incident/accident puisse se produire. C’était bien de quitter l’extrême des 6 à 8 manuels d’hier. Mais entrer le ghetto d’un seul manuel n’est nullement la preuve d’un meilleur bon sens.

Propos recueillis par AZAP Dongo, Le Messager.

Rentrée pédagogique 2018 au MINESEC : questionner l’APC ou ne pas le faire ?

2

La rentrée pédagogique solennelle du MINESEC a réuni pendant deux jours, les 12 et 13 septembre 2018 au Palais des Congrès de Yaoundé, le gratin pédagogique du secondaire et quelques grosses pointures du supérieur : les professeurs Félix Nicodème Bikoï et Mballa Ze. Organisée sous la houlette du Pr Catherine Awoundja Nsata, Inspecteur Général des Enseignements au MINESEC, cette rencontre a été entièrement consacrée à l’appropriation de l’Approche par compétences (APC) par les différents maillons de la chaîne pédagogique du secondaire.
La première journée s’est structurée autour de 3 activités : l’exposé inaugural du Pr Nsata, une table ronde modérée par le Pr Mballa Ze et qui a permis d’en savoir plus sur l’APC, son historique, l’évaluation de ses acquis, et les astuces utiles en situation de classe ; enfin des travaux en ateliers. La deuxième journée, sur le prolongement de la première, a permis d’achever les travaux en ateliers puis d’en débattre les rapports en plénière.
Au-delà des nombreux questionnements portant sur les aspects techniques et pratiques de la mise en œuvre de l’APC que cette rencontre a permis d’aborder et pour lesquels des solutions ont pu être esquissées, ces deux jours ont soulevé nombre de préoccupations auxquelles les décideurs devront apporter des réponses pour rassurer.
Quels sont en effet les enjeux de l’APC et est-il normal qu’il n’y ait pas eu jusqu’ici de véritable débat, ni avec la communauté éducative ni même entre les spécialistes sur la pertinence stratégique du choix de la mise en œuvre de cette approche dans notre pays ? Quand on sait les connexions entre l’APC et certaines théories en vogue au début du XXe siècle dont l’exemple type est le taylorisme, théories qui s’appuient sur des aspects du behaviorisme, sur l’empirisme, le (socio)constructivisme pour essayer de mettre en place une ambition de reconstruction de l’humain dans une perspective productiviste marchande, il peut apparaître surprenant que notre société choisisse de faire l’impasse sur le débat de celles-ci tout en sachant que ce débat a eu lieu un peu partout ailleurs et qu’il n’est point achevé. En adoptant une posture de fonctionnaire loyaliste qui se borne à exécuter les choix des politiques, les pédagogues de chez nous ne sont-ils pas en train d’abdiquer leur statut d’experts et par conséquent de manquer à leur obligation d’information et d’éclairage des décideurs ?
L’autre préoccupation, intimement liée aux problématiques de la formation initiale et continue des enseignants, interroge cette curiosité qui veut que plus de quatre années après l’adoption officielle de l’APC dans le secondaire (dans le primaire, la Nouvelle Approche Pédagogique qui, en raison de ses caractéristiques, en est l’équivalent, est déjà vieille) et alors que la première cuvée du BEPC APC est sortie, les ENS continuent de sortir des enseignants inaptes à la mise en œuvre desdites méthodes. Cette déconnexion entre le supérieur et le secondaire dans le cadre de la formation initiale des enseignants du secondaire sert-elle l’éducation ?
Dans son allocution de clôture, le Pr Nalova Lyonga, Ministre des Enseignements Secondaires, a beaucoup insisté sur la nécessité pour les enseignants, où qu’ils soient, à mettre en œuvre les APC pour assurer le succès de leurs élèves, ou à quitter ce métier. Cette exhortation se heurtera certainement au haut mur des déficits en tous genres : effectifs inadéquats dans les salles de classe, non ou sous-équipement des campus scolaires, absence de véritable mise en place des savoir-faire chez les enseignants (ne pas confondre inaptitude et mauvaise volonté), auxquels viendront s’ajouter d’autres formes de démotivation liés au brouillage des horizons de carrière des uns et des autres. De nombreux candidats continuent de frapper à la porte de l’enseignement il est vrai, mais parmi eux, combien de chasseurs de matricules qui seront six mois plus tard partis voir ailleurs ? Combien de véritables enseignants ? L’éducation est devenue depuis belle lurette un vaste terrain de transit pour d’autres secteurs plus attrayants. Cette situation peut perdurer et pourrir, ou changer. Ce ne sont pas les mots, mais les actes qui le détermineront.

Roger Kaffo

CAMPAGNE EN FAVEUR DES PERSONNELS D’APPOINTS : accueil prudent par le DDES Menoua à Dschang

0

C’est ce qui est ressorti des échanges entre Le DDES Menoua et le Secrétaire Départementale du SNAES pour la Menoua venu lui présenter les enjeux de cette campagne. Bien qu’ayant reconnu que cette catégorie de personnel travaille dans des conditions de précarité extrême et après avoir indiqués les efforts qu’il consent à son niveau, le Délégué a dit ne pas pouvoir soutenir cette campagne car selon lui, elle semble dirigée contre les chefs d’établissement et pourrait inciter ces personnels à entrer en grève. Il a néanmoins précisé qu’il reste ouvert et est prêt à collaborer si la hiérarchie régionale ou nationale de l’éducation lui donne le quitus. Signalons que la campagne se poursuit tout de même au niveau des établissements secondaires publics de la ville de Dschang. Nous y reviendrons.

Digitalisation des paiements au MINESEC : voici pourquoi mettre les frais financiers à la charge des élèves et parents est un vice rédhibitoire.

0

La décision de Madame Nalova Lyonga, Ministre des Enseignements Secondaires, rendue publique par communiqué de presse n° 71/18/MINEDUC/Cabinet du 28 août 2018, de digitaliser les paiements des frais exigibles et contributions aux examens officiels via des plateformes gérées par Campost, Express Union, MTN et Orange Cameroun a été accueillie diversement dès son annonce. Les syndicats, n’ayant point été associés à la réflexion autour de cette importante mesure ni même consultés au moment de la prendre ont tout de même opté de n’en voir que les bons côtés, et ont prudemment plaidé pour la modernité de celle-ci (Il ne faut jamais parier contre le progrès, soutiennent-ils. Sur la question, lire l’article « Enseignements Secondaires : du cash au digital », www.snaes.org, 2 juin 2018.), mettant l’accent sur son potentiel de facilitation des paiements dus. Ce n’était qu’une vue globale. Mais, comme l’on dit souvent, le diable se cache dans les détails.
En effet, s’étaient interrogés les syndicats, qui va payer le prix des services ainsi concédés à ces opérateurs du paiement mobile ? En scrutant les rubriques de gestion des frais exigibles, frais déjà plutôt maigres au regard de la pléthore des problèmes qu’ils servent à résoudre dans des établissements scolaires privés depuis belle lurette d’un budget digne de ce nom, on en était à se demander laquelle allait être sacrifiée. Il faut signaler au public non averti que « 200 FCFA », montant plancher des frais financiers fixés par les opérateurs de Mobile, correspondent à la totalité du prélèvement pour certaines rubriques. Finalement, le MINESEC a trouvé la parade simple : sanctuariser les rubriques (Ouf ! et tant mieux), mais pour faire payer les mêmes : les parents et leurs enfants. Sauf que là, il y a un problème de taille, et la modicité du prélèvement au budget de ces derniers n’y change rien.
Il faut en effet se poser la question simple et de bon sens : qui est effectivement demandeur du service que représente la digitalisation des paiements des frais concernés par cette opération ? Si ce sont les élèves et leurs parents, il est donc normal que les frais financiers de l’opération soient à leur charge. Mais nous savons que ce ne sont pas eux, parce que, pas plus que les syndicats, ces derniers n’ont été consultés. Et nous savons qui c’est à coup sûr, par contre. Il suffit d’entrer dans l’exposé des motifs ayant accompagné le lancement de l’opération (1er juin au Hilton de Yaoundé) et la publication de cette décision. Le MINESEC veut traquer les proviseurs véreux (dixit un responsable des services centraux du MINESEC), améliorer la transparence de la gestion des effectifs des élèves et des ressources générées autour desdits effectifs. C’est donc le MINESEC qui est demandeur du service. Du coup, il ne s’agit plus, comme annoncé, de la digitalisation des paiements, mais plus exactement de la digitalisation des recouvrements. Les économes et intendants commis à cette charge par le décret 2001/041 (article 39) vont pour le coup se tourner les pouces.
Par quel tour de passe-passe le MINESEC a-t-il dès lors pu justifier à ses propres yeux le transfert de ces frais financiers à la charge de ceux qui ne demandaient pas le service ? Il existait pourtant une possibilité acceptable dans cette opération : au lieu d’imposer ce service, le proposer aux parents et aux élèves. Ainsi, celui qui aurait choisi de s’en servir, en vue de faciliter ainsi ses transactions avec l’établissement scolaire fréquenté, n’aurait naturellement vu aucun inconvénient à en payer le prix. En la rendant obligatoire, le MINESEC fait des frais financiers générés et mis unilatéralement à la charge des élèves et parents une augmentation des frais exigibles de ces derniers, et entache d’office la procédure d’un vice, un vice indiscutablement rédhibitoire dans n’importe quel Etat de droit.

Roger Kaffo Fokou

Nous suivre

671FansLike
0FollowersFollow
0SubscribersSubscribe